Sentences de Publius Syrus

traduction nouvelle par M. Jules Chenu

C. L. F. PANCKOUCKE

1835

 

 

AVERTISSEMENT.


En donnant cette traduction des Sentences de Publius Syrus, nous croyons devoir exposer au lecteur ce que nous avons fait pour la rendre digne de figurer dans cette Collection. Nous ne nous sommes pas bornés à faire un choix dans les fragmens du poète, nous donnons un nombre de sentences presque double de celui qu'offrent les traductions publiées jusqu'à ce jour, et, par conséquent, plus de cinq cents vers traduits pour la première fois. Les éditions justement estimées de Gruter, Bentley, Orell, Bothe, Zell, et autres, nous ont servi à collâtionner notre texte et à le rendre aussi complet que possible.
Nous avons ajouté, de plus, trente-deux sentences publiées en I83I par Jos. Gasp. Orell, d'après un manuscrit de Zurich. Nous espérons que notre texte sera apprécié des amateurs des bonnes éditions : du moins, rien n'a été négligé pour arriver à ce but.
Toute variante n'a été admise qu'après un mûr examen, et en mettant de côté toute espèce d'affection pour l'éditeur qui nous l'a fournie. La mesure du vers a souvent demandé quelques légères transpositions dans les mots : elles ont été faites mais, hors ce genre de correction, nous avons pensé qu'il valait mieux laisser figurer un vers boiteux, et quelque altéré qu'il soit, que de lui ôter la
physionomie sous laquelle on est habitué à le trouver. Nous ne discuterons pas ici sur l'authenticité des Sentences qu'on attribue à notre auteur; nous dirons seulement que nous pensons, comme les plus savans philologues, que plusieurs appartiennent à Sénèque, Laberius, Camerarius, et autres. Malgré cette opinion, nous n'avons fait de suppressions qu'autant il nous a paru évident que telle sentence
c'était qu'une variante de telle autre car, en cherchant à ne donner exactement que ce qui est de Publius Syrus, nous n'avons pas voulu courir le risque de retrancher ce qui lui appartient.
Jusqu'ici les éditions qui ont adopté l'ordre alphabétique ne l'ont observé qu'imparfaitement : nous avons veillé à ce que cet ordre, qui s'il n'est pas le plus naturel, est du moins le plus généralement suivi, fût toujours régulier.
Pour ce qui lient à la traduction, nous devons avouer que M. Francis Levasseur, qui a publié la seule qui soit vraiment digne de fixer l'attention des lecteurs, nous a paru un rival bien dangereux : nous avons cependant fait tous nos efforts pour que la lutte ne paraisse pas disproportionnée. Le seul reproche qu'on, pourrait faire à notre savant devancier, c'est d'avoir omis un grand nombre des fragmens de l'auteur dont il s'est montré le digne interprète. Les personnes curieuses de connaître ses raisons, pourront consulter la page xviij de la préface de l'édition in-32 publiée en i825 par l'honorable et savant éditeur de la Bibliothèque Latine-Française. Pour nous, qui nous sommes tracé un plan tout à fait opposé, nous avons pensé que donner un travail complet, c'était entrer dans les vues de la plupart des lecteurs. D'ailleurs, morceler les écrits d'un auteur, n'est-ce pas un moyen d'arriver à la perte de la plus grande partie de ses ouvrages ?
J. CHENU

 

NOTICE SUR PUBLIUS SYRUS.

Les Romains, avant Auguste, eussent cru déroger en se livrant à la littérature artistique : ils laissaient ces soins vulgaires aux vaincus, aux alliés, aux tributaires, aux captifs: Virgile, Catulle étaient Gaulois, Plaute, Horace ne furent citoyens romains que bien longtemps après avoir modulé leurs premiers vers. Le poète dont nous reproduisonsici les fragmens ne fait point exception à la règle. Ainsi que Térence, qui, comme lui, tint.le sceptre d'un genre dramatique; ainsi que Phèdre, dont nous sommes habitués à voir les fables précéder le recueil de ses Sentences, il fut au moins quelque temps esclave. C'est ce que prouverait, à défaut d'autre renseignement, le nom de Syrus, les anciens étant dans l'usage de ne donner souvent aux esclaves d'autre nom que celui de la pairie à laquelle le droit de la guerre les avait ravis: témoin ces fréquentes, appellations de Phryx, Car, Lydus, etc., que nous présente le théâtre des Grecs et des,Romains.
Quoiqu'esclave, rien ne prouve que notre auteur, comme l'ont supposé quelques biographes,, soit né au sein de l'esclavage. Il est présumable, au contraire, que né libre et de père libre, il fut réduit en captivité dans un des sanglans épisodes qui signalent tout drame militaire; car, dans l'hypothèse contraire, c'est son père, qu'on eût désigné familièrement par le nom de Syrus, et l'on eût cherché un autre nom pour le fils.
Comme c'est en 64 avant J.-C que Rome réduisit la Syrie en province, et qu'à cette époque il y avait longtemps que ses armées n'avaient dirigé d'expédition sur ce dernier lambeau du royaume des Séleucides, on peut soupçonner sans invraisemblance que c'est en cette année que notre auteur devint esclave. Placer cet événement plus tôt, ce serait remonter bien haut et faire Publius bien vieux, relativement à ce qui va suivre ; le placer plus bas, serait à peu près impossible.
Il était encore enfant quand on le conduisit à Rome. D'après le sens que les Romains attachaient au mot enfant, il ne pouvait avoir moins de neuf ans ni plus de dix-sept. En prenant le milieu, nous devons nous rapprocher autant que possible de l'âge de Publius. Quelque temps, sans doute, s'écoula de la catastrophe qui le priva de sa liberté, à l'époque de son débarquement en Italie. Si cet intervalle fut de deux ou de trois années, son âge lors de son changement de fortune dut être ou onze ou dix ans.
Giraldus, nous ne savons sur quelles preuves, et le Dictionnaire historique d'après Giraldus, disent que son maître se nommait Domitius. Ce qui semble se rapprocher davantage de la vérité, c'est que ce maître était ou quelque bas-officier, ou quelque employé de peu d'importance. Il mena son nouvel esclave chez son patron, non pour le lui présenter, mais parce que toujours les Romains, patriciens ou autres, aimèrent à marcher suivis d'un cortège. Le patron remarqua soit la gentillesse, soit l'esprit du jeune Syrien, et lui fit donner une éducation brillante. Cela suppose que Publius aurait dès lors changé de maître. Ce que l'esclavage avait de bon, c'est que dans la triste égalité sous le niveau de laquelle il courbait le cou de tous, les supériorités réelles avaient, indépendamment de la naissance,
des chances de bonheur. Chez des maîtres étrangers à toute culture intellectuelle, un porte-faix robuste l'eût emporté sur un noble sans muscles et sans énergie ; aux yeux des Romains civilisés, un génie de la lie du peuple l'emportait sur un Cécropide, nil nisi Cecropides. Plus d'un Syrien de haute naissance alla sans doute tourner la meule ou balayer les xystes du maître, tandis que leur spirituel et plébéien compatriote n'avait à subir que la grammaire et la rhétorique, la poésie et les sciences, qui pour une tête comme la sienne étaient des passe-temps et des jouissançes. Il n'est pas sûr que pour lui l'esclavage ait été un malheur. Cet esclavage même ne dura que peu : au bienfait de l'éducation, son maître joignit celui de la liberté; et ce fut alors que l'ex-esclave reçut1 le nom de Publius, qui, probablement, était le surnom de celui qui l'affranchit.
Ce ne fut pas, comme on le voyait fréquemment, un affranchissement à demi : les chaînes du poète ne furent pas qu'à demi brisées; il ne dut pas habiter sous le toit de son ancien maître, lui faire cortège, venir l'amuser au dessert. Il le quitta, il parcourut l'Italie, il fit entendre tantôt dans une ville, tantôt dans une autre, les accens de sa muse nomade ; aussi le vit-on toujours, au sein de cette douce liberté, se rappeler sans amertume sa condition première, rendre implicitement un pur hommage à son maître, s'écrier : « Un honnête affranchi, est un fils sans la coopération de la nature. » La réputation de Publius, au milieu du tumulle des armes et des mille éventualités de la guerre civile, ne devait qu'à grand'peine faire écho dans la péninsule italique, dans Rome qu'absorbaient de si graves intérêts, quand l'homme dont l'oeil d'aigle embrassait et les Gaules et l'empire des Parthes, César, devina le grand poête dans le mimographe, et voulut que de ses théâtres de province il vînt porter à la capitale du monde romain le tribut de ses talens. Là il ne tarda point à surpasser ses rivaux, et Laberius lui-même fut obligé de céder la palme à son nouveau concurrent.
Publius Syrus vécut jusque sous les premières années du règne d'Auguste, c'est-à-dire jusqu'après l'an 29 avant J.-C. ; et son nom nous est venu escorté des éloges de la postérité. Sénèque loue ses Sentences avec enthousiasme; Macrobe, Aulu-Gelle les citent à chaque instant; saint Jérôme nous assure qu'on les lisait dans les écoles; Scaliger, Érasme affirment que peu de lectures conviennent mieux à la jeunesse que l'on veut initier aux beautés de la langue latine. Il est vrai que l'instituteurde Néron, en admirant notre auteur comme poète gnomïque, trouve ses comédies triviales ; mais, que l'on ne s'y trompe pas, la tragédie, et, jusqu'à un certain point, la comédie de Plaute lui-même, est un fruit tant bien que mal acclimaté dans la terre de l'Italie. Nous ne doutons donc pas que, malgré ce jugement de Sénèque, la postérité ne regrette plus d'une fois la perte de ces ouvrages.
J. CHENU.

 

INDICATION SUCCINCTE (CHRONIQUE ET MÉTHODIQUE) DE TOUTES LES ÉDITIONS DE PUBLIUS SYRUS QUI NOUS SONT CONNUES JUSQU'A CE JOUR : TANT D'APRÈS LES BIBLIOGRAPIIES, QUE POUR LES AVOIR VUES NOUS- MEMES.

Nota, Les éditions douteuses sont accompagnées du signe d'usage (?).

Les sentences (ou mimes) de Publius S., parmi lesquelles il s'en trouve assurément plusieurs d'autres auteurs, ont été publiées
en grande partie d'après des manuscrits particuliers, où elles étaient communément attribuées à Sénèque. Le reste a été
extrait d'A. Gelle, de Macrobe, etc.
Elles ont été souvent imprimées depuis le 16e siècle, où elles parurent pour la première fois. Rangées presque toujours par ordre alphabétique, mais assez peu régulier : ordre suivi par les msts. Quelquefois cependant groupées méthodiquement. Rarement seule ; ordinairementb à la suite des distiques moraux de D. Caton, ou dans des recueils de sentences; et aussi parmi les oeuvres de M. A. Muret, enfin depuis le milieu environ du 17e siècle, à la suite de Phèdre. Et fréquemment destinées à l'usage des écoles.
On peut diviser les éditions de Publius S. en différentes époques, d'après ses principaux éditeurs; savoir :
I. en 15o2. D. ÉRASME (qui a publié les sentences alphabétiquement). 155o. G. Fabricius (même ordre). 1563. H. Estienne (qui les a groupées suivant l'analogie des matières).
II. vers 1602. M. Welserus.
en 1604. J. GRUTERUS. (ordre alphab.)
1608? Ad. Sartorius. (de même.)
III. 1726. R. BENTLEY. (de même.)
IV. 1822. J. Conr. Orellius.(de même.) 1824. F. H. Bothe. (de même.). 1832. J. Casp. Orellius. (de même. )

Faibles humains, nous sommes toujours également distans de la mort.
Attendez des autres ce que vous aurez fait à autrui.
Que vos larmes apaisent la colère de ceux qui vous aiment.
Qui dispute avec un homme ivre, s'attaque à un absent.
Il vaut mieux recevoir une injure que de la faire.
Le moindre bruit suffit pour causer un désastre.
Qui prétend faire deux choses à la fois, ne fait bien ni l'une ni l'autre.
Qui juge à la hâte, court au repentir.
On est prompt à soupçonner le mal.
C'est être adultère, que d'être amant trop passionné de sa femme.

