Interrex
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La fonction d’ « Interrex » a du être instituée à la mort de Romulus quand le Sénat aspira à prendre lui-même les commandes du pouvoir. A cette occasion et selon Tite Live, on peut dire que : « Cependant l'ambition du trône et les rivalités agitaient le sénat. Nul, parmi ce peuple nouveau, n'ayant encore de supériorité constatée, les prétentions ne s'élevaient pas encore entre les citoyens…Enfin, il fut convenu que les sénateurs, au nombre de cent, seraient partagés en dix décuries, dont chacune devrait conférer à l'un de ses membres l'exercice de l'autorité. La puissance était collective : un seul en portait les insignes, et marchait précédé des licteurs. La durée en était de cinq jours pour chaque individu et à tour de rôle. La royauté resta ainsi suspendue pendant un an, et l'on donna à cette vacance le nom d'interrègne, encore en usage aujourd'hui. » (Tite Live, I, 17). Donc, le Sénat qui devait se composer d’une centaine de membres fut divisé en dix curies et chacune élit un sénateur, ces derniers avec le titre d’ « Interreges » formèrent un espèce de comité qui eut tous les pouvoirs ainsi que les insignes royaux. « La mort de Numa ramena un interrègne (interregnum). Mais le peuple élut roi Tullus Hostilius, petit-fils de cet Hostilius qui s'était illustré contre les Sabins, dans le combat au pied de la citadelle. Le sénat ratifia l'élection. » Tite Live, I, 22. « Après la mort de Tullus, l'autorité revint, selon l'usage, aux mains des sénateurs. Ceux-ci nommèrent un interroi. Les comices assemblés, Ancus Marcus fut élu roi par le peuple. Le sénat ratifia l'élection. » Tite Live, I, 32.Chacun, successivement, avait la puissance et les attributs de la royauté ; et si personne n’était nommé au bout de 50 jours, une nouvelle rotation de ces gens là recommençait. Cette période durant laquelle il n’y avait aucun roi se nommait « Interregnum ». Denis d’Halicarnasse (II, 57) et Plutarque « les patriciens, qui étaient au nombre de cent cinquante, convinrent que chacun d’eux porterait à son tour les marques de la dignité royale, ferait aux dieux les sacrifices d’usage, et rendrait la justice six heures du jour et six heures de la nuit. Cette division de temps parut la plus avantageuse pour les deux partis : pour les sénateurs, par l’égalité qu’elle mettait entre eux ; et pour le peuple, qui par ce changement d’autorité, voyant le même homme être dans le même jour et dans la même nuit simple citoyen et roi, n’aurait plus aucun prétexte de jalousie contre les patriciens. Les Romains donnent le nom d’interrègne à cette forme de gouvernement. » (Plutarque, Numa, 2) donnent de différentes relations de l’événement, mais celle de Tite Live parait être la plus vraisemblable. Niebuhr (Hist. of Rome, vol. I, p. 334, vol. II, p. 111) suppose que les premiers « interreges» furent de la tribu des Ramnes et qu’ils étaient les dix plus importants des sénateurs, parmi eux, on trouvait le chef du sénat. (cf Walter, Gesch. Des Röm. Rechts, 21, 2ème édit.).
Les « interreges » se mettaient d’accord entre eux pour proposer un roi (Denis d’Halicarnasse, IV, 40, 80) et si le sénat approuvait leur choix, ils convoquaient l’assemblée du peuple et leur désignait la personne qu’ils avaient au préalablement choisi, cette assemblée ne pouvait que ratifier ou rejeter par acclamations. En cas d’acceptation, un décret était produit (Jussus populi) : « La renommée rapportait des merveilles de la sagesse de Numa Pompilius; c'était un Sabin; mais le peuple, sans vanité patriotique, choisit pour roi, sur la proposition même du sénat, ce vertueux étranger, et l'appela de Cures à Rome pour régner. A peine arrivé, quoique le peuple l'eût nommé roi dans les comices par curies, Numa fit confirmer son autorité par une nouvelle loi que les curies votèrent également » Cic. De Rep. II, 13. «… il (Servius Tullius) s'en référa à la décision du peuple : il fut nommé roi, et fit sanctionner son autorité par les curies. » Cic. De Rep. II, 21. Après que le roi ait été élu, l’assemblée lui conférait l’ « imperium » par une loi particulière : lex curiata de imperio.
« Après la mort de Numa, le peuple, sur la proposition d'un interroi, éleva Tullus Hostilius à la royauté, dans les comices par curies. Le nouveau roi, à l'exemple de Numa, fit confirmer sa puissance par une loi que les curies votèrent. » Cic. De Rep. 17.
