De l'économie rurale
de
Palladius
Nisard 1864
I. La première condition de tout enseignement est de bien songer à qui l'on s'adresse. Pour former un cultivateur, par exemple, l'instituteur n'ira pas lutter, avec les rhéteurs de profession, d'artifice et de beau langage, ainsi que l'ont fait certains auteurs qui, à force d'être diserts avec tes paysans, ont réussi à se rendre inintelligibles même aux gens instruits. Mais coupons court à cette préface; il ne faut pas imiter ceux que nous critiquons. Nous avons donc à traiter (avec l'aide d'en haut) des diverses espèces de culture, des bergeries, des constructions rurales, d'après les notions des hommes de l'art, de la découverte des sources d'eau, et en général de tout ce qui, choses ou individus, entre dans le matériel d'une exploitation agricole, en vue de l'agrément ou du profit; le tout avec méthode, et dans son lieu et place. Et pour première condition, je veux m'astreindre à suivre l'ordre des mois, et y traiter successivement de chaque plante et de son éducation.
II. D'abord les conditions d'un bon choix du terrain et d'une bonne culture se rapportent à quatre ordres différents d'idées qui sont l'air, l'eau, le sol et le savoir-faire de l'exploitant trois desquelles dépendent de la nature; la dernière est en nous. Il s'agit de pouvoir et de vouloir. Il faut s'assurer d'abord de ce qui dépend de la nature, à savoir si, dans les lieux que l'on se propose de cultiver, l'air est sain et tempéré; si l'eau y est salubre et obtenue commodément, soit qu'elle prenne sa source sur les lieux, vienne du dehors ou soit de formation pluviale; enfin si le sol est fertile et le site convenable.
III. On juge que l'air d'une contrée est sain, lorsqu'elle n'a point de vallées basses ni de nuits brumeuses, et que les caractères physiques de la population sont un teint de santé, la tête bien attachée sans roideur, la vue intacte, l'ouïe nette, et un gosier qui prête un passage libre aux sons d'une voix claire, C'est à ces signes que l'on reconnaît la bonté de l'air. Les signes opposés dénotent dans le climat une influence pernicieuse.
IV. Voici comment on reconnaît que l'eau est salubre. Il faut d'abord qu'elle ne provienne pas d'étangs ni de marais,et qu'elle ne prenne pas sa source dans des mines, mais qu'elle soit transparente, et ne soit imprégnée d'aucun goût ni d'aucune odeur; qu'elle ne dépose point de limon, et qu'elle puisse tempérer le froid par sa tiédeur, et calmer le feu de l'été par sa fraîcheur. Mais comme il arrive souvent que la nature, dont les opérations sont toujours secrètes, cache dans les éléments des qualités pernicieuses sous les plus belles apparences, nous jugerons encore de la qualité de l'eau par la santé des habitants, en examinant si ceux qui en boivent ont la gorge libre, s'ils ont la tête saine, et si chez eux les affections pulmonaires ou gastriques sont rares ou fréquentes. Or, comme les maux du corps se communiquent ordinairement du haut en bas, s'il arrive que, dans un cas où la tête est malade, le principe morbide gagne les poumons ou l'estomac, c'est moins à l'eau qu'à l'air qu'il faut alors rapporter cet effet. Il faut encore examiner si le ventre, les entrailles, les flancs ou les reins n'éprouvent point de douleurs ou de gonflements, et si la vessie n'est point sujette à quelque accident. L'absence de ces symptômes et d'autres analogues une fois constatée, ni l'air ni les eaux ne doivent plus inspirer aucune défiance.
V. Ce qu'on demande à la terre, c'est la fécondité. Il faut que les mottes n'en soient ni blanches ni nues et que ce ne soit ni un sable maigre et sans aucun, mélange de terre, ni de l'argile pure, ni du caillou grossier, ni du gravier sec, ni une poussière jaune aussi maigre que la pierre même, ni une terre salée, amère ou bourbeuse, ni un tuf sablonneux et sec, ni une masse compacte et trop ferme, comme au fond des vallées. La substance de la glèbe doit être friable, tirant sur le noir, et spontanément productive d'une couche de verdure. Il en est aussi de couleur mélangée, qui rachètent par une propriété visqueusece qui leur manque en densité. La végétation naturelle du sol doit être fournie, vivace, pleine de sève, et consister principalement en yèble, jonc, roseau, gramen, trèfle touffu, ronces aux baies succulentes, et pruniers sauvages; tous indices d'une terre propre au blé. La couleur est, du reste, assez indifférente; ce qui importe, c'est que la terre soit grasse et douce. Voici à quels signes on reconnaitra si une terre est grasse. Si, après avoir versé sur une petite motte de cette terre de l'eau douce et l'avoir pétrie entre les mains, on remarque qu'elle est gluante et que ses parties sont adhérentes entre elles, c'est une preuve sûre qu'elle renferme en elle de la graisse. De même si, après avoir fait un trou en terre, on vient à le remplir de la terre qu'on en avait tirée, et qu'il s'en trouve de reste, c'est une preuve que cette terre est grasse; comme, s'il n'y en a pas assez pour le remplir, c'est une preuve qu'elle est maigre; et s'il n'y en a précisément que ce qu'il en faut pour gagner le niveau du terrain, c'est une preuve qu'elle est de qualité mixte. On reconnaîtra qu'une terre est douce, au goût qu'elle aura lorsqu'on en aura pris une motte dans la partie du champ la plus suspecte, et qu'on l'aura fait détremper dans un vase de terre cuite, rempli d'eau douce. On reconnaît aussi que la terre est propre à la vigne, aux signes suivants si elle n'est pas de couleur foncée, si elle a peu de consistance et s'égraine facilement si les arbustes qu'elle produit, tels que les poiriers sauvages, les pruniers, les ronces et autres semblables, sont lisses, luisants, hauts de tige et portent fruit, et s'il ne s'en rencontre pas de tortus, de stériles, et de chétifs et rachitiques. Quant au plan du sol, il faut qu'il n'ait ni trop de niveau, l'eau y séjourne; ni trop d'inclinaison, elle ne fait qu'y glisser; ni de renfoncements abruptes où la terre végétale se précipite et s'amasse, ni d'exhaussement prononcé qui donne trop de prise à l'intempérie et aux ardeurs du soleil. Il faut qu'une terre participe de toutes ces conditions dans une juste mesure, de façon que ce soit ou une campagne ouverte dont la pente insensible laisse écouler les eaux de pluie; ou un coteau dont l'élévation soit douce; ou une vallée peu profonde, et où le courant de l'air ne se trouve point resserré; ou un plateau protégé contre les mauvais vents par l'interposition d'une cime plus élevée, ou par tel autre accident de terrain ou qui soit couvert de forêts et d'herbes, au cas où il serait trop rude et trop élevé. Mais comme, en fait de terres, les espèces sont nombreuses; qu'il en est de grasses et de maigres de compactes et de légères, de sèches et d'humides; que presque chaque propriété a son inconvénient, bien qu'elle répondeau besoinde quelque variété de semence; il faut choisir comme je viens de le dire, de préférence un terrain qui, étant tout à la fois gras et meuble, soit dans le cas de rendre beaucoup de fruits sans exiger un grand travail, et mettre en seconde ligne celui qui, étant compacte, ne laissera point de répondre à nos espérances, tout en exigeant beaucoupde travail. Mais le pire de tous les terrains est celui qui sera tout à la fois sec et dense, maigre et froid et il ne faudra pas moins l'éviter qu'un terrain pestilentiel.
VI. Mais quand on aura observé avec la plus grande attention ces trois conditions, qui dépendent si exclusivement de la nature que la main de l'homme n'y peut rien, reste au savoir-faire à jouer son rôle. Sur toutes choses, on ne perdra jamais de vue les préceptes généraux ci-après, que j'ai extraits de tous les ouvrages écrits sur l'agriculture. Quand le maître est présent, la terre en vaut mieux. Qu'on ne s'attache pas à la couleur du sol indice trop peu sûr de sa qualité. En fait de plants ou de semences, n'employez que ce qu'il y a de mieux, et toujours après essai. Expérimentez toujours avant d'opérer en grand. Le grain dégénère plus vite dans les lieux humides que dans les lieux secs; c'est pourquoi il faut de temps en temps remédier à cet inconvénient par le choix de la semence. Ayez toujours sur les lieux des ouvriers spéciaux en bois ou en fer, pour travailler aux futailles et aux cuves, afin que nul de vos gens ne soit distrait de la besogne des champs par la nécessité de courir à la ville. On plantera les vignobles du côté du midi dans les pays froids, et du côté du levant, ou même, s'il est nécessaire, du côté du couchant dans les pays tempérés. On ne peut pas, vu la prodigieuse diversité des terres, donner de règles certaines sur le nombre de journées qu'elles exigeront c'est pourquoi l'usage du canton et celui de la province vous décideront aisément sur ce nombre en tout genre de culture, plant ou semence. Plante en fleurs ne doit pas être touchée. Le choix de la semence est mal fait, quand celui qui en est chargé en délègue le soin. En matière d'agriculture, l'exécution aux jeunes, la direction aux vieux. Il y a trois choses auxquelles il faut avoir égard dans la taille des vignes l'espérance du fruit, le bois qui doit remplacer par la suite celui que l'on retranche, et l'endroit du cep où l'on voudra qu'il repousse. Si on taille la vigne de bonne heure, on aura plus de sarments; au lieu que si on la taille plus tard, on aura plus de fruit. Il faut transplanter la vigne ainsi que les arbres d'un plus mauvais terrain dans un meilleur. On taillera la vigne de plus près quand la vendange aura été bonne, et de moins près quand elle aura été modique. Pour greffer, tailler, couper, n'employez que de bons outils, et donnez-leur bien le fil. Achevez tout ce qu'il y a à faire aux vignes ou aux arbres avant que leurs fleurs s'ouvrent ou que leurs boutons se développent. Dans un vignoble, il faut que la bêche repasse sur les parties du terrain que le soc n'a pas touchées. Dans les lieux chauds, secs ou exposés au soleil, n'épamprez pas la vigne; elle y demande plutôt à être couverte. Quant à ceux où la vigne est brûlée par le Vulturnus, ou par quelque autre mauvais vent qui règne dans la contrée, on y couvrira la vigne avec de la paille, ou avec toute autre défense qu'on se procurera d'ailleurs. S'il se trouve au milieu d'un olivier une branche qui rapporte trop de fruits, ou qui soit trop verte ou stérile, il faut la retrancher, parce qu'elle est préjudiciable à l'arbre entier. Il ne faut pas moins éviter un canton stérile qu'un canton pestilentiel, encore que ces deux qualités ne s'y trouvent pas réunies ensemble. Il ne faut absolument rien mettre entre de jeunes plants de vigne dans un terrain façonné au pastinum les Grecs ordonnent néanmoins d'y mettre la troisième année tout ce qu'on juge à propos, les choux exceptés. Tous les légumes doivent être semés, suivant les auteurs grecs, dans une terre sèche la fève seule doit l'être dans une terre humide. Quiconque loue sa terre ou son champ à un propriétaire ou à un colon qui en possède déjà dans le voisinage, court à sa ruine et cherche des procès. Si l'on ne cultive pas les extrémités d'un champ, son intérieur court des risques. Tous les froments, après avoir été semés trois fois dans un sol, se convertissent en une espèce de siligo. Trois choses nuisent au même degré la stérilité, les maladies, et les voisins. Quiconque plante en vignes une terre stérile, n'a guère de souci de ses peines ni de son argent. Les pays plats donnent du vin plus abondamment, mais les coteaux le donnent plus fin. L'aquilon fertilise les vignes par son souffle, et le vent du midi leur donne de la qualité. Ainsi nous avons le choix de récolter ou beaucoup, ou du bon. L'urgence ne connaît point de fêtes. Quoiqu'il faille semer quand la terre est humectée, cependant les semailles jetées m terre après une longue sécheresse s'y conservent, quand elles ont été hersées, plus sûrement même que dans des greniers. Les mauvais chemins sont aussi contraires à l'agrément qu'au profit. L'homme qui cultive traite avec un créancier à qui sans cesse il faut des intérêts, et dont il n'est jamais certain d'obtenir quittance. Quiconque, en traçant ses sillons, laisse intacts les interstices, nuit au revenu comme au renom de sa terre. Petit terrain bien cultivé est plus fertile que grand espace négligé. N'employez jamais de raisin noir, si ce n'est dans les provinces où l'on est dans l'usage de faire du vin acinaticium. Plus le support est haut, plus haut grimpe la vigne. Tant que la vigne est jeune et verte, n'en approchez pas le fer. Lorsque l'on taille un sarment, il faut que l'incision soit faite du côté opposé au bourgeon, de peur que la larme qui en découle ordinairement ne le fasse périr. Quand on taille la vigne, il faut lui laisser une quantité de sarments à nourrir proportionnée à sa maigreur ou à sa vigueur. En terre profonde (à ce qu'assurent les auteurs grecs) l'olivier pousse en bois, mais donne des fruits moindres, qui sont aqueux, tardifs, et font plus de marc que d'huile. Un air tempéré, rafraîchi par des vents légers dont le souffle n'est ni violent ni froid, est favorable aux oliviers. Une vigne qu'on veut assujettir par le haut doit être élevée par degrés jusqu'à quatre pieds daus les climats contraires, et jusqu'à sept dans de plus doux. Jardin situé en bon climat, et traversé par un cours d'eau, n'exige presque aucune règle, aucune science de culture. II faut lier par-dessous les grappes de raisin quand elles sont vertes, tant qu'il n'y a point de risque d'en faire tomber les grains ou de les écraser. Changez les liens de place, de peur que l'adhérence continue ne fasse plaie. Si les yeux de la vigne voient la bêche du vigneron lorsqu'ils sont ouverts, l'espérance de la vendange,quelque belle qu'elle soit, sera bientôt aveuglée. Ne labourez donc que lorsqu'ils sont fermés. Pour la culture des céréales, assurez-vous d'un fond de deux pieds, c'est assez pour produire. Pour les vignes et les arbres, il en faut quatre. De même qu'une jeune vigne croit aisément quand on lui prodigue ses soins avec affection, de même elle meurt promptement quand on la néglige. Lorsque vous entreprendrez une culture, prenez la mesure juste de vos facultés; car si elles se trouvent au-dessous des exigences, vous serez forcé de reculer avec déshonneur, après vous être avancé avec présomption. Il ne faut pas que des semences aient plus d'un an de date. Conservées plus longtems, il est à craindre qu'elles ne s'altèrent et ne viennent point. Le blé des coteaux donne à la vérité du grain plus robuste, mais il en rend en moindre quantité. Il faut jeter en terre toutes les semailles dans le temps que la lune croit et dans des jours tempérés, parce qu'une chaleur modérée fait lever les semences, et que le froid les resserre. Avez-vous une terre couverte de bois inutile? défrichez, et changez en guérets les meilleures parties; laissez le bois sur le reste. Les premières produiront par leur fertilité naturelle; vous féconderez les autres en y mettant le feu. Laissez après cela reposer cinq ans le sol incendié, et cette partie improductive pourra rivaliser avec les plus fertiles. Pour planter l'olivier et en cueillir le fruit, les Grecs recommandent d'employer que de jeunes garçons intacts et des filles vierges; par respect, j'imagine, pour la chaste déesse qui préside à cet arbre. Il est inutile de rien prescrire sur les noms des blés, puisque de temps à autre ils changent de nature, suivant les lieux où ils sont semés, ou suivant leur âge. Ainsi il suffira de choisir ceux qui tiennent le premier rang dans le pays que nous cultiverons, ou d'éprouver ceux que nous aurons tirés d'ailleurs. Si l'on coupe le lupin et la vesce comme fourrage dans le temps qu'ils sont verts,et qu'aussitôt après on laboure sur leurs racines, ils féconderont les campagnes à l'instar du fumier. Mais si on les laisse sécher sur pied, ils absorberont le suc de la terre. Il faut beaucoup de fumier aux terrains humides; les terrains secs en exigent moins. Tous les travaux de la vigne se commencent plus tôt dans les climats chauds et secs dans les localités fortement exposées au soleil situées près de la mer ou en rase campagne; plus tard, dans les régions froides, humides, enfoncées dans les terres, hoisées ou montueuses; précepte queje n'entends pas seulement des mois ou des jours, mais encore des heures. Toute prescription de temps en fait de travaux agricoles doit s'entendre ainsi. Quinze jours avant n'est pas trop tôt; quinze jours après n'est pas trop tard. Tous les blés se plaisent mieux dans une campagne ouverte et dégagée, ou dont la pente est tournée au soleil que partout ailleurs. Une terre compacte argileuse et humide fournit très-bien à la nourriture du blé et du froment. L'orge se plaft dans un sol meuble et sec; l'humidité la fait mourir. Les semailles des tremois conviennent aux lieux froids, où il neige souvent et où l'été est humide ailleurs ils réussissent rarement. On a meilleure chance toutefois si le climat n'est que tempéré, et si l'on ne sème qu'en automne.Vous faut-il opérer sur une terre salée? attendez, pour planter ou semer, la fin de cette saison. Délayé par les pluies d'hiver, le sol perdra de sa mauvaise qualité. Il faut encore le mélanger d'un peu de terre douce ou de sable de rivière, lorsqu'on veut y faire une plantation. On ne doit former de pépinières que dans une terre moyenne, afin que le plant gagneau change lorsqu'il sera transporté. Les pierres laissées à la superficie du sol sont glaciales en hiver, incandescentes en été, et nuisent aux arbustes et aux vignes. Leur présence au contraire est utile aux terres chaudes et sèches, quand elles sont enfouies et recouvertes. Quand on remue la terre auprès des arbres, il faut la changer alternativement de place, de façon que celle qui était d'abord dessous succède à celle qui se trouvait auparavant dessus. Pour fumer les arbres, on formera des couches alternatives de terre et de fumier, en commençant par appliquer de la terre à leur tronc et ensuite du fumier, et ainsi de suite jusqu'à la fin de l'opération. Pour régisseur, ne prenez jamais d'esclave favori, et choyé par vous dans sa jeunesse; car il regarderait vos privautés d'autrefois comme une assurance d'impunité pour le présent.
