REPAS : Cena ou Coena

A l'origine le repas était un acte religieux, c'est pour cela qu'au début de l'Empire, on va retrouver des gestes qui vont invoquer des dieux, dont on va parler plus bas, qui n'ont plus comme justification que la force de l'habitude. Il n'y avait aucun sacrifice qui ne se termina par un banquet. Il est autant un plaisir gustatif que visuel. L'art de la table est très important, il est une marque de l'hospitalité du maître de maison et surtour de sa position sociale.Il était très mal vu de refuser une personne (d'où la présence fréquente de "parasites" ou" pique-assiette"), ils ne mangeaient pas allongés mais assis sur des tabourets, méprisés par ceux qui avaient été invités.

En moyenne, le Romain faisait trois repas par jour qui étaient : le matin au lever, le JENTACULUM ou petit déjeuner. Il était très rapidement pris généralement debout, on mangeait du pain, rassis ou pas, accompagné de fromage, d'olives et de fruits séchés.

D'après FESTUS, ce repas s'appelait aussi « prandicula » ou « silatum » :

PRANDICULA. Les anciens appe laient ainsi les repas que nous nom mons maintenant jentacula.

SILATUM . Les anciens donnaient ce nom au repas que nous appelons aujourd'hui jentaculum , parce qu'encore à jeun ils buvaient avant midi du vin dans lequel on avait fait infuser du séséli. (séséli = plante herbacée).

Vers midi, c'est-à-dire vers la sixième heure, il prenait ce que nous nommons un déjeuner : le PRANDIUM. A l'aube des temps romains, il se nommait « cena », ce n'est que plus tard qu'il désignera le repas du soir qui alors, s'appelait « vesperina ». Il était très léger, parfois, on ne s'asseyait même pas pour l'ingurgiter et l'on servait rarement quelque chose de chaud.

En fait la « cena » était le seul véritable repas que va ingérer le Romain. Il prenait place généralement en fin d'après midi lorsque le temps des occupations réservé aux affaires était terminé. Elle pouvait durer très longtemps mais les orgies que l'on associe au nom des Romains étaient très rares.

A l'aube de la civilisation, le paysan se contentait de ce que Pline appelle « puls » (espèce de bouilli de farine ou de fèves), il mangeait de la viande cuite dans de l'eau les jours de fêtes. Jamais de lait qui était considéré comme une boisson barbare.

Tout d'abord, seul les hommes mangèrent couché. Dans les temps anciens, ils dînaient assis dans l'Atrium. Puis vint la coutume grecque d'être allongé mais les enfants et la mère de famille restèrent assis sur un tabouret.

Tout ce qui va être dit par la suite concerne le repas du soir au sein de la société aisée du début de l'empire ou de la fin de la république.

Il se prenait dans une pièce spéciale, comme de nos jours, la salle à manger qui se nommait à cette époque « triclinum » ou plus exactement « coenatio ». Ce mot (le premier) vient du fait que cette salle avait trois lits à trois places. Les très riches pouvaient en avoir une d'hiver et une d'été. Lorsque les convives étaient nombreux, on dressait plusieurs salles à manger mais toujours avec trois lits. Les convives devaient être au nombre de trois à neuf, d'où le proverbe : septem convivae = repa s, novem convivium = fracas.

Le lit du milieu était le premier en rang, puis venait celui de gauche et enfin celui de droite. La place d'honneur, pour chacun, était à gauche sauf pour le lit du milieu où elle était à droite ( locus consularis ) à coté de celle du maître de maison ( locus summus inimo ) qui avait donc près de lui l'invité d'honneur, les convives mangeaient couchés ou plutôt allongés, le coude gauche appuyé sur un coussin ( pulvinar ). Ces lits de table étaient en bois ou en bronze et pour gagner de la place, ils étaient adossés à un mur de la pièce. Les places, elles-mêmes, étaient séparées par des coussins glissés sous les couvertures. Au milieu de ces lits se dressait, sur trois ou quatre pieds, la table qui était presque toujours en bois précieux ;

« tu as enlevé une grande et superbe table de thuya à Lutatius Diodorus, que Sylla avait fait citoyen romain sur la recommandation de Catulus » Cicéron, Verre, Iv, 17.

« Le mont Atlas renferme, dit-on, une forêt particulière dont il a été question (V, 1). Dans le voisinage de cette montagne est la Mauritanie, où le citre ( thuya articulata , Desfont.) se trouve en abondance. Les tables de ce bois ont donné lieu à l'extravagante manie que les femmes reprochent aux hommes, quand les hommes leur reprochent les perles. On conserve encore aujourd'hui la table de Cicéron, payée, malgré sa fortune médiocre, et, ce qui est encore plus étonnant, à cette époque, un million de sesterces. On cite aussi celle d'Asinius Gallus, qui coûta 1,100,000 sesterces. On a vendu à l'encan deux tables qui provenaient du roi Juba : l'une fut payée 1,200,000 sesterces, l'autre un peu moins. Un incendie a consumé récemment une table qui venait des Céthégus, et qui fut vendue 1,400,000 sesterces: c'est le prix d'un grand domaine, si tant est qu'on préférât au même prix un fonds de terre. »

Pline l'Ancien, Hist. Nat., XIII, 29.

elle ne fut recouverte d'une nappe qu'au cours du 1er siècle. Cette table avait pour nom mensa , c'était aussi le nom donné aux autels de forme carré ; chaque « curie » avait aussi un autel, de cette dénomination, consacré à Junon Curitis. 