On corrige difficilement les défauts qu'on laisse passer en habitude.
Une petite somme prêtée fait un obligé, une forte fait, un ennemi.
L'âge cache l'impudique, l'âge le découvre.
Une dette est pour l'homme libre une servitude cruelle.
Rien de ce que nous obtenons par nos souhaits ne nous appartient en propre.
Le bien d'autrui nous plaît, et les autres préfèrent le nôtre.
Chaque homme a son talent spécial.
Le malheur d'autrui ne doit point faire votre joie.
Un amant irrité se ment beaucoup à lui-même.
Un amant, comme un flambeau, brûle davantage quand on l'agite.
Un amant sait ce qu'il désire, et ne voit pas ce qui est sage.
Les soupçons d'un amant sont les songes d'un homme éveillé.
Il n'y a point de châtiment pour les sermens d'amour.
Un dépit entre amans resserre les liens de l'amour.
Aimer et être sage, un dieu en serait à peine capable.
Aimer n'est qu'un plaisir pour le jeune homme; c'est une honte pour le vieillard.

Aimez votre père s'il est juste; s'il ne l'est pas, supportez-le.
Si vous ne savez supporter les défauts de votre ami, vous en faites les vôtres.
Connaissez les défauts de votre ami, mais ne les haïssez pas.
En supportant les défauts de votre ami, vous en faites les vôtres.
Plus les moyens vous manquent, plus vous manquez à vos amis.
L'amitié nous trouve ou nous rend égaux.
L'amitié est toujours utile, l'amour est quelquefois nuisible.
La confiance est le seul lien de l'amitié.
Le malheur nous fait connaître si nous avons un ami, ou si nous n'en possédons que le nom.
Il n'est pas permis de blesser un ami, même en riant.
Perdre un ami est la plus grande des pertes.
La perte qu'on ignore n'est pas une perte.
L'amour ne peut être étouffé tout d'un coup, mais il peut lentement s'éteindre.
L'amour ne peut s'allier à la crainte.
L'amour est un sujet d'inquiétude oisive.
L'amour, comme une larme, part des yeux et tombe dans le sein.

Le temps, et non la volonté, met fin à l'amour.
En amour, qui fait la blessure la guérit.
On demande toujours : Est-il riche? jamais : Est-il vertueux ?
Sur une petite table les mets sont moins à craindre.
On commence à aimer étant maître de soi, mais on ne cesse pas de même.
Il ne faut rien croire d'un esprit égaré par la douleur.
Le sage sera maître de ses passions, lé fou en sera l'esclave.
Quand la raison commande, l'argent est vraiment un bien.
Dans le choix d'un mari, une femme chaste consulte la raison plutôt que les yeux.
Un esprit malade se donne en spectacle à la multitude.
L'âme qui sait se commander obtient tout d'ellemême.
L'esprit qui sait craindre, sait aussi prendre les voies les plus sûres.
Un homme chargé d'années a existé long-temps, mais il n'a pas long-temps vécu.
Une vieille femme, quand elle joue, fait sourire la mort.
Une femme est honne du moment où elle est franchement méchante.
Une fois l'arbre abattu, tout le monde peut ramasser du bois.

L'arc perd de son ressort par la tension, l'esprit par le relâchement.
Il n'y a point d'art quand le résultat obtenu est un effet du hasard.
Il faut avoir les yeux sur ce qu'on ne veut pas perdre.
Une sévérité continuelle ne produit plus d'effet.
Le courage s'accroît par l'audace, la crainte par l'hésitation.
Ce qui a pu être donné peut aussi être enlevé.
Vous ne pouvez bien jouer de la lyre, prenez la flûte.
Où l'or persuade, l'éloquence ne peut rien.
La femme aime ou hait : il n'y a pas de milieu.
L'accord rend les faibles secours puissans.
Quel mal souhaiter à l'avare, si ce n'est une longue vie?
Vous prendrez facilement l'avare, si vous ne l'êtes pas vous-même.
L'argent ne rassasie pas les désirs de l'avare, mais les irrite.
Nul gain ne satisfait un coeur avare.
L'avare s'afflige d'une perte plutôt que le sage.
L'avare est lui-même la cause de sa misère.

L'avare ne fait rien de bien que quand il meurt.
Personne ne doit être avide, bien moins encore un vieillard.
Un plan bien conçu a souvent mal réussi.
Les bonnes pensées, pour être oubliées, ne sont pas perdues.
Il dort bien, celui qui ne sent pas combien il dort mal.
On est heureux de perdre un plaisir, lorsqu'en même temps disparaît une douleur.
C'est de l'argent perdu à propos, celui que le coupable donne à son juge.
Un homme heureux est celui qui a pu mourir quand il l'a voulu.
Une bonne réputation est un second patrimoine.
C'est par la bienfaisance que nous approchons le plus des dieux.
Pour croire qu'un bienfait se donne, il faut être sot ou méchant.
Qui sait rendre les bienfaits, en reçoit davantage.
N'oubliez jamais un bienfait reçu, mais oubliez aussitôt un bienfait accordé.
La reconnaissance est un encouragement pour le bienfaiteur.
Accepter un bienfait, c'est vendre sa liberté.
Rendre un service à qui le mérite, c'est recevoir le bienfait en l'accordant.

Qui ne sait rendre un service, n'a pas le droit d'en demander aux autres.
Accorder un bienfait à ceux qui en sont dignes, c'est obliger tout le monde.
Secourir promptement le malheureux, c'est le secourir deux fois.
Qui se vante d'avoir obligé, demande qu'on l'oblige.
Multiplier les bienfaits, c'est enseigner à les rendre.
Un coeur bienveillant est la plus proche parenté.
L'homme bienfaisant cherche même des motifs de faire du bien.
C'est mourir deux fois, que de mourir par le caprice d'un autre.
C'est rendre un double service, que de prévenir un besoin.
Le malheur est double, quand il succède au bonheur.
C'est périr deux fois, que de mourir par ses propres armes.
Qui aide un coupable, se rend doublement coupable.
Celui-là est doublement vainqueur, qui sait se vaincre dans la victoire.
Le plaisir devient doux par les caresses, et non par l'autorité.
La pitié se prépare à elle-même de grands secours.
La navigation est heureuse dans la compagnie des gens de bien.

Une bonne renommée conserve son propre éclat, même dans les ténèbres.
La mort est un bien pour l'homme qu'elle délivre des maux de la vie.
L'argent devient utile, quand c'est la raison qui commande.
Point de moment heureux pour l'un, qui ne soit fatal pour l'autre.
L'estime publique est un trésor plus sûr que l'argent.
Les biens, lorsqu'ils arrivent, écrasent celui qui ne sait pas les soutenir.
La honte est utile, quand elle nous fait éviter le danger.
C'est un grand mal, que de s'habituer aux bonnes choses.
Un homme de bien ne doit tromper personne, même en mourant.
C'est nuire aux bons, que d'épargner les médians.
C'est être doublement pervers, que d'imiter le langage de la bonté.
Chez l'homme de bien, la sévérité est tout près de la justice.
L'homme obligeant réduit à la misère est la honte des gens de bien.
A la table des gens de bien s'asseyent volontiers des gens qui leur ressemblent.
La colère expire promptemént dans le coeur de l'homme de bien.
Il est bon d'avoir deux ancres pour maintenir son vaisseau.

Il est convenable d'adresser de bonnes paroles, même à ses ennemis.
Il est bon de considérer dans le malheur des autres ce qui est à fuir.
On peut empêcher le bien de paraître, mais on ne peut l'anéantir.
Un bon coeur blessé se livre bien plus vivement à la colère.
L'homme vraiment bon .n'est jamais complaisant pour l'erreur.
La vie, par elle-même, est courte, mais les malheurs la rendent bien longue.
Le souvenir même de la colère est un léger mouvement de colère.
Les yeux sont aveugles, quand l'esprit est distrait.
Le chameau, en voulant avoir des cornes, a perdu ses oreilles.
Il n'y a point de danger pour celui qui se tient sur ses gardes, même quand il n'a rien à craindre.
Une femme chaste commande à son mari en lui obéissant.
Le malheur, qui souvent.a passé devant vous, peut enfin vous frapper.
Gardez-vous de croire votre ami un homme que vous n'auriez pas éprouvé.
Méfiez-vous toujours de celui qui vous a trompé une fois.
On ne doit, dans aucune occasion, cesser de se tenir sur ses gardes.
Les blessures de la conscience ne se ferment jamais.

Le danger arrive plus vite quand on le méprise.
Le faux reprend bientôt son caractère propre.
On évite promptement une faute, si déjà l'on s'est repenti de l'avoir faite.
La gloire du superbe n'est bientôt plus qu'ignominie.
La joie des méchans tourne vite à leur perte.
L'oubli est une garantie contre la guerre civile.
Forcez votre maîtresse au dépit, si vous voulez qu'elle vous aime.
Les prières sont des ordres, quand c'est le plus puissant qui prie.
Pour abréger la route, un compagnon aimable vaut une voiture.
Les passagers se consolent, quand le naufrage est commun à tous.
La sympathie dans les caractères est la plus proche parenté.
Faites attention à ce que vous devez dire, plutôt qu'à ce que vous pensez.
Il vaut mieux triompher par la raison que par l'emportement.
Bien des gens trouvent un conseil, mais les sages le mettent à profit.
Nous supportons les défauts auxquels nous sommes accoutumés, sans chercher à les corriger.
Le temps est pour l'homme le plus utile des conseillers.

Le mépris est plus pénible pour le sage que les mauvais traitemens.
Le mépris est moins pénible pour le fou que les mauvais traitemens.
Il est désagréable de toucher un endroit sensible.

Contre un homme heureux, Dieu n'a pas trop de sa puissance.
Contre un ennemi, il faut ou du courage ou de la simplicité.
Contre l'impudence, la candeur est une sottise.
Le trait souvent lancé n'atteint pas toujours le même but.
Désirer la mort, c'est faire accuser sa vie.
Le malade intempérant rend son médecin impitoyable.
Les reproches sont cruels dans le malheur.
Il y a de la cruauté, et non du courage, à tuer un enfant.
L'homme cruel n'est pas fléchi par les larmes, il s'en repaît.
Si vous ne voulez pas vous fâcher souvent contre quelqu'un, fâchez-vous une fois pour toutes.
L'homme qui n'a d'asile nulle part, est un mort sans tombeau.
Celui qui est chéri de tous, possède les biens de tous.
Celui à qui l'on permet plus qu'il ne convient, veut plus qu'il ne lui est permis.

