Vestales

Vestales :

C'est un collège de prétresses qui fut fondé, suivant la légende par le deuxième roi de Rome, Numa Pompilius mais on peut penser qu’elles existaient avant puisque la mère de Romulus et Rémus en fut une. En fait, la légende dit que c’est Enée qui aurait introduit le culte de Vesta (Hestia chez les Grecs), Numa n’aurait que construit le temple rond de la déesse donc amené cette religion dans Rome.

" C'est à Numa qu'on rapporte leur institution, ainsi que la consécration du feu sacré qu'elles entretiennent, l'établissement du culte et de toutes les cérémonies qu'elles observent. Ce prince confia ces fonctions aux vestales, soit qu'il crût que la substance pure et incorruptible du feu ne devait etre confiée qu'à des vierges chastes, exemptes de toutes souillures ; soit qu'il vît dans le feu, qui est infécond de sa nature, un rapport sensible avec la virginité. En effet, dans les divers lieux de la Grèce où l'on entretient ce feu perpétuel, la garde en est donnée non à des vierges, mais à des veuves qui ne sont plus en âge de se remarier. Ce feu vient-il à s'éteindre par quelque accident, comme la lampe sacrée s'éteignit à Athènes, sous la tyrannie d'Aristion ; à Delphes, lorsque le temple fut brûlé par les Mèdes ; à Rome, pendant la guerre de Mithridate, et dans la guerre civile, où le temple fut consumé avec l'autel ; alors il n'est pas permis de le rallumer avec un feu ordinaire. On s'en procure un tout nouveau, en tirant du soleil une flamme pure et sans aucun mélange. On emploie, à cet effet, des vases d'airain concaves, taillés en triangles rectangles, dont toutes les lignes, tirées de la circonférence, aboutissent à un meme centre. Ces vases sont exposés au soleil, dont les rayons, réfléchis de tous les points vers ce centre commun, subtilisent l'air et le divisent : ils acquièrent par la réflexion la nature et l'activité du feu, et embrasent promptement les matières sèches et légères qu'on leur présente. Selon certains auteurs, l'emploi de ces vierges sacrées se borne à la garde du feu perpétuel ; mais quelques-uns assurent que d'autres objets saints, connus d'elles seules, sont encore confiés à leurs soins."Plutarque, vie de Numa, IX et X.

Elles furent d'abord quatre puis six.

" Numa, dit-on, ne consacra d'abord que les deux vestales Gégania et Vérania ; et ensuite deux autres, Canuléia et Tarpéia. Servius en ajouta encore deux, et elles sont fixées à ce nombre de six. " Plutarque, vie de Numa, X.

A l'époque républicaine, l'élue était tirée au sort par le Pontifex Maximus (chef des prêtres) parmi une vingtaine de postulantes, elles avaient entre 6 et 10 ans. Elle ne devait présenter aucuns défauts physiques, être issue d'une famille libre qui n'avait jamais connu l'esclavage et n'avait jamais exercé de profession déshonorante. Ses parents devaient être encore vivants. Sous l'empire, on pouvait faire acte de candidature.

La tradition veut que la mère de Romulus et Rémus fut elle-même une vestale qui trahit son voeu de chasteté et se retrouva enceinte des oeuvres de Mars. " Voilà pourquoi ils furent abandonnés et allaités par une louve. Amulius (roi de Albe, ville qui fut l'ancêtre de Rome) chasse son frère, et monte sur son trône : et, soutenant un crime par un nouveau crime, il fait périr tous les enfants mâles de ce frère : sous prétexte d'honorer Rhéa Silvia, fille d'Amulius, il en fait une vestale; lui ôte, en la condamnant à une éternelle virginité, l'espoir de devenir mère. " Tite Live I, 3.

" Devenue par la violence mère de deux enfants, soit conviction, soit dessein d'ennoblir sa faute par la complicité d'un dieu, la Vestale attribue à Mars cette douteuse paternité. Mais ni les dieux ni les hommes ne peuvent soustraire la mère et les enfants à la cruauté du roi : la pretresse, chargée de fers, est jetée en prison, et l'ordre est donné de précipiter les enfants dans le fleuve. " Tite Live, I, 4.

Sa prêtrise allait durer trente ans, après elle pouvait rejoindre la vie civile et se marier si tel était son désir. Mais c'était très rare, elle préférait rester dans la Maison des Vestales (Atrium Vestae), située sur le Forum près du temple de Vesta.

" Tibère proposa ensuite d'élire une Vestale pour remplacer Occia, qui, pendant cinquante sept ans avait présidé au culte de Vesta avec une pureté de moeurs irréprochable. " Tacite, Annales, II, 86.