VII. Dans le choix ou l'acquisition d'une terre, examinez si une culture négligente n'en a pas altéré la fécondité naturelle; si l'on n'a pas laissé le sol dépenser ses forces pour une végétation dégénérée. Car, bien qu'on puisse raviver le plant par la greffe, toujours vaut-il mieux jouir actuellement, qu'attendre l'effet tardif d'une amélioration toujours incertaine. Pour le blé le remède est bientôt trouvé; c'est d'en semer d'autre. Pour ce qui est des vignes, il faudra surtout examiner si les cultivateurs ne sont point tombés dans la faute qu'ont commise bien des personnes qui n'étant curieuses que de s'acquérir la réputation de posséder de vastes terrains façonnés au pastinum, ne les ont remplis que de plants de vignes stériles, ou de détestable produit. Si votre acquisition présente un tel inconvénient, vous aurez fort à faire pour y remédier. En fait d'exposition, choisissez dans les conditions que voici. Dans les pays froids recherchez l'exposition du levant ou du midi; car si le champ est dominé de ces deux côtés, les hauteurs interposées lui interceptent toute chaleur; attendu que le soleil ne paraît jamais du côté du septentrion,et qu'il tarde jusqu'au soir à paraître du côté du couchant. Il faut au contraire choisir de préférence le côté du septentrion dans les climats chauds. C'est en effet le meilleur, tant pour le profit que pour l'agrément et pour la salubrité. S'il y a une rivière dans le voisinage de l'endroit où l'on se propose de placer les bâtiments, il en faut examiner la nature parce qu'il arrive souvent qu'il en sort des exhalaisons funestes; auquel cas il faudrait s'en écarter pour bâtir. Pour les marais, il faut absolument les éviter, à cause de l'air pestilentiel qu'on respire dans leur voisinage, et des animaux pernicieux qu'ils engendrent, surtout quand ils sont au midi ou au couchant, et que d'habitude ils restent à sec pendant l'été.
VIII. Il faut que le bâtiment soit proportionné à
la valeur du fonds et à la fortune du propriétaire, parce qu'il arrive communément, lorsque cette
proportion a été dépassée, que les constructions
sont plus difficiles à entretenir qu'à élever. On
réglera donc sa grandeur de telle façon que, s'il
survient quelque accident, le revenu d'une année
de la terre, ou celui de deux tout au plus,
suffise pour le réparer. Le corps de logis du propriétaire
sera placé dans un lieu un peu plus
élevé et plus sec que les autres parties du bâtiment,
tant afin que les fondements n'en puissent
être endommagés, que pour procurer une belle
vue au propriétaire. On en fera les fondements
de manière qu'ils débordent d'un demi-pied,
tant d'un côté que de l'autre, le corps de la muraille
qu'ils auront à porter. Si le hasard veut
qu'en fouillant les fondations on rencontre de
la pierre ou du tuf, il n'y aura pas de difficulté
à les asseoir, puisqu'il suffira de creuser leur lit
à la profondeur d'un ou deux pieds. Si l'on rencontre
de l'argile qui soit ferme ou compacte
on leur donnera en profondeur la cinquième ou
la sixième partie de la hauteur totale que le bâtiment
doit avoir; au lieu que si l'on ne trouve
qu'une terre peu compacte, il faudra quelquefois
les enterrer plus profondément, c'est-à-dire,
jusqu'à ce que l'on rencontre l'argile pure, ne
présentant aucun vestige de décombres; quoique,
si l'on ne trouve point absolument d'argile,
il suffira toujours de leur donner en profondeur
la quatrième partie de la hauteur du bâtiment.
II faut en outre faire en sorte de pouvoir environner
le bâtiment, de jardins, de vergers ou
de prairies. Au surplus, la façade en sera exposée
dans tout son développement au midi, de façon
néanmoins que l'un de ses angles voie le levant
d'hiver, et qu'elle se détourne tant soit peu du couchant de la même saison; moyennant quoi
elle se trouvera éclairée par le soleil pendant
l'hiver, sans eu sentir la chaleur pendantl'été.
IX. La distribution de bâtiment sera combinée
de manière à ménager, sans prendre trop d'espace,
des logements d'hiver et des logements
d'été. Ceux d'hiver seront placés de façon à
pouvoir être égayés par le soleil d'hiver presque
durant toute sa course. Les planchers y seront
établis en conséquence. Il faut avoir soin, par
rapport à la construction de ces planchers, premièrement
que la charpente en soit de niveau et
solide, afin qu'elle ne tremble pas, faute d'être
bien assurée sous les pieds des allants et des
venants; en second lieu, qu'elle ne présente point
de solives de chêne parmi les solives d'aesculus
dont elle sera composée; parce que le chêne qui
a une fois pris de l'humidité se tourmente quand
il commenceà se sécher, et occasionne des crevasses
dans les plafonds, au lieu que l'aesculus dure longtemps sans s'altérer. Si cependant l'on
n'a point d'aesculus à sa disposition, et que l'on
n'ait que du chêne, on le taillera en planches
très minces, que l'on superposera transversalement,
en les attachant l'une à l'autre avec une
grande quantité de clous. Les planchers de cerrus,
de hêtre ou de frêne dureront très longtemps,
pourvu qu'on les couvre de paille ou de fougère,
pour empêcher l'humidité de la chaux de pénétrer
jusqu'au corps même du plancher. La carcasse
du plancher faite, vous y établirez une couche
de blocaille, cornposée de deux parties de pierres
brisées contre une partie de chaux. Quand cette
couche sera parvenue à l'épaisseur de six doigts,
et que vous aurez nivelé le terrain, il faudra, si
ce sont des appartements d'hiver, la couvrir d'un pavé composé de telle manière que les valets
puissent s'y tenir pieds nus, sans être transis
de froid. Ce sera un composé de menus moellons
ou de briques, cimenté avec du charbon pilé, du
sable, de la cendre et de la chaux, à l'épaisseur
de six pouces. Le tout bien régalé formera un
plancher noirâtre, qui boira tout liquide épanché
dessus par mégarde. S'agit-il d'appartemeuts
d'été? on les exposera au levant solsticial et au
septentrion, et on les pavera, soit de briques
(comme ci-dessus), soit avec des dattes ou carreaux
de marbre, dont les angles se rapportent et forment
une marqueterie régulière. A défaut de ces
matières, on étendra sur le plancher une couche
de stuc ou de sable menu, lié avec de la chaux.
X. Il faut en outre que celui qui veut bâtir sache quelle est la chaux et le sable qu'il pourra employer. II y a de trois sortes de sables fossiles, le noir, le blanc et le rouge ce dernier est bien supérieur aux deux autres, le blanc tient le second rang, et le noir est le pire. Tout sable qui craque lorsqu'il est pressé entre les mains est bon pour les ouvrages de maçonnerie, Il sera encore excellent lorsqu'il ne tachera point un morceau d'étoffe ou un linge blanc dans lequel on l'aura enveloppé pour le secouer, et qu'il n'y laissera point de crasse. Cependant, si l'on n'a point de sable fossile, on pourra se servir de sable de rivière ou de mer. Comme celui de mer est longtemps à se sécher, on ne l'emploiera pas immédiatement mais on laissera écouler un certain temps avant de s'en servir, de peur que son poids ne surcharge la maçonnerie et ne l'endommage. Son humidité salée dissout aussi les enduits des voûtes. Quant au sable fossile, la promptitude avec laquelle il se sèche fait qu'il est très bon pour le ciment des murailles,comme pour les voûtes mêlé avec la chaux au moment même de son extraction, il n'en vaut que mieux. S'il reste longtemps exposé au soleil, ou à la gelée, ou à la pluie, il perd de sa qualité. Celui de rivière convient mieux pour enduit. Si l'on est cependant forcé d'employer du sable de mer, il sera bon de le plonger auparavant dans de l'eau douce, où, étant bien lavé, il déposera le vice que le sel lui avait fait contracter. Pour faire de la chaux, on cuira des pierres blanches dures, ou de la pierre de Tibur, ou du caillou de rivière de couleur de pigeon ou de la pierre rouge, ou de la pierre ponce, ou enfin du marbre. Celle qui aura été faite avec une pierre compacte et dure sera bonne pour la bâtisse au lieu que celle qui proviendra d'une pierre spongieuse ou molle conviendra davantage aux enduits. Il faut toujours mettre une partie de chaux sur deux parties de sable. Si c'est du sable de rivière, l'on aura des ouvrages d'une solidité merveilleuse, en y ajoutant un tiers d'argile sèche criblée.
XI. Si l'on veut que les murailles du corps de logis qui sert à l'habitation du propriétaire soient en briques, on aura soin, lorsque la construction en sera achevée, de faire, sur l'extrémité de ces murailles qui joindra la couverture du bâtiment, une maçonnerie en briques de la hauteur d'un pied et demi avec des corniches saillantes, afin que si les tuiles ou les gouttières deviennent défectueuses,les gouttes d'eau de pluie qui filtreront à travers ne puissent pas pénétrer jusqu'au mur. Après quoi il faudra crépir ces murailles quand elles seront sèches et raboteuses, parce que l'enduit n'y tiendrait pas, si on l'y mettait pendant qu'elles sont humides et lisses. On commencera par conséquent par les revêtir de plâtre jusqu'à trois fois, afin que le dernier enduit qu'elles recevront ne souffre aucune altération.
XII. La chose à laquelle il faut le plus s'attacher dans les bâtiments rustiques, est à ce qu'ils soient bien éclairés, et que leurs distributions, réglées, comme je l'ai dit ci-dessus, sur les différentes saisons, soient exposées au côté du ciel qui leur conviendra, c'est-à-dire que les appartements d'été soient au septentrion ceux d'hiver au midi, ceux de printemps et d'automne au levant. Pour déterminer la hauteur des salles à manger et des chambres à coucher, on prendra la moyenne de leurs deux autres dimensions.
XIII. Pour les voûtes et plafonds, on fera bien d'employer les matériaux les plus à portée. On les fera donc de planches ou de cannes, de la façon qui suit. On posera horizontalement des ais de bois des Gaules ou de cyprès, d'une grosseur uniforme, dans le lieu même où l'on doit faire la voûte, de façon qu'il se trouve un pied et demi d'intervalle entre chacun; après quoi on les assujettira à la charpente de la couverture à l'aide de chevilles de bois de genévrier, d'olivier, de buis ou de cyprès puis on y attachera deux perches en traverse avec des cordes de jonc. Ensuite on étendra par-dessous une claie à mailles serrées, tissuée avec des cannes de marais, ou de cette espèce moins menue dont on se sert communément,et que l'on aura préalablement battue. Quand cette claie sera attachée dans toute son étendue tant aux ais qu'aux perches, on commencera par la revêtir d'un enduit de pierre ponce que l'on unira avec la truelle, afin que les brins de canne soient bien resserrés entre eux; puis on la régalera avec du sable et de la chaux, et on finira par y étendre de la poudre de marbre broyé, mêlée avec de la chaux; et l'on polira cet enduit jusqu'à ce qu'ou lui ait donné le plus beau luisant.
XIV. On se plaît aussi souvent à faire ces sortes d'ouvrages en stuc, dans la composition duquel on fait entrer de la chaux éteinte depuis longtemps. Or, pour que la chaux soit propre à ces sortes d'ouvrages, il faut qu'elle soit de consistance à être taillée, comme le bois, avec une hache. Si le tranchant de la hache ne rencontre aucun obstacle dans la chaux, et que les parties de chaux qui adhéreront à la hache soient molles et visqueuses on est assuré qu'elle est bonne à être employée à ces sortes d'ouvrages.