Refuser à qui l'on a toujours donné, c'est lui commander de prendre lui-même.
En fait d'art, on doit s'en rapporter à l'artiste.
La patience est un remède à toutes les douleurs.
Ce qui peut arriver à quelqu'un, peut arriver à chacun.
Le peuple déteste la vie de celui dont il souhaite la mort.
L'innocence est la meilleure des consolations.
La réconciliation avec un ennemi n'est jamais sûre.
Le désir et la colère sont les pires de tous les conseillers.
Faire des reproches quand il faudrait du secours, c'est enlever tout espoir.
La langue d'un condamné peut trouver des paroles, mais ces paroles sont impuissantes.
Le gain fait aux dépens de la réputation doit s'appeler perte.
La perte ne provient presque jamais que de l'abondance.
Le bien qui a pu être donné, peut être repris.
Il ne faut point mal parler, mais penser mal d'un ennemi.
On trouve plus d'amis à la dixième heure qu'à la première.
Une femme laide est la plus belle des guenons.

C'est en délibérant que s'acquiert la sagesse.
Souvent l'occasion fuit pendant qu'on délibère.
Il faut délibérer long-temps, quand la décision doit être définitive.
Une sage lenteur convient, quand on délibère de choses utiles.
Bien fou est celui qui se confie à l'erreur.
Avec l'aide de Dieu, on naviguerait même sur une branche d'osier.
Je crois que les dieux rient, quand l'homme heureux les invoque.
Il faut mépriser tout ce que l'on peut perdre.
Les femmes ont appris à mettre du mensonge dans leurs larmes.
Une journée nous traite en mère, une autre en marâtre.
Ne comptez pas sur ce qu'un jour donne; bientôt un jour vient le ravir.
Il est difficile de garder ce qui plaît à beaucoup de monde.
Il ne faut prêter aux accusations qu'une oreille difficile.
Le jour qui suit profite des leçons du précédent.
La discorde nous rend plus chère la concorde.
Pesez tout ce que vous entendez, et ne croyez qu'après avoir vérifié.

Au cheval qui court, il n'est pas besoin de faire sentir l'éperon.
Il faut arracher l'arme, plutôt que de l'offrir à l'homme irrité.
Au gré des désirs ardens la célérité même est lente.
Qui aime le travail, trouve toujours à s'occuper.
Être blâmé et faire le bien, c'est se conduire en roi.
Pour l'homme, une vie sans gloire ne diffère point de la mort.
La solitude est mère de l'inquiétude.
Le parti auquel se range la foule est toujours le plus mauvais.
Le malheur lui-même est une occasion de vertu.
La pensée, chez les malheureux, ou manque ou surabonde.
La patience est le port des misères.
S'habituer aux bonnes choses est souvent un mal.
Un cheveu même porte son ombre.
A qui désire vivement, la célérité même paraît lenteur.
Celui qui prend conseil de la bonne foi, est juste même envers son ennemi.
Il est bien de tenir sa parole, fût-on hors du devoir.

La douleur force à mentir même les innocens.
Quelquefois il est bon d'oublier même qui l'on est.
Quelquefois il est bon d'oublier ce qu'on sait.
Ceux même qui sont injustes haïssent l'injustice.
La cicatrice reste encore quand la blessure est guérie.
La conscience punit au défaut de la loi.
Un tyran ne jouit qu'à peine d'une autorité précaire.
C'est l'intérêt qui a déifié la fortune.
Quand la querelle a été vive, la réconciliation devient plus belle.
L'espoir de la récompense devient la consolation du travail.
Le sage corrige ses défauts en voyant ceux des autres.
Pour ceux qui sont élevés, les chutes sont plus graves.
La méchanceté se dévoile, mais ne commence point par l'acte.
Elle est bien petite, la portion de la vie que nous employons à vivre.
C'est souffrir l'exil, que de se refuser à sa patrie.
D'une chaumière il peut sortir un grand homme.

Les dernières actions font toujours juger de celles qui les ont précédées.
Trop de facilité nous fait tomber dans la sottise.
Les honneurs s'accroissent plus facilement qu'ils ne commencent.
La fortune rend agréable celui, qui cache ses dons.
En cachant le fait, on rend l'accusation plus.grave.
La calomnie est un mensonge malveillant.
Beaucoup de gens s'inquiètent du qu'en dira-t-on ; peu s'inquiètent de leur conscience.
Le maître n'est plus qu'un esclave, dès qu'il craint ceux à qui il commande.
On s'avoue coupable, quand on fuit le jugement.
La prospérité est la nourrice de la colère.
Le bonheur des médians est la calamité des gens de bien.
Supportez de lourds fardeaux, les autres ensuite vous paraîtront bien légers.
Supportez sans vous plaindre ce qui ne peut se changer.
Supportez ce qui est nuisible, pour supporter aussi ce qui est utile.
Il faut battre le fer, quand il est rouge au feu.
Il n'y a que celui qui n'a pas d'honneur, qui puisse le perdre.

Qui perd l'honneur, n'a plus rien à perdre.
A qui perd l'honneur, reste-t-il encore un moyen de vivre?
La confiance, comme l'âme, une fois partie, ne revient jamais.
Un beau visage est une recommandation tacite.
La fortune n'a pas de droit sur nos moeurs.
Une grande fortune est pour le possesseur une grande servitude.
Presque toujours la fortune épargne ceux qu'elle veut frapper plus rudement.
La fortune, quand elle vous favorise, vous ôte le jugement.
La fortune nous maîtrise, si elle n'est pas maîtrisée complètement.
Il n'y a personne à qui la fortune soit plus utile que la prudence.
La fortune ne se contente jamais de nous nuire une seule fois.
La fortune est plus utile à l'homme que la prudence.
La faveur penche toujours du coté de la fortune.
Si la fortune nous caresse, c'est qu'elle vient nous séduire.
Ce que la fortune a brisé en partie, devient entièrement inutile.
La fortune prête beaucoup, mais ne donne rien en propre.

La fortune est comme le verre, brillante et fragile.
Point de grande faveur de la fortune, qui ne soit suivie, de la crainte.
Il est plus facile de trouver la fortune, que de la garder.
Pour tous les hommes, la fortune dépend du caractère.
Il y a fraude à recevoir ce qu'on ne peut rendre.
Mettez un frein à votre langue, et plus encore à l'amour du plaisir.
Une vengeance souvent répétée ne réprime que la haine du petit nombre.
La frugalité n'est qu'une honorable pauvreté.
C'est perdre son temps, que de prier qui ne peut se laisser fléchir.
La patience trop souvent outragée se change en fureur.
L'avenir lutte de manière à ne pas se laisser vaincre.
C'est doubler sa faute, que de ne pas en rougir.
Les plaintes indiquent la douleur, mais ne la guérissent pas.
Un coursier généreux s'inquiète peu de l'aboiement des chiens.
C'est dans l'arène même, que le gladiateur décide ce qu'il doit faire.
La fin du mal présent est le commencement du mal futur.

Ou est peiné de voir accepter avec tristesse ce qu'on donne avec joie.
Une accusation grave, fût-elle faite légèrement, n'en est pas moins nuisible.
Le jugement est inique, quand la prévention n'existe pas.
La prévention est inique, quand elle n'est pas suivie du jugement.
L'ennemi le plus à craindre est celui qui est caché dans notre coeur.
Certains remèdes sont pires que le mal.
L'homme grave n'a pas d'opinion équivoque.
C'est un châtiment grave, que de se repentir de ce qu'on a fait.
La colère de l'homme de bien est la plus terrible.
L'empire de l'habitude est le plus fort de tous.
Le mal le plus grave est celui qui se cache sous des dehors flatteurs.
Le mal qu'on n'a jamais éprouvé paraît le plus sensible.
Des noces fréquentes sont une occasion de médisance.
Un discours flatteur porte avec lui son poison.
N'entrez pas au conseil où l'on ne vous a pas appelé.
On ne s'égare pas complètement, quand on s'arrête à moitié chemin.

Mieux vaut supporter un héritier, qu'en chercher.
Les pleurs d'un héritier sont des rires cachés sous le masque.
Ah! que la gloire est difficile à conserver!
Qu'il est à redouter, celui qui regarde la mort sans crainte !
Souvent l'homme vertueux lui-même fléchit devant les circonstances.
La pauvreté rend l'homme inventif.
C'est en ne faisant rien, qu'on s'habitue à mal faire.
A force d'imaginer des plans, on finit par n'en avoir aucun.
Quand l'homme se met en colère, il est hors de soi.
Pour n'être pas sans douleur, l'homme trouve la fortune.
Toujours l'homme a une chose dans la bouche, et une autre dans le coeur.
L'homme meurt autant de fois qu'il perd un des siens.
L'homme est prêté à la vie, mais ne lui est pas donné.
Une bonne renommée est un second patrimoine.
Il n'est pas déshonorant d'obéir à la nécessité.
Il y a des crimes que le succès justifie.

Je préfère à une vie honteuse une mort honorable.
C'est blesser l'honneur, que de demander pour un homme indigne.
Se conduire mal est indigne d'une personne bien née.
On est louable d'épargner un méchant, pour épargner en même temps un homme de bien.
Qui succombe aux évènemens, sert sans déshonneur.
La réputation d'homme de bien est un second patrimoine.
Les honneurs parent l'homme vertueux, et flétrissent le pervers.
La plus noble émulation est celle qui a l'humanité pour objet.
Pour qui est placé bas, la chute n'est ni lourde, ni dangereuse.
Le peuple qui respecte ses lois est également respecté.
La victoire est toujours du côté où règne la concorde.
Ayez soin que personnene vous haïsse par votre faute.
Deux personnes font une même chose, et pourtant ce n'est pas la même.
Tout paresseux l'est en tout temps.
Le feu peut briller au loin sans rien brûler.
L'or s'éprouve par le feu, le courage par l'adversité.

Le feu conserve sa chaleur, même caché dans le fer.
On doit pardonner au coupable, dès qu'il montre du repentir.
Pardonnez souvent aux autres, jamais à vous-même.
Le coupable se condamne le jour même qu'il commet la faute.
Vous ambitionnez une grande puissance? ayez-en sur vous-même.
Qui se repent de sa faute, n'a failli que par imprudence.
Il est excusable d'avoir des torts envers celui qui en a le premier.
En amour, la beauté a plus de pouvoir que l'autorité.
En amour, on ne cherche jamais qu'un moyen de perdre.
En amour, la colère est toujours menteuse.
Pour l'homme qui est dans l'infortune, le ris même est une injure.
L'injustice n'a pas de peine à être puissante contre le malheureux.
Pour le malheureux, la vie même est un affront.
C'est l'absence de toute sagesse, qui fait le charme de la vie.
L'avare n'est bon pour personne, et encore moins pour soi.
Dans les situations critiques, tout dépend de l'audace.