---- > Monnaie représentant le temple de Vesta

Pendant dix ans elle allait être formée aux tâches qu'elle devrait accomplir, pendant les dix années suivantes, elle va les exercer puis pendant encore dix ans, elle va former d'autres vierges.

La principale caractéristique d'une Vestale était qu'elle devait rester vierge durant tout le temps de son sacerdoce sous peine d'une sanction mortelle : l'ensevelissement vivant. Quant à son amant, il était fouetté à mort, la tête passée dans une fourche, comme un esclave.  

« Une vestale qui a violé son voeu de virginité est enterrée vivante près de la porte Colline. Il y a dans cet endroit, en dedans de la ville, un tertre d'une assez longue étendue, que les Latins appellent en leur langue une levée. On y prépare un petit caveau dans lequel on descend par une ouverture pratiquée à la surface du terrain, et où l'on dresse un lit ; on y met une lampe allumée, et une petite provision des choses les plus nécessaires à la vie ; du pain, de l'eau, un pot de lait et un peu d'huile ; car ils croiraient offenser la religion, que de forcer à mourir de faim une personne qu'ils ont consacrée par les cérémonies les plus augustes. Celle qui a été condamnée à ce supplice est mise dans une litière qu'on ferme exactement, et qu'on serre avec des courroies de manière qu'on ne puisse pas meme entendre sa voix, et on la porte ainsi à travers la place publique. À l'approche de la litière, tout le monde se range, et la suit d'un air morne et dans un profond silence. Il n'est point de spectacle plus effrayant, ni de jour plus lugubre pour Rome. Lorsque la litière est arrivée au lieu du supplice, les licteurs délient les courroies. Avant de terminer cette fatale exécution, le grand pontife fait des prières secrètes, et lève les mains au ciel. Il tire ensuite de la litière la coupable, qui est couverte d'un voile, la met sur l'échelle par où l'on descend dans le caveau, et s'en retourne aussitôt avec les autres pretres. Dès qu'elle est descendue, on retire l'échelle, et l'on referme l'ouverture en y jetant de la terre jusqu'à ce que le terrain soit parfaitement uni. C'est ainsi qu'on punit les vestales qui ont violé le voeu sacré de leur virginité. » Plutarque, Numa, X, 8.

" Domitien grondait et bouillonnait de rage, perdu au milieu de la réprobation générale. En qualité de Grand Pontife ou plutôt comme un despote cruel et un maître tout puissant, il voulait faire un exemple en enterrant vivante la Grande Vestale Cornelia, et croyait rendre son règne illustre par ce moyen ; il convoqua les pontifes non à la Régia mais dans sa maison d'Albe. Par un crime plus grave que celui qu'il prétendait punir, il condamna la Vestale sans l'avoir fait venir et sans l'avoir entendu...Les pontifes partirent aussitôt pour l'emmener sous terre et la laisser mourir. Elle ne cessait de crier, implorant tantôt Vesta tantôt les autres dieux...Elle descendait dans le cachot quand sa robe s'accrocha à une marche : elle se retourna, releva le bas de sa robe : comme le bourreau voulait lui prendre la main, elle s'écarta et fit un bond en arrière, refusant par un dernier scrupule, un contact qui lui faisait horreur, comme pour préserver totalement la pureté et la virginité de sa personne...Le chevalier romain, complice présumé de Cornelia, fut frappé de verges au comitium. " Pline le Jeune, VI, 11.

(Catilina fut accusé d’avoir séduit l’une d’entre elle, mais fut déclaré innocent). La virginité pouvait représenter, du moins selon certains auteurs, la tranquillité de Rome ; la rupture du voeu de chasteté signifiait une possibilité de crise :

« Ce qui effraya encore, outre de si grands désastres, ce fut, entre autres prodiges, que, cette année-là, deux Vestales, Opimia et Floronia, avaient été convaincues d'inceste : l'une fut, selon la coutume, enterrée vivante à la porte Colline, l'autre s'était donnée elle-meme la mort ; Lucius Cantilius, scribe pontifical, de ceux qu'on appelle aujourd'hui "petits pontifes", complice de Floronia, fut, sur le comitium, battu de verges par le grand pontife jusqu'à ce qu'il expirât sous les coups. Ce sacrilège ayant été, comme c'est fréquent au milieu de tant de désastres, tourné en prodige, on invita les décemvirs à aller consulter les Livres, et l'on envoya à Delphes Quintus Fabius Pictor demander à l'oracle par quelles prières, quelles supplications, les Romains pouvaient apaiser les dieux, et quelle serait la fin de si grands désastres. » Tite Live, XXII, 57.

