Agrippa : de son nom complet Marcus Vipsanius Agrippa.
Ce fut avec Mécène le meilleur ami d’Octave-Auguste. Ils avaient le même âge. Ce fut un homme qui a eu un rôle majeur à la fin du I ème siècle avant J.C. Il est parmi d’autres celui qui a fait l’empire. Il a été considéré comme l’inverse de Mécène, il a été l’homme du peuple, aimé de la plèbe et méprisé par l’aristocratie.
On dit qu’il vint au monde en présentant en premier les pieds au lieu de la tête, ceux qui naissaient ainsi étaient surnommés Agrippa d’après Pline l’Ancien, (H. N. VII, 6).
Sa famille (gens) est inconnue, peut-être est-il issu de l’Italie et non de Rome, peut-être naquit-il au sein de la classe équestre chez des Marses qui reçurent la citoyenneté romaine à la fin des guerres sociales. Dans une monographie de 1984 qui lui est consacrée, J. M. Roddaz écrivit qu’il « faut renoncer à être trop précis sur l’origine sociale, l’identité des parents, la date et le lieu de naissance ». On pense qu’il avait une sœur et un frère. Ce dernier était dans le parti adverse de celui de César ce qui va le faire combattre aux cotés de Caton, il va être fait prisonnier et ne devra son pardon qu’à l’intercession de Marcus qui va implorer pour lui la pitié d’Octave.
A la mort de J. César, il va conseiller à son ami de s’emparer de Rome, aidé par les légions de Macédoine. Pourquoi ces troupes en particulier ? Parce que le père d’Octave était gouverneur de cette province « Il obtint, après sa préture, la province de Macédoine. En s'y rendant, il remplit la mission extraordinaire dont le sénat l'avait chargé: il anéantit les restes fugitifs des troupes de Spartacus et de Catilina qui infestaient le territoire de Thurium. » Suétone, Auguste, 3.
Puis, il va pousser Octave à accepter le testament de César malgré l’avis opposé de la famille du futur princeps. Bien vite, il va se heurter à Marc-Antoine qui représente la République romaine. Comprenant que le pouvoir futur de son ami repose sur l’attitude des vétérans des légions de César, il va les gagner à la cause d’Octave et une guerre civile va éclater entre eux (guerre de Pérouse). Il a été chargé par Octave de gouverner Rome et l’Italie, il va reprendre quelques villes qui se sont déclarées pour Marc-Antoine, c’est ainsi qu’il s’empare de Sutrium (ville au nord de Rome) grâce aux légions d’Etrurie, cette ville va marquer sa première victoire militaire. Il va repousser Sextus Pompée qui mène des expéditions, depuis la Sicile, contre les rivages italiens. Avec Salvidemus qui, à cette époque, était le général en chef des forces d’Octave ; il va contraindre le frère de Marc Antoine, Lucius Antonius, à se réfugier dans Pérouse (Ombrie) dont il va s’emparer (d’où le nom de « guerre de Pérouse » donné par les historiens). Mais, on pense qu’il fit partie des gens qui sont intervenue pour conclure une paix entre les deux antagonistes.
Les Italiens, fatigués des incursions nombreuses sur leurs cotes de Sextus Pompée lui confie leur défense, il est alors préteur urbain et les yeux et la voix d’Octave dans Rome et l’Italie.
En 39 avant J.C., il se voit investi du gouvernement de la Gaule en remplacement de Salvidienus Rufus qui avait été condamné à mort par le Sénat suivant ainsi les désirs du futur empereur pour être passé du coté de Marc Antoine. Il devint alors le général en chef d’Octave. Ce dernier va se reposer sur lui pour lutter contre Sextus Pompée. C’est ainsi qu’il va construire un port pour entrainer ses troupes car la lutte va se dérouler principalement sur mer. Ce fut « Portus Julius », situé entre Pouzzoles et Baïes, il va pallier le manque de havre vers la Sicile. Il va s’emparer des iles Lipari qui vont lui servir de tremplin vers cette grande ile. Il le vainquit définitivement à la bataille de Nauloques. Ce dernier put s’échapper avec 17 navires. Il en fut récompensé par une couronne navale en or qu’il pouvait porter dans toutes les cérémonies militaires et il fut identifier comme le nouveau Neptune. Il va améliorer la marine, notamment par l’invention du harpax.
Par deux fois, il va refuser le triomphe que lui décernait le Sénat, pourtant sur demande d’Octave. Ne voulait-il pas marquer ainsi que seul un membre de la famille qui allait devenir impériale, pouvait en bénéficier ? Les autres devant se contenter de recevoir les ornements de cette cérémonie.