Le coq est roi sur son fumier.
Tout pilote peut naviguer sur une mer tranquille.
La faute est doublée, quand elle a pour objet un acte honteux.
Dans la volupté, le plaisir lutte toujours avec la douleur.
Dans la Volupté, le délire a toujours des charmes.
Trop de promptitude à punir mérite le blâme.
Savoir douter, c'est la moitié de la sagesse.
S'excuser de travailler, c'est paresse.
On reconnaît le paresseux, quand il fuit le travail.
L'innocence est le bonheur du malheureux.
Aucune faute du supérieur n'échappe à l'inférieur.
C'est le propre d'une âme faible, de ne pouvoir supporter les richesses.
L'affront n'atteint pas l'honnête homme.
C'est blesser son propre honneur, que d'implorer un méchant.
Une âme honnête ne supporte pas les discours humilians.
Les bienfaits qu'accompagne la crainte ne sont pas agréables.

La terre ne produit rien de pire que l'ingrat.
Un seul ingrat nuit à tous les malheureux.
Les prières n'arrivent jamais jusqu'au coeur d'un ennemi.
A la mort d'un ennemi, les larmes ne peuvent se faire passage.
Le sage craint un ennemi, quelque faible qu'il soit.
Se venger d'un ennemi, c'est recevoir une seconde vie.
L'oeil du voisin est presque toujours malveillant.
La main outrage encore moins qu'une mauvaise langue.
Les oreilles sont moins sensibles à l'injure que les yeux.
Il est plus facile de faire une injure, que de la supporter.
Laisser une injustice impunie, c'est la commettre soi-même.
L'oubli est le remède des injures.
Obliger promptement l'indigent, c'est l'obliger deux fois.
Peu de choses manquent à la pauvreté, tout manque à l'avarice.
Un fou croit les autres plus fous que lui.
L'avidité au milieu des richesses, n'est qu'une opulente indigence.

Un arc trop tendu se rompt facilement.
Connaissez toute la portée du bien, si vous voulez le faire convenablement.
L'envie dit ce qui peut nuire, et non ce qui est.
L'envie s'irrite en secret, mais en ennemie.
L'homme courageux et l'homme heureux peuvent également supporter l'envie.
Mieux vaut exciter l'envie que la pitié.
Ne pas relever une faute légère, c'est engager à en commettre une plus grave.
Retenir quelqu'un malgré lui, c'est l'exciter à partir.
Éloignez-vous pour un rnomeut d'un homme irrité, pour long-temps d'un ennemi.
A l'homme en colère, l'acte le plus criminel paraît légitime.
Chaque parole de l'homme en colère devient une accusation.
L'homme en colère, quand il est revenu à lui, se fâche contre lui-même.
L'homme qui a le moins de besoins, est celui qui a le moins de désirs.
Conduisez-vous avec votre ami, comme si vous pensiez qu'il puisse devenir votre ennemi.
En vous confiant à un ami, ayez soin de ne pas donner prise à un ennemi.
On peut passer partout où un autre a déjà posé le pied.

Nul mérite ne peut s'élever, si la renommée ne le fait connaître au loin.
Une tache est agréable, quand elle provient du sang d'un ennemi.
Rien n'est agréable sans la variété.
Le juge est condamné, quand le coupable est absous.
Tout ce qui est juste, est à l'abri des atteintes de l'injustice.
Il convient à un magistrat d'écouter le juste et l'injuste.
Dieu donne à l'homme un bien contre deux maux.
Le travail est pour la jeunesse le meilleur assaisonnement des mets.
Le blessé trouve un soulagement à sa douleur dans la douleur de son ennemi.
L'erreur devient faute, si l'on y retombe une seconde fois.
Le libertinage et l'honneur ne peuvent jamais s'accorder ensemble.
L'homme qui se propose de répandre ses bienfaits sur la multitude, devra en perdre beaucoup, pour en placer un convenablement.
La méchanceté qu'on loue, devient insupportable.
Si l'on n'acquiert pas de nouvelle gloire, on perd même l'ancienne.
Le coupable craint la loi, l'innocent la fortune.

La colère oublie toujours la loi.
Quand le lion est mort, les lièvres l'insultent.
Les petits chiens même essaient de mordre le lion qui est mort.
Qui poursuit deux lièvres à la fois, n'attrappe ni l'un ni l'autre.
La fortune est capricieuse, elle redemande bientôt ce qu'elle a donné.
Naître et mourir, telle est la loi qui régit l'univers.
La loi voit l'homme en colère ; l'homme en colère ne voit pas la loi.
L'amour du plaisir triomphe même des hommes qui paraissent les plus austères.
Le caprice est la marque d'un esprit léger.
C'est par caprice, et non par jugement, que la légèreté se montre prudente.
Il faut que la langue soit pleinement libre, quand on cherche la vérité.
Une mauvaise langue est le signe d'un mauvais caractère.
Qui vit ignoré dans la solitude, est lui-même sa loi.
Qui se revêt d'honneurs dont il est indigne, se revêt de l'ignominie.
La vieillesse amène avec elle mille sujets de peine.
Tout ce qu'on désire ardemment, est toujours bien éloigné.

Nul ne peut gagner sans qu'un autre perde.
Beaucoup de choses manquent au prodigue; l'avare manque de tout.
Pour le choix d'un héritier, fiez-vous à la nature plutôt qu'à un testament.
On peut davantage, quand on ne sait pas ce que peut le malheur.
La nécessité est le meilleur maître d'éloquence.
En toutes choses, l'expérience est le meilleur maître.
Un grand coeur convient à une grande fortune.
Pour l'homme magnanime, l'oubli est le remède de l'injure.
On peut franchir les grands fleuves, à leur source.
L'indignation suppose toujours un grand crime.
C'est déclarer une cause mauvaise, que de recourir à la miséricorde.
L'indigence est honteuse, quand elle provient de la richesse.
Un remède est mauvais, dès qu'il coûte quelque chose à la nature.
C'est une jouissance perfide, que de s'accoutumer au bien d'autrui.
Une mort misérable est un outrage de la nécessité.
Un mauvais naturel n'a jamais besoin de maître.

Vouloir une chose mauvaise, c'est renoncer à l'honnêteté.
On fait mal tout ce qu'on fait sur la foi de la fortune.
Le médecin se porterait mal, si tout le monde se portait bien.
L'empire le plus absolu se perd, quand on l'exerce mal.
Un malade se trahit lui-même, quand il fait de son médecin son héritier.
Triste victoire , que celle qui coûte des regrets au vainqueur!
Qui vivra mal, ne saura pas bien mourir.
On vit mal, quand on croit qu'on vivra toujours.
Expliquer un mauvais propos, c'est l'aggraver.
Qui veut faire le mal, en trouve toujours le prétexte,
La malveillance a des dents cachées.
La malveillance se nourrit toujours de son propre fiel.
Ce sont les ingrats surtout, qui nous apprennent à devenir insensibles.
La méchanceté d'un seul devient bientôt une malédiction pour tous.
La méchanceté, quand elle devient pire, emprunte le masque de la bonté.
Épargnez le méchant, si de sa mort dépend celle de l'homme de bien.

Les femmes surpassent les hommes en perversité.
Ne faites point votre joie du malheur d'autrui.
Un mauvais conseil est surtout mauvais pour celui qui le donne.
Un plan est mauvais, quand on ne peut y apporter des changemens.
C'est un fléau domestique qu'un esclave qui régente son maître.
Un mauvais esprit se livre, dans l'isolement, à des pensées plus mauvaises encore.
Le méchant ne sait jamais profiter d'un bon conseil.
La méchanceté n'est jamais plus à craindre que quand elle prend les dehors de la bonté.
Celui qui n'est bon que pour son propre intérêt, mérite d'être appelé méchant.
Le méchant songe à nuire, même quand il ne le peut pas.
Qui vit avec les médians, deviendra méchant lui-même.
Le châtiment d'un méchant est une garantie pour les gens de bien.
Quand l'évidence existe, la cause renferme le jugement.
Il y a plus de sûreté pour la douceur, mais moins d'indépendance.
Vous êtes sur mer, craignez cependant de vous trouver sur terre.
Le remède au malheur, c'est l'égalité d'âme.

Le seul remède à nos misères, c'est l'oubli.
L'intempérance est la nourrice de la médecine.
Mieux vaut avoir peu de chose que rien du tout.
Une courtisane n'est qu'une cause de déshonneur.
La crainte ne peut arrêter celui que le plaisir entraîne.
Craignez la vieillesse, car elle n'arrive pas seule.
On doit toujours craindre pour ce qu'on veut voir en sûreté.
C'est la crainte et non la clémence qui contient les médians.
Où la crainte arrive, le sommeil trouve rarement une place.
Moins la fortune nous a donné, moins elle peut nous reprendre.
On trompe moins celui à qui l'on refuse aussitôt.
Le maître qui craint ses esclaves, est moins lui-même qu'un esclave.
L'homme de bien peut être appelé malheureux; il ne saurait l'être.
Le plaisir est bien triste, quand il faut songer au danger.
Il est bien malheureux, l'homme qui ne sait pas vivre sans péril.
Qui vit loin du péril, ne connaît pas les misères de la vie.

Un citoyen bienfaisant est la consolation de sa patrie.
Votre sort est bien à plaindre, s'il ne trouve pas d'ennemi.
Votre sort est bien à plaindre, s'il est ignoré de vos ennemis.
C'est une vie bien misérable, que celle qui dépend du caprice d'autrui.
Quel tourment, d'être forcé de taire ce qu'on brûle de dire !
Je vous juge malheureux par cela même que vous n'avez jamais éprouvé le malheur.
Quand on réfléchit, la lenteur est diligence.
Tout retard nous déplaît, et cependant il nous rend sages.
Connaissez le caractère de votre ami, mais ne le haïssez pas.
La conduite de celui qui parle, persuade mieux que ses discours.
Qu'on est heureux de mourir avant d'avoir souhaité la mort !
Il vous faudra mourir, mais pas aussi souvent que vous l'aurez voulu.
Il n'est point de mortel que la douleur ne puisse atteindre.
La crainte de la mort est plus cruelle que la mort elle-même.
Du moment où l'on méprise la mort, on a surmonté toute crainte.
Tout ce qui vient à la vie est soumis à la mort.

Une larme de femme est un assaisonnement de malice.
La femme qui prend plusieurs maris, ne plaît pas à tous.
Femme qui pense seule, pense au mal.
On trouve bien des choses, avant de trouver un homme de bien.
En pardonnant beaucoup de choses, l'homme puissant augmente sa puissance.
Commettre une injustice envers un seul homme, c'est en menacer tous les autres.
Une femme qui cherché à plaire à plus d'un homme, cherche à devenir coupable.
La mort de l'homme de bien est un malheur public.
Plus de gens vous craignent, plus de gens vous devez craindre.
C'est par les présens, et non par les larmes, qu'une courtisane se laisse attendrir.
La pierre que l'on roule, ne se couvre pas de mousse.
La bonté disparaît, quand elle est irritée par l'injustice.
Le méchant, quand il fait le bien, cache son naturel.
La bienfaisance ne doit pas dépasser les moyens.
Ne permettez pas plus que vous ne pouvez tenir.
Gardez-vous de rien entreprendre qui puisse plus tard vous causer des regrets.