XV. Voici comme on parviendra à rendre le crépides murailles solide et luisant. On repassera souvent avec la truelle la première couche qu'on y aura mise. Lorsqu'elle commencera à se sécher, on y en mettra une seconde, puis une troisième après quoi on les recrépira, la truelle à la main, avec de la poudre de marbre grossière, qui aura dû être gâchée jusqu'à ce qu'elle ne tienne pas au râteau dont on se sert pour remuer la chaux, et qu'on puisse au contraire l'en retirer propre et net. Lorsque cette couche de poudre de marbre grossière commencera à se sécher, il faudra encore la recouvrir d'une autre couche de poudre plus fine, qui assurera la solidité et le poli de cet enduit.
XVI. Il faut éviter une faute dans laquelle sont tombés bien des gens pour se procurer de l'eau laquelle consiste à enfoncer ses métairies dans le bas des vallées, en préférant un bien-être de quelques jours à la santé des habitants. L'inconvénient qui en résulte est encore plus à craindre quand on soupçonne que la province que l'on habite est sujette à des maladies pendant l'été. S'il ne se trouve donc dans le lieu ni fontaines ni puits, il faudra y construire des citernes, qui forment récipient de l'eau des toits. Or, voici la façon de faire ces citernes.
XVII. On leur donnera telle dimension que l'on jugera à propos, suivant ses facultés, pourvu qu'elles soient plus longues que larges, et on les clorra de murs construits en ouvrage de Signia. Le sol, sauf l'orifice du conduit d'écoulement, sera consolidé par une bonne épaisseur de blocaille, sur laquelle on étendra, pour la régaler, un ciment de brique qui tiendra lieu de pavé. On polira ensuite ce pavé, avec tout le soin possible, jusqu'à ce qu'il soit devenu luisant, en le frottant continuellement avec du lard gras que l'on aura fait bouillir. Lorsqu'il sera bien sec, et qu'on n'aura plus à craindre que l'humidité n'y cause de crevasse, on couvrira également les parois d'un même enduit; et lorsque le tout sera absolument sec depuis longtemps, on y fera entrer l'eau à demeure. On aura soin d'y jeter des anguilles et des poissons de rivière, que l'on y nourrira, afin que l'eau, quoique dans un état de stagnation, imite le mouvement de celle qui coule, lorsque ces animaux viendront à y nager. S'il arrive que l'enduit du pavé ou de la muraille périclite en quelque endroit, on le réparera avec un ciment propre à contenir l'eau qui cherchera à s'enfuir. Voici comme on réparera les crevasses et les cavités des citernes, des viviers ou des puits, ainsi que toute espèce d'infiltration de leur maconnerie. On prendra telle quantité que l'on jugera à propos de poix liquide, à laquelle on ajoutera une quantité pareille de la graisse connue sous le nom de vieux oing, ou de suif. On jettera le tout ensemble dans une marmite, où on le fera cuire jusqu'à ce que l'écume monte; après quoi on le retirera du feu. Quand ce mélange sera refroidi, on le saupoudrera de chaux très menue, et on le remuera fortement pour que la mixtion soit complète et arrive à l'état de pâte, qu'on roule avec les doigts et l'on garnira de ce mastic les fissures et pertes d'eau, en l'y pressant et foulant bien. L'eau sera plus salubre si elle passe par des tuyaux de terre cuite pour se rendre dans ces citernes, et si ces dernières sont couvertes. Au reste, l'eau du ciel est si préférable à toutes les autres pour servir de boisson, que quand on pourrait s'en procurer de courante, on ne devrait l'employer qu'aux lavoirs et à la culture des jardins, pour peu qu'elle ne fut point saine.
XVIII. Il faut que le cellier au vin soit exposé au nord, frais, presque obscur, éloigné des bains, des étables, du four, des amas de fumier, des citernes et des eaux, et généralement de tout foyer d'exhalaisons méphitiques, et assez bien outillé pour suffire à toute exigence de récolte qu'ainsi que l'estrade d'une basilique, le fouloir soit élevé de trois ou quatre degrés environ, et soit flanqué de deux côtés de réservoirs destinés à recevoir le vin. Des rigoles de maçonnerie ou des tuyaux de terre cuite partiront de ces fosses pour aboutir à l'extrémité des murs, et conduire le vin, à travers des passages pratiqués au bas de ces murs, dans des futailles qui y seront adossées. Si l'on a une grande quantité de vin, on destinera le centre du cellier aux cuves; et, de crainte qu'elles n'empêchent les passants d'aller et de venir, on pourra les monter sur de petites bases suffisamment hautes, ou sur des futailles enfouies en terre, en laissant entre chacune une distance assez grande pour que celui qui en prendra soin puisse, quand le cas l'exigera, en approcher librement. Si l'on destine au contraire un emplacement séparé aux cuves, cet emplacement sera, comme le fouloir, élevé sur de petites estrades, et consolidé par un pavé de terre cuite, afin que, si une cuve vient à fuir sans qu'on s'en aperçoive, le vin épanché ne soit point perdu, mais qu'il soit reçu dans la fosse qui sera au bas de ces estrades.
XIX. Non seulement les greniers veulent absolument être du côté du septentrion, mais leur position doit encore être élevée, éloignée de toute humidité, ainsi que du fumier et des étables fraîche, exposée au vent, et sèche. Il faut aussi les construire avec toute l'attention nécessaire, pour qu'ils ne puissent point se crevasser. On couvrira donc à cet effet le sol entier de dalles de terre cuite de deux pieds, ou plus petites, que l'on enfoncera dans un mortier de brique, en guise de pavé. Après quoi on établira des compartiments pour les différentes espèces de grains, si l'on est dans le cas d'espérer des récoltes abondantes. Si au contraire la stérilité de la terre ne promet pas de grandes récoltes, il faudra, ou diviser la totalité des greniers par des cloisons formées de claies, ou renfermer la récolte, si elle est absolument mince, dans de petits paniers d'osier. Lorsque les greniers seront construits, on enduira leurs murailles de marc d'huile mêlé avec un torchis de boue, dans lequel, au lieu de paille, on fera entrer des feuilles d'olivier sauvage sèches, ou des feuilles d'olivier franc; et lorsque cet enduit sera sec, on le recouvrira encore de lie d'huile, et on attendra qu'elle soit séchée pour y serrer le blé. Cette préparation est utile contre les charançons, et contre les autres animaux pernicieux aux grains. Quelques personnes entremêlent avec le blé, afin qu'il se garde, des feuilles de coriandre mais il n'y a rien de plus favorable à sa conservation que de le rafraichir pendant quelques jours, en le transportant de l'aire dans un autre endroit voisin, pour ne le porter que par la suite au grenier. Columelle prétend qu'il ne faut pas éventer le blé, parce qu'il arrive de là que les animaux pénètrent plus facilement dans le tas entier; au lieu que si on ne l'agite pas, ils s'arrêtent à la superficie, et n'y pénètrent pas à plus d'une palme de profondeur; de sorte qu'ils n'en gâtent que cette espèce de croûte, et que le reste se conserve intact. Le même auteur assure encore qu'il ne peut pas s'y engendrer d'animaux pernicieux au delà de cette épaisseur. De l'herbe aux moucherons, sèche, étendue sous le blé, lui procure une longue durée, à ce qu'assurent les Grecs. Au reste, le vent du Midi ne doit jamais donner sur les greniers.
XX. Le cellier à l'huile sera exposé au midi et protégé contre le froid, de façon que le jour n'y pénètre qu'à travers les transparents des fenêtres. Moyennant cette précaution, le grand froid n'y retardera pas le travail d'hiver, et le pressurage des olives s'y trouvera facilité par une chaleur modérée, sans que l'huile fige jamais. C'est à l'usage que l'on a l'obligation de la forme des trapètes, des roulettes, et de l'arbre du pressoir. Les récipients de l'huile seront toujours propres, de peur que la nouvelle n'y contracte un goût de rance par le séjour de l'ancienne. Pour plus de sûreté, on pratiquera sous le plancher des conduits de chaleur, dont le contact purifiera le cellier sans fumée ce qui n'est pas moins à redouter pour la couleur et la saveur du fruit.
XXI. Quoique les étables des chevaux ou des boeufs doivent être exposées au midi, elles doivent cependant avoir aussi du côté du nord des fenêtres que l'on tiendra fermées pendant l'hiver, afin qu'elles n'incommodent point les animaux, et que l'on ouvrira pendant l'été pour les rafraîchir. Ces étables seront élevées au-dessus du sol, pour préserver les cornes de leurs pieds de l'humidité. Les boeufs se porteront mieux quand ils seront dans le voisinage de l'âtre, et qu'ils verront la lumière du feu. Huit pieds d'espace suffisent à une paire de boeufs lorsqu'ils se tiennent debout, et quinze, lorsqu'ils sont couchés. Les écuries seront planchéiées en chêne, sur quoi on étendra de la litière, afin que les chevaux aient à la fois une couche molle sous leurs flancs et un sol ferme sous leurs pieds.
XXII. La cour s'étendra vers le midi et sera exposée au soleil, afin que la chaleur s'y fasse sentir plus aisément pendant l'hiver aux animaux qui la fréquenteront. Il faudra aussi, pour modérer la grande chaleur de l'été, préparer à ces animaux des espèces d'auvents fabriqués de fourches, d'ais et de feuillages, et couverts de bardeaux ou de tuiles, si l'on en a; sinon, de glaïeul ou de genêt, ce qui simplifie la peine et la dépense.
XXIII. Il faut ménager des retraites à la volaille vers l'extrémité des murs de la cour, parce que la fiente est très nécessaire en agriculture, à l'exception de celle des oies, qui est contraire à toute végétation. Quant aux autres oiseaux, il leur faut nécessairement des asiles pour chaque espèce en particulier.
XXIV. Le colombier peut être placé au haut d'une tourelle, dans le corps de logis du propriétaire. Les murailles en seront lisses et blanchies et on y pratiquera, suivant l'usage sur les quatre côtés de très-petites fenêtres, par où les pigeons ne puissent entrer et sortir qu'un à un. Les nids seront façonnés sur les murs mêmes dans l'intérieur du colombier. Les pigeons seront en sûreté contre les fouines, pour peu que l'on jette parmi eux des branches d'arbrisseau raboteuses et dégarnies de feuilles, ou une vieille bottine de genêt qui aura servi à chausser des animaux, et pourvu que celui qui l'apporte soit seul, et n'ait été vu par personne. Il n'en mourra ni ne s'en perdra, pour peu qu'on ait soin d'attacher à chaque fenêtre un paquet quelconque de la corde ou des liens d'un pendu. Ils y amèneront d'autres pigeons lorsqu'on les nourrira assidûment de cumin, ou qu'on leur humectera le gousset de l'aile avec du baume. Ils pondront fréquemment, lorsqu'on leur donnera souvent à manger de forge grillée, ou des fèves, ou de l'ers. Au reste, il suffira, pour trente pigeons jouissant de leur liberté, de trois sextarii, soit de blé, soit de criblures, par jour, pourvu qu'on leur donne de l'ers pendant l'hiver pour favoriser leur ponte. Il faut suspendre en plusieurs endroits du colombier de petites branches de rue, pour écarter les animaux qui leur sont nuisibles.
XXV. Au-dessous du colombier seront pratiquées deux cellules, dont l'une, étroite et obscure, servira à loger des tourterelles. Ces oiseaux sont très aisés à nourrir, puisqu'il leur suffit d'avoir toujours pendant l'été seule saison où ils engraissent comme il faut, du blé ou du millet détrempé dans de l'hydromel. Un semodius de cette mangeaille suffit par jour pour cent vingt tourterelles mais leur eau doit être fréquemment renouvelée.
XXVI. L'autre cellule servira à nourrir des grives. En engraissant ces oiseaux pour le temps où ils sont maigres en état de nature, on en fait un excellent manger, et l'on en tire un très bon produit, car le luxe met du prix aux raretés. Il faut que cette cellule soit propre, claire, et bien polie partout; on y fichera des perches en travers, sur lesquelles ces oiseaux pourront se reposer, et qui les empêcheront de voler. On y mettra aussi des branchages verts que l'on changera souvent. On donnera avec profusion à ces oiseaux des figues sèches pilées avec de la fleur de farine; et pour prévenir le dégoût, on leur donnera de temps en temps, si on est à portée de le faire, de la graine de myrte, de lentisque, d'olivier sauvage, de lierre, d'arbousier, et surtout de l'eau propre. On les renfermera au moment qu'ils auront été pris, pourvu qu'ils ne soient point blessés, et l'on mettra parmi eux d'autres grives que l'on aura élevées précédemment, et dont la compagnie consolera leur captivité, et les encouragera à prendre de la nourriture.
XXVII. II n'y a point de femme, pour peu qu'elle soit intelligente, qui ne sache élever des poules. Il suffira d'observer, touchant ces animaux, qu'il leur faut du fumier, de la poussière et de la cendre. Les poules doivent être préférablement noires ou dorées, mais on se gardera d'en avoir de blanches. Le raisin les rend stériles. L'orge à demi cuite les fait au contraire pondre souvent, et leur fait donner de plus gros oeufs. Deux cyathi d'orge sont suffisants pour nourrir une poule qui a la liberté de courir. Quand on donne des oeufs à couver aux poules, il faut toujours les leur donner en nombre impair et dans le temps que la lune croît, c'est-à-dire depuis son dixième jour jusqu'à son quinzième. Il arrive assez souvent qu'elles sont incommoidées de la pépie, qui couvre l'extrémité de leur langue d'une pellicule blanche; auquel cas on arrache légèrement cette pellicule avec les ongles, et l'on met de la cendre sur la plaie; après quoi, lorsqu'elle est nettoyée, on y exprime du jus d'ail broyé. On peut aussi leur fourrer dans le gosier une gousse d'ail broyée dans de l'huile. Il est encore bon de mêler continuellement de l'herbe aux poux dans leur nourriture. S'il leur arrive de manger des lupins amers, on en voit aussitôt la graine paraitre sous leurs yeux; et ce serait assez pour les faire mourir, si on ne l'en retirait pas, en leur perçant légèrement la peau avec une aiguille. Après cette opération, on leur bassine extérieurement les yeux, soit avec du jus de pourpier et du lait de femme, soit avec du sel ammoniac mêlé en parties égales avec du miel et du cumin. Pour leur ôter la vermine, on prend de l'herbe aux poux et du cumin grillé en parties égales, que l'on broie.ensemble dans du vin trempé avec de l'eau dans laquelle on aura fait bouillir des lupins amers et on les fomente avec le tout de façon à ce que la friction pénètre jusqu'à la racine de leurs plumes.
