Romulus : Romulus est un nom qui signifie, tout bonnement, « Romain » ainsi que l'a écrit Dominique Briquel (archéologue, spécialiste de l'étruscologie et des périodes pré-romaine) : " le nom de Romulus est tiré de Rome", ce qui laisse à penser que ce personnage est bien une pure invention de la légende.
Rien ne fait plus référence à un conte que la fondation de Rome par les jumeaux Romulus et Rémus (Théodore Mommsen voyait dans cette gémilité le symbole du double consulat romain tandis que l'historien italien Ettore Pais y voyait l'opposition plèbe-patriciat). Nous connaissons bien cette légende par les écrits des anciens Romains, notamment Cicéron, Denys d'Halicarnasse, Tite Live et Plutarque, n'oublions pas pour une lecture purement imaginaire Virgile. En fait, les seules traces qui restent de cette période sont des travaux d'archéologie qui confirment qu'une ville fut construite sur le Palatin au VIII° s. avant J.C.
Le mythe nous dit que sa mère se nommait Rhéa Silvia et son père aurait été le dieu Mars qui serait venu sur terre attiré par sa beauté et l'aurait violée dans un bois. (Dans le monde méditerranéen, la naissance ou la conception au fond d'un bois a une signification de passage d'un état primitif à un état civilisé). Elle était la fille du roi d'Albe, Numitor, qui avait été évincé du trône par son frère Amulius. Elle portait aussi le nom d'Ilia, elle fut obligée par son oncle de devenir une Vestale, vouée à la chasteté, et, ce qui était le plus important aux yeux de cet oncle, de rester sans enfant. Mais le dieu Mars arriva, la viola, elle mit au monde des jumeaux. Romulus serait né en seconde position et ainsi aurait eu comme surnom : « ALTELLUS » = le petit autre, opinion défendue par Festus ; aux yeux de la légende, le fait qu'il passa une enfance abandonnée est le signe qu'il appartient au domaine de l'héroïsme. Et la légende, toujours elle, voulut qu'ils fussent sauvés de la mort qu'Amelius leur réservait par ceux qui étaient chargés de les exécuter, ceux ci furent émus par leur âge tendre, ils les déposèrent dans un panier en osier au bord du Tibre. Ce panier s'échoua au pied de la colline du Palatin, du nom d'une déesse locale (PALATUA). Une louve les trouva et les allaita. Suivant un autre mythe, ils furent nourris et par elle et par un pivert.
Mais en latin, louve = LUPA qui est le même mot qui désigne aussi une prostituée. On peut penser, alors, que la femme qui les éleva par la suite, Acca Laurencia, épouse du berger Faustulus, leur père adoptif, exerçait ce métier. Tite Live et Plutarque sont des partisans de cette thèse ; Romulus et Rémus auraient été découvert par le couple au pied d'un figuier (le ficus ruminalis-Au pied du mont Palatin ) et leur prime enfance se serait déroulée dans une cabane que les Romains avaient pieusement conservée. Leur jeunesse se déroula suivant Tite Live ou Plutarque entre le pastoralisme et le brigandage :
« Ils l'accusent surtout de faire, avec son frère, des incursions sur les terres de Numitor, et d'y conduire au pillage, comme en pays ennemi, une troupe armée de jeunes vagabonds. » I, 5, 4.
D'autres disent que Romulus er Rémus furent élevés clandestinement par des prêtres de Gabies (ville du Latium, à 20 Kms de Rome). Arrivés à l'âge adulte, ils vont rétablir Numitor, leur grand père, sur le trône de la ville d'Albe. Puis ils partirent fondre une nouvelle ville :
« Numitor ainsi replacé sur le trône d'Albe, Romulus et Rémus conçurent l'idée de fonder une ville aux lieux témoins de leurs premiers périls et des soins donnés à leur enfance…. À ces projets d'établissement vient se mêler la soif du pouvoir, mal héréditaire chez eux… » Tite Live, I, 6, 4.
Ils créèrent Rome le 21 Avril 753 avant J.C., date fixée arbitrairement à la fin de la République par l'écrivain-géographe VARON. Malgré la légende disant que Romulus fit surgir de rien une nouvelle ville, il apparaît que le site du Palatin était déjà peuplé. Les archéologues y ont trouvé des urnes funéraires rondes qui anticipent la forme du temple de Vesta. Ils ont démontré qu'il existait une présence humaine sur les bords du Tibre antérieurement à l'existence de Rome. On peut ainsi penser que Romulus n'est pas un personnage purement mythique mais un concentré de plusieurs petits chefs de tribus ou de clans. Comme le dit Thierry Camous dans son livre « Romulus, le rêve de Rome » : « Nous pensons qu il y a de l'histoire fossilisée dans le mythe, que ce mythe n'est pas seulement un discours idéologique ou religieux, qu'il est légende, mise en forme d'une histoire constituée avant tout de souvenirs épars. » Mais revenons à la légende, seul un des deux jumeaux pouvait être à l'origine de la fondation d'une ville. Ils décidèrent donc que les dieux allaient le désigner, le vol des oiseaux allait l'indiquer. Pour cela, chacun alla se poster sur une colline, Romulus choisit le Palatin tandis que Rémus prit l'Aventin. Ce fut Romulus que le sort désigna : il vit 12 vautours alors que son frère n'en vit que 6.