Nul ne peut échapper à la mort ni à l'amour.
La vie, pas plus que la fortune, n'est donnée à l'homme pour toujours.
Celui que beaucoup de gens craignent, doit nécessairement craindre beaucoup de gens.
La nécessité obtient de l'homme tout ce qu'elle veut.
La nécessité donne la loi et ne la reçoit pas.
La nécessité rend menteur l'homme qui est dans le besoin.
Avec quelle opiniâtreté la nécessité veut-elle régner sur nous?
Ce que la nécessité cache, on cherche en vain à le découvrir.
Quand on refuse à la nécessité ce qu'elle demande, elle l'arrache.
Il faut supporter la nécessité, et non pas s'en plaindre.
Toute arme est bonne à la nécessité.
Le sage ne refuse jamais rien à la nécessité.
L'économie est le remède de l'indigence.
L'avare ne manque jamais de prétexte pour refuser.
C'est se préparer un refus, que de demander une chose qui est difficile.
On se refuse toujours à croire les grands crimes.

Personne ne peut être juge dans sa propre cause.
On ne meurt jamais trop tôt, quand on meurt malheureux.
Nul, pendant sa vie, n'est aussi pauvre qu'il l'était en naissant.
Quand on est le premier à rire de soi, on ne prête à rire à personne.
Ce n'est pas avec la timidité qu'on parvient à la première place.
La méchanceté est à elle-même son plus grand châtiment.
Le méchant a quelque mauvaise intention, quand il imite l'homme de bien.
L'homme malheureux fait toujours bien de ne rien entreprendre.
La nécessité ne connaît qu'une chose, c'est de vaincre.
La fortune ne nous arrache rien, que ce qu'elle nous a donné.
Rien de plus misérable, qu'une mauvaise conscience.
Rien n'est plus malheureux, que d'avoir à rougir de ce qu'on a fait.
Rien ne peut se faire avec précaution et promptitude tout à la fois.
Rien de plus beau, que d'obliger sans demander aucune récompense.
La passion n'aime rien autant, que ce qui n'est pas permis.
Point de fruit qui n'ait été âpre avant d'être mûr.

Il n'est rien que le temps n'adoucisse ou ne dompte.
Les yeux ne sont jamais coupables, quand l'esprit leur commande.
L'homme qui ne peut rien faire, n'est qu'un mort vivant.
Ne regardez jamais comme votre propriété ce qui est sujet au changement.
Quand il s'agit du salut, rien ne doit paraître honteux.
Rien ne fait plus rougir, qu'un vieillard qui commence à vivre.
La trop grande franchise est facilement dupe de l'artifice.
En disputant trop, on laisse échapper la vérité.
Il y a trop de bien dans la mort, s'il n'y a pas de mal.
Une corde trop tendue manque rarement de se rompre.
L'art n'est méprisé que par ceux qui ne le connaissent pas.
Si vous n'êtes sage par vous-même, c'est en vain que vous entendrez les leçons d'un sage.
Il n'y a que celui qui sait dresser des embûches, qui les craigne.
Ne pas punir les fautes , c'est flatter le penchant à les commettre.
Le coupable prie, l'innocent s'irrite.
Qui défend le coupable, s'expose lui-même à une accusation.

L'infortune frappe rarement la constance.
Pouvoir nuire et ne le vouloir pas, voilà le plus beau de tous les éloges.
Ne dédaignez pas ce qui sert de degrés pour arriver à la grandeur.
Ne revenez point sur vos pas, quand vous êtes arrivé au terme.
On ne doit pas répondre à toutes les questions.
Qui s'inquiète d'une crevasse à sa maison, périt rarement sous ses ruines.
On ne corrige pas, mais on blesse, celui que l'on veut gouverner malgré lui.
On n'est point heureuxj si l'on ne croit pas l'être.
Ce n'est pas être bon, que d'être meilleur que le pire.
On n'a point à rougir d'une cicatrice, quand on la doit à son courage.
On ne peut jamais se rassasier des choses honnêtes.
Ne cherchez point à réveiller la douleur assoupie.
Une chose n'est pas petite, pour être moindre qu'une très grande.
Ce que vous tenez de la fortune, ne vous appartient pas.
Il est difficile de calomnier l'innocent.
Il vous sera difficile de garder seul ce qui plaît à beaucoup d'autres.

Ne portez point la faucille dans la moisson qui ne vous appartient pas.
Refuser promptement un service, n'est pas un service médiocre.
Le courage ne sait pas céder à la mauvaise fortune.
La même chaussure ne va pas à tout pied.
Toutes les choses sur lesquelles on avait compté, n'arrivent pas toujours.
Qui s'aperçoit de sa folie, ne peut manquer de devenir sage.
Inquiétez-vous moins du nombre, que du mérite des personnes à qui vous voulez plaire.
L'homme heureux n'a pas toujours l'oreille ouverte aux prières.
Les plaisanteries ne sont pas sans danger avec les rois.
Il n'est jamais trop tard pour rentrer dans le chemin de la vertu.
Ce n'est pas être vaincu, mais vaincre, que de céder aux siens.
Il n'est point de plaisir dont la continuité ne fatigue.
Il n'est pas de peine plus grave pour l'homme, que le malheur.
Le méchant est l'homme à qui vous trouverez le plus facilement un pareil.
N'imposez à personne le fardeau que, vous-même, vous ne pourriez porter.
Il n'y a pas de pays où la pitié soit blâmée.

Il n'y a pas de grand mal sans dédommagement.
Songez qu'il n'y a pas d'endroit qui ne cache un témoin.
Jamais sage ne s'est fié à un traître.
Nul gain n'est comparable à celui que procure l'économie.
Le coupable ne se cache jamais plus facilement que dans la foule.
Qui songe à ce qu'il craint, est toujours malheureux.
Jamais on ne surmonte un danger sans danger.
On n'accorde jamais assez aux folles espérances.
Une mauvaise conscience n'est jamais tranquille.
Où il y a eu long-temps du feu, il ne manque jamais de fumée.
Oh! qu'il est grand le danger qui reste caché!
A quelle torture nous condamne en secret le remords!
Oh! que la vie est longue dans le malheur! qu'elle est courte dans la prospérité !
La complaisance de l'épouse produit bientôt la haine de la concubine.
L'occasion est difficile à trouver, et facile à perdre.
L'occasion perdue se retrouve difficilement.

Il est beau de périr, pour éviter une servitude ignominieuse.
Personne ne se retourne pour regarder une musique cachée.
On doit se fier plutôt à ses yeux qu'à ses oreilles.
Je n'aime pas dans les enfans une sagesse précoce.
Je n'aime pas un sage qui ne sait pas l'être pour lui.
Il y a des haines qui se cachent sous le masque, d'autres sous un baiser.
Un coeur bienveillant ne met point de bornes à ses services.
Il n'est pas convenable qu'un service soit nuisible à celui qui le rend.
Point de vice qui n'ait toujours son excuse prête.
Tout le monde obéit sans répugnance à qui est digne de commander.
On doit régler chaque journée comme si elle était la dernière.
Le plaisir nuit toujours à celui qu'il a charmé.
La conduite ne doit pas être en opposition avec les discours.
Soyez en paix avec les hommes, en guerre avec les vices.
Des larmes apprêtées annoncent un piège, et non le chagrin.
Un père irrité est surtout cruel envers lui-même.

La gloire est aussi grande à savoir obéir, qu'à commander.
Trop de familiarité fait naître le mépris.
On se réunit volontiers à ses pareils.
Refuser un bienfait d'une manière convenable, c'est l'accorder en partie.
Refuser promptement un bienfait, c'est l'accorder en partie.
La faim est satisfaite à peu de frais, mais le dégoût coûte cher.
En souffrant beaucoup de choses, on voit arriver des choses qu'on ne peut souffrir.
L'homme patient et courageux fait à lui-même son bonheur.
L'homme heureux manque toujours de patience dans l'adversité.
La patience est pour l'âme un trésor caché.
La patrie est partout où l'on vit heureux.
Peu d'hommes savent apprécier ee que Dieu accorde à chacun.
La méchanceté d'un petit nombre fait le malheur de tous.
Peu d'hommes ne veulent pas faire le mal, tous savent qu'ils le font.
On croit avec raison devoir jeter un voile sur la faute de son ami.
On a raison de regarder les fautes de son ami comme les siennes propres.

C'est rendre une faute moins grave, que de la réparer promptement.
L'argent est l'unique mobile de toutes les affaires.
Il faut être le maître et non l'esclave de l'argent.
Les jeunes gens prêtent facilement l'oreille aux mauvaises leçons.
Les pensées sont inoins sombres dans la douleur plaintive, que dans la douleur muette.
Réfléchissez toujours à ce qui peut assurer votre tranquillité.
On ne cesse de perdre, que lorsqu'on n'a plus rien.
Qui ne sait garder les petites choses, perdra les grandes.
Donner à un ingrat, ce n'est pas donner, c'est perdre.
C'est l'âme et non le corps qui rend le mariage durable.
Connaître le moment de sa mort, c'est mourir à chaque instant.
Les voeux que fait l'homme heureux sont bien vite accomplis.
Chercher un asile c'est moins puissant que soi, c'est se livrer soi-même.
L'homme timide voit des dangers même où il n'y en a pas.
Qui brave le danger, le surmonte avant qu'il se soit approché.
Qui use de clémence, ne cesse jamais de vaincre.

Nul ne peut long-temps soutenir un personnage qui n'est pas le sien.
Se mettre en colère, c'est chercher le danger.
Qui a beaucoup de poivre, en met dans ses chous.
Si vous voulez des poires, allez-en chercher sur le poirier, et non sur l'orme.
Il est bien difficile de plaire à beaucoup de gens.
Des amis trouvent bons les légumes qu'assaisonne la cordialité.
La plupart des hommes sont honnêtes plutôt par crainte que par vertu.
Dieu conduit ordinairement un semblable vers son semblable.
La fortune protege plus de gens qu'elle n'en garantit.
Ecoutez plutôt votre conscience que l'opinion.
C'est plus qu'un châtiment, que de succomber à l'injustice.
On est plus que puni, quand on vit dans le dénûment et la misère.
Une médisance est plus outrageante que les mauvais traitemens.
Le châtiment s'approche lentement du crime, pour mieux l'écraser.
On souffre moins, quand on peut épancher sa douleur.
Le méchant peut retarder la peine, mais non lui échapper.

Un homme utile à son pays est la propriété du peuple.
Le souvenir d'un malheur est un nouveau malheur.
L'homme puissant qui connaît la compassion, est une félicité publique.
Se fâcher contre un homme puissant, c'est chercher le danger.
Ce qui n'est pas digne d'un homme libre, ne peut pas être honnête.
Le bonheur n'a pas le même pouvoir que l'infortune.
Qui peut se venger quoiqu'absent, est toujours présent.
Donner tout et ne rien exiger, voilà ce qui est beau !
Je dis que l'envie vaut mieux que la pitié.
C'est tromper, que de faire plus tard ce qu'on a refusé d'abord.
Auparavant, je pense, le loup épousera là brebis.
Auparavant, la tortue devancera le lièvre.
La reconnaissance est un intérêt assez fort du bienfait.
Se rendre criminel pour ses maîtres, est quelquefois un acte de vertu.
Une douleur qui efface une autre douleur, en est le remède.
Pour de bons matériaux, il faut de bons ouvriers.