XXVIII. Il est très aisé de nourrir des paons à moins que l'on n'ait à craindre les voleurs, ou les espèces ennemies de ces volatiles. Ils trouvent communément eux-mêmes leur nourriture et celle de leurs petits en errant dans les champs, et se perchent le soir sur les plus hauts arbres. Il n'y a qu'une attention à avoir à leur égard, qui consiste à sauver du renard les femelles qui couvent, ce qu'elles font ordinairement dans les champs. Aussi a-t-on meilleure chance à les élever dans de petites îles. Cinq femelles suffisent à un mâle. Les mâles cassent leurs oeufs et persécutent leurs petits, comme s'ils n'en étaient point les pères, jusqu'à ce que la crête qui les distingue des autres oiseaux leur soit venue. Ils commencent à être en chaleur aux îdes de février. Des fèves légèrement grillées les excitent à l'amour, pourvu qu'on les leur donne tièdes tous les cinq jours. Il suffira d'en donner six cyathi à chaque paon. Toutes les fois que le mâle recourbe autour de son corps la queue brillante dont il est revêtu, et qu'il étale l'extrémitéde ses plumes garnies d'yeux, en courant et en jetant un cri aigu, c'est une preuve qu'il désire la femelle. Si l'on fait couver des oeufs de paonnes à des poules, les mères que l'on exemptera par là de couver pourront pondre trois fois par an. Leur première ponte est communément de cinq oeufs, la seconde de quatre, et la troisième de trois ou de deux. Mais quand on suit la méthode de faire couver des oeufs de paonnes par des poules, il faut des poules de choix. On leur donnera neuf oeufs à couver pendant neuf jours, à dater de celui où la lune commencera à croître, savoir, cinq de paonnes, et les autres de poules. Le dixièmejour on retirera tous les oeufs de poules, et on en remettra autant de nouveaux, afin que ces derniers oeufs de poules puissent éclore avec ceux de paonnes au trentième jour de la lune c'est-à-dire, trente jours pleins après le dépôt des premiers. On aura soin de retourner souvent avec la main les oeufs de paonnes qui seront sous les poules, parce que celles-ci auraient de la peine à s'acquitter elles-mêmes de ce soin. On les marquera aussi d'un côté, pour se rappeler qu'on les aura retournés successivement.Il faut cependant choisir pour cette opération de très grandes poules, parce que, si elles étaient petites il faudrait leur donner moins d'oeufs à couver. Si l'on veut transporter les paonneaux éclos sous plusieurs poules auprès d'une seule qui leur servira de nourrice, Columelle préteud qu'il suffit, dans ce cas, de lui en donner vingt-cinq pour moi, il me semble que, si l'on veut qu'ils soient bien élevés, il suffit de lui en donner quinze. On donnera les premiers jours aux paonneaux de la farine d'orge arrosée de vin, ou une bouillie de quelque substance végétale que ce soit. On y ajoutera par la suite des poireaux hachés ou du fromage nouveau qui soit bien égouté, parce que le petit lait leur est contraire. On peut aussi leur donner des sauterelles auxquelles on aura arraché les pattes. C'est ainsi qu'il faut les nourrir jusqu'à l'âge de six mois passé ce temps on pourra leur donner habituellement de l'orge. Cependant on peut les envoyer en toute sûreté aux champs dès le trente cinquième jour après leur naissance, pour y chercher leur pâture dans la compagnie de leur nourrice, qui les rappellera à la métairie par ses gloussements. On les traite pour la pépie et les excès de nourriture de la même mauière que les poules. C'est un temps de crise pour eux lorsque leur crête commenceà pousser car ils sont alors en langueur, ni plus ni moins que les enfants dans le temps que leurs petites dents travaillent à percer leurs gencives gonflées.
XXIX. Il faut avoir soin quand on veut élever des faisans, d'en avoir de jeunes qui puissent être féconds, c'est-à-dire de ceux qui seront nés l'année précédente, parce que les vieux ne peuvent jamais l'être. Les faisans recherchent la femelle au mois de mars ou d'avril. Deux femelles suffisent à un mâle, cet oiseau étant moins lascif que les autres. Les femelles pondent une fois par an. Leur ponte se réduit ordinairement à vingt oeufs. Les poules couveront ces oeufs mieux que les faisanes elles-mêmes, pourvu qu'entre les oeufs que l'on donnera à couver à une poule il n'y en ait que quinze de faisanes et que les autres soient de poules. On observera, quant à la lune et aux jours, ce que nous avons prescrit par rapport aux autres volailles. Les petits écloront le trentième jour de l'incubation. On les nourrira pendant quinze jours de farine d'orge bouillie et tiède, arrosée de quelques gouttes de vin. Par la suite on leur donnera du froment concassé, des sauterelles et des oeufs de fourmis. Il est constant qu'il faut les empêcher d'approcher de l'eau, si l'on ne veut point que la pépie les fasse périr. S'ils viennent à l'avoir, on leur frottera habituellement le bec avec de fait broyé dans de la poix liquide, ou bien on extirpera le mal par le même procédé que pour les poules. La méthode pour les engraisser consiste à les renfermer pendant trente jours, et à leur donner, pendant tout le temps de leur réclusion, un modius de farine de froment pétrie en très petites boulettes; ou, si l'on veut leur donner de la farine d'orge, il en faudra un modius et demi pour les engraisser complétement pendant le temps que nous venons de prescrire. Néanmoins, il faut avoir soin que les boulettes qu'on leur introduira dans le gosier soient graissées d'huile de crainte qu'elles ne s'arrêtent à la racine de leur langue ce qui les ferait périr sur-le-champ. On aura aussi la plus grande attention à ne leur point donner de mangeaille nouvelle avant qu'ils aient digéré l'ancienne, parce qu'ils succombent très facilement aux indigestions.
XXX. Sans herbe et sans eau, les oies ne profitent guère. Cet oiseau est pernicieux aux terrains ensemencés parce qu'il nuit autant aux semences par sa morsure que par sa fiente. On tire un revenu de ses petits et de ses plumes, que l'on arrache dans l'automne et au printemps. Trois femelles suffisent à un mâle. S'il n'y a pas de rivière dans l'endroit où on les élève, on leur fera une mare d'eau et si l'on manque d'herbes, on sèmera pour leur nourriture du trèfle, du fenugrec, de la chicorée sauvage et de petites laitues. Les oies blanches sont les plus fécondes; les mélangées ou les brunes le sont moins, parce qu'elles ont passé du genre sauvage à l'état de domesticité. Elles couvent depuis les calendes de mars jusqu'au solstice d'été. Elles pondront davantage si l'on prend des poules pour couver. Nous permettons cependant aux mères désormais hors d'âge d'élever les petits de leur dernière ponte. Lorsqu'elles sont prêtes à pondre, on les conduit à leur logette et pour peu qu'on l'ait fait une seule fois, elles conserveront l'habitude d'y aller d'elles-mêmes. On fait couver aux poules des oeufs d'oies de même que des ceufs de paonnes mais on met des orties sous ceux d'oies, de peur qu'ils ne soient endommagés. Il faut nourrir les oisons dans leur logette les dix premiers jours après leur naissance. Passé ce temps, on pourra les en faire sortir par un temps serein, pour les mener dans des endroits où il n'y ait point d'orties, parce qu'ils en redoutent les piquants. On les engraisse très-bien à l'âge de quatre mois, parce qu'ils engraissent mieux quand ils sont dans un âge tendre. On leur donnera à cet effet de ia bouillie trois fois par jour. On les empêchera de circuler, en les renfermant dans un lieu obscur et chaud. En suivant cette méthode, les plus vieilles même engraisseront en deux mois, car les jeunes souvent sont grasses dès le trentième jour. On les engraissera encore mieux en leur donnant du millet trempé dans de l'eau, tant qu'elles en voudront.On peut mêler toutes sortes de légumes dans leur nourriture, à l'exception de l'ers. Il faut aussi prendre garde que leurs petits n'avalent des poils d'animaux. Les Grecs, pour engraisser les oies, font détremper dans de l'eau chaude deux parties de gruau et quatre parties de son, et leur donnent de cette nourriture à discrétion. Ils facilitent aussi leur engrais en les faisant boire trois fois par jour. Ils leur donnent même de l'eau au milieu de la nuit. Mais si l'on veut que leur foie s'attendrisse, on roulera en petites boulettes des figues sèches broyées et trempées dans de l'eau et on leur en donnera au bout de trente jours d'engrais, et cela pendant vingt jours consécutifs.
XXXI. Ces arrangements faits, on pourvoira au reste. En effet, il faudra encore avoir auprès de la métairie deux réservoirs d'eau creusés dans le sol ou taillés dans la pierre, qu'il soit facile de remplir d'eau de fontaine ou de pluie. L'un servira aux bestiaux ou aux oiseaux aquatiques, et l'on mettra tremper dans l'autre les baguettes, les cuirs, les lupins, et toutes les autres choses que les paysans sont dans l'usage de plonger dans l'eau.
XXXII. En n'importe en quel endroit on serrera le foin, la paille, le bois et les cannes, pourvu que cet endroit soit sec, ouvert à tout vent, éloigné de la métairie, dans la crainte du. feu.
XXXIII. Le tas à fumier doit avoir sa place dans un lieu très humide, et qui soit hors de la portée du corps de logis du propriétaire, à cause de la mauvaise odeur qu'il exhale. L'abondance de l'eau procurera au fumier l'avantage de faire mourir les graines d'épines qui pourront s'y trouver entremêlées. Le crottin d'âne est le premier de tous les fumiers surtout pour les jardins. Vient ensuite celui des brebis, des chèvres et des bêtes de somme mais la fiente de porc est le pire de tous. La cendre est un excellent fumier. Quoique la fiente de pigeon soit le fumier le plus chaud celle des autres oiseaux ne laisse pas d'avoir son mérite, si l'on en excepte les oiseaux de marais. Un fumier qui aura pourri pendant une année sera bon pour les terres ensemencées, et n'engendrera point d'herbes plus vieux, il serait moins bon. Un fumier nouveau sera excellent pour faire foisonner les herbes dans les prés. Les immondices de la mer lavées dans de l'eau douce et mêlées avec d'autres ordures tiendront aussi lieu de fumier. Il en est de même du limon qu'auront déposé les eaux de source ou les rivières en débordant.
XXXIV. Les jardins et les vergers doivent être très près de la maison. Il faut que le jardin soit précisément au-dessous du tas à fumier, dont le suc seul le fertilisera, et très éloigné de l'aire, parce que la poussière de la paille lui serait pernicieuse. Un terrain plat, légèrement incliné et arrosé par une eau courante, qui se partage en différents bras, est une heureuse position pour un jardin. Si l'on n'a pas d'eau de source, il faut ou creuser un puits en terre, ou, si l'on ne peut pas y parvenir, construire à la superficie un réservoir que la pluie fournira d'eau, afin que le jardin puisse être arrosé pendant les grandes chaleurs de l'été. A défaut de toutes ces ressources, labourez à trois ou quatre pieds au moins de profondeur, comme dans une terre qu'on façonnerait au pastinum. Le jardin qui aura reçu cette façon est à l'épreuve de toutes les sécheresses. Quoique toutes les espèces de terre conviennent à un jardin, pourvu qu'elles soient aidées de fumier à proportion de leur besoin,il en est cependant telles espèces qu'il faut éviter dans le choix, telles que la craie que nous nommons argile, et la terre rouge. On aura aussi l'attention de distribuer en deux portions les jardins qui n'auront point la ressource d'une humidité naturelle, et d'exposer au midi celleque l'on voudra cultiver en hiver, au nord celle que l'on voudra cultiver en été. Les jardins doivent de plus être fermés; mais il y a plusieurs façons de les enclore. Les uns renferment de la vase entre deux planches qui lui serventde moule, et font ainsi des murs qui ressemblent à ceux de briques. Ceux qui en ont le moyen construisent des murailles de mortier et de pierres. Le plus grand nombre emploie des pierres régulièrement superposées, en se passant de mortier. Quelques uns entourent de fossés le terrain qu'ils veulent cultiver. Mais c'est une méthode qu'il faut éviter, à moins que le terrain ne soit marécageux parce que ces sortes de fossés attirent à eux toute l'humidité du jardin. D'autres font des haies avec de l'épine de plant ou de semence sur les bords du jardin, pour lui servir de rempart. Mais le meilleur procédé est de se procurer de la graine de ronce ou d'églantier quand elle est mûre. On la mêle avec de la farine d'ers détrempée. On couvre ensuite de cette préparation de vieux cordages de genêt d'Epagne, de façon que cette graine pénètre l'intérieur de ces cordages et s'y conserve jusqu'au commencement du printemps. Alors on creuse, dans l'endroit où l'on veut former une haie, deux tranchées d'un pied et demi de profondeur, éloignées l'une de l'autre de trois pieds puis on étend au fond de chacune de ces tranchées les cordages saturés de leur graine, et on les recouvre légèrement de terre. Par ce moyen les pousses paraîtront le trentième jour, et, tant qu'elles seront jeunes, il faudra faciliter leur croissance avec des appuis, qui serviront à les réunir dans les intervalles qu'elles n'auront point remplis. Tout jardin doit être divisé en deux parties: l'une qu'on ensemence en automne et dont la terre doit être remuée dès le printemps l'autre qui doit être ensemencée au printemps et labourée en automne. Par là les deux labours seront mûris, l'un par le froid, l'autre par le soleil. II faut faire les planches longues et étroites, c'est-à-dire, qui n'aient que six pieds de large sur douze de long, afin qu'on puisse les partager en deux pour les purger des mauvaises herbes tant d'un côté que de l'autre. Au reste, les bords en seront redressés à la hauteur de deux pieds dans les climats humides ou arrosés, au lieu qu'il suffira qu'ils soient élevés d'un pied dans les climats secs. Il faudra (si l'on est dans l'usage de faire couler l'eau sur les planches pour les arroser) que les espaces qui les sépareront soient plus élevés que la planche elle-même, afin que l'eau se rende plus aisément sur la planche lorsqu'elle viendra d'un lieu qui la dominera, et qu'après l'avoir bien abreuvée elle puisse être détournée sur d'autres planches. Quoique nous assignions par la suite les temps de chaque ensemencement mois par mois, chacun se réglera cependant sur la nature du pays et du climat qu'il habite. L'ensemencement d'automne se fera de meilleure heure dans les pays froids que dans les pays chauds, et celui du printemps s'y fera plus tard; au lieu que l'ensemencement d'automne peut être fait plus tard dans les contrées chaudes, comme celui du printemps peut y être fait plus tôt. Il faut toujours semer pendant que la lune croit, et couper ou cueillir quand elle décroît.