En 33 avant J.C., il se fait élire édile. C’est ainsi qu’on peut dire que sa carrière politique fut atypique puisqu’il exerça cette magistrature, à la demande d’Octave, après avoir été consul en 37 avant J.C., ce qui est l’inverse des fonctions du « cursus honorum ». En tant qu’édile, il se chargea de l’apport de l’eau pour les Romains, il fit vérifier tous les aqueducs et en fit construire un nouveau : « l’aqua Julia ». Il assura le curetage des égouts de la Ville. Il constitua une équipe de 200 esclaves chargée de la vérification et de l’entretien des aqueducs déjà cités, des réservoirs et des fontaines, ce qui devait devenir plus tard la curatelle des eaux. Il fit expulser hors de Rome les astrologues et les magiciens. Il fit interdire les cultes égyptiens. Son action édilitaire portera surtout sur le Champ de Mars. Elle a été largement commentée par Dion Cassius bien que le texte ait été écrit trois siècles plus tard.
Va éclater la guerre contre l’Egypte et sa reine Cléopâtre dont l’amant est Marc Antoine. Puisqu’il a vaincu Sextus Pompée sur mer, Agrippa, fort de son expérience, va se retrouver à la tête des forces navales d’Octave. C’est ainsi qu’il va commander à Actium pour la dernière bataille de la guerre civile qui oppose Octave à Marc Antoine sous l’alibi d’une guerre contre l’Egypte. Et, c’est la victoire totale. Après ce combat, Octave va lui octroyé une couronne navale en or et la maison du vaincu sur le Palatin qu’il partagera avec un autre ami d’Octave, Valerius Messalla.
Après Actium, il fut envoyé en Italie pour gérer les suites d’un coup d’Etat tenté par Lépide, le fils de l’ancien triumvir et pour mater une mutinerie qui se préparait chez les vétérans des légions. Quelques temps après, Octave qui entre temps est devenu Auguste, part pour l’Espagne (Hispanie) laissant Rome entre les mains d’Agrippa et de Mécène. Marcus va alors poursuivre l’œuvre de construction qu’il avait entamée durant son édilité. Il va entre autres créer au total 170 établissements de bain dont les fameux Thermes d’Agrippa (qui seront du domaine privé, ils ne seront publique qu’à sa mort, il en fit don au peuple dans son testament), il va faire édifier le Panthéon qui sera reconstruit par l’empereur Hadrien (c’est celui que l’on voit aujourd’hui), Ce temple aurait été élevé, au Champ de Mars, à l’endroit où Romulus aurait rejoint les cieux. Il va faire construire un autre aqueduc pour alimenter le Champ de Mars, l’Aqua Virgo.
En 21 avant J.C., Auguste qui rentre d’Espagne tombe gravement malade, il craint pour ses jours. Il remet son anneau, signe de son pouvoir à Agrippa montrant ainsi qu’il le désigne pour suivre sa politique : Auguste, consul, pour la onzième fois, avec Calpurnius Pison, tomba malade de nouveau, au point de n'avoir aucun espoir de salut…il ne désigna personne pour successeur…et passa son anneau au doigt d'Agrippa. Dion Cassius, LIII, 30.
S’étant rétabli, Auguste va l’envoyer commander dans les provinces extérieures, à cette occasion, il va être à l’origine des pourparlers avec les Parthes pour récupérer les enseignes perdues de Crassus. C’est suite à cet éloignement que les historiens anciens vont faire état d’un refroidissement de leurs relations du à l’intérêt du princeps pour Marcellus : Auguste donc, revenu à la santé et instruit que Marcellus, par suite de ce choix, voyait Agrippa d'un mauvais oeil, envoya aussitôt Agrippa en Syrie, de peur qu'il ne survînt entre eux quelque querelle ou quelque dispute.
Dion Cassius, LIII, 32.
Auguste sait parfaitement se servir de sa fille unique, Julie, pour atteindre ses buts politiques, elle épousa Marcellus qui mourut trop tôt, il la remaria à Agrippa, on dit même que Mécène l’aurait conseillé à l’empereur car ce dernier aurait rendu Agrippa si puissant qu’il fallait en faire son gendre ou le tuer. Il faut rappeler que lui a le même âge que celui du père de sa nouvelle femme, qu’il souffre de rhumatismes et de violents accès de goutte. Pour que ce mariage puisse se faire, il fallait que Marcus divorce de son épouse actuelle, Marcella, fille d’Octavie, la sœur d’Auguste. Auparavant, il avait été marié, très jeune, à la fille à la fille d’Atticus, l’ami de Cicéron. De Julie, il eut deux filles, une fut la première épouse de Tibère et deux fils, Caius et Lucius qui furent adoptés par le princeps qui voulait, absolument, avoir une descendance, plus un autre qui naquit après le décès de son père : Agrippa Postumus. Cette union marque le fait qu’Auguste se rapproche de plus en plus de lui. Il lui fait donner la puissance tribunicienne pour cinq ans et l’investit d’un imperium proconsulaire plus important que la normale.
