Bretagne ou GRANDE BRETAGNE ou BRITANNIA :

L'île de Bretagne était connue depuis longtemps par les Romains qui commerçaient avec. La conquête militaire a commencée avec Jules César qui a débarqué deux fois mais qui ne s'est jamais installé bien qu'il fut vainqueur des peuplades bretonnes qu'il rencontra :

"César résolut néanmoins de passer dans la Bretagne, pays qu'il savait avoir fourni des secours à nos ennemis dans presque toutes les guerres contre les Gaulois…Nul en effet, si ce n'est les marchands, ne se hasarde à y aborder, et ceux-ci même n'en connaissent que les côtes et les pays situés vis-à-vis de la Gaule." César, Guerre des Gaules, 4 ; 20.

« Cette seconde expédition, quoique plus heureuse que la première, n'amena pas la soumission complète de l'île de Bretagne. D'après Cicéron, on n'aurait même pas fait de butin ; cependant Strabon et Morus parlent d'un butin considérable, et un autre auteur rapporte que César aurait prélevé sur les dépouilles ennemies une cuirasse ornée de perles qu'il consacra à Vénus» Napoléon III, Histoire de Jules César, 3, 8.

« César s'éloigna de la Bretagne et n'y laissa point de troupes, persuadé qu'elles ne pourraient sans danger passer la mauvaise saison sur une terre étrangère et qu'il ne serait pas prudent d'être lui-même plus longtemps absent de la Gaule. » Dion Cassius, XL, 4.

--- Carte de l'Atlas de Shepherd, 1911.

C'est ainsi que l'on peut parler des sources qui nous renseignent sur ce pays. On vient d'évoquer Jules César qui a écrit sur tout ce qu'il avait vu lors des invasions qu'il a menées. Ce qui va servir à Strabon dans les chapitres qu'il consacra à ce pays. La "Géographie" de Ptolémé va renseigner les Romains sur cette lointaine province grâce aux différents apports dus aux expéditions d'Agricola, ce qu'il a vu va être repris dans les écrits de Marinus de Tyr qui l'accompagna. Les quinze routes principales du pays nous sont connues par un texte issu de documents officiels du début du III° siècle après J.C. : "L'Itinéraire d'Antonin", le Sud Est est bien connu, en particulier, grâce à la "Table de Peutinger". d'autres renseignements sont apportés par la "Notitia Dignitatum". Il ne faut pas oublier dans ces sources les renseignements donnés par l'épigraphie et l'archéologie, données rassemblées dans un ouvrage intitulé : "Roman Inscritions in Britain", plus à aujourd'hui 250 tablettes trouvées dans le fort de "Vindolanda", . L'histoire et la géographie de cette province est illustrée par Tacite et son beau-père Agricola . La province de Bretagne ne verra le jour qu'en 43 après J.C., elle avait des limites imprécises toujours mouvantes car les Romains durent combattre de nombreuses peuplades pour s'imposer, surtout au Nord et vers l'Ouest (Pays de Galles). Tout cela est connu par les écrits de Suétone, de Dion Cassius et d'Hérodien.

Déjà, en 40 après J.C., Caligula décida d'investir l'île (1). Pour cela, il rassembla 6 légions à Boulogne mais l'attitude hostile des militaires à ce projet le lui fit abandonner. En fait, Rome ne voulut jamais s'installer durablement dans ce pays. A cette époque, la Bretagne était composée de multiples royaumes, un roi, Cynobellinus, avait essayé de construire un royaume fédéral mais des défections se firent jour et ce projet échoua. C'est l'empereur Claude qui, en définitif, fit la conquête de la Bretagne.

« …il voulut un triomphe complet, et choisit pour le champ de ses exploits la Bretagne, qui n'avait pas été attaquée depuis Jules César…sans combat et sans effusion de sang, il reçut en très peu de jours la soumission de l'île, revint à Rome six mois après son départ, et triompha avec le plus grand appareil. » Suétone, Claude, 17.