Sous la République, les « interreges » étaient désignés pour réunir les comices qui devaient élire les consuls lorsque ceux de l’année précédente ne pouvaient le faire pour quelque cause que ce soit : « à la fin de ce consulat, la république en revint à un interroi, encore eut-elle de la peine à l'obtenir, car les tribuns empêchaient les patriciens de s'assembler. (8) La plus grande partie de l'année suivante se consuma en discussions entre les nouveaux tribuns du peuple et les premiers interrois : tantôt les tribuns s'opposaient à ce que les patriciens s'assemblassent pour l'élection de l'interroi; tantôt ils défendaient à l'interroi lui-même de publier le sénatus-consulte pour les comices consulaires. » Tite Live, IV, 43.
Chacun ne restait en place que cinq jours, comme au temps de la royauté. En règle générale, les comices ne se prononcaient pas durant la période de pouvoir du premier interrex mais plus habituellement avec le deuxième ou le troisième, on lit aussi qu’il en fallut un onzième ou même un quatorzième :
« il fallut en venir à l'interrègne: les comices furent longtemps différés pour une cause ou pour une autre; enfin le quatorzième interroi, L. Aemilius, créa consuls C. Poetelius et L. Papirius Mugillanus, ou Cursor, que je trouve en d'autres annales. » Tite Live, VIII, 23.
Les comices, pour l’élection des premiers consuls, furent tenus par Sp. Lucretius qui présida comme interrex (Denis d’Halicarnasse, IV, 84.), quant à Tite Live, il l’appelle aussi praefuctus urbis. (T. L. I, 60).
Depuis 482 avant J.C., les interreges furent élus par l’ensemble du sénat, ce n’est pas seulement dix personnages sénatoriaux (decem primi) qui les nommaient comme du temps des rois. (Denis d’Halicarnasse, VIII, 90) Il est à noter que les plébéiens n’étaient pas admis à cette fonction et par conséquent quand ils purent être admis au sein du sénat, les sénateurs patriciens devaient se réunir à part (coiere) sans leur présence. : « Les auspices mêmes du peuple romain seront nécessairement anéantis, puisqu'il n'y aura plus d'interroi, l'interroi devant être patricien et présenté par un patricien. » Cicéron, Pro Domo, 14.
Pour cette raison et à cause de l’influence d’un interrex sur les comices, les tribuns de la plèbe étaient fortement opposés à sa nomination. «… tantôt les tribuns s'opposaient à ce que les patriciens s'assemblassent pour l'élection de l'interroi. » Tite Live, IV, 43.
Ils avaient une compétence judiciaire (Niebuhr, vol. II, p. 24). Lorsque le besoin s’en faisait sentir, ils continuèrent d’être nommés jusque vers l’époque de la seconde guerre punique mais après, on peut dire qu’il y en eut plus. (T. L. XXII, 33, 34). La fonction réapparue aux temps de Sylla lorsque le sénat, sur ses ordres, en créa un pour son élection comme dictateur, en 62 avant J.C.
« Cependant Sylla, effectivement roi ou tyran, non pas par élection, mais par force et par violence, sentit qu'il avait besoin de mettre les apparences électives de son côté ; et voici ce qu'il imagina. C'était la vertu qui donnait anciennement des rois aux Romains ; et lorsque le roi régnant venait à mourir, les rênes de l'État passaient successivement, de cinq en cinq jours, entre les mains d'un des membres du sénat, jusqu'à ce que le peuple eût donné un successeur au roi défunt ; et celui qui portait ainsi le sceptre pendant cinq jours, ils l’appelaient interroi, car il était roi pendant cet intervalle. Ensuite, c'étaient toujours les consuls dont la magistrature expirait qui présidaient aux comices pour l'élection des nouveaux consuls ; et lorsque, par événement, il n'y avait pas de consul, on nommait alors aussi un interroi pour tenir les comices consulaires. En conséquence de cet usage, et de la circonstance présente qu'il n'y avait point de consuls, puisque Carbon avait péri en Sicile, et Marius à Préneste, Sylla, étant allé quelque part hors de Rome, envoya ordre au sénat d'élire un interroi. » Appien, I, 98.
En 55 avant J.C., un autre fut nommé pour réunir les comices qui nommèrent Pompée consul unique : « Le Sénat, s’étant rallié à cet avis, décida, par un vote, que Pompée, nommé consul, exercerait seul le pouvoir, et que, s’il avait besoin d’un collègue, il le choisirait lui-même après examen, mais pas avant deux mois. Nommé de la sorte consul et proclamé par l’interroi Sulpicius… »Plutarque, Pompée, 54.
Adapté du livre de William Smith "A dictionary of greek and roman antiquities"