Tite-Live 

Tite-Live  : Titius Livius. (59  avant J.C. ; 17 après J.C.)

 Il est né à Padoue, ville de Vénétie dans l'ancienne Transpadane. On pense qu'il était issu d'une riche famille de la bourgeoisie locale. Les dates de sa naissance et de sa mort proviennent d'écrits de Saint Jérôme et aux dires de Quintilien qui le connut bien, il ne perdit jamais son accent d'origine.

   Sa vie nous est très mal connue, il ne dut pas suivre la carrière des honneurs, il ne parait pas qu'il fut magistrat à aucun moment de sa vie ; sa façon de décrire des actions militaires fait penser, d'abord, qu'elles sont de seconde mains et surtout qu'il ne fut jamais militaire, ors à cette époque, quelqu'un qui exerçait une charge, quelle qu'elle soit, devait avoir effectuer un passage dans les légions.   

                                                                     Il ne vint à Rome qu'à l'âge de 24 ans, jusque là il resta à Padoue qui d'ailleurs était une ville de la Gaule Cisalpine gouvernée par Jules César durant l'enfance de notre futur historien. Il vécut dans l'entourage immédiat d'Auguste et devint le précepteur du futur empereur Claude. Il dut l'encourager dans l'écriture de l'histoire et en particulier dans l'étude de l'étruscologie :

« Dans sa première jeunesse, il essaya d'écrire l'histoire, encouragé par Tite-Live et aidé par Sulpicius Flavus…Il s'aventura à en lire des fragments devant un nombreux auditoire; mais il put à peine les achever, parce que plus d'une fois il s'était refroidi lui-même. » Suétone, Claude, XLI, 1   

« Il écrivit aussi beaucoup pendant son règne, et fit lire assidûment ses ouvrages par un lecteur public. » Suétone, Claude, XLI, 3.

On pense qu'il dut avoir un fils et une fille qu'il maria à L.Magius que l'on connaît grâce à Sénèque qui l'a cité dans ses écrits. Quant à son fils, Quintilien nous renseigne en disant que Tite Live lui avait écrit un traité des études de la jeunesse dans lequel il lui recommandait la lecture des œuvres de Cicéron et de Démosthène. Après la mort d'Auguste, il revint à Padoue où il mourut trois ans plus tard.  Et pour terminer la partie consacrée à sa vie, on peut ajouter qu'il écrivit des « Dialogues » et des « Traités Philosophiques » perdus de nos jours (Sénèque) ; il avait un certain penchant pour les ennemis de J. César, à tel point qu'Auguste l'appelait le « pompéien ».

« Tite-Live, signalé entre les auteurs par son éloquence et sa véracité, a donné tant de louanges à Pompée, qu'Auguste l'appelait le Pompéien ; et leur amitié n'en fut point affaiblie. Scipion, Afranius, Cassius lui-même et Brutus, n'ont jamais reçu de Tite Live les noms de brigands et de parricides qu'on leur prodigue aujourd'hui. Souvent même il en parle comme de personnages illustres. » Tacite, Annales, IV, 34, 6.

Par contre, Caligula ne l'aimait pas du tout car il pensa supprimer de toutes les bibliothèques ses écrits ainsi que ceux de Virgile, avec comme raisonnement qu'ils étaient verbeux et peu axés sur la vérité.

                                                                     Il fut l'auteur d'une histoire de Rome depuis sa fondation par Romulus jusqu'à la mort de Drusus en 9  avant J.C. ( Ab Urbe Condida ), elle devait aller jusqu'à celle d'Auguste mais celle de l'écrivain l'interrompit ; soit 142 livres , divisé en décades (groupement de 10 livres ), seul 35 livres sont arrivés jusqu'à nous qui sont divisés ainsi :

- 1 à 10 = des origines au début du III ème  siècle  avant J.C.

                    - 21 à 40 = Seconde guerre punique.

                    - 41 à 45 = Conquête des pays de la Méditerranée orientale ; le dernier événement raconté est le triomphe de Paul Emile.

« C'est d'ailleurs un ouvrage  immense que celui qui, embrassant une période de plus de sept cents années, et  prenant pour point de départ les plus faibles commencements de Rome, la suit dans ses progrès jusqu'à cette dernière époque où elle commence à plier sous le faix de sa propre grandeur… » Tite Live, introduction, 4.

Il écrivit comme un homme de son époque et non pas comme un historien devrait le faire, c'est-à-dire détaché, autant que faire se peut, de la période dans laquelle il vit. Par exemple, il montre des magistrats dotés des talents d'un orateur alors qu'au début de l'histoire de Rome, personne ne pouvait s'exprimer ainsi.