XXXV. Remède contre les brouillards et contre la rouille quand la brume parait menacer, faites différents tas de toutes les pailles et immondices dispersées dans le jardin, et mettez-y le feu. Il y a de nombreux préservatifs contre la grêle, tels que d'envelopper une meule dans un morceau d'étoffe de couleur de rose; de lever contre le ciel, d'une façon menaçante, des haches ensanglantées d'entourer tout le jardin de couleuvrée; d'attacher un hibou les ailes étendues; de frotter de suif d'ours les instruments de fer avec lesquels on doit travailler. Il y a des personnes qui conservent de la graisse d'ours battue dans de l'huile, et qui en frottent leurs serpettes avant de faire la taille. Mais cette pratique a besoin d'être tenue secrète, pour celui qui taille tout le premier. Au reste, l'on prétend que sa vertu est si grande, qu'en l'employant, on n'a rien à craindre des brouillards ni des insectes. Le tout est d'y mettre du mystère; autrement le charme est détruit. On répand du marc d'huile nouvelle ou de la suie prise aux voûtes pour se débarrasser des moucherons et des limacons. Préservatif contre les fourmis si la fourmilière est dans le jardin même, on place auprès le coeur d'un hibou mais si les fourmis viennent du dehors, on trace une ligne autour du jardin avec de la cendre ou avec de la craie. Préservatif contre les chenilles. On trempe dans du jus de joubarbe ou dans du sang de chenilles les graines que l'on doit semer. Les poids chiches semés parmi les légumes leur servent de préservatif contre un grand nombre d'inconvénients. Il y a des personnes qui jettent sur les chenilles de la cendre de figuier, et qui sèment aussi ou du moins suspendent dans leur jardin de la seille. Quelques-uns, pour écarter les chenilles et autres insectes nuisibles, font faire le tour du jardin à une femme sans ceinture, les cheveux épars et les pieds nus, dans le temps de ses règles. D'autres attachent avec des clous, en différents endroits du jardin des écrevisses de rivière. Préservatif contre les insectes qui nuisent aux vignes. On plonge dans de l'huile les cantharides qui se trouvent communément sur les roses, et on les y laisse macérer. Ensuite, lorsque l'on veut tailler la vigne, on frotte de cette huile les serpettes dont on doit se servir. On fait mourir les punaises, soit avec de la lie d'huile et du fiel de boeuf, dont un frotte les lits ou les autres endroits qui en sont infectés, soit avec des feuilles de lierre broyées dans de l'huile, soit par l'odeur des sangsues brûlées. Pour empêcher que les légumes n'engendrent des animaux pernicieux, faites sécher dans l'écaille d'une tortue toutes les graines que vous aurez à semer, ou bien semez de la menthe en plusieurs endroits de votre jardin, et particulièrement entre les choux. On prétend qu'un peu d'ers semé, surtout dans les endroits où il doit venir des radis ou des raves, produit le même effet. On dit encore qu'en répandant sur les légumes de fort vinaigre mêlé avec du suc de jusquiame, on fait mourir les pucerons dont ces légumes sont infectés. On dit aussi qu'on chasse les chenilles en brûlant par tout le jardin des tiges d'ail sans têtes, et en en promenant çà et là les fumigations. Si l'on veut garantir les vignes de ces animaux, on prétend qu'il faut frotter les serpettes avec de l'ail broyé.On les empêche aussi de pulluler en allumant du bitume et du soufre autour des troncs d'arbres ou des pieds de vigne, ou en faisant bouillir dans de l'eau des chenilles prises dans le jardin voisin, et en arrosant ensuite le sien avec cette eau. Pour empêcher les cantharides de faire tort aux vignes il faut en écraser sur la pierre qui sert à aiguiser les serpettes. Démocrite assure qu'aucune bête ne pourra nuire aux arbres ni à telle semence que ce soit, si l'on met dans un vase de terre cuite, plein d'eau et couvert, une grande quantité d'écrevisses de rivière, ou au moins dix de celles de mer qu'ensuite on expose le vase en plein air; pendant l'espace de dix jours, soumis à l'action du soleil, et qu'on arrose de cette eau tout ce que l'on voudra conserver intact; en répétant la même opération tous les jours, jusqu'à ce que les plantes que l'on veut avoir soient venues, et qu'elles aient acquis une certaine force. On chasse les fourmis en versant de l'origan et du soufre broyés sur l'ouverture de la fourmilière. Cette préparation nuit également aux abeilles. On obtient le même résultat en brûlant des coquilles de limaçons vides, et en bouchant les trous avec leurs cendres. On met en fuite les moucherons eu jetant sur eux du galbanum ou du soufre, ainsi que les pucerons en répandant souvent sur le pavé du marc d'huile ou du cumin sauvage broyé dans de l'eau, ou de la graine de concombre sauvage seulement infusée, ou de l'eau dans laquelle on aura fait tremper des lupins mêlés avec de la couleuvrée blanche amère. Mettez dans un plat du marc d'huile bien épais la nuit, les rats s'y prendront comme au piège. Saturez d'ellébore noir un morceau de fromage ou de pain, une certaine quantité de graisse ou de pâte; ce sera pour eux un poison. Apulée prétend qu'on préserve les graines des mulots en les faisant macérer dans du fiel de boeuf avant de les jeter en terre. Quelques personnes bouchent les trous de ces animaux avec des fleurs de laurier-rose, afin qu'après les avoir rongées ils meurent des efforts qu'ils font pour sortir. Voici comment les Grecs font la chasse aux taupes. Ils font percer une noix ou toute autre espèce de fruit également solide, qu'ils remplissent de paille et de cire mêlées avec du soufre après quoi ils font boucher bien exactement tous les petits passages des taupes et tous les conduits d'air extérieur, à l'exception d'un seul qui soit large, et à l'entrée duquel ils font mettre cette noix, laquelle est allumée en dedans, de façon qu'elle puisse recevoir d'un côté le vent qu'elle transmettra de l'autre côté moyennant quoi les trous se trouvant remplis de fumée, les taupes s'enfuient aussitôt, ou meurent. Si l'on remplit de cendre de chêne les ouvertures des trous des rats sauvages, ils gagneront la gale à force de toucher souvent à cette cendre, et finiront par périr. On met les serpents en fuite avec presque toute sorte de matières amères; et toute fumée de mauvaise odeur est bienfaisante, en ce qu'elle préserve de leur souffle pernicieux. Brûlons donc du galbanum, ou du bois de cerf, ou des racines de lis, ou la corne du pied de chèvre ce sont toutes matières qui écartent ces monstres venimeux. Les Grecs imaginent que lorsque des nuées de sauterelles s'élèvent tout à coup il pourra arriver qu'elles passeront sans causer de dommage, si tout le monde se tient caché dans la maison, et que quand même les gens seraient en plein air lorsqu'ils les observeront, elles ne nuiront néanmoins à aucun fruit, pourvu qu'on se retire aussitôt tous à la maison. On dit aussi qu'un moyen sûr pour les chasser est de verser de l'eau dans laquelle on aura fait bouillir des lupins amers ou des concombres sauvages, en la mêlant avec de la saumure. Quelques personnes pensent qu'on peut mettre en fuite les sauterelles ou lesscorpions, en brûlant quelques uns de ces animaux au milieu de leurs semblables. D'autres combattent les chenilles avec de la cendre de figuier. Si ce moyen ne réussit pas, on en fait bouillir quelques-unes dans de l'urine de boeuf et du marc d'huile mêlés ensemble par parties égales; et lorsque cette liqueur est refroidie, on en arrose tous les légumes. Il faudra couvrir légèrement de terre, dans l'endroit où ces animaux se seront le plus multipliés, le ventricule d'un mouton à l'instant qu'il aura été tué, et sans le vider. Deux jours après, on y trouvera ces animaux rassemblés par tas; et, pour peu que l'on répète cette opération deux ou trois fois, on détruira toutes ces espèces malfaisantes. On croit qu'on peut se garantir de la grêle en portant autour de ses domaines une peau de crocodile, ou d'hyène, ou de veau marin, et en la suspendant à l'entrée de la métairie ou de la cour, lorsque le fléau paraîtra imminent. On prétend aussi que si l'on se promène dans les vignes en portant dans la main droite une tortue de marais renversée sur le dos qu'à son retour on la pose à terre dans la même situation, en remplissant la concavitéde sa carapace de mottes de terre, pour l'empêcher de se retourner et la forcer de rester couchée sur le dos, les nuées les plus dangereuses ne feront que passer sur l'endroit muni de ce préservatif. Il y a despersonnes qui, aussitôt qu'elles se voient menacées de ce péril reçoivent l'image de la nuée dans un miroir qu'elles lui présentent en face, et viennent à bout de la détourner par ce moyen (soit que le nuage se déplaise à voir se réfléchir sa figure, soit qu'il pousse plus loin, croyant la place occupée par son double). On croit aussi qu'une peau de veau marin, jetée sur un petit cep au milieu d'un vignoble, a quelquefois préservé le vignoble entier des accidents qui le menaçaient. On prétend que toutes les semences d'un jardin ou d'un champ sont à l'abri de tout accident et de toute bête malfaisante, lorsqu'on les a fait macérer, avant de les jeter en terre, avec des racines de concombre sauvage broyées. Il faut aussi mettre dans son jardin le crâne d'une cavale qui ait souffert les approches de l'étalon, ou même celui d'une ânesse, parce que l'un et l'autre passent pour féconder par leur présence tout ce qui les environne.
XXXVI. L'aire doit être voisine de la métairie, tant pour faciliter le transport du blé, qu'afin de le mettre plus à l'abri de la fraude; parce qu'on supposera que le maître ou l'agent ne sont pas loin. Il faut que le sol en soit pavé de cailloux, ou qu'elle soit taillée dans le roc, ou que ce soit un terrain qui ait été affermi, vers le temps où le blé doit être battu tant par les pieds des bestiaux que par l'eau dont on l'aura imbihé. Elle doit de plus être close et munie de forts barreaux, à cause des bêtes de somme qu'on y fera entrer dans le temps où l'on battra le blé. Il faut avoir dans son voisinage un autre terrain plat et bien découvert, dans lequel on puisse transporter les blés pour y prendre l'air avant d'être serrés dans les greniers précaution utile pour qu'ils se gardent longtemps. On pratiquera aussi auprès de l'aire, n'importe de quel côté surtout dans les contrées humides, un couvert sous lequel on mettra les blés à la hâte, dans le cas de pluies imprévues ( si la nécessité y contraint) battus ou à moitié battus. Quant à l'aire elle-même, elle sera placée dans un lieu élevé, et où le vent donne de tous les côtés; pouvu néanmoins qu'elle soit éloignée des jardins, des vignes et des vergers, parce que, si le fumie et la paille sont utiles aux racines des arbrisseaux, d'un autre côté, lorsque ces matières s'attachent à leurs feuilles, elles les percent et les dessèchent.
XXXVII. On placera le domicile des abeilles près du corps de logis du propriétaire,dans un coin du jardin retiré, exposé au soleil, à l'abri des vents, et très chaud. La forme en sera quadrangulaire, comme moins favorable aux voleurs et moins accessible aux passants et aux bestiaux. Il faut que les fleurs y abondent c'est pourquoi on s'attachera à les multiplier, soit en herbes, soit en arbustes,soit en arbres. Il y aura, en fait d'herbes, de l'origan, du thyra, du serpolet, de la sarriette, de la mélisse des violettes sauvages, de l'asphodèle, de la citronelle, de la marjolaine, de cette jacinthe que l'on appelle iris ou gladiolus à cause de sa ressemblance avec un petit glaive, du narcisse, du safran, et d'autres herbes d'odeur et de saveur douces. En fait de plantes à haute tige, des roses, des lis des fèves, du romarin, du lierre. En arbres francs, des jujubiers, des amandiers, des pêchers, des poiriers et d'autres arbres fruitiers, dont la fleur ne rende aucune amertume lorsqu'on la suce. En arbres sauvages, des chênes qui produisent le gland, des térébinthes, des lentisques, des cèdres, des tilleuls, des petites yeuses et des pins. Mais on en écartera les ifs, qui sont nuisibles à ces insectes. Le suc du thym donne la première qualité de miel; la thymbre, le serpolet ou l'origan, la seconde, le romarin et la sarriette, la troisième. Les autres plantes, telles que l'arbousier et les légumes, donnent un miel d'un goût sauvage. Les arbres seront plantés du côté du nord. On arrangera les arbrisseaux et les arbustes par ordre sous les murailles, et l'on sèmera les herbes dans le surplus du terrain au delà des arbustes. Il faut y amener une fontaine ou un ruisseau, dont le cours soit lent, et fréquemment interrompu par des bas-fonds,sur lesquels s'étendront des branches clairsemées, où les abeilles puissent se poser en sûreté lorsqu'elles viendront y boire. Mais il faut que les ruches soient éloignées de tout ce qui exhale une mauvaise odeur, comme bains, étables, éviers. Il faut les garantir en outre de leurs ennemis naturels, tels que lézards, cloportes, et autres semblables. On effrayera aussi les oiseaux avec des épouvantails et des sonnettes. Le gardien des abeilles s'en approchera souvent en observant d'être propre et chaste dans le temps qu'il les visitera, et d'avoir de nouvelles ruches prêtes à recevoir les jeunes essaims encore sans expérience. Éloignez-les de l'odeur de la fange ou de l'écrevisse brûlée, aussi bien que du voisinage d'un écho. On se gardera d'avoir des herbes de tithymalle, d'ellébore, de tapsie, d'absynthe, de concombre sauvage, ou aucune plante amère; tous éléments antipathiques à la préparation du miel.
XXXVIII. Les meilleures ruches sont celles qui sont faites d'écorce de liége parce qu'elles sont impénétrables au chaud comme au froid. On peut néanmoins en faire de férules ou, à défaut de férules, on emploiera des baguettes d'osier, ou l'excavation d'un tronc d'arbre, ou on les fabriquera avec des douves, comme l'on fait des cuves. Les ruches de terre cuite sont les pires de toutes, parce qu'elles sont glaçantes en hiver, et brûlantes en été. Au reste, il faudra construire, dans l'enclos même dont nous avons parlé des murs à hauteur d'appui, c'est-à-dire, de trois pieds d'élévation, que l'on revêtira d'un mortier de brique, et que l'on crépira avec du stuc bien poli, pour parer aux dommages que causent ordinairement les lézards et les autres reptiles. On mettra ensuite les ruches sur ces murs, de façon que la pluie ne puisse pénétrer jusqu'à elles, avec l'attention de laisser entre elles de petits intervalles. Il faut cependant que l'ouverture des ruches soit étroite, pour que les essaims ne souffrent ni du froid ni du chaud. Il leur faut encore la protection d'un mur plus élevé, qui réfléchira le soleil sur le domicile des abeilles, en le protégeant contre les vents froids. Toutes les ouvertures des ruches seront en face du soleil d'hiver, et il en faudra deux ou trois dans chaque panier, dont la largeur n'excède pas la grosseur du corps d'une abeille; parce que la petitesse du passage empêchera les animaux malfaisants de le forcer; et s'ils attendent les abeilles pour les attaquer à leur sortie, celles-ci pourront sortir par un côté différent de celui où ils seront à l'affût.
