Temple de Saturne : Saturne = Satum -> semé ou Sata = moisson, richesse.

Il se trouve être le plus ancien monument de Rome. Le premier temple, en hommage à Saturne qui avait enseigné l’agriculture aux Romains, fut construit en 497  avant J.C. (ou en 501  avant J.C., suivant certains auteurs) dans l’espace du Forum. Sa position exacte était : au fond du forum, près du Tabularium entre le temple des Castors et la basilique Julia (inscription d’Ancyre) « J'ai achevé le Forum Julien et la basilique qui se trouve entre les temples de Castor et de Saturne… » Res Gestae, Auguste, 20.

 

 

---> Maquette de A. Caron.

Ce temple aurait été construit par Tarquin le Superbe et aurait été consacré par le dictateur Titus Larcius (497  avant J.C.), une autre tradition antique dit qu’il aurait été bâti par Tullus Hostilius. En fait, il fut érigé par la royauté et dédié sous la récente République. Il fut construit à l’emplacement d’un ancien autel, dédié à Saturne, qui daterait du 7ème siècle  avant J.C.. Ce lieu de culte aurait été bâti par Hercule et ses compagnons, venus d’Argos.  Dans ce temple, il y aurait eu une statue du dieu en bois dont les pieds étaient attachés par des bandelettes de laine.  De ce temple primitif, on peut voir, encore de nos jours, une rigole qui devait recevoir l’écoulement du sang des victimes sacrificielles ; en son sommet, il y avait des statues de tritons chevauchant des chevaux. De nos jours, il reste huit colonnes qui datent de l’édifice remanié au IVème siècle, dénotant une architecture en pleine décadence ; six sont en granit gris, sur la façade, deux autres, sur les cotés, sont en granit rose, elles ont 11 mètres de hauteur. Il était construit en bloc de tuf et maintenu par des crampons de bois. Son podium, très élevé, était en blocage recouvert de travertin et de marbre ; il était  surélevé de cinq mètres par rapport au niveau du sol, celui que l’on voit de nos jours remonterait à la restauration de Plancus. Des pierres servirent à construire la basilique St Pierre. Sous les voûtes qui soutenaient l’escalier passait un égout. Un autre, plus important, passait directement  sous le temple. Il fut restauré plusieurs fois, en particulier par Dioclétien après l’incendie  provoqué par Carinus et surtout par L. Munatius Plancus, au temps d’Auguste, en 42  avant J.C.   

« Souvent il engageait les principaux citoyens à décorer Rome, chacun selon ses facultés, ou par de nouveaux bâtiments, ou par des réparations. Aussi y en eut-il beaucoup de construits par diverses personnes…Munatius Plancus, le temple de Saturne… » Suétone, Auguste, 29. On a retrouvé au 16ème siècle une inscription, aujourd’hui perdue, portant la mention : L. PLANCUS. L. F. COS. IMP. ITER. DE. MANIB. Devant lui, s’étendait une place (area saturni),  les praetores aerarii L. Calpurnius Piso et M. Selvius en rectifièrent les limites. Plusieurs monuments occupaient l’endroit et se posaient devant lui ou à coté, un sacellum Ditis, une statue de Sylvain ombragée par un figuier qu’il fallut ôter car il abîmait la statue, cela nécessita l’intervention des Vestales qui durent offrir un sacrifice. On pouvait y voir, aussi, le tombeau d’Oreste dont les cendres avaient été rapportées d’Aricie où Iphigénie les avait déposées. Derrière lui, près du vicus Jugarius était érigé un autel (construit en 7 après J.C.) dédié à Ops et à Cérès. Ops était l’épouse de Saturne et la déesse des moissons et la protectrice des cultures.

Saturne était considéré comme le dieu grec CRONOS, fondateur de l’Age d’Or (et non CHRONOS, dieu du temps) mais son nom était aussi lié aux sacrifices humains, c’est pourquoi, il ne fut jamais marqué sur des monuments et son effigie disparue peu à peu, à travers les âges.

Les prêtres qui s’occupait de son culte officiaient suivant la liturgie grecque, tête nue (l’esprit s’ouvrait au dieu) alors que les autres célébrants d’autres cultes s’enveloppaient la tête d’un pan de leur toge (pour se préserver de voir un présage funeste ou entendre un bruit de mauvaise augure).