Le juge tâche d'effacer, en les dissimulant, les fautes d'un homme de bien.
Pour l'honnête homme, une belle réputation est le plus bel héritage.
Accorder un bienfait à un honnête homme, c'est le partager avec lui.
Un honnête affranchi est un fils sans la coopération de la nature.
Qui veut obliger, et ne peut le faire comme il le voudrait, est malheureux.
Qui ne veut pas nous nuire lorsqu'il le peut, nous sert.
C'est presque condamner à plaisir, que de condamner avec promptitude.
C'est presque condamner injustement, que de condamner à une trop forte peine.
Se hâter de juger, c'est vouloir trouver coupable.
Il faut pourvoir pendant la paix à ce qui peut être utile pendant la guerre.
Pour le sage, la plaisanterie même n'est que folie.
Qui a rompu avec l'honneur, ne se réconcilie jamais avec lui.
L'honneur ne peut s'enseigner, c'est un présent de la nature.
Vous résistez à l'honneur? cédez à la crainte.
Qui ravit l'honneur à autrui, perd le sien.
La pudeur est une sorte d'esclavage.

Le pupille d'un homme avide, n'a que peu de temps à vivre.
Dieu regarde les mains pures, et non les mains pleines.
Ne revenez pas cueillir la rose après qu'elle sera flétrie.
Une amitié qui finit, n'a pas même commencé.
Toutes les choses qui peuvent arriver, arrivent dans leur temps.
Gardez-vous de chercher ce que vous pourriez regretter d'avoir trouvé.
Une femme trop curieuse de paraître belle, ne sait rien refuser.
Pour une mauvaise souche, il faut chercher un mauvais coin.
Que le joug de la conscience est pesant!
Qu'elle est heureuse la vie qui s'écoule loin des affaires !
Qu'il y a de grandeur à n'être pas loué et à mériter de l'être!
Quelle méchanceté, de faire de sa propre faute la faute d'autrui !
Qu'il est à plaindre celui qui repousse la miséricorde !
Qu'il est malheureux celui que sa conscience ne peut excuser!
Quel triste appui que celui qui, en vous soutenant, vous blesse !
Qu'on est malheureux d'avoir à regretter une bonne action !

Qu il est triste d'être forcé de perdre celui qu'on voudrait sauver!
Qu'il est fâcheux de perdre ce que peu d'hommes possèdent !
Qu'il est douloureux de souhaiter la mort et de ne pouvoir mourir!
Quel malheur de sentir se réveiller une douleur éteinte !
Qu'il est pénible de voir le hasard tromper les calculs de la prudence !
Qu'il est malheureux d'être attaqué par ceux mêmes qui vous ont défendu!
Quel triste service que celui qui n'a pas de résultat heureux!
Que de repentirs assiègent l'homme qui vit longtemps!
Combien de fois ne voit-on pas celui qui avait refusé le pardon, le demander?
Qu'il est craintif celui qui craint la pauvreté!
Une remontrance, si dure qu'elle soit, n'est jamais nuisible.
Ce qui est utile devra passer pour bon, ne le fût-il pas.
Qui n'a pas d'encens, offre aux dieux un gâteau salé.
Il y a du mal même à se plaindre de celui qu'on aime.
Une fois qu'un homme est tombé dans l'opinion, il lui est bien difficile de se relever.
Qui se trouve sans regret au milieu des médians, est lui-même méchant.

Qui dissimule avec adresse, nuit plus facilement à son ennemi.
Quel moyen d'être en garde, quand la pensée dément les paroles?
Pardonner une seule faute, c'est engager à en commettre plusieurs.
Celui qui a des dettes, évite la porte de son créancier.
Un serviteur habile est à moitié maître.
Qui hésite à punir, augmente le nombre des méchans.
Qui attend qu'on lui demande, diminue le prix du bienfait.
Qui manque en un point, se fait siffler sur tous les autres.
Quand la vérité paraît encore douteuse, on a tort de délibérer.
Qui ne se résigne pas dans l'esclavage, se rend malheureux sans cesser d'être esclave.
Qui garde ses sermens, parvient toujours à son but.
Ceux qui sillonnent les mers, n'ont pas le vent dans la main.
Qui craint le malheur, l'éprouve plus rarement.
Qui peut cacher sa faute, ne la fait pas.
Qui peut se résoudre à la folie, peut aussi se résoudre à la sagesse.
Qui peut nuire est craint, même en son absence.

Qui peut nuire est craint, lors même qu'il ne nuit pas.
L'amant qui peut être infidèle, peut devenir indifférent.
Qui parle pour l'innocent, a toujours assez d'éloquence.
Qui veut faire trop vite, achève trop tard.
Flatter quand le mal est fait, c'est être sage trop tard.
Qui se loue lui-même, trouve bien vite un railleur.
Qui s'accuse lui-même, a assez de charges contre lui.
Ne vivre que pour soi, c'est être vraiment mort pour les autres.
Qui craint son ami, apprend à son ami à le craindre.
Qui craint un ami, ne connaît pas la valeur de ce mot.
Qui craint tous les pièges, ne tombe dans aucun.
Qui vient pour nuire, vient toujours avec préméditation.
Tout ce qu'on donne à l'homme de bien, on se l'accorde en partie à soi-même.
Quelque chose que l'on entreprenne, il faut regarder où l'on arrivera.
Tout ce que l'on fait selon la vertu, est fait avec gloire.
Tout ce que la fortune embellit, est bientôt méprisé.

Tout ce qui doit être vraiment beau, ne peut se faire en peu de temps.
Ce qui doit s'élever le plus haut, part toujours d'en bas.
Qui a appris à nuire, s'en souvient quand il le peut.
Ce que vous voulez tenir secret, ne le dites à personne.
Pratiquer la bienfaisance, n'est-ce pas imiter Dieu ?
Ce qui importe, ce n'est pas ce qu'on vous croit, mais ce que vous êtes.
Ce n'est qu'en essayant ses forces qu'on peut les connaître.
A quoi bon l'argent, si vous ne pouvez vous en servir?
Certains hommes sont ennemis irréconciliables et amis légers.
La vie est tranquille pour ceux qui suppriment le tien et le mien.
Qui reconnaîtrait le malheureux, si la douleur n'avait pas un langage?
Qui est pauvre? celui qui se croit riche.
Qui possède le plus? celui qui de tous désire le moins.
Ce qui n'est qu'un défaut de l'âge, disparaît avec l'âge.
Ce que vous blâmez dans les autres, ne le faites pas vous-même.
Le danger qu'on néglige, est celui qui trompe.

Le sage se précautionne contre le mal à venir, comme s'il était déjà venu.
Il n'est pas honnête de dire ce qu'il est honteux de faire.
Ce que vous croyez fuir, vient souvent à votre rencontre.
C'est une sottise de ménager son bien, quand on ne sait pour qui on le garde.
Condamner ce qu'on ne connaît pas, c'est le comble de la témérité.
Ce qui n'existe plus peut bien être cherché, mais non retrouvé.
En louant ce qu'il aime, chacun en relève le mérite à ses propres yeux.
Ce qui est toujours prêt, ne fait pas toujours plaisir.
Partout la voix d'un vieillard est écoutée comme celle de la raison.
Ce qu'on redoute, arrive plus promptement que ce qu'on espère.
Peu importe dans quel esprit vous faites une chose, si elle est mauvaise.
Ce qui touche à peine, fait à peine plaisir.
La passion songe à ce qu elle veut, et non à ce qui convient.
Qui peut vouloir ce qui suffit, a ce qu'il veut.
Tout ce que l'âme se commande, elle l'obtient.
Jadis les Milésiens ont eu du courage.

Le malheur trouve sans peine tous ceux qu'il cherche.
Autant d'esclaves, autant d'ennemis domestiques.
C'est être condamné tous les jours, que d'être sans cesse dans la crainte.
Le jour qui doit suivre, vaut toujours moins que le jour précédent.
Si vous aimez, vous n'êtes pas sage; ou si vous êtes sage, vous n'aimez pas.
Donner une récompense à l'avare, c'est l'encourager à malfaire.
En pardonnant à un ennemi, vous vous faites plusieurs amis.
Le sage qui se vainc, n'est nullement vaincu.
Si le mal est utile, on a tort de faire le bien.
La grenouille saute d'un trône d'or dans un marais.
C'est voler, que de recevoir ce qu'on ne peut rendre.
C'est voler, et non pas demander, que de prendre quelque chose à quelqu'un contre son gré.
Pour qu'une chose nous soit long-temps chère, il faut qu'elle soit rare.
L'adolescence doit être gouvernée par la raison, et non par la force.
Il est bon d'être sage, quand on apprend à le devenir par le malheur d'autrui.
La santé et la sagesse sont les deux biens de la vie.

C'est rendre, et non pas perdre, que de donner à chacun ce qui lui est dû.
Il nous importe de vivre bien, et non pas de vivre long-temps.
Ne rebroussez pas chemin, au bout de la carrière.
C'est agir en despote, et non converser, que d'étourdir sans cesse les autres par des contes de votre choix.
La fortune se plaît à précipiter les rois du haut de sa roue.
Le délai n'est bon dans aucune circonstance, si ce n'est dans la colère.
C'est par des remèdes amers, qu'on tempère l'amertume de la bile.

C'est en vain qu'on cherche un remède contre la foudre.
On se résigne plus facilement à un refus qu'à une duperie.
Jamais homme de bien n'est devenu riche tout à coup.
Un moyen de remédier aux pertes qu'on a faites, c'est de les oublier.
La prospérité est toujours escortée de l'inquiétude.
Les choses n'ont que le prix qu'y veut mettre l'acheteur.
Plus la fortune est grande, plus elle est insidieuse.
La colère ne considère jamais rien.
L'innocent accusé craint la fortune, et non pas les témoins.

Retourner à l'endroit d'où l'on est venu, n'a rien qui doive attrister.
Je ne voudrais pas être roi, s'il fallait en même temps être cruel.
La victoire n'aime pas la rivalité.
On se rend plus volontiers à une prière qu'à des ordres.
Pour l'homme libre, demander est une sorte de servitude.
Forcer un ami à rougir, c'est vouloir le perdre.
Qui pardonne souvent, encouragé à l'offenser.
On commettrait bien moins de fautes, si l'on savait tout ce qu'on ne sait pas.
Les yeux et les oreilles du vulgaire sont souvent de mauvais témoins.
Il vous faudra consommer un boisseau de sel avant de trouver crédit.
Pour sauver un homme, il est permis de lui faire injure.
Le plus saint des devoirs est de se rappeler à qui l'on se doit.
Le sage a, dans la pensée, une arme contre tous.
Le silence du sage est un refus bref de ce qu'on demande.
La folie accompagne presque toujours la sagesse.
Le sage sera celui qui connaîtra non pas beaucoup de choses, mais des choses utiles.

C'est inutilement qu'on est sage, si on ne l'est pas pour soi.
Un homme est assez éloquent, si la vérité parle par sa bouche.
On est assez heureux, si l'on peut mourir quand on le veut.
C'est assez de vaincre son ennemi ; c'est trop de le perdre.
Mieux vaut apprendre tard, que n'apprendre jamais.
Mieux vaut ignorer une chose, que la savoir mal.
Mieux vaut arrêter le mal dans son principe, qu'y remédier à la fin.
Les étincelles n'effraient pas les enfans du forgeron.
Le juge qui condamne l'innocent, se condamne lui-même.
L'homme en colère croit pouvoir plus qu'il ne peut réellement.
Avertissez vos amis en secret; louez-les en public.
Le crédit dans la pauvreté est une seconde fortune.
La prospérité fait des amis, l'adversité les éprouve.
La douleur d'une nourrice ressemble le plus à celle d'une mère.
La sédition dans un état est un moment favorable pour l'ennemi.
Qui s'est montré méchant une fois, passe toujours pour l'être.