Une « cena » comportait toujours trois parties :

1) La gustatio ou hors d'œuvre. Elle était constituée de mets légers, destinés à ouvrir l'appétit, elle était accompagnée de vin mélangé à du miel ( mulsum ). Il devait toujours y avoir des œufs. D'où les mots d'Horace : «  depuis les oeufs jusqu'aux pommes il chantait: "Io Bacchus! » (Liv. I, Sat. II, 2). «  C'est un convive dont l'appétit dévorant attaque l'oeuf du début, et n'a pas encore bronché aux rôtis de la fin. » Cic. Ad Famil. 9, 20.

2) La « cena », par elle-même, qui devait comprendre au minimum 4 services. On mangeait beaucoup de poissons ; c'était l'aliment le plus prestigieux. Les plus pauvres se contentaient de poissons d'eau douce.

3) La « commissatio » ou « secundae mensae », en fait le dessert. On mangeait des plats qui faisaient boire. Les invités se couronnaient de fleurs et l'un d'entre eux ( rex conviti ou arbiter bibendi ) déterminait les proportions à respecter pour mélanger l'eau au vin, car le vin devait être coupé d'eau, on a même vu du vin coupé avec de l'eau de mer. Le vin pur était l'apanage des alcooliques, on a même vu boire de la cigue avant le repas car il était un puissant antidote à ce poison ainsi un buveur avait une raison de boire, il servait aussi pour les célébrations religieuses. Ce spiritueux n'était pas aussi liquide que ce que l'on peut penser, il fallait le filtrer avant de le boire. «  L'arbiter bibendi ) imposait à chacun un nombre de coupes à vider (coutume d'origine grecque). Ces coupes pouvaient être en verre ou en métal précieux, généralement de l'argent finement ciselé. Le métal avait la particularité, chez les Anciens, d'avoir la propriété d'augmenter le bouquet du vin. On a dit que Livius Drusus (tribun de la plèbe, opposé à Caius Gracchus) en possédait 5 tonnes.

A l'époque impériale, on vit des lits de table semi circulaire ( sigma ) pouvant accueillir jusqu'à huit convives et là, la place d'honneur était aux extrémités.

On rentrait dans la salle à manger du pied droit. Des esclaves étaient là pour aider les convives à changer de chaussures (dans l'optique de ne pas salir les couvertures qui recouvraient les lits de table). Ils n'étaient pas vêtus de leurs habits de tous les jours mais on leur donnait à porter des tenues magnifiques, légères et sans nœuds qui les recouvraient entièrement ( synthesis ).

Toujours un festin commençait par une prière aux dieux et les invités au festin jetaient à terre des morceaux de nourriture pour se concilier les créatures des enfers. La «  cena  », partie du repas, se terminait par un silence pour invoquer les LARES. Un esclave était chargé d'en surveiller le bon déroulement ( tricliniarchi ).

On mangeait avec les doigts, sauf les escargots et la soupe qui s'avalaient avec une cuillère. La fourchette était un instrument inconnu. D'où la nécessité d'emporter une serviette (elle n'était pas fournie comme de nos jours). Des esclaves passaient très souvent pour laver les mains des convives ; elle servait aussi à emporter les restes du festin (coutume romaine) qui étaient souvent redonnés sous forme de « sportule » aux « clients ». L'assiette était tenu de la main gauche, ce qu'elle contenait avait été coupé en menus morceaux par un esclave. Chaque invité ne recevait pas le même traitement, il pouvait avoir la nourriture la plus fine qui se transformait en plat plus rustique pour un autre. Il y avait aussi différents spectacles, danses érotiques, gymnastique, il y avait même des combats de gladiateurs.  "C'était même une coutume que les convives égayassent les repas en s'y égorgeant, et mêlassent aux festins l'affreux spectacle des épées nues. Souvent les tables furent inondées d'un sang; qui rejaillissait dans les coupes des victimes. " Silius Italicus, livre XI, 50.

Et puis la « cena » muta, de repas elle devint en certaines occasions : repas et manifestation artistique, on y écoutait une lecture ou de la musique.

Pendant ce temps, les plus pauvres devaient se contenter de saucisses grillées ou de plats de légumes cuits sur un mauvais fourneau qui faisait beaucoup de fumée ou aller à la taverne la plus proche, le célibataire, ou pas, y rencontrait une serveuse qui pouvait être très accueillante. A la fin de la République, ils utilisaient de la vaisselle de Sagonte, faite en terre cuite ( vasa saguntina ).

 

NB  : L'archéologie démontre que « le banquet de Trimalchion » de Pétrone a une grande valeur documentaire.

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