XXXIX. Lorsque l'on fera emplette d'abeilles, on aura soin de n'acheter que des ruches qui soient bien remplies. Or, on sera assuré qu'elles le sont, soit à l'inspection même de la ruche, soit au murmure considérable qui s'y fera entendre, soit aux rentrées ou aux sorties fréquentes de l'essaim. Il faudra aussi les acheter dans le voisinage plutôt que dans un canton éloigné, de peur que le changement d'air ne les incommode. Si cependant l'on est dans le cas d'en faire venir de loin, on apportera les ruches pendant la nuit, en se gardant de les mettre en place ou de les ouvrir avant la chute du jour. On examinera ensuite, pendant trois jours de suite, si l'essaim ne sort point tout à la fois, parce que ce serait un signe de désertion. Nous donnerons par détail ce qu'il y aura à faire chaque mois, pour obvier à cet accident et à d'autres. On croit cependant que les abeilles ne prennent jamais la fuite, lorsqu'on a frotté les ouvertures des paniers avec la fiente d'un veau premier-né.
XL. Le chef de famille fera bien, s'il a de l'eau en suffisance, de songer à construire une salle de bains, parce que c'est une chose qui contribue beaucoup à l'agrément et à la santé. Cette salle sera placée à portée de la chaleur du fourneau, mais à l'abri de l'humide vapeur qui s'en exhale. On lui donnera des jours du côté du midi et de celui du couchant d'hiver, afin que les rayons du soleil y arrivent tout le jour, et l'égayent. Voici comme on fera le souterrain au-dessus duquel les bains seront placés. On commencera par en couvrir l'aire de dalles de deux pieds, convergentes vers le centre dans un degré d'inclinaison tel, qu'une balle jetée dessus doive nécessairement rouler jusqu'au foyer. C'est le moyen que la flamme, dont la direction est naturellement verticale, échauffe davantage les bains. On construira sur ce pavé des piliers de petites briques liées entre elles avec un mortier d'argile et de crin, espacés entre eux d'un pied et demi, et élevés de deux pieds et demi. On établira sur ces pilliers deux tuiles de deux pieds l'une sur l'autre que l'on couvrira d'un mortier de terre cuite qui servira de pavé après quoi on y mettra du marbre si l'on en a suffisamment. Quant au miliarium de plomb, qui sera assis sur un plateau de cuivre, on le mettra directement au-dessus du fourneau, et on le fera passer entre les bains. II y aura un tuyau dirigé vers ce miliarium, pour y conduire l'eau froidet et il en partira un autre de même calibre que le premier qui sera dirigé vers le bain, pour y porter autant d'eau chaude que le premier tuyau aura porté d'eau froide dans le miliarium. Les salles de bains seront disposées de façon qu'elles ne forment pas le carré mais que si elles ont, par exemple, quinze pieds de long, elles n'en ait que dix de large parce que la chaleur sera plus intense dans un lieu étroit. La forme du siège qui sera dans le bain sera à la volonté de chacun. Les salles de bains d'été recevront le jour du côté du septentrion et celles d'hiver le recevront du côté du midi. Il faut, si faire se peut qu'elles soient situées de façon que leur décharge s'écoule tout entière à travers les jardins. Les voûtes de poix dure, et que celui de la poix liquide soit moitié du poids total de ce mélange. On mêle toutes ces matières ensemble; et après les avoir broyées dans un mortier, on fait remplir les crevasses de cette composition. Autre recette On broie avec un pilon du sel ammoniac réduit en poudre, des figues de l'étoupe et de la poix liquide, et on enduit les crevasses de cette composition. Autre recette On enduit les crevasses de sel ammoniac et de soufre réduits l'un et l'autre en poudre, ou bien on les en remplit. On les ensuit aussi de poix dure et de cire blanche mêlées ensemble et saupoudrées de sel ammoniac, et l'on fait passer le cautère par-dessus cet enduit. On les enduit encore de fleur de chaux et d'huile mêlées ensemble et l'on se garde bien d'y mettre de l'eau aussitôt après. Autre recette On mêle de la fleur de chaux avec du sang de taureau et de l'huile, et l'on enduit les fentes avec cette composition. On broie encore ensemble des figues, de la poix dure et des écailles d'huitres sèches, et on enduit avec attention les fentes avec ce mélange. Voici aussi le ciment qu'on emploie pour réparer les ouvrages destinés à contenir de l'eau froide. On broie ensemble avec un pilon du sang de boeuf, de la fleur de chaux et du mâchefer, et on en fait une espèce de cérat, dont on enduit ces ouvrages. On empêche également l'eau froide de filtrer entre des fentes, en les enduisant de suif fondu, mêlé avec de la cendre passée au crible.
XLII. Si l'on fait une grande consommation d'eau dans les bains, il faut en diriger l'écoulement vers les boulangeries, où l'on établira des moulins à eau; ce qui sera une grande économie de travail pour les hommes et les bêtes.
XLIII. On se pourvoira de tout l'attirail nécessaire à la campagne.Voici en quoi il consiste des charrues simples, ou si l'on cultive un pays plat qui en permette l'usage, des charrues à oreilles, par le moyen desquelles on fasse les raies du labour plus élevées, afin que les semences pendant l'hiver souffrent moins du séjour des eaux; des hoyaux, des bêches, des serpettes pour tailler les arbres et la vigne. Item des faux, tant pour la moisson que pour la fenaison; des houes, des lupi, c'est-à-dire des scies emmanchées tant grandes que petites, dont les plus grandes n'aient pas cependant plus d'un cubitus, afin de pouvoir être introduites facilement dans les troncs d'arbres ou dans les ceps de vigne, à l'effet de les couper, ce qui serait impraticable avec une scie commune des alênes pour enfoncer les sarments dans les terres façonnées au pastinum; des serpettes tranchantes par le dos, et faites en forme de croissant. Item de petits couteaux recourbés, avec lesquels on puisse couper aisément les rejetons secs des jeunes arbres, ou ceux qui empiètent sur le tronc. Item, de très petites faucilles à dents, avec lesquelles on est dans l'usage de couper la fougère de plus petites scies que celles dont nous avons parlé, des houes, des outils pour extirper les épines, des haches simples ou faites en forme de doloires, des sarcloirs simples ou à deux fourchons ou des haches dont le dos ressemble à des râteaux. Item des cautères, des instruments de fer, tant pour la castration que pour la toute, ou pour le traitement des animaux malades; des tuniques de peau avec des capuchons des guêtres et des gants de peau qui puissent servir non seulement dans les forêts, mais encore dans les buissons, tant aux travaux rustiques qu'à la chasse. Après avoir achevé tout ce qui concerne les préceptes généraux, nous allons à présent détailler les travaux de chaque mois de l'année, en commençant par celui de janvier.
JANVIER
1. Il faut déchausser les vignes ce mois-ci dans les climats tempérés; c'est ce que les Italiens appellent excodicare (essarter). Cette opération consiste à ouvrir, avec précaution, la terre à l'aide de la doloire autour du tronc de la vigne, et à y laisser des espèces de rigoles circulaires après en avoir bien nettoyé toutes les racines, afin que la chaleur du soleil et la pluie l'excitent à pousser.
Il. C'est le moment de nettoyer les prés et de les mettre à l'abri des insultes des bestiaux, dans les lieux exposés au soleil, ou maigres, ou secs.
III. On peut déjà donner le premier labour et les premiers apprêts aux terrains gras ou secs; mais il vaut mieux attacher les boeufs au joug par le cou que par la tête. Lorsque les boeufs seront arrivés au bord du sillon, le laboureur, avant de les faire retourner, les retiendra, et poussera le joug en avant, afin que leurs cous se rafraîchissent. Un sillon de labour ne doit pas avoir plus de cent vingt pieds de long et il faut prendre garde de laisser de la terre entre les sillons sans la retourner. On brisera toutes les mottes de terre avec la doloire. Pour reconnaître si la terre a été remuée également partout, on sonde les sillons transversalement avec une perche; et cette précaution réitérée souvent empêche les bouviers de tomber dans la négligence sur ce point. Il faut observer de ne pas labourer un champ lorsqu'il est bourbeux,ou lorsqu'il est humecté d'une pluie légère après de longues sécheresses (comme il arrive fréquemment) car on prétend qu'une terre à laquelle on a touché pour la première fois, dans le temps qu'elle était bourbeuse, ne peut plus être maniée de toute l'année; et l'on assure que lorsqu'on en laboure une pendant que sa superficie est légèrement humectée et que l'intérieur en est sec, elle devient stérile pour trois ans. C'est pourquoi il ne faut donner le premier labour qu'à des terres qui soient médiocrement humectées, sans être ni bourbeuses ni sèches. Si ce sont des collines, on y fera les sillons en travers sur les pentes, et on observer à la même marche lorsqu'on les ensemencera.
IV. Lorsque l'hiver n'aura point été rude, on sèmera dans les climats tempérés, vers les ides de janvier, de l'orge de Galatie, qui est un grain pesant et blanc. Il en faudra huit modii pour ensemencer un jugerum.
V. On sème la gesse ce mois-ci dans un terrain gras, sous un climat humide. Il en faut trois modii pour ensemencer un jugerum. Mais cette espèce de semence réussit rarement, parce que les vents du midi ou la sécheresse, qui sont des accidents presque inévitables au temps qu'elle fleurit, en font tomber la fleur.
VI. On sème à la fin de ce mois-ci la vesce que l'on a intention de ne pas couper en fourrage, et de récolter en graine. Il en faut six modii pour ensemencer un jugerum. Il faut la semer après la seconde ou la troisième heure du jour, lorsque la rosée, qu'elle ne peut pas supporter, aura disparu, et dans une terre qui ait reçu le premier labour. Mais on aura l'attention de la couvrir aussitôt de terre, parce que, si elle restait à découvert pendant la nuit, l'humidité la corromprait. On observera de ne pas la semer avant le vingt cinquième jour de la lune; autrement les limacons la dévoreraient.
VII. Nous semons en Italie le fenugrec que nous devons récolter en graine à la fin du mois de janvier, vers les calendes de février. Six modii suffisent pour ensemencer un jugerum. Il faut que les sillons de la terre dans laquelle on le sème soient serres, mais non profonds, parce qu'il vient difficilement quand il est enfoncé de pins de quatre doigts en terre. C'est pourquoi il y a des personnes qui ne se servent que de charrues très petites pour donner le premier labour à la terre dans laquelle elles le sèment, qui le recouvrent aussitôt de terre avec des sarcloirs.
VIII. On peut aussi semer l'ers à la fin de ce s mois ci dans un terrain sec et maigre. On en sème cinq modii par jugerum.
IX. II faut profiter des jours secs et sereins de ce mois ci pour sarcler les blés, quand il ne gèle point. La plupart des auteurs prétendent que c'est une opération qu'il ne faut jamais faire, parce qu'elle découvre ou qu'elle coupe les racines des blés, de façon qu'ils périssent aux froids qui viennent ensuite; mais il me semble qu'on peut la faire, pourvu que ce ne soit que dans des terrains pleins d'herbes. Au surplus, on sarcle le froment et le blé ador quand ils ont quatre feuilles, l'orge, quand elle en a cinq; les fèves et les légumes, lorsqu'ils sont élevés de quatre doigts au-dessus de terre. Pour le lupin, qui n'a qu'une seule racine, il périrait si on le sarclait. D'ailleurs il n'exige pas qu'on lui donne ce soin, parce qu'il fait mourir les herbes lui-méme, et sans le secours du cultivateur. Quant à la fève, si on la sarcle deux fois, elle profitera d'autant mieux, et produira des fruits aussi recommandables par leur grosseur que remarquables par leur quantité, puisqu'il n'en faudra presque pas plus pour combler la mesure d'un modius lorsqu'ils seront moulus qu'il n'en faudrait s'ils étaient en cosses. En sarclant les plantes dans le temps qu'elles sont sèches, c'est un petit secours qu'on leur procure contre la rouille. L'orge surtout doit être sarclée quand elle est sèche.
X. C'est à présent le temps de façonner la terre an pastinnm; ce qui se fait de trois façons, ou en remuant toute la superficie du terrain, ou en y faisant des tranchées, ou en y creusant des fosses. II faut fouiller un terrain dans toute son étendue quand il est en friche, afin de le débarrasser des souches et des racines de fougère, ou d'autres mauvaises herbes. Mais quand ce sont des jachères qui ne sont point embarrassées, il faut les façonner au pastinum en y creusant des fosses, ou mieux des tranchées, parce que ces dernières livreront passage à l'eau, de façon qu'elle abreuvera tout le terrain. On fera donc ces tranchées de la longueur que l'on voudra donner aux planches, et de deux pieds et demi ou de trois pieds de largeur, de façon que deux travailleurs la creusent ensemble au hoyau en se réglant sur une ligne qui sera marquée au cordeau, et cela à la profondeur de trois pieds ou de deux piedset demi. Après quoi, s'il s'agit d'un vignoble qui doive être cultivé à mains d'homme, ils laisseront sans le remuer un intervalle de terrain égal à celui qu'ils auront labouré, et creuseront une autre tranchée de la même façon que la première; au lieu que s'il s'agit de vignobles qui doivent être labourés à la charrue, ils laisseront entre chaque tranchée un intervalle de cinq ou six pieds sans le fouiller. Si l'on veut faire des fosses, on leur donnera trois pieds de profondeur, deux pieds et demi de largeur, et trois pieds de longueur. Soit que l'on cultive les vignobles à mains d'homme, soit qu'on les cultive avec des boeufs, on laissera entre ces fosses, dans l'un ou l'autre cas, les mêmes intervalles que ceux que nous avons prescrits à l'égard des tranchées. Mais il ne faut pas donner aux fosses plus de trois pieds de profondeur, de peur que les sarments qu'on y plantera ne soient incommodés par le froid. Il faut que les côtés des fosses soient coupés à pic, de peur que si le cep s'y trouvait posé obliquement, il ne vint à être blessé par suite des efforts que ferait le fossoyeur pour pénétrer au fond de la terre avec ses outils. Quant aux terrains façonnés au pastinum, dont on voudra remuer la terre dans toute leur étendue, on les fouillera à la profondeur de trois pieds ou de deux pieds et demi, et l'on prendra garde que l'ouvrier ne dissimule par fraude des parties de terre non labourées. C'est à quoi veillera le gardien, en sondant de temps en temps le terrain à mesure qu'il sera fouillé, avec une verge, sur laquelle sera marquée la mesure de la profondeur que nous venons de prescrire. On fera aussi rejeter sur la superficie du terrain toutes les racines et toutes les immondices, et principalement celles qui proviennent de ronces on de fougère. Il faut prendre ces soins dans tous les terrains, quelle que soit leur position, et par tout pays.
XI. Pour ce qui est de la distribution du terrain en planches, le propriétaire suivra son goût ou se réglera sur l'exigence du lieu, pour la faire, soit en formant des planches d'un jugerum entier, soit en les faisant d'un semi-jugerum soit enfin en ne faisant que des planches quartanariae, c'est-à-dire, des planches carrées qui ne contiendront que le quart du jugerum.