Toujours la bienveillance se trouve heureuse.
C'est toujours au moment où l'on a le plus besoin de résolution, qu'on en manque.
C'est en craignant toujours, que le sage évite le mal.
On doit toujours craindre ce qui est susceptible de colère.
L'esprit redoute toujours davantage un mal qu'il ne connaît pas.
La crainte revient plus forte vers celui qui l'inspire.
C'est la raison, et non l'âge, qui nous mène à la sagesse.
Quand on est dans le danger, il est bien tard pour chercher le moyen d'en sortir.
Quand le mal est près, il est tard pour chercher les moyens de s'en garantir.
Qui veut n'avoir rien à craindre, doit se méfier de tout.
Si vous êtes homme de mer, ne vous occupez pas de ce qui se fait à terre.
Qui s'aime lui-même, trouve des gens qui le haïssent.
L'empire le plus grand est celui qu'on a sur soi-même.
Le méchant nous met lui-même dans la nécessité de lui faire injure.
L'homme qui se repent de ce qu'il a fait, se punit lui-même.
Qui renverse les lois, s'enlève son premier appui.

Un ami simulé est le plus dangereux de tous les ennemis.
Qui cache ses vices sous le masque de la vertu, est doublement vicieux.
Soutenir un coupable, c'est se rendre complice de sa faute.
C'est une grande consolation, que de succomber avec l'univers.
Souvent, dans les occasions difficiles, la témérité tient lieu de prudence.
Souvent une heure nous rend ce que plusieurs années nous ont ravi.
Quand le travail a tracé un chemin, la gloire l'y suit ordinairement.
La vie de l'homme excite encore plus de dégoût que sa naissance.
Il y a encore espoir de salut, quand l'homme est sensible à la honte.
L'espérance console le pauvre, l'argent l'avare, la mort le malheureux.
L'épine même est agréable, quand elle porte une rose.
Les fous craignent la fortune, les sages la supportent.
C'est folie, de critiquer celui qui est aimé de tous.
La prospérité est souvent accompagnée d'un peu de sottise.
Il y a folie à faire la faute, quand on peut l'éviter.
C'est folie, de quitter le certain pour l'incertain.

C'est une sottise de vous plaindre des malheurs arrivés par votre faute.
Il n'est pas sage de craindre ce qu'on ne peut éviter.
C'est folie, de vouloir se venger d'un autre à son propre préjudice.
Il y a folie à vouloir se venger de son voisin par l'incendie.
La fortune ôte le jugement à celui qu'elle veut perdre.
C'est avoir perdu l'esprit, que de commander aux autres quand on ne sait pas se commander à soi-même.
Le fou porte envie à l'homme enorgueilli de son bonheur.
Qu'un sot se taise, il passera pour un homme d'esprit.
Qui conserve son bien, conserve celui de sa famille.
L'homme bienveillant a recours à la persuasion, avant d'employer la remontrance.
Rien de plus doux que cette vie, si l'on en bannit la sagesse : car le défaut de sagesse est un mal sans
douleur.
De temps en temps le boeuf dérobé regarde à la porte.
Une autorité qui fléchit ne peut faire respecter sa force.
La prospérité qui s'élèvera sera abaissée.
Qui ne sait épargner les siens, favorise ses ennemis.

Une extrême justice est presque toujours une extrême injustice.
Les ornemens sont toujours suspects à l'acheteur.
Un esprit soupçonneux ne s'en rapporte à personne.
Le soupçon à l'égard d'un homme de bien, est une injure tacite.
Le soupçon se crée lui-même des rivaux.
L'innocence ne se montre jamais que précédée de son propre éclat.
On ne court aucun danger à se taire.
Qui ne sait parler, ne sait pas non plus se taire.
Le silence est l'esprit d'un sot.
Ce que l'avare possède, n'est pas plus à lui que ce qu'il n'a pas.
L'homme doit apprendre, tant qu'il y a des choses qu'il ignore.
Qu'il est à craindre,-celui qui craint la pauvreté!
Le peureux se dit prudent, l'avare économe.
La peine est bien douce, quand la joie est réprimée par la justice.
Quand vos champs ont besoin d'eau, n'allez pas arroser ceux d'autrui.
L'indigence est honteuse, quand elle provient de la vaine gloire.

Une perte est honteuse, quand elle arrive par négligence.
Accorder protection à l'un, c'est inspirer de la sécurité à tous.
Le parti le plus sûr, c'est de n'avoir d'autre crainte que celle de Dieu.
Le pauvre se perd, du moment où il imite le riche.
En achetant la terre d'autrui, vous ruinerez infailliblement la vôtre.
Quand le destin veut faillir, la prudence de l'homme est en défaut.
Dès qu'on voit trembler l'innocent, le juge est condamné.
Quand l'accusateur est en même temps le juge, c'est la force et non la loi qui décide.
Quand la liberté a succombé, personne n'ose parler.
Où sera le plus vif plaisir, la crainte sera la plus vive.
Quand tout le monde est coupable, quel espoir reste-t-il à la plainte?
La mort est un bien, quand la vie n'est qu'une crainte continuelle.
Quand la vieillesse commet des fautes, la jeunesse apprend à malfaire.
Pour celui qui craint, il n'arrive rien qui soit à craindre.
La foi est toujours respectée, partout où l'on trouve la pudeur.
Il importe plus de guérir les plaies de l'âme que celles du corps.

Beaucoup de jours délibèrent sur la peine, un seul l'applique.
L'assentiment d'un seul est plus facile à obtenir que celui de plusieurs.
Un seul périt, comme le veut la loi, pour servir d'exemple à plusieurs.
Employez vos amis, lorsque vous en aurez beaucoup.
Celui qui commande, doit prévoir le bon et le mauvais succès.
Même pour se pendre, on est bien aise de trouver un bel arbre.
Vous devez vous taire, ou vos paroles doivent mieux valoir que votre silence.
Une résolution prise à la hâte est suivie du repentir.
Le sens qu'on attache à chaque parole est une chose importante.
Pourquoi n'entendons-nous pas la vérité? parce que nous ne la disons pas.
Quand il s'agit du salut, le mensonge devient vérité.
En supportant une ancienne injure, on s'en attire une nouvelle.
Souvent les vices sont voisins des vertus.
Il y a de l'avantage à être vaincu, quand la victoire est préjudiciable.
Au vin qui peut se vendre, la branche de lierre est inutile.
Un homme qui fuit, n'écoute guère les accords de la lyre.

Un homme de bien ne sait pas faire injure.
Ce qu'on ne peut obtenir par la force, on l'obtient par la douceur.
Personne ne peut honnêtement se refuser à aimer la vertu.
Un obstacle à toute vertu, c'est la fausse honte.
Mieux vaut se fier au courage qu'à la fortune.
Le travail s'anime à la vue des récompenses accordées au mérite.
La contenance de l'homme courageux garantit à moitié la victoire.
C'est la nature, et non le rang, qui fait l'homme vertueux.
Gardez-vous de faire route en compagnie du méchant.
Voulez-vous être connu de tous? ne connaissez personne.
La vie et la réputation de l'homme marchent du même pas.
Une vie oisive est une vie de roi, mais avec moins d'inquiétude.
C'est la fortune, et non la sagesse, qui est l'arbitre de la vie.
Qui veut éviter l'envie, doit cacher son opulence.

On extirpe difficilement le vice qui s'est enraciné.
Jadis flatter était un vice, maintenant c'est une mode.

Il n'y a point de vice qui n'ait son apologie toute prête.
L'orgueil est le vice ordinaire de la fortune.
Il est bien rare qu'un homme ne quitte pas le vice quand il vient à la vertu.
C'est la volonté, et non la souillure du corps, qui fait l'impudique.
Le plaisir le plus doux est celui qu'on obtient difficilement.
Un plaisir qu'il faut taire, ressemble plus à la crainte qu'à la joie.
Avoir les dehors de la sagesse, ou la posséder réellement, sont deux choses bien différentes.
Plus un joueur est habile, plus il est fripon.
Le rapport de deux coeurs bienveillans est la plus proche parenté.
Une consolation pour les malheureux, c'est de trouver des compagnons d'infortune.
L'homme dont la conscience est pure, ne saurait forcer sa langue à trouver des prières.
L'homme courageux ne supporte pas d'affront ; l'homme bien né n'en fait point.
Il est difficile de concilier la sagesse avec la douleur.
Pour qui veut se venger, toute occasion est favorable.

Le peuple déteste la vie de l'homme à qui ses amis souhaitent la mort.
Qui n'ignore pas qu'il est dupe, ne passe pas pour l'être.
Traiter quelqu'un d'ingrat, c'est lui dire toutes les injures possibles.
Joindre la promptitude au bienfait, c'est en doubler le prix.
Les plus petits défauts des grands hommes deviennent nécessairement très grands.
On gagne à ne pas recevoir ce qu'on posséderait malgré soit.
L'ignominie est glorieuse, quand on meurt pour la bonne cause.
Il n'est jamais glorieux pour un roi d'infliger un châtiment cruel.
L'homme irrité veut se venger sur autrui; il se venge sur lui-même.
L'exilé qui n'a pas d'asile, est un mort sans tombeau.
L'homme heureux n'est pas celui qui le paraît aux autres, mais à lui-même.
Qui s'occupe des affaires des femmes n'a plus de repos à espérer.
La précipitation est accompagnée de l'erreur et du repentir.
Il y a plus de courage à vaincre ses passions, qu'à vaincre ses ennemis.
Une fois parvenu à la vieillesse, vous regretterez en vain vos jeunes années.
Quand la colère est unie au pouvoir, c'est la foudre.

On retrouve dans l'infortune le secours prêté dans la prospérité.
Qu'elle est affreuse, la douleur qui reste muette dans les tourmens!
Ah! qu'il est pénible d'être blessé par une personne dont on n'ose se plaindre!
Ah! qu'il est triste d'apprendre à servir, quand on n'a jamais appris qu'à commander!
Ah ! que de repentirs assiègent ceux qui vivent longtemps!
Qui compatit au malheur, fait un retour sur lui-même.
La pensée que l'homme garde pour lui au fond du coeur, n'est pas la pensée qu'il a pour les autres.
Souvent une heure nous rend ce que dix années nous ont ravi.
Qui fait naufrage pour une seconde fois, a tort d'accuser Neptune.
Il n'y a que l'innocent qui puisse dans le mal espérer le bien.
Un jugement est plus fâcheux à rendre entre des amis, qu'entre des ennemis.
La prospérité fait des amis, l'adversité les éprouve.
Vaincre sa colère, c'est triompher de son plus grand ennemi.
C'est provoquer le malheur, que de se dire heureux.
Conduisez-vous avec votre ami, comme si vous pensiez qu'il puisse facilement devenir votre ennemi.
On doit plus redouter la jalousie de ses amis, que les embûches de ses ennemis.