On connaît l'ensemble de son œuvre historique grâce aux Periochae qui, en fait, étaient des têtes de chapitres ou des résumés de chapitres assez développés. Ceux-ci ont eu un rédacteur et l'on pense mais ce n'est qu'une hypothèse que l'on pourrait y voir un Gaulois du IV ème siècle après J.C. qui reste un inconnu pour nous.     

Il dut avoir beaucoup de difficultés pour écrire sur l'histoire antérieure à 390  avant J.C. car les Gaulois avaient pris Rome en détruisant tout. Cependant pour les autres années, la fréquentation et la faveur d'Auguste lui permirent certainement de consulter les archives romaines des temps suivants, il fut donc à la source des connaissances historiques. A l'origine, il puisa des informations chez des historiens qui furent ses aînés tel Valeria Antias, Fabius Pictor, Claudius Quadrigarius et aussi Polybe.

« Aurai-je lieu de m'applaudir de ce que j'ai voulu faire, si j'entreprends d'écrire l'histoire du peuple romain depuis son origine ? Je l'ignore; et si  je le savais, je n'oserais le dire, surtout quand je considère combien les faits sont loin de nous, combien ils sont connus, grâce à cette foule  d'écrivains sans cesse renaissants, qui se flattent, ou de les présenter avec plus de certitude, ou d'effacer, par la supériorité de leur style, l'âpre simplicité de nos premiers historiens. » Tite Live, introduction, 1.

                                                                         On lui reprocha beaucoup d'avoir accordé trop d'importance aux légendes qui pouvaient flatter Rome ; à travers son œuvre il voulu démontrer qu'être Romain était appartenir au premier peuple du monde. Son histoire est, disait on, trop chauvine, un exemple en est donné par la période royale qui, d'Etrusque qu'elle fut, devint romaine. En fait, ses écrits ont eu un premier but qui fut d'édifier les foules sur la gloire de Rome.

« Quoi qu'il en soit, j'aurai du moins le plaisir d'avoir aidé, pour ma part, à perpétuer la mémoire des grandes choses accomplies par le premier peuple de la terre… »  Tite Live, introduction, 3.      l'aspect réaliste passe au second plan. Mais son histoire est corroborée, mise en parallèle avec celle de Denis d'Halicarnasse et confortée par quelques mentions historiques que l'on peut trouver chez Cicéron. On a souvent écrit qu'il ne portait aucun intérêt aux problèmes institutionnels (H. Bornecque, P. G. Walch). Mais les principales critiques qui lui furent adressées datent du XVIII ème siècle.    

«  Les Romains, tout sérieux qu'ils étaient, n'ont pas moins enveloppé de fables l'histoire de leurs premiers siècles. Ce peuple, si récent en comparaison des nations asiatiques, a été cinq cents années sans historiens. Ainsi il n'est pas surprenant que Romulus ait été le fils de Mars, qu'une louve ait été sa nourrice, qu'il ait marché avec mille hommes de son village de Rome contre vingt-cinq mille combattants du village des Sabins; qu'ensuite il soit devenu dieu; que Tarquin l'ancien ait coupé une pierre avec un rasoir, et qu'une vestale ait tiré à terre un vaisseau avec sa ceinture, etc. »   Voltaire, dictionnaire philosophique, article : histoire.

« Mais si à cette étude nous voulions ajouter celle d'une antiquité plus reculée, nous ressemblerions alors à un homme qui quitterait Tacite et Tite Live pour étudier sérieusement les Mille et une Nuits. Toutes les origines des peuples sont visiblement des fables… » Voltaire, idem.

« …il n'est pas question, par exemple, des prodiges dont Tite Live a embelli ou gâté son histoire: mais, dans les faits les plus reçus, que de raisons de douter! » Voltaire, idem.

De nos jours, on lui prête une oreille certaine. Au Moyen Age, il fut peu lu, pourtant à la jointure de cette époque et de la basse antiquité, les Pères de l'Eglise le citèrent à maintes reprises ; et pour terminer ce tour d'horizon des dates, il faut reconnaître que c'est grâce à la Renaissance qu'il est connu, Dante parla beaucoup de lui.

                                                                     Son apport est très important pour la connaissance de la seconde guerre punique, il la doit en particulier à d'anciens annalistes qui écrivirent avant lui. Certains passages ne sont que des catalogues, des listes de magistrats, et une énumération impressionnante de prodiges mais à la différence de leur sécheresse habituelle, il y ajoutera une réflexion sur le sens de l'histoire et il sera ainsi un conteur au lieu de n'être qu'un narrateur.