XII. Voici la mesure de terre façonnée au pastinum que contiendra la planche carrée d'un jugerum entier. Chacun de ses côtés aura cent quatre-vingts pieds de longueur, lesquels, multîpliés l'un par l'autre, donneront, pour toute sa superficie, trois cent vingt-quatre perches carrées de dix pieds chacune. Or, on estimera, d'après ce calcul, tous les terrains que l'on voudra façonner au pastinum, puisque dix-huit perches de dix pieds chacune, multipliées par dix huit, en donneront trois cent vingt-quatre.Ainsi cet exemple apprendra à mesurer tous les terrains, selon qu'ils seront plus ou moins grands.
XIII. Le terrain qu'on destine à la vigne doit n'être ni trop compacte ni trop meuble,mais tenir plutôt de la dernière condition. Il ne le faut ni maigre ni gras tout à fait, mais quelque chose d'approchant; ni plat ni abrupte, mais légèrement exhaussé; point sec, encore moins marécageux, mais arrosé modérément; enfin, qu'il ne soit ni salé ni amer, parce que tous ces défauts corrompent le vin et le rendent désagréable au goût. Il faut aussi une température moyenne, mais plutôt tiède que froide, plutôt sèche qu'humide. Mais ce que la vigne redoute le plus, ce sont les tempêtes et les vents. Quand on voudra façonner un terrain au pastinum on en choisira un de préférence qui soit inculte, ou entièrement couvert de broussailles. La pire de toutes les qualités qu'il pourrait avoir serait d'avoir été anciennement planté en vignes. Si cependant l'on est forcé par la nécessité de tourner son choix sur un terrain pareil, il faudra commencer par le tourmenter par de fréquents labours, afin d'extirper les racines des anciens ceps, et de détruire tout ce qu'ils laissent après eux de détritus et de pourriture, avant de lui confier le jeune plant. Le tuf ou tel autre terrain d'une espèce même plus dure, quand ils sont ramollis par l'action successive de la gelée et du soleil, portent de trés belles vignes, parce qu'ils maintiennent leurs racines fraîches en été, et qu'ils conservent bien l'humidité. Pour le roc qui est couvert de terre, il n'expose jamais les racines de la vigne à souffrir la soif pendant l'été, parce qu'il est frais et qu'il conserve bien l'humidité. Il en est de même d'un gravier résolu en poussière, d'un terrain plein de cailloux et de pierres mouvantes (pourvu néanmoins que toutes ces natures de terrains soient mélangées de quelques mottes de terre qui soient grasses) ainsi que des terrains sur lesquels la terre s'éboule des hauteurs voisines, ou des vallées engraissées par les dépôts de limon que les eaux y ont formés quoique tout ceci ne doive s'entendre que des lieux qui n'ont à craindre ni la gelée ni les brouillards. La terre mêlée d'argile est encore bonne pour la vigne; mais l'argile pure lui est très contraire, ainsi que les autres choses que j'ai détaillées dans les préceptes généraux. Pour les terrains qui n'auront jamais produit que de misérables broussailles, ou qui seront marécageux ou salés, ou amers, ou altérés et secs, il faut y renoncer. Le sable noir ainsi que le rouge sont bons, pourvu qu'ils soient mêlés de terre forte. Le charbon maigrit les vignes, à moins qu'il ne soit fumé. Elles prennent difficilement dans la terre rouge. Il est vrai que par la suite elles y trouvent suffisamment de nourriture. Mais cette espèce de terre est rebelle à la culture, parce que, pour peu que l'humidité ou le soleil s'y fassent sentir, elle se détrempe ou se dessèche trop. Au surplus, le meilleur sol est celui qui tient le milieu entre tous les extrêmes, et qui approche plutôt d'un terrain léger que d'un terrain compacte. Il faut que la vigne soit exposée, dans les pays froids, au midi; dans les pays chauds au nord dans les pays tempérés, au levant pourvu cependant que la contrée ne soit point sujette à des vents de midi ou d'est qui soient malfaisants; auquel cas on fera mieux d'exposer ses vignobles au vent d'aquilon ou au Favonius. Il faut commencer par débarrasser le terrain que l'on voudra façonner au pastlnum, de tous les obstacles qu'on y pourra rencontrer, et de tous les arbres qui s'y trouveront brisés, de peur que, lorsque la terre aura été fouillée, elle ne se raffermisse par la suite à force d'être foulée aux pieds. Si le terrain est plat, on le labourera au pastinum à la profondeur de deux pieds et demi; si c'est une petite éminence de terre, on la labourera à la profondeur de trois pieds si c'est une colline escarpée, on la labourera à la profondeur de quatre pieds, de peur que la terre n'en soit trop tôt entraînée enfin si c'est une vallée on la labourera à la profondeur de deux pieds. Mais il ne faut pas donner plus d'un pied et demi au labour dans un terrain marécageux, d'où l'on verrait jaillir l'eau s'il était fouillé plus profondément, tel que le territoire de Ravenne. Des expériences suivies m'ont appris que les vignes viennent mieux lorsqu'elles sont plantées, soit au moment que la terre vient d'être fouillée, soit peu de temps après, c'est-à-dire, avant que le gonflement de la terre, occasionné par le labour au pastinum, soit affaissé et qu'elle ait repris sa fermeté. J'ai fait la même remarque à l'égard des tranchées ou des fosses, surtout quand la terre était de moyenne qualité.
XIV. Il faut semer la laitue au mois de janvier ou de décembre pour la transplanter au mois de février. On la sème aussi au mois de février, pour pouvoir la transplanter au mois d'avril. Mais il est certain qu'on peut très bien la semer dans tout le courant de l'année pourvu que ce soit dans un terrain gras, fumé et arrosé. On en coupera les racines également, et on les enduira de fumier liquide avant de la planter; ou si elle est déjà plantée, on les mettra à jour pour leur donner du fumier. Cette plante veut un terrain qui soit bien remué, gras, humide et fumé. Il faut arracher les herbes qui croittront entre les laitues avec la main, et non pas avec le sarcloir. La laitue deviendra plus épaisse si on la sème clair, ou si, après avoir coupé légèrement sa tige lorsqu'elle commencera à pousser, on la comprime avec une motte de terre ou avec une tuile. On croit qu'on fait blanchir les laitues en jetant fréquemment sur la planche du sable de rivière on de mer, et en rassemblant leurs feuilles pour les lier. Si la laitue vient à durcir par le vice du terrain, ou par l'effet de la température ou de la mauvaise qualité de la graine, on la déterrera et on la replantera de nouveau, pour la rendre plus tendre. Elle aura aussi plusieurs goûts différents, si, après avoir creusé délicatement, avec une alêne, une crotte de chèvre, et avoir inséré dedans de la graine de laitue, de cresson alénois, de basilic, de roquette et de raifort, on enveloppe cette crotte dans du fumier, et qu'on l'enfonce dans une petite fosse creusée sur un terrain soigneusement cultivé. En effet, le raifort se portera vers la racine de laitue, et les autres plantes s'élanceront par en haut ainsi que la laitue elle-même, qui les absorbera en conservant le goût de chacune d'elles. D'autres obtiennent le même résultat par le procédé que voici ils déterrent une laitue, enlèvent les feuilles qui tiennent à ses racines, et, après les avoir piquées à l'endroit par où elles y tiennent avec un scion d'arbre, ils y insèrent les graines que nous venons de nommer, à l'exception de celle du raifort, et les recollent avec du fumier; après quoi ils remettent en terre cette laitue ainsi greffée, et qui croit entourée de toutes ces diverses semences. On a donné à la laitue le nom de lactuca, parce qu'elle contient une grande quantité de lait. Il est constant qu'il faut semer dans ce mois-ci, comme en tout autre temps, le cresson alénois, n'importe en quel lieu ni sous quel climat. Il ne veut point de fumier; et quoiqu'il aime l'eau, il s'en passe aisément. On dit qu'en le semant avec la laitue, il vient à merveille. Ne tardez pas à semer la roquette à présent, ainsi que dans tel mois et en tel lieu qu'il vous plaira. On peut aussi semer les choux dans ce mois-ci, comme pendant toute l'année, quoiqu'il sera mieux de les semer dans les autres mois que nous leur avons assignés dans le courant de cet ouvrage. On sème aussi très bien l'ail et l'oignon de Cypre ce mois-ci; mais l'ail profite mieux dans une terre blanche que partout ailleurs.
XV. On sème très bien les cormes au mois de
janvier, de février et de mars dans les pays froids,
et dans les pays chauds, aux mois d'octobre et de
novembre en les mettant en terre dans une pépinière
quand elles sont mûres. J'ai personnellement
éprouvé que des arbres venus naturellement
de leurs propres fruits avaient souvent très bien
réussi, et que non seulement ils croissent
heureusement, mais qu'ils rapportent beaucoup.
Cependant on peut à son gré en obtenir du plant,
pourvu qu'on le mette en terre dans les pays
chauds au mois de novembre, dans les pays tempérés
aux mois de janvier ou de février, et dans
les pays froids vers la fin du mois du mars. Ces
sortes de fruits aiment les lieux humides montagneux
et qui tiennent plus du froid que du
chaud. Ils veulent aussi un terrain qui soit très gras,
qualité dont on aura un indice certain,
lorsqu'il en viendra une grande quantité par tout
le terrain. Il faut transférer les cormiers en pied
quand ils sont devenus forts. Ils veulent être
plantés dans une fosse profonde, et séparés l'un
de l'autre par de larges intervalles, afin que
l'agitation continuelle du vent (qui leur est très utile)
les aide à croître. S'ils sont tourmentés par certains vermisseaux malfaisants, ordinairement
roux et poilus,qui s'insinuent dans l'intérieur de
leur moelle,on arrache de l'arbre quelques-uns de
ces animaux, sans l'endommager;et on les brûle
dans son voisinage. C'est, dit-on, le moyen de les
chasser ou de les faire périr. Lorsque cet arbre
commence à rapporter moins de fruit, on insère
dans ses racines un coin de bois de pin, on bien
l'on pratique au pied une fosse, que l'on remplit
ensuite d'un amas de cendre. On greffe les cormiers
au mois d'avril sur eux-mêmes, sur coignassier
et sur épine blanche sauvage, et on les greffe tant
sur le trône qu'entre l'écorce. Voici la manière de
conserve les cormes. On les cueille dans le temps
qu'elles sont encore dures, et on les serre; lorsqu'ensuite
elles commencent à mûrir, on en remplit
jusqu'aux bords de petites cruches de terre
que l'on recouvre de gypse, et que l'on enterre,
la gueule renversée par en bas, dans une fosse de
deux pieds, creusée dans un endroit sec et exposé
au soleil; après quoi on les recouvre avec de la
terre que l'on foule aux pieds. On les coupe aussi
par quartiers, et on les fait sécher au soleil, à
l'effet de les conserver dans de petits vaisseaux,
pour l'hiver. Lorsqu'on veut ensuite en faire usage,
on les met tremper dans de l'eau bouillante et
elles reprennen ttoute leur saveur agréahle. Quelques
personnes les cueillent vertes avec leurs
queues, et les suspendent dans des lieux ombragés
et secs. On dit aussi que l'on fait du vin ainsi que
du vinaigre avec des cormes mûres de même
qu'avec des poires. D'autres disent que l'on peut
conserver longtemps des cormes dans du vin cuit
jusqu'à diminution de moitié. L'amande se sème
aux mois de janvier et de février, et dans les pays
chauds, aux mois d'octobre et de novembre, tant
en nature qu'en rejetons que l'on arrache de la
racine d'un grand amandier. Mais la meilleure méthode, à l'égard de cette espèce d'arbre, est
d'en faire des pépinières. On fouillera donc une
superficie quelconque de terrain à la profondeur
d'un pied et demi, et on y enterrera des amandes,
en ne les couvrant pas de plus de quatre
doigts de terre de façon qu'elles soient fichées
en terre par la pointe, et séparées de deux pieds
l'une de l'autre. Les amandiers aiment un terrain
dur, sec et plein de gravier, ainsi qu'un climat
très chaud, parce qu'ils ont coutume de fleurir
de bonne heure. Il faut les disposer de façon
qu'ils soient exposés au midi. Lorsqu'ils auront
pris quelque croissance dans la pépinière, on y
laissera le nombre de pieds suffisants pour la remplir,
et on transplantera les autres au mois de février.
Mais on choisira, pour les mettre en terre, des amandes nouvelles et qui soient grosses et
avant de les y mettre, on les fera tremper la
veille dans de l'hydromel qui ne soit pas trop
miellé, de peur que l'acidité du miel ne fasse
mourir le germe. D'autres commencent par les
faire macérer dans du fumier liquide pendant
troisjours; après quoi ils les laissent pendant un
jour et une nuit dans de l'hydromel, qui n'ait
cependant qu'un soupçon de douceur. Lorsque
l'on aura arrangé des amandes dans une pépinière,
s'il survient de la sécheresse, on les arrosera
trois fois par mois, et on les débarrassera
souvent des herbes qui croîtront autour d'elles,
en les bêchant. La terre de la pépinière doit être
mêlée de fumier. Il suffira de laisser vingt ou
vingt-cinq pieds d'intervalle entre ces arbres. Il
faut les tailler au mois de novembre, et en retrancher
les branches superflues, sèches et trop drues.
Il faut les mettre à l'abri des insultes des bestiaux,
parce que, en les rongeant, ils rendent leurs
fruits amers. Il ne faut jamais les bêcher quand
ils sont en fleur, autrement la fleur tomberait Ils rapportent davantage quand ils sont vieux.
S'ils ne sont pas fertiles, on fichera dans leur racine,
après l'avoir percée avec une tarière, un
coin de bois gommeux de pin, ou bien on y insérera
un caillou, de façon que l'écorce le recouvre
par la suite. Martialis dit que voici la manière
de les préserver dans les pays froids des gelécs
blanches qui y sont à craindre. On découvre
leurs racines avant qu'ils soient en fleur, et on
accumule autour de ces racines de très petites
pierres blanches mêlées de sable,que l'on couvre
d'abord de terre, et que l'on retire par la suite,
lorsque le temps où ils doivent germer paraît approcher.
Il prétend aussi que l'amandier donnera
des amandes tendres, si on déchausse ses racines
avant qu'il soit en fleur, et qu'on les arrose
d'eau chaude pendant quelques jours. D'amères
que sont les amandes, on les rend douces soit en
bêchant le pied de l'amandier à trois doigts de
distance de sa racine, et en pratiquant sur le tronc
une ouverture à travers laquellc filtrcra l'humeur
qui lui fait tort; soit en le perçant par le milieu
avec une tarière, en fichant dans ce trou un coin de
bois enduit de miel soit en répandant autour de
ses racines de la fiente de porc. Les amandes avertissent
du moment où elles sont mûres et bonnes
à être cueillies; c'est celui où elles quittent leur
écorce. Elles se conservent longtemps, sans aucun
soin de la part de l'homme. Si leur peau s'enlève
diflicilement, elle se relâchera bientôt, pour peu
qu'on les ensevelisse dans de la paille. De même
si, après les avoir dépouillées de leur peau, on les
lave dans de l'eau de mer ou dans de l'eau salée,
elles blanchissent et se conservent plus longtemps.
