Religion Privée
Religion privée :
La religion privée a comme acteur principal et essentiel : le pater familias qui va être une sorte de prêtre au sein de sa propre famille, c’est ainsi que l’on peut remarquer qu’à Rome tout le monde pouvait remplir une fonction religieuse à un moment de sa vie tant dans le domaine privé que dans le domaine publique. Ce pater familias, tout au long de sa vie et à chaque instant de l’année va honorer certains dieux. Qui sont ils ?
En premier lieu, on peut citer les « Pénates » que beaucoup « d’antiquaires » ont amalgamés avec les « Lares ». On peut supposer que leur culte venait de Phrygie. Le nom viendrait de Penus = « garde manger »
« Quant au mot « penus », j'ai cru qu'il était ben, pour compléter ces détails, de consigner ici ce qu'avance Servius Sulpicus dans sa critique des chapitres de Scévola : « Catus Elius, dit-il, soutient que le « penus » désigne non seulement ce que l'on boit, ce que l'on mange, mais encore l'encens, la cire et autres choses analogues dont on fait provision. » Massurius Sabinus, dans le deuxième livre de son traité du Droit civil, comprend aussi dans le « penus » ce que l'on achète pour nourrir les chevaux du maître de la maison. Il dit même que le bois, les fagots, le charbon qui servent à la préparation des aliments. y sont compris par quelques-uns; mais que , quand un propriétaire retire du même fonds de terre des produits dont il se sert pour son usage propre et dont il trafique, le mot « penus » ne doit s'appliquer qu'aux objets mis on réserve pour la consommation de l'année entière. » Aulu Gelle, Nuits Attiques, IV, 1.
car ils étaient les dieux de la réserve, ce n’est que plus tard qu’ils deviendront les dieux de la maison, ce serait Enée qui les aurait amenés de Troie. La nourriture était sacrée, les « Pénates » y veillaient. A chaque repas, une offrande d’aliments leur était consacrée, elle était jetée dans le feu, le silence régnait partout jusqu’à ce que le chef de famille ait déclaré que les dieux étaient satisfaits. Si quelques miettes tombaient, elles étaient recueillis et non nettoyées pour être ensuite brûlées. Ce qui amène à penser que leur culte était étroitement lié avec celui de Vesta, déesse du feu et du foyer. Ils étaient itinérants, Enée en s’enfuyant de Troie emmena les siens avec lui.
En témoignage de l’union qu’il y avait entre culte privé et culte publique, on peut citer les fêtes des Parentalia et son dernier jour le Feralia qui honoraient, en février, les Pénates. Ces fêtes duraient douze jours, le pontifex maximus devait surveiller que les cérémonies qui leur étaient vouées se déroulaient suivant les us et coutumes.
« Il y a aussi des honneurs pour les tombeaux. Apaisons les mânes de nos pères, et portons quelques dons sur leurs bûchers refroidis …Mettez, si vous le voulez, plus de pompe dans vos hommages; mais ceux-là suffisent aux mânes. Prononcez encore les prières et les paroles consacrées devant les brasiers de leurs autels. O bon roi Latinus! Ce fut le modèle des hommes pieux, ce fut Énée qui introduisit ces usages dans ton empire » Ovide, fastes, II, 533, 540.
Pendant qu’elles se déroulaient, la vie de la cité s’écoulait au ralenti, les temples étaient fermés, les mariages n’étaient plus célébrés, les affaires (l’économie) ne se faisait plus. Le Feralia marquait la réouverture des temples.
Puis viennent les « Lares » qui devaient apporter abondance et prospérité au foyer, on disait aussi Lares Familiares, on les appelait encore « dieux paternels » car ils étaient transmis de génération en génération. « Lares » est un mot qui vient de l’Etrusque : Lars signifiant « seigneur », mais en fait, on n’est pas certain de cette origine.
Ce sont des dieux agraires, devenus urbains pour la religion publique puisqu’on trouve des Lares Compitales qui étaient les dieux des carrefours et le jour de leur fête annuelle (janvier), les esclaves recevaient une double ration de vin. Il est bon de constater qu’il n’y a qu’un dieu lare durant la République mais qu’ils furent deux à l’époque de l’Empire. Ils étaient représentés par des jeunes garçons qui dansaient et qui servaient du vin d’une corne d’abondance qu’ils avaient dans une main dans une patère qu’ils tenaient de l’autre.
« Les calendes de Mai ont vu élever un autel aux Lares protecteurs et consacrer leurs petites statues…Le surnom qui fut donné à ces dieux quand on établit leur culte vient de ce qu'ils protègent du regard tout ce qui nous appartient…Ils veillent aussi pour nous, président à la sûreté des murs; partout présents, partout prêts à porter secours. À leurs pieds se tenait un chien, taillé dans la même pierre; pourquoi ce chien avec le Lare? L'un et l'autre gardent la maison, l'un et l'autre sont fidèles au maître; les carrefours plaisent au dieu, au chien plaisent les carrefours. Le Lare et la meute de Diane harcèlent et chassent les voleurs; vigilants sont les chiens, et vigilants les Lares. Je cherchais les statues de ces dieux jumeaux, ruinées à la longue par les années; la ville aujourd'hui possède mille Lares et le génie du chef qui nous les a donnés; chaque quartier adore trois divinités. Mais je m'égare; ce sujet, c'est le mois d'Auguste qui doit m'appeler à le traiter. » Ovide, fastes, V, 129.