La méchanceté boit elle-même plus de la moitié du poison qu'elle porte.
Ce n'est pas sans un extrême péril, que l'on garde ce qui plaît à beaucoup de monde.
Je ne suis pas du tout votre ami, si je ne partage pas votre fortune.
La mort est heureuse pour l'enfance, amère pour la jeunesse, trop tardive pour la vieillesse.
Offrir des présens à un mort, ce n'est pas donner, c'est se priver soi-même.
Un instant a suffi pour amener des choses auxquelles personne n'avait songé.
Il y a bien des haines qui se cachent sous le masque, et bien d'autres sous un baiser.
Certes il possède bien des vertus, l'homme qui aime celles d'autrui.
Il faut bannir l'indiscret capable de divulguer les confidences de l'amitié.
Ne soyez prompt ni à louer ni à blâmer.
On ne sait ce qu'on doit espérer ni ce qu'on doit craindre : tant la journée offre de chances!
Un homme ne sait plus nuire, quand il en a perdu la volonté.
Les lieux élevés sont toujours dangereux, quand on ne sait se réserver une marche.
Rien ne vous sert de bien savoir, si vous négligez de bien faire.
La raison n'est plus écoutée, quand la passion a pris le dessus.
Il n'est rien de si caché qu'on ne puisse découvrir en cherchant.

Votre vie privée ne doit pas différer de votre vie publique.
Vous n'êtes pas complètement heureux, si le public ne vous trouve pas encore des ridicules.
Une demeure où l'on reçoit beaucoup d'amis n'est jamais étroite.
Il n'y a pas de fortune si heureuse, qu?on ne puisse en rien s'en plaindre.
L'homme ne meurt jamais plus satisfait qu'aux lieux où il s'est plû à vivre.
Les reproches, dans le malheur, sont plus insupportables que le malheur même.
C'est par haine du vice, et non par contrainte, que vous devez faire le bien.
La mort, qui n'a point d'heure fixe, prévient toujours ceux qui diffèrent de bien vivre.
Un bienfait ne peut être mieux placé, quand celui qui l'a reçu s'en souvient.
Le meilleur parti est de suivre nos ancêtres, s'ils nous ont tracé la bonne route.
La faute du père ne doit jamais nuire au fils.
L'argent est votre esclave, si vous savez l'employer; si vous ne le savez pas, il est votre maître.
Dire du mal d'autrui, c'est la plupart du temps s'injurier soi-même.
Prendre pour soi ce qui appartient à tous, voilà l'origine de la discorde.
Qui avoue ses fautes, se place bien près de l'innocent.
Le vice est d'autant plus honteux, qu'on s'y livre plus tard.

Il faut que le mal contienne celui que le bien ne peut retenir.
Tout ce qu'il y a de plus que le nécessaire, ne fait qu'embarrasser ceux qui le possèdent.
Qu'importent les biens que vous possédez, s'il en est de plus grands que vous ne possédez pas.
Rarement un homme peut tout à la fois parler beaucoup et à propos.
Le sort des rois est bien plus malheureux que celui de leurs sujets.
C'est le crime et non le criminel, qu'il est bon d'extirper.
Il est ridicule de vouloir, par haine du coupable, perdre l'innocent.
Il vaut souvent mieux dissimuler une injure, que de la venger.
Souvent je me suis repenti d'avoir parlé, jamais de m'être tû.
Il vaut mieux pour vous, plaire à un seul homme de bien, qu'à une foule de méchans.
On ne doit ni parler, ni se taire toujours; il faut observer un juste milieu.
La parole est l'image de l'âme : tel homme, tel discours.
Obéir malgré soi, c'est être esclave ; obéir de son plein gré, c'est être serviteur.
Si votre vie plaît au grand nombre, elle ne doit pas vous plaire à vous-même.
En faisant de nouveaux amis, il ne faut pas oublier les anciens.
On ne ressent point la blessure qui donne la victoire.

Qui veut vivre avec des hommes innocens doit rechercher la solitude.
L'avare est privé des biens qu'il possède, autant que le malheureux de ceux qu'il n'a pas.
Il y a autant de cruauté à pardonner à tous, qu'à ne pardonner à aucun.
Qui fait un vieillard son héritier, dépose son trésor dans un tombeau.
C'est une peine moins grave de ne pas pouvoir vivre, que de ne pas le savoir.
Il est moins odieux d'ordonner de mourir, que d'ordonner de mal vivre.
Une mauvaise conscience est souvent à l'abri du danger, mais jamais de la crainte.
Sur une terre étrangère et au milieu de votre famille, vous regretterez la patrie.
Un chien trop vieux ne peut plus s'accoutumer à la chaîne.
La vie de l'homme est courte, mais une belle mort le rend immortel.

CONTRE LE LUXE.

Rome croupit dans le luxe qui l'a vaincue. C'est pour ta bouche qu'on nourrit en cage, cet oiseau babylonien, le paon au plumage d'or; c'est pour toi que la pintade vient de Numidie, que le coq est fait chapon ; c'est encore pour satisfaire ta gloutonnerie, que cette hôtesse étrangère, ce modèle de piété filiale, cet oiseau aux jambes déliées, au bec musicien, qu'exile l'hiver et qui annonce le printemps, l'aimable cigogne enfin, couve dans mon chaudron. Pourquoi le pendant d'oreille? pourquoi la perle que l'Indien vend si cher? Est-ce pour que la matrone, courant assouvir ses fureurs amoureuses, aille en un lit étranger étaler ces ornemens tirés du sein des mers ? Mais à quel usage réserve-t- on la verte émeraude, ce verre précieux? pourquoi désire-t-on les chalcédoines, ces pierres qui brillent comme le feu, si ce n'est pour qu'elles scintillent? La vertu, voilà le plus bel escarboucle. Mais non, il paraît naturel de vêtir une jeune mariée d'un tissu transparent comme l'air, et de l'exposer aux yeux du public, nue, sous une gaze, vrai nuage de lin.

NOTES

Les commentateurs n'osent affirmer que ces vers, cités par Pétrone au chapitre LV de son Satyricon, soient l'ouvrage de Publius Syrus. Peut-être un copiste, confondant les noms, a-t-il attribué à notre auteur ce qui appartient à un autre Publius. Dans le doute, nous avons cru, comme l'ont fait les meilleurs éditeurs, devoir consigner à la fin des Sentences ce morceau qui nous a paru remarquable, et qui, jusqu'à présent, n'avait pas encore été traduit en prose française. Tous les traducteurs de Pétrone en ont donné des imitations en vers, pleines de grâce, sans doute ; mais aucun d'eux, usant du droit accordé aux poètes, ne s'est astreint à reproduire fidèlement son modèle, tâche que nous croyons, si non impossible, du moins de la plus grande difficulté.
Pavo pascitur, Plumato amiclus aureo, Babylonico (v. 2). On voit dans Diodore de Sicile, qu'il y avait beaucoup de paons en Babylonie; la Médie en nourrissait aussi une telle quantité, que cet oiseau en a reçu le surnom d'avis Medica.— Voyez BUFFON, Hist. Nat., art. PAON.
Gallina... Numidica (v. 4). « La pintade, dit Buffon, a été connue et très bien désignée par les anciens. Aristote n'en parle qu'une seule fois dans tous ses ouvrages sur les animaux ; il la nomme méléagride, et dit que ses oeufs sont marquetés de petites taches. Varron en fait mention sous le nom de poule d'Afrique : c'est, selon lui, un oiseau de grande taille, à plumage varié, dont le dos est rond, et qui était fort rare à Rome. Pline dit les mêmes choses que Varron, et semble n'avoir fait que le copier; à moins qu'on ne veuille attribuer la ressemblance des descriptions à l'identité de l'objet décrit : il répète aussi ce qu'Aristote avait dit de la couleur des oeufs; et il ajoute que les pintades de Numidie étaient les plus estimées, d'où l'on a donné à l'espèce le nom de poule numidique par excellence. Columelle en reconnaissait de deux sortes qui se ressemblaient en tout point, excepté que l'une avait les barbillons bleus, et que l'autre les avait rouges; et cette différence avait paru assez considérable aux anciens pour constituer deux espèces ou races désignées par deux noms distincts : ils appelaient méléagride la poule aux barbillons rouges, et poule africaine celle aux barbillons bleus, n'ayant pas observé ces oiseaux
d'assez près pour s'apercevoir que la première était la femelle, et la seconde le mâle d'une seule et même espèce. »
Gallus spado (v. 4). Tout le monde sait que le coq que l'on a dépouillé de ses facultés génératrices, prend le nom de chapon : le but principal de cette opération est de lui faire acquérir beaucoup d'embonpoint. Souvent, cependant, réduit à cet état, le coq n'a encore essuyé qu'une partie des souffrances qu'on lui prépare : on lui arrache la plume de dessous le ventre, on frotte cette partie avec des orties, on le gave ensuite de mie de pain trempée dans du vin, et on le renferme sous une mue avec de jeunes poulets, après avoir renouvelé ce supplice deux ou trois jours de suite. Les jeunes poulets passant sous la partie malade du patient, adoucissent la cuisson que lui ont procuré les piqûres.
Dès ce moment il semble prendre en affection ces petits dont on lui impose la garde et dont on augmente insensiblement le nombre; il veille sur eux avec une attention toute maternelle, et prolonge ses soins plus long-temps que ne l'eût fait la poule elle-même.
Ciconia... nidum in cacabo facit meo (v. 5). Avant le règne d'Auguste, personne encore ne s'était avisé de manger des cigognes ; ce fut un certain Acinius Rufus qui osa le premier faire servir sur sa table cet oiseau pour lequel les anciens avaient une vénération toute particulière. La chair de cet échassier est, du reste, un assez mauvais manger, et tout son prix consistait probablement dans sa rareté.
Margarita (v. 9). La perle, comme chacun sait, est une matière concrète, dure, d'un blanc brillant, de forme sphérique et d'un petit volume, qui se forme dans plusieurs espèces de coquillages, et notamment dans le Mytilus margaritiferus, L., qui habite les mers de l'Inde. Cette substance est composée de carbonate calcaire et d'une gélatine animale.
Smaragdum ad quam rem viridem (v. 12)? La composition de l'émeraude varie peu, qu'elle soit jaune, bleue ou verte : la silice, l'alumine, la glucine, une très faible quantité d'oxide de fer et quelquefois de chaux dans des proportions peu variables, constituent cette pierre précieuse que les lapidaires distinguent en aiguë marine lorsqu'elle est d'un vert pâle, et principalement bleue ou bleuâtre, et en béril lorsqu'elle est d'un vert jaunâtre : le nom d'émeraude est uniquement réservé à celle qui est d'un vert foncé, comme l'émeraude du Pérou.
Quo Carchedonios optas (v. 13)? Cette pierre, qui n'est qu'une variété d'agate d'un blanc laiteux, a tiré son nom d'une ville de Bithynie dans l'Asie Mineure. C'est de l'Irlande et des îles Féroé que nous viennent maintenant les calcédoines les plus estimées.
Carbunculus (v. i4). L'escarboucle est un rubis éclatant d'un rouge foncé; à grosseur et à qualité égales, il a moins de prix que le diamant, mais il en a plus que le saphir : il occupe donc le second rang parmi les pierres précieuses.

FIN DE L'OUVRAGE

sommaire