«… où l'on voit un autel consacré à Saturne antérieurement à la guerre de Troie, parce qu'ils font leurs prières devant cet autel, la tête découverte. Car les Italiques, suivant la prescription d'Énée, se voilent la tête, parce que ce prince, rendant les honneurs religieux à Vénus, sa mère, sur le rivage du territoire de Laurente, et craignant d'interrompre le sacrifice s'il était reconnu par Ulysse, se voila la tête et évita ainsi d'être vu par l'ennemi. » Festus.

Sa fête avait lieu le 17 décembre « La fête de Saturne se célèbre au mois de décembre, parce que c'est en ce mois que le temple de ce dieu fut bâti ; et il semble présider à la culture des terres, d'où vient aussi qu'on lui donne la faux pour attribut. »  Festus, elle dura 3 jours puis 7, il s’agissait des Saturnales, on les inaugurait au temple ; pendant ces festivités s’en déroulaient d’autres : les Opalia en l’honneur d’Ops à l’autel du Forum, le 19 décembre.

                                                                      Le temple de Saturne renfermait le trésor public dans son soubassement, mis ainsi sous la protection de la religion. Ce trésor fut appelé Aerarium car le mot venait de Aes = bronze, métal dans lequel était coulé la plus petite monnaie romaine. Une petite partie en était constitué par la levée d’un impôt institué sur les affranchissements. En cet endroit, on y déposait aussi les enseignes des légions durant les périodes de paix. En 49  avant J.C., Jules César fit main basse sur cet argent durant la guerre civile ; un tribun de la plèbe, Lucius Metellus, essaya de l’en empêcher mais en vain.

 

« Le tribun Metellus voulut l'empêcher de prendre de l'argent dans le trésor public, et lui allégua des lois qui le défendaient. « Le temps des armes, lui dit César, n'est pas celui des lois : si tu n'approuves pas ce que je veux faire, retire-toi ; la guerre ne souffre pas cette liberté de parler. Quand après l'accommodement fait, j'aurai posé les armes, tu pourras alors haranguer tant que tu voudras. Au reste, ajouta-t-il, quand je parle ainsi, je n'use pas encore de tous mes droits, car vous m'appartenez par le droit de la guerre, toi et tous ceux qui, après vous être déclarés contre moi, êtes tombés entre mes mains. » En parlant ainsi à Metellus, il s'avança vers les portes du trésor ; et comme on ne trouvait pas les clefs, il envoya chercher des serruriers, et leur ordonna d'enfoncer les portes. Metellus voulut encore s'y opposer ; et plusieurs personnes louaient sa fermeté. César, prenant un ton plus haut, le menaça de le tuer s'il l'importunait encore. « Et tu sais, jeune homme, ajouta-t-il, qu'il m'est moins facile de le dire que de le faire. » Metellus, effrayé de ces dernières paroles, se retira, et tout de suite on fournit à César, sans aucune difficulté, tout l'argent dont il eut besoin pour faire la guerre. » Plutarque, César, 41.

On peut penser que les nouveaux questeurs prêtaient serment  avant d’entrer en fonction, en cet endroit.

« Tandis que tout le monde était muet de stupéfaction devant ce subterfuge Marius ne leur donnant pas le temps de penser se leva et alla au temple de Saturne, où les questeurs reçoivent d’habitude les serments. » Appien, guerre civile, I, 31.

Il s’y trouvait une vielle balance qui avait servi du temps où les paiements se faisaient en poids d’or. D’ailleurs, derrière le temple, on voyait un bas relief représentant des employés du trésor procédant à une distribution d’argent.

Avec l’Empire, l’Aerarium ne fut plus qu’une sorte de caisse municipale pour la ville de Rome. Il fut donc distinct du trésor de l’empereur et administré par des préfets (Praefecti aerarii saturni), assistés de questeurs. En son sein, se trouvaient aussi des plaques d’acier où étaient gravés les lois de la République, on voit encore sur l’arrière du temple, les crochets de fer qui servaient à les fixer.

Il fut le témoin du procès de Milon. Pompée, avec son escorte, se tenait sur le devant, surélevé, du temple, Cicéron se trouvait en bas. Impressionné par sa position et par l’appareil militaire qu’il voyait, il prononça une plaidoirie moins bonne que d’habitude ; ce n’est pas celle qui nous ait parvenu, elle fut réécrite plus tard et ne fut jamais prononcée.

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