Parmi les évènements de la vie d’un individu, chacun était souligné par un geste vers les dieux Lares : une jeune mariée qui entrait dans un nouveau foyer avait de nouveaux dieux domestiques et se devait de se concilier leurs faveurs, pour cela, elle donnait une pièce de monnaie (as) à son mari, par ce geste elle achetait leur protection par l’intermédiaire du genius de son mari, les enfants qui devenaient hommes leur offraient la « bulle » qui les protégeaient des mauvais sorts ; à l’autre extrémité de la vie, on devait leur faire le sacrifice d’un mouton pour un décès survenu dans la famille. Les Kalendes, les Ides et les Nones leur étaient consacrées ; ces jours là, on suspendait au mur des guirlandes de fleurs. Un coin de la maison leur était réservé et étaient mis à l’honneur trois fois par mois, à ces dates. Comme ils devaient la protéger, un lieu proche de l’entée, dans l’atrium généralement, leur étaient réservés, il s’agissait du laraire (espèce de petite chapelle).
Le chef de famille, comme prêtre au sein de sa propre famille, avait son dieu personnel, il s’agissait du genius qui naissait et mourait avec lui et était honoré à son anniversaire. Ce demi dieu pouvait être représenté par un serpent, sa silhouette figurait sur un certain nombre de « Laraire ». On prêtait serment « par le génie » du pater familias ; il symbolisait le principe de fécondité : le lit nuptial lui était consacré. Plus tard, la « matrone » eut son « génie » qui s’identifia à la déesse Junon.
En dernier lieu, on trouvait les Manes (bons, bienveillants). Ces dieux ne portaient pas de nom tout simplement parce qu’ils étaient des âmes détachées du corps humain après la mort. Pour un Romain, le mort devenait un dieu inférieur et se devait d’être honoré, la famille, en souvenir de lui, accomplissait certains rites ; en autres, il était offert un sacrifice (généralement un porc), sa viande était brûlée et le mort pouvait ainsi prendre son premier repas de défunt sous forme de fumets.
Une gens (famille patricienne au sens large) avait son ancienneté marquée par le nombre de masques de cire représentant ses ancêtres qu’elle pouvait exhiber, en dehors de toute cérémonie officielle, ces derniers étaient accrochés aux murs du Tablinum.
Chaque famille devait honorer ses morts à peine de les voir devenir des « lémures » venant persécuter et hanter les vivants (par exemple un mort qui ne recevait pas de sépulture devenait une chose qui venait fréquenter le vivant et celui-ci n’aimait pas du tout). Ils avaient leur propre fête : les Lemuria (milieu mai) qui durait six jours.
« …on célébrera l'antique cérémonie des nocturnes Lémures, on apaisera par des offrandes les mânes silencieux…on portait déjà des offrandes à la cendre des morts, et le petit-fils faisait des expiations au tombeau où reposait l'aïeul. Ces cérémonies avaient lieu au mois de Mai, ainsi appelé du nom des ancêtres (maiores), » Ovide, fastes, V, 419 et suivants.
Le pater familias devait offrir un repas et au milieu de la nuit, lorsque tout était obscur, il allait à travers la maison, jetant des fèves par-dessus son épaule.
« Vers le milieu de la nuit, quand le silence favorise le sommeil, que l'on n'entend plus ni l'aboiement des chiens, ni les divers chants des oiseaux, l'homme qui est resté fidèle aux rites antiques et qui redoute les dieux se lève; aucune chaussure n'enveloppe ses pieds. De ses doigts réunis avec le pouce il fait entendre le signal qui chasse les ombres légères, de peur qu'elles ne se lèvent devant lui s'il marche sans bruit. Trois fois il lave ses mains dans l'eau d'une fontaine; il se tourne et prend dans sa bouche des fèves noires; il les jette ensuite derrière lui en disant: "Je jette ces fèves, et avec elles je rachète moi et les miens." Neuf fois il prononce ces paroles sans regarder derrière lui; selon sa croyance, l'ombre les ramasse et suit ses pas sans être aperçue. De nouveau il plonge ses mains dans l'eau, et fait retentir l'airain de Témésa; il conjure l'ombre de quitter son toit; et après avoir dit neuf fois: "Mânes paternels, sortez," il regarde derrière lui, et il pense avoir accompli tous les rites de la cérémonie… » Ovide, fastes, V, 421 et suivants.
Pour l’accomplissement de ces différents rites de la religion privée, le pater familias devait avoir un fils pour lui succéder, pour prendre sa suite dans les cérémonies religieuses et en particulier pour honorer les « Manes ». C’est ainsi que l’adoption revêtit tant d’importance dans le monde romain, elle n’avait pas du tout la même consonance qu’à notre époque.
Tous les aspects de la vie religieuse privée ou publique (Rome avait son propre génie comme n’importe quelle famille) vont être les mêmes. La religion est ritualiste et traditionaliste (ce qui ne l’empêche pas d’accueillir de nouveaux dieux), la divinité est honorée par des gestes, des rites. Elle ne concerne pas l’individu mais une communauté. Tout acte de la famille est donc un geste religieux. On peut en déduire une constante : l’homme veut prendre le dessus sur tous les événements de la vie quotidienne ou tout du moins y participer fort activement ce qui peut faire dire que le Romain est très superstitieux, cela va être exprimé par une série de gestes qui va éloigner les esprits, par exemple pour l’accouchement se sera la présence d’une hache, d’un pilon et d’un balai qui vont interdire l’accès aux spectres, la nourrice qui va mouiller les lèvres du nouveau né de sa salive. Le maître mot, pour un Romain qui est considéré comme quelqu’un de très pieux, est « conjurer ».
A consulter pour approfondir le sujet.
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