Après avoir mis fin en Espagne aux guerres cantabres, il va être envoyé en Gaules, il sera gouverneur de ces régions à deux reprises. Et c’est en 27 avant J.C. qu’il fit un voyage avec Auguste en Gaule Narbonnaise, il se vit confier des travaux d’édilité, en particulier la construction de grands axes routiers partant des Lugdunum (Lyon) dont il fit la capitale des trois Gaules. Agrippa l'a choisie pour en faire le point de départ des grands chemins de la Gaule, lesquels sont au nombre de quatre et aboutissent, le premier, chez les Santons et en Aquitaine, le second au Rhin, le troisième à l'Océan et le quatrième dans la Narbonnaise et à la côte massaliotique. Strabon, Géographie, IV, 6, 11.
Auguste, pour bien montre qu’il était le second personnage de l’Etat, son collègue, va présider avec lui les Jeux Séculaires de 17 avant J.C.
C’était la cérémonie religieuse majeure du principat où ils étaient tous deux en tant que membre supérieur du collège chargé des choses sacrées.
Puis, il va aller en Orient (14 avant J.C.) où il vainquit un personnage qui se disait être un descendant de Mithridate VI, celui qui avait fait tant de mal à Rome. Par sa présence militaire grâce aux troupes qu’il laissa, il protégea la route du blé, celle du Bosphore, indispensable à la Grèce. En 13 avant J.C., il va aller en Pannonie où il va remporter d’important succès militaires mais son état de santé va aller en s’aggravant, peut être du au climat rigoureux du pays : Sur ces entrefaites, Agrippa, qui était revenu de Syrie, fut décoré de la puissance tribunitienne pour cinq nouvelles années et envoyé dans la Pannonie, où la guerre menaçait, avec une autorité supérieure à celle de tout général commandant n'importe en quel lieu hors de l'Italie. L'expédition, malgré l'approche de l'hiver, hiver pendant lequel furent consuls M. Valérius et P. Sulpicius, n'en fut pas moins accomplie; mais les Pannoniens, frappés de terreur à son approche, ayant renoncé à la révolte, il revint sur ses pas, et, arrivé en Campanie, il tomba malade. Dion Cassius, LIV, 28.
Donc, en quittant ce pays, il va s’arréter en Campanie où il mourut. Auguste qui était parti de Rome pour le rejoindre arriva trop tard, il ne trouva qu’un corps sans vie. Il lui organisa des funérailles nationales, sa dépouille fut exposée sur le Forum pour être incinérée au Champ de Mars : il prononça son oraison funèbre, un voile interposé entre lui et le cadavre. J'ignore pourquoi il fit cela : quelques-uns, cependant, ont dit que c'était parce qu'il était grand pontife… Dion Cassius, LIV, 28.
Ses cendres furent déposées dans le mausolée d’Auguste pour montre ainsi qu’il faisait partie de la famille impériale. A cette occasion, il fit don de 400 sesterces à chaque membre de la plèbe.
Son nom est attaché à deux réalisations, la première est un portique qui fut achevé après sa mort par sa sœur Vipsania Polla. La deuxième est une carte qui serait une représentation de l’empire romain, elle est citée par Strabon et, selon de nombreux historiens, elle serait à l’origine de la conception de la table de Peutinger. Ce document est, aujourd’hui, perdu. Certains historiens doutent même de son existence. On dit que cette carte fut exposée par Auguste sur un des murs du portique de son ami.
Sa descendance fait de lui : le beau-père de Tibère, le grand-père de Caligula et l’arrière grand-père de Néron.
Une préoccupation, pourtant, apparaît en permanence dans son action; diffuser à travers l'Empire l'image du Prince et de la dynastie. Par le biais de certains schémas en matière d'urbanisme, par ses initiatives dans le domaine monétaire, il contribue à répandre dans les provinces, une idéologie qu'il a lui-même exaltée dans ses constructions au Champ de Mars, car, au delà des réalisations somptueuses que rappellent les Anciens, ce sont les idées qu'elles expriment, les réflexions qu'elles suggèrent et les concepts qu'elles traduisent qui marquent les contemporains et sur lesquels il convient de s'arrêter. L'exaltation de la figure de l’imperator associée,à Rome, à la commémoration des divinités protectrices de sa gens ouvre la voie à l'idée dynastique qu'Auguste lui-même hésite à promouvoir ouvertement. En Orient comme en Occident, c'est non seulement l'image du Prince et de sa gloire qu'Agrippa met en exergue, approfondissant par là même la voie du culte de l'Empereur, mais c'est aussi l'avènement de la dynastie que sa présence et ses initiatives veulent annoncer aux hommes et aux cités de l'Empire. Roddaz.
Malgré tous les honneurs dont il avait été comblé, il continuera de mener une vie d’une grande simplicité, ce qui lui attira les foudres de l’aristocratie qui boudèrent même ses funérailles et qui le considérera toujours comme un « homme nouveau » (homo novus), par contre, il fut admiré et aimé de la plèbe.
Bibliographie : « Agrippa » de J.M. Roddaz, Rome, 1984.