Les troupes destinées à cette invasion (4 légions) furent placées sous le commandement d'Aulus Plautius, ancien gouverneur de Pannonie, il s'agissait de la II Augusta, de la IX Hispania, de la XIV Gemina, et de la XX Valeria Vitrix soit environ 40.000 hommes. Dans son état-major, figuraient le futur empereur Vespasien (tribun à la II ème Augusta) ainsi que son frère, Sabinus. Les troupes débarquèrent en trois points différents sans qu'aucune résistance, sur le rivage, ne leur soit opposée. Claude débarqua dans un deuxième temps à la tête du gros de l'armée et de quelques éléphants destinés à effrayer les indigènes qui n'en avaient jamais vus. Il était là pour parader et recueillir des lauriers que d'autres avaient conquis. Il passa 16 jours dans l'île mais ne rentra à Rome que 6 mois après, pour triompher ; quant à Plautius, il n'eut droit qu'à une simple « ovation ». Il avait passé le pouvoir à Ostorius Scapula lequel fit construire des fortins qui, outre la protection de ce qui était conquis, devait servir de base de départ à la conquête du Nord et de l'Ouest. Il eut à supporter une révolte des « Brigantes » qui menaça son armée d'invasion sur son flanc droit et sur ses arrières. Cette peuplade était la plus remuante de la future province. Puis, Scapula captura le principal ennemi des Romains, Caractus, qui fut envoyé à Rome avec toute sa famille. Claude lui laissa la vie sauve pour se concilier les Bretons. Mais en définitive ce sera Vespasien et ses fils qui intégreront à l'empire le Pays de Galles, le Nord de l'Angleterre et perceront vers l'Ecosse qui ne fut jamais conquise, le Pays de Galles, non plus, ce que l'on sait moins c'est que Frontin fut chargé de la conquête de ce pays, il fut occupé mais jamais assimilé. En fait, le territoire romain était relativement restreint Un élément gênait les Romains, c'était l'influence des druides sur les gens. Ces religieux s'étaient réfugié sur l'île de Mona (Anglesy), qui sera occupée sous Néron. Pour en revenir à Vespasien, c'est lui qui nommera Cn. Julius Agricola , beau-père de Tacite, comme gouverneur de la province, il sera rappelé en 84 après J.C. par Domitien.

"Domitien fait donc voter par le sénat l'octroi à Agricola des décorations réservées aux triomphateurs, l'hommage d'une statue officielle et tout ce qui peut bien être décerné pour tenir lieu de triomphe. Il enrobe ces mesures de beaucoup de louanges. Plus encore, il fait courir le bruit qu'il destine à Agricola le gouvernement de la Syrie, rendu vacant par le décès du proconsul Atilius Rufus et réservé à des personnages de marque. Beaucoup ont cru qu'un affranchi chargé de démarches confidentielles fut envoyé auprès d'Agricola pour lui remettre les document officiels lui accordant la Syrie, mais qu'il avait reçu l'ordre de ne s'en séparer que si Agricola était encore en Bretagne. Croisant Agricola au moment même où celui-ci venait de franchir le détroit de l'Océan, cet affranchi n'entra même pas en contact avec lui et revint auprès de Domitien. Est-ce la vérité ou bien une invention de toute pièce imaginée par l'empereur, comme on pourrait s'y attendre de sa part ?... C'est de nuit qu'Agricola arriva à Rome, de nuit qu'il gagna le Palatin, comme il en avait reçu l'ordre. Il fut accueilli par un baiser rapide de Domitien, qui ne lui adressa pas la parole et le laissa se perdre dans la masse des courtisans." Tacite, vie d'Agricola, XL.

Mais avant, il va continuer l'œuvre de ses prédécesseurs, c'est-à-dire qu'il va asseoir l'emprise de Rome. Il mata, en particulier, un peuple du Pays de Galle et un autre peuple que l'on retrouve partout lorsqu'il s'agit d'agir contre Rome, les « Brigantes » dont il a déjà été question. Ils vivaient dans ce qui est aujourd'hui le comté d' York. La principale révolte fut le fait de la reine Boudicca et de son peuple, les Icéniens, qui se déroula sous Néron.

Manuels scolaires du début du XX° siècle

Il y eut en permanence 3 légions en garnison dans cette île plus les auxiliaires qui, comme en Egypte, n'étaient pas recruter parmi les indigènes contrairement aux habitudes romaines. Pour mieux défendre la province des gens du Nord, les Calédoniens (Ecossais), les Romains construisirent deux murs, celui d'Hadrien (118 km ), entre 122 et 127, qui s'appuyait sur des forteresses pouvant avoir jusqu'à 1000 hommes de garnison et plus vers le Nord, pour raccourcir les distances entre chaque extrémité, celui d'Antonin (le Pieux).

Cette île, comme nous l'avons dit plus haut, était très riche, les Romains y exploitaient et en tiraient du blé, de l'or, de l'argent, la Cornouaille possède une espèce particulière de ce minerai que les spécialistes nomment mine d'"argent corné", du plomb, du cuivre, de l'étain et des perles comme on peut le voir beaucoup de métaux précieux. Mais la culture romaine ne pénétra jamais en Bretagne comme elle a pu le faire notamment en Gaule. Ils ont seulement occupé l'île, n'ont jamais pu y introduire de façon durable leurs traditions ni leur langue. Pour les occupants et les indigènes des classes possédantes, l'habitat traditionnel était la domus qui, contrairement à l'italienne construite autour d'un péristyle, était bâtie le long d'un corridor et même la plus humble était pourvue d'un hypocauste (espèce de chauffage central) et de vitres aux fenêtres qui devaient garder la chaleur.