« Le premier augure fut, dit-on, pour Rémus : c'étaient six vautours; il venait de l'annoncer, lorsque Romulus en vit le double, et chacun fut salué roi par les siens; les uns tiraient leur droit de la priorité, les autres du nombre des oiseaux… » Tite Live, I, 7.
Puis Romulus aurait jeté une lance vers le Palatin ( rite fétial ).
A cette époque, le rituel de la fondation d'une ville voulait que l'on trace un sillon en son pourtour (il semblerait que ce rituel soit d'origine étrusque) pour en délimiter le périmètre, ainsi fit Romulus. Les anciens précisent même qu'il souleva trois fois la charrue pour désigner l'emplacement des portes :
1) Aux abords du Lupercal (grotte mythique qui aurait été retrouvée en novembre 2007, elle aurait été le lieu où s'échoua le panier d'osier contenant les deux bébés jumeaux) qui menait au sommet du Palatin, vers la maison de Faustulus et d'Acca Larentia.
2) Pour marquer la porta Mugonia .
3) Puis il revint vers le début du sillon et définit l'emplacement de la porta Romanula . Le vulgaire appelle porte Romaine l'endroit où l'eau coule de l'épistyle. Les anciens nommaient d'ordinaire ce lieu les Statues Cinciennes, parce que l'on y voyait le tombeau de la famille Cincia. Mais la porte Romaine fut construite par Romulus au bas de la descente de la Victoire; cet endroit est disposé en carré et garni de degrés. Elle était appelée Romaine surtout par les Sabins, parce qu'elle était pour eux l'entrée de Rome la plus voisine. Festus.
Une fois le cadre sacré ( pomeorium ) crée par le sillon du au soc de la charrue (attelée à un taureau et à une génisse) survint la mort de Rémus. Pour l'expliquer, les historiens anciens ne sont pas d'accord entre eux, il y a donc deux versions :
1- Pour se moquer de son frère, il aurait sauté par-dessus le sillon sacré, Romulus l'aurait, alors, transpercé de son épée sous le coup de la colère.
2- Il aurait été frappé d'un coup de pelle par le centurion Celer pendant la bagarre qui aurait suivi l'interprétation du vol des vautours.
Il existe même une troisième version, celle d'Ovide, qui nous dit que le centurion Celer aurait tué Rémus en respectant les ordres de Romulus qui lui enjoignait de frapper quiconque aurait franchi le sillon :
« Céler presse les travaux, appelé à cet emploi par Romulus lui-même: "Veille ici, lui avait-il dit, veille à ce que personne ne franchisse les murs et le sillon tracé par la charrue. Punis de mort celui qui l'oserait." Rémus, ignorant cette défense, se met à rire de la faiblesse des remparts: "Vous croyez que le peuple sera bien en sûreté derrière ces murailles?" dit-il, et en même temps il saute par-dessus. Céler paie sa bravade d'un coup de hoyau, et Rémus tombe à terre, baigné dans son sang. » Fastes, IV, 839-844.
En souvenir de cette mort et pour soulager son chagrin, il institua la fête des Lémuria :
« Quand Romulus eut renfermé dans le tombeau les mânes de son frère, et rendu les derniers devoirs à Rémus, qui avait été trop agile pour son malheur, Faustulus, plongé dans l'affliction, et Acca, les cheveux épars, arrosaient de pleurs ses os consumés par la flamme. Ils regagnent ensuite tristement leur demeure, aux premières ombres du crépuscule, et s'étendent sur leur couche dure et grossière. L'ombre ensanglantée de Rémus leur apparaît, se dresse au pied du lit… » Ovide, fastes, V, 419 et suivants.
Thierry Camous, dans son livre cité plus haut et dans le mini chapitre « bibliographie » a plusieurs explications du meurtre de Rémus, une est psychanalytique : « Le sur moi de l'un et de l'autre cède définitivement devant la pulsion du ça… La réalisation de Rome…pouvait elle échapper aux règles commandant la réalisation de l'individu. » Certains ont écrits que Faustulus périt au cours de la bagarre qui opposa les partisans des deux frères : « Au cours de cette bataille, comme le racontent certains, Faustulus, qui avait élevé les jeunes gens, souhaitant mettre un terme aux différends entre les frères et ne pouvant y arriver, se jeta sans armes au milieu des combattants, cherchant la mort la plus prompte, ce qui lui arriva. Certains disent également que le lion de pierre qui se trouvait dans la partie principale du forum près des rostres fut érigé au-dessus du corps de Faustulus, qui fut enterré par ceux qui le trouvèrent dans l'endroit où il était tombé. » Denys d'Halicarnasse, Antiquités romaines, I, 87.