" Vous demandez pourquoi la déesse veut des vierges pour ministres de ses autels? Ici encore je vous ferai connaître la vérité. On dit que Saturne rendit d'abord Ops mère de Junon et de Cérès; Vesta naquit la troisième; les deux premières devinrent épouses, et enfantèrent à leur tour; une des trois refusa seule de se livrer aux embrassements d'un époux. Faut-il s'étonner si, vierge elle-meme, elle veut des vierges pour pretresses, ne confiant qu'à de chastes mains le soin de son sanctuaire? Qu'est-ce en outre que Vesta, sinon la flamme ardente? Or, la flamme n'a jamais rien engendré; c'est donc à bon droit qu'elle est vierge, et qu'elle s'entoure de compagnes vierges aussi, celle qui ne donne et ne reçoit aucun germe de vie. " Ovide, Fastes, chant VI, 283-294.

Elles portaient sur les cheveux, partagés en six tresses et ramenés sur la tête, un voile orange foncé. Ce voile était blanc (suffibulum) pendant les cérémonies auxquels elles participaient. Sa tête était entièrement rasé lorsqu’elle prononcait ses voeux et quand ils repoussaient, ils étaient melés à des faux de façon à pouvoir être peignés en nattes. 

" La même année, Postumia, vierge Vestale, accusée d'avoir violé son voeu, eut à se justifier de ce crime dont elle était innocente. Ce qui l'avait fait soupçonner, c'était une certaine recherche dans sa parure, et un esprit plus libre qu'il n'est bienséant à une vierge, et qui aimait assez l'éclat. Après deux informations on finit par l'absoudre; et, de l'avis du collège, le pontife supreme lui ordonna de s'interdire à l'avenir tous jeux d'esprit, et d'avoir une mise où l'on vît plus de réserve que de recherche. " Tite Live, IV, 44.

On peut en déduire que leurs vétements étaient loin d'être une parure. Elle portait une stola recouverte d’une veste en lin qui tombait jusqu’aux genoux (carbasus).

Leur supérieure s'appelait la Vestalis Maxima ou la Virgo Maxima.

Leur entrée en religion ressemblait fort à un mariage (captio), il était célébré par le Grand Pontife.

---> 1862 - Solomon

Leurs tâches étaient très simples, elles devaient veiller et entretenir le feu sacré dans le temple de Vesta qui était le garant de l'éternité de l'Etat Romain. Si par malheur, celui-ci venait à s'éteindre, le Grand Pontife qui était leur chef suprême,  devait  flageller la coupable. Chaque jour, l’une d’entre elles allait, hors les murs (en passant par la porte capène), chercher de l’eau pour la journée, elles ne pouvaient s’approvisionner qu’à une fontaine sacrée dédiée à des divinités aquatiques. Il leur fallait aussi moudre des grains d'amidonnier qui donnait, traités ainsi, une farine destinée à saupoudrer les bêtes promises au sacrifice pendant les cérémonies religieuses, cette préparation se faisait lors de la fête des lupercalia. Une fois par an, elles devaient nettoyer le temple de Vesta, le feu était alors éteint mais comme il fallait qu'il soit perpétuel, elles en conservaient quelques braises qui le faisaient repartir. Elles devaient asperger d'eau tous les matins le sanctuaire.

Mais elles avaient de nombreuses contreparties à leurs devoirs. En plus d'avoir droit à des licteurs, que ceux des autres magistrats devaient saluer en abaissant leurs fasce (elles avaient le pas sur les consuls) elles avaient une très grande influence en politique, leurs places étaient réservées aux spectacles, on déposait entre leurs mains son testament (ce que fit Auguste), c'était ainsi un gage d'exécution parfait ; à leur mort, elles pouvaient être enterrées à l'intérieur du Pomerium (sacrilège pour tout autre), leur corps n’était pas considéré comme une immondice mais comme une relique religieuse, si elles rencontraient un condamné à mort mené à son supplice, elles lui sauvaient la vie :

« et si elles rencontrent dans les rues un criminel qu'on mène au supplice, il est mis en liberté ; mais il faut que la vestale jure que cette rencontre est fortuite, et n'a pas été ménagée à dessein. » Plutarque, Numa, X, 6.

 Leur émancipation était automatique, elles pouvaient tester comme elles le voulaient, elles échappaient à la puissance (potestas) paternelle (pater familias) contrairement aux autres femmes qui, malgré leur mariage, restaient soumises à leur père et restait éternellement mineure.

Elles furent supprimées en 389 après J.C. par l’empereur Théodose.

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