Nous avons très peu de connaissance sur la vie quotidienne municipale de la province, seules des inscriptions militaires ont été retrouvées. On sait seulement que sous Caracalla, les villes avaient rang de « municipes » et qu'elles étaient dirigées par des décurions. La plus ancienne des cités était Camulodum (Colchester) qui fut une des cibles principale de la reine Boudicca. Londinium (Londres) qui n'avait pas l'importance qu'elle a aujourd'hui, était, d'après Tacite, une ville renommée de 30.000 habitants sous le règne de Néron. Pour essayer un semblant de colonisation, Rome fonda 4 colonies qui furent peuplées de vétérans des légions. Colchester (déjà citée), pour les anciens de la XX ème légion, fut certainement la première puis ce fut le tour de Gloucester et de Lincoln, enfin Septime Sévère éleva York à cette dignité. Elles permirent d'avoir des militaires-civils à des lieux stratégiques.

Puis arriva des temps plus troublés. Clodius Albinus en fut gouverneur avant d'être consul à Rome avec Septime Sévère en 194.Ce dernier divisa la province en deux parties. Malgré cela, il dut guerroyer sans cesse, il mourut à la tâche à York (Eburacum) alors qu'il se préparait à attaquer les tribus écossaises, deux ans après son arrivée.

« Sévère, après avoir soumis les nations ennemies de la Grande-Bretagne, mourut à York, dans un âge déjà avancé, après une cruelle maladie, la dix-huitième année de son empire. » Histoire Auguste, vie de Septime Sévère d'Aelius Spartianus.

Depuis toujours le principal souci de l'Angleterre fut de se préserver des pirates. A cet effet, Claude avait créé la Classis Britannica puis Dioclétien ou un de ses successeurs remania le tout en un instrument plus considérable : la Classis Sambricana qui intervenait aussi sur les côtes de la Gaule. Cet empereur partagea la province en 4 parties : la Britannica 1 et 2, la Maxima Caesarientis et la Flavia Caesarientis puis une cinquième vit le jour la Valentia . Déjà auparavant, Septime Sévère l'avait divisée en deux. Puis sous le Bas Empire, la Bretagne fut un territoire livré au pillage des Picts, des Scots et des Saxons. En l'année 407 après J.C., l'empereur Honorius signifia aux Bretons qu'ils ne pouvaient plus compter que sur eux-mêmes pour se défendre des Saxons. Et arriva la fin en 442 après J.C., sous l'empereur Valentinien III, la province fut totalement abandonnée par les Romains qui devaient faire face aux « Grandes Invasions » mais l'étude de la numismatique montre que, déjà, vers 410 après J.C., les liens avec Rome avaient été coupés et les Saxons devinrent maître de l'île jusqu'à l'arrivée des Normands.

« …la Bretagne fut perdue sans retour (2). Mais comme les empereurs consentirent sagement à l'indépendance de cette province éloignée, la séparation n'entraîna le reproche ni de rébellion, ni de tyrannie ; et les services volontaires de l'amitié nationale succédèrent aux devoirs de l'obéissance et de la protection … et, durant une période de quarante ans, la Bretagne se gouverna, jusqu'à la descente des Saxons, sous l'autorité du clergé, des nobles et des villes municipales. 1° Zozime, le seul qui ait conservé la mémoire de cette singulière transaction, observe que les lettres d'Honorius étaient adressées aux villes de la Bretagne. Quatre-vingt-dix cités considérables avaient pris naissance dans cette vaste province sous la protection des Romains ; et, dans ce nombre, trente-trois se distinguaient des autres par leur importance et par des privilèges très avantageux. Chacune de ces villes formait, comme dans les autres provinces de l'empire, une corporation légale, à laquelle appartenait le droit de régler la police intérieure ; et l'autorité de ce gouvernement municipal se partageait, entre des magistrats annuels, un sénat choisi et l'assemblée du peuple, conformément au modèle primitif de la constitution romaine. » E. Gibbon, Histoire de la Chute et de la Décadence de l'Empire Romain, 6 ème livre, chapitre 31.

(1) Avant Galigula, les Romains étaient déjà présents en Angleterre car on a retrouvé dans les fondations de la Tour de Londres, qui aurait comme origines une construction romaine, des monnaies du temps de César.

(2)dans un passage important qui a été trop négligé. Bède lui-même ( Hist. gent. anglic ., l. I, c. 12, p. 50, édit. Smith) convient que les Romains abandonnèrent tout à fait la Bretagne sous le règne d'Honorius. Cependant nos historiens modernes et nos antiquaires ne sont point de cette opinion ; et quelques-uns prétendent qu'il ne se passa que peu de mois entre la retraite des Romains et l'invasion des Saxons.

Lire sur ce site la vie d'Agricola par Tacite

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