Ayant construit sa cité qui servit de refuge aux « sans abris » et autres vagabonds, il se retrouva bien vite en face d'une horrible réalité : ses hommes ne pouvaient faire souche faute de compagnes. C'est maintenant, tout logiquement, que va se passer l'épisode de l'enlèvement des Sabines, selon Tite Live, il se déroula lors de jeux dédiés à Neptune Equestre et selon Plutarque lors de jeux consacrés à Consus, en tout état de cause, l'événement survint lors de cérémonies religieuses, matérialisées par des jeux à l'emplacement qui sera plus tard le « Circus Maximus ». La sociologie a tenté d'expliquer cet enlèvement par le fait de les considérer comme des biens précieux qui doivent être échangés. De là à penser que cette science a inventé le machisme ! à moins que ce ne soit les anciens Romains ? Les Sabins entrèrent en guerre pour récupérer leurs filles et laver leur honneur. Rome fut assiégé, c'est à ce moment que se déroula l'épisode de Tarpéia , fille de celui qui commandait les forces romaines réfugiées au Capitole. Elle trahit les siens et périt dans un lieu qui deviendra la Roche Tarpéienne. Les Sabins, sur intervention des femmes enlevées, finirent par s'allier avec les Romains. D'ailleurs la femme du premier roi de Rome aurait été une Sabine : Hersilie. Leur roi, Titius Tatius, régna conjointement avec Romulus, très peu de temps puisqu'il fut très rapidement assassiné (par des Lavinates) : « Romulus ne montra pas, dit-on, dans cette circonstance, toute la douleur convenable, soit qu'il n'eût partagé le trône qu'avec regret, soit que le meurtre de Tatius lui parût juste. » Tite Live, I, 14.
Régnant seul, il fut à l'origine de nombreuses réalisations qui avaient pour but d'accroître la population romaine ainsi que de l'organiser. Entre autres, il va créer un sénat de cent membres. Il sera le premier à emprunter à l'Etrurie voisine un décorum qui va le faire roi et non plus chef de bande, il va utiliser la chaise curule, la toge prétexte, les licteurs etc. Il va être à l'origine des trois premières tribus romaines : les Ramnenses, les Titiens et les Luceres (nom qui viendrait de l'Etrusque, selon Varron), elles-mêmes subdivisées en trente curies, chaque tribu va fournir trois centuries de chevaliers ; il va aussi concevoir un calendrier de 10 mois.
Il sera autant un roi guerrier qu'un roi religieux. En matière religieuse, il va fonder la confrérie des Frères Arvales : sa mère adoptive, Acca Larentia, avait eu 12 enfants, le dernier mourut, il aurait pris sa place et ainsi, en souvenir, naquit cette sodalité de douze membres, ce serait l'organisme religieux le plus ancien de Rome. En rôle de guerrier, il eut à lutter contre, outre les Sabins, tous ses voisins, en particulier la guerre fut intense contre les villes de Fidène et de Véiès.
Selon certains historiens antiques ( il est intéressant de constater que tous ceux qui ont parlé de lui se sont inspirer des écrits de Fabius Pictor qui les rédigea loin des événements, en 210 avant J.C.) , il va devenir tyrannique en vieillissant.
Puis vint le moment de sa mort dont il y a plusieurs versions. On raconte qu'il succomba un jour de violent orage en passant en revue son armée sur le Champ de Mars. Il s'éleva au ciel et deviendra un dieu sous le nom de Quirinus (celui qui règne sur les Quirites, nom des Romains car ils sont membres des curies, ce mot viendrait de l'indo-européen).
«… on a supputé les éclipses antérieures, jusqu'à celle qui était arrivée aux nones de juillet, sous le règne de Romulus, éclipse dont la soudaine obscurité fit croire que Romulus, en dépit de cette périssable nature qui le précipita vers une fin tout humaine, avait été, pour sa vertu, enlevé dans les cieux. » Cicéron, De la République, I, 16.
Une autre version veut qu'il ait été assassiné par ceux qu'il avait nommé sénateurs.
Il ne fonda pas une dynastie puisque son successeur fut élu après un moment sans souverain ( interregnum ). Et l'histoire de Rome sera bouclée lorsque le dernier empereur romain (d'occident) sera nommé ROMULUS Augustulus et abdiquera en faveur d'un barbare en 476 après J.C.
bibliographie : Thierry Camous : "Romulus, le rêve de Rome"