On greffe les amandiers au mois de décembre ou
au mois de janvier, vers les ides, et même au
mois de février dans les pays froids, pourvu cependant
que l'on ait eu soin de serrer d'avance les selons que l'on emploiera avant qu'ils germent.
Les meilleurs scions sont ceux que l'on prend sur
le sommet de l'arbre. On les greffe non-seulement
sous l'écorce, mais encore dans le tronc,
tant sur eux-mêmes que sur pécher. Les Grecs
assurent qu'il viendra des amandes sur lesquelles
il y aura des caractères gravés, si l'on prend
une amande saine, et qu'après l'avoir dépouillée
de sa peau pour écrire dessus ce que l'on voudra,
on la mette en terre enveloppée de boue et de fiente
de porc. On sèmera les noix à la fin de janvier ou
de février. Le noyer aime les lieux montagneux,
humides et froids, et communément ceux où
les pierres abondent. On peut cependant en élever
aussi dans les pays tempérés, avec le secours
de l'eau. Il faut semer la noix en nature de la
même manière que l'on sème les amandes, et
dans les mêmes mois. Mais quand on la sème au
mois de novembre, on la fait sécher quelque
temps au soleil, afin d'en faire exhaler l'humidité,
qui est un vrai poison. Pour celles que l'on
sèmera au mois de janvier ou de février, il suffira
de les avoir fait tremper la veille dans l'eau. On
les mettra en terre transversalement, de façon
que leur flanc, c'est-à-dire, la carène formée par
leur coquille, soit couchée en terre, et l'on dirigera
leur pointe du côté du nord. Il faut aussi
mettre dessous une pierre ou une tuile, afin qu'elles
ne s'en tiennent pas à produire une seule racine,
mais que celle qui germera la première,
étant repoussée par la résistance qu'elle trouvera,
se divise en plusieurs autres. Le noyer devient
plus beau quand on le transplante souvent. Il
faut le transplanter dans les pays froids à l'âge
de deux ans, et dans les pays chauds à l'âge de
trois. Quand on plante cet arbre en pied, il ne
faut pas en couper les racines (comme on a coutume
de le pratiquer à l'égard des autres arbres), mais il faut les tremper dans de la fiente de boeuf.
On fera encore mieux de répandre de la cendre
dans les fosses où on le déposera,de peur
que la chaleur du fumier ne le brûle d'autant
que la cendre attendrit son écorce, et qu'elle lni
fait rapporter une plus grande quantité de fruits.
Cet arbre se plaît dans de grandes fosses, eu égard
à sa grandeur; et il demande à être séparé de
tout autre arbre par de larges intervalles, parce
que l'eau qui dégoutte de ses feuilles nuit aux
arbres qui l'avoisinent, fussent ils de son espèce.
II faut quelquefois bêcher la terre autour de son
tronc, de peur qu'il ne se cave en vieillissant et
s'il vient à se pourrir, il faut creuser une longue
rigole depuis le haut du tronc jusqu'en bas, moyennant
quoi le soleil et le vent feront durcir les parties qui
tendaient à la pourriture. Quand un noyer
est dur ou plein de noeuds, il faut couper son
écorce autour du tronc, pour détourner l'humeur
vicieuse qui cause cet accident. D'autres coupent
l'extrémité de ses racines; d'autres percent sa
racine avec une tarière, et enfoncent dans le trou
qu'ils y ont fait un morceau de buis, ou un clou,
soit de cuivre, soit de fer. Si l'on veut avoir des
noyers de Tarente, il ne faut mettre en terre
dans la pépinière que In pulpe seule de la noix,
après l'avoir enveloppée de laine à cause des fourmis.
Si l'on veut qu'un arbre qui porte déjà des
noix se change en cette espèce de noyer, on l'arrose
trois fois par mois pendant une année entière
avec de l'eau de lessive. Quand la noix quitte son
brou c'est une preuve qu'elle est mûre, et bonne
à être semée. On conserve les noix soit en les
ensevelissant dans de la paille, ou dans du sable,
ou dans des feuilles de noyer sèches; soit en les
renfermant dans une caisse de bois de noyer; soit
enfin en les mêlant avec des oignons, auxquels en
revanche elles font perdre leur âcreté. Martialis assure, et prétend l'avoir éprouvé par lui-même,
que si l'on plonge dans du miel des noix vertes,sans le
autre apprêt que celui de les débarrasser de leurs
coquilles, elles sont encore vertes au bout d'un
an, et que ce miel devient lui-même si médicinal que, pris en potion, il peut servir de remède
contre les maladies qui attaquent les artères et la
gorge. On greffe le noyer (suivant presque tous
les auteurs) au mois de février sur l'arbousier; en
mais, suivant d'autres, il est mieux de le greffer
sur le prunier ou sur lui-même, et d'insérer la
greffe dans le tronc. C'est dans ce mois qu'on
greffe le jujubier sur le coignassier c'est aussi
le moment de mettre en terre les noyaux de pêches dans les pays tempérés. Quant à l'arbre qui produit ce fruit, on le greffe sur lui-même, sur
l'amandier et sur le prunier; au lieu qu'on ne
greffe l'abricotier, ainsi que le pêcher, qui donne
la pêche précoce,que sur le prunier seul. C'est encore
le temps de greffer le prunier avant qu'il le
jette sa gomme. On le greffe sur lui-même, ou
sur le pêcher. C'est aussi l'époque de greffer le ce
risier sauvage.
XVI. C'est dans ce mois comme le dit CoIumelle, que l'on marque d'une empreinte les agneaux, nés à terme, et en général les produits tant du grand que du petit bétail. C'est aussi le temps de faire le lard, de saler le hérisson de confire les raves, et de faire les jambons.
XVII. On fait dans ce mois de l'huile avec des baies de myrte, de la manière suivante on met une uncia de feuilles de myrte sur une livre d'huile, avec une hemina de vieux vin astringent sur dix unciae des mêmes feuilles, et on les fait bouillir avec l'huile. Si on les asperge de vin, c'est pour éviter qu'elles ne soient frites avant d'avoir bouilli.
XVIII. On fait encore du vin de myrte avec les mêmes baies de la manière suivante. On met sur dix sextarii de vin vieux, mesure de ville, trois sextarii de graine de myrte concassée, même mesure, et on laisse le tout infuser pendant dix-neuf jours. Ensuite on passe cette graine en l'exprimant, et l'on met dans le vin un demi scrupule de safran, avec un scrupule de feuille indienne; enfin on tempère cette mixtion avec dix livres du meilleur miel.
XIX. On fait aussi de l'huile des baies de laurier. En voici la recette. On fait bouillir dans de l'eau chaude une grande quantité de baies de laurier, parvenues au dernier degré de grosseur et de maturité; et quand elles ont bouilli longtemps, on recueille légèrement avec une plume l'huile qui s'en exprime et qui surnage, et on la transvase ensuite.
XX. C'est aussi le temps de faire de l'huile de lentisque. Or, voici comme on s'y prend. On ramasse le plus qu'on peut de graine de lentisque mûre et on la laisse en tas pendant un jour et une nuit. Ensuite on pose sur plusieurs petits vases des corbeilles remplies de cette graine, et, après l'avoir arrosée avec de l'eau chaude, on la foule pour l'exprimer; après quoi on ramasse l'huile de lentisque qui surnagesur l'eau qui coule de ces corbeilles, ainsi que l'on fait pour l'huile de laurier. Mais on se souviendra d'arroser cette graine avec de l'eau chaude, pour empêcher l'huile de se figer.
XXI. Les poules reprennent leur fécondité ce mois, après s'être reposées pendant le solstice et l'on commence à leur faire couver des oeufs pour avoir des poussins à élever.
XXII. C'est aussi dans ce mois qu'il faut couper le bois de construction pendant que la lune est dans son déclin et qu'il faut faire des échalas et des pieux.
XXIII. Ce mois-ci s'accorde avec celui de décembre
par rapport à la durée des heures. En
voici les mesures rassemblées :
A la première et à la onzième heure, le gnomon
donne vingt-neuf pieds d'ombre.
A la seconde et à la dixième, il en donne dix neuf.
A la troisième et à la neuvième, il en donne
quinze.
A la quatrième et à la huitième il en donne
douze.
A la cinquième et à la septième, il en donne
dix.
A la sixième, il en donne neuf.
FEVRIER
I. On commencera pendant ce mois à garder les prés dans les pays tempérés, après les avoir engraissés, s'ils sont maigres, avec du fumier qu'on y étendra pendant le croissant de la lune.Il faut le répandre sur la partie la plus élevée du terrain afin que le suc se distribue aux parties inférieures.Plus le fumier est nouveau, plus l'herbe sera fournie.
II. On donnera ce mois le premier labour aux coteaux gras dans les pays chauds ou dans tout autre pays, lorsque le temps aura été doux et sec.
III. Il faut semer ce mois-ci toutes les espèces de grains trémois.
IV. On sèmera encore ce mois la petite lentille en terrain léger et friable, ou même en terrain gras, pourvu qu'il soit très sec, parce qu'en terre forte ou humide cette graine s'altère. On la sème très bien jusqu'au douzième jour de la lune et si l'on veut qu'elle lève de bonne heure et qu'elle profite ensuite, il faut la mêler avec du fumier sec, et la laisser quatre ou cinq jours dans cet état avant de la semer. Un modius de graine suffira pour ensemencer un jugerum. C'est aussi le temps de semer la gesse dans les terrains que je viens de dire et de la façon que j'ai prescrite.
V. On sèmera le chanvre à la fin de ce mois dans une terre grasse fumée et arrosée ou dans une campagne plate, humide, et labourée profondément. On met six grains sur un pied carré de terrain.
VI. Il faut donner à présent le second labour aux champs que l'on doit ensemencer en luzerne (herbe dont nous examinerons la nature lorsqu'il sera question de la semer), et les herser avec soin, après les avoir épierrés. Et quand ils seront labourés à la manière des jardins, on y fera, vers les calendes de mars, des planches auxquelles on donnera dix pieds de largeur et cinquante de longueur, afin qu'il soit facile de les arroser et d'en arracher les mauvaises herbes en se tenant sur les deux côtés. Ensuite on répandra de vieux fumier sur ces planches, et, après cette préparation, on les laissera reposer jusqu'au mois d'avril.
VII. On peut encore semer l'ers dans tout le courant de ce mois. Il ne faut pas le semer au mois de mars, de peur qu'il n'incommode les bestiaux et ne rende les boeufs fous.
VIII. Si l'on jette à présent de l'urine gardée au pied des arbres fruitiers et des ceps de vigne, ils rapporteront des fruits remarquables par leur quantité et par leur beauté. Si ce sont des oliviers notamment, il sera bon d'y mêler du marc d'huile sans sel. Mais il faut faire cette opération quand les jours seront encore froids, et avant que la chaleur commence à se faire sentir. On sèmera aussi dans les pays froids, vers les calendes de mars,l'orge de Galatie, qui est un grain blanc et pesant.
IX. C'est dans ce mois que l'on garnit de vignes
toutes les sortes de terrains faconnés au
pastinum soit qu'on y ait préparé des tranchées,
soit qu'on y ait préparé des fosses. Au reste, la
vigne est une plante de nature à supporter les
climats et les sols de toutes les espèces, pourvu
que les différents genres de raisin leur soient adaptés
convenablement. On plantera donc dans une
campagne plate l'espèce de vignes qui soutient
les brouillards et les gelées; sur les coteaux celle qui supporte la sécheresse et les vents; dans
un terrain gras, les vignes grêles et peu fécondes dans un terrain maigre, les vignes productives
et robustes; dans un terrain compacte, les
vignes fortes et chargées de feuilles; dans un
terrain froid et sujet aux brouillards, celles qui
devancent l'hiver par la prompte maturité de leur
raisin ou celles qui ayant le grain dur, fleurissent
sans danger au milieu des brouillards;dans
un terrain exposé aux vents les vignes stables
et tenaces dans un terrain chaud, celles dont
le grain sera tendre et humide; dans un terrain
sec, celles qui ne peuvent pas supporter la pluie.
Et, pour ne pas nous étendre davantage sur cette
matière, nous nous contenterons de dire en général
qu'il faut toujours choisir les vignes dont
les défauts annoncent clairement qu'elles se plairont
dans les lieux opposés à ceux dans lesquel elles ne pourraient pas subsister. Il n'est pas douteux
qu'un climat où l'air est toujours calme et
le ciel serein recevra sans danger quelque espèce
de vigne que ce puisse être. Il est inutile de les
détailler toutes. Mais personne n'ignore qu'il faut
réserver pour la table le raisin dont les grappes
sont les plus grosses et les plus belles à l'oeil et
dont les grains sont durs et secs; comme il faut
garder pour faire du vin les vignes les plus fertiles,
celles dont les raisins ont la peau tendre et
le goût distingué et principalement celles qui
quittent leur fleur de bonne heure. Le changement
de terrain influe sur la nature de la plupart
des vignes. Il n'y a que les aminées qui donnent
toujours de très bon vin. en quelque lieu qu'elles
soient plantées quoiqu'elles supportent cependant
plutôt un climat chaud qu'un climat froid, et
qu'elles ne puissent passer d'un terrain gras dans
un terrain maigre, à moins qu'on ne les aide
de fumier. Il y en a de deux espèces, savoir, la
grande et la petite. Mais la petite quitte mieux
sa fleur que l'autre, et de meilleure heure; ses
entre-noeuds sont aussi moins longs, et le grain
de son raisin est plus petit. Si on la marie à l'arbre, elle demande une terre grasse au lieu que
si on la cultive plantée par rangées, elle en veut
un médiocre. Elle s'inquiète peu des pluies ou
des vents, qui font souvent périr la grande pendant
qu'elle est en fleur. Le raisin muscat est
encore un raisin distingué. Il suffit d'avoir cité
ces espèces :un homme intelligent choisira celles
qu'il aura éprouvées, et ne les confiera qu'à des
terres qui aient quelque analogie avec celles d'où
elles auront été tirées; moyennant quoi chacune
conservera sa qualité particulière. Mais il vaut
mieux transférer ainsi la vigne que les arbres
d'un terrain maigre daus un gras, parce qu'on
n'en pourrait pas attendre de fruits, si on les transférait
d'une terre grasse dans une maigre. Il faut choisir les sarments que l'on doit planter dans le
milieu d'un cep, et ne les prendre ni sur l'une
ni sur l'autre de ses extrémités parce qu'ils ne
dégénèrent pas aisément quand ils ont été pris
dans cette place pour être transplantés. Ces serments
doivent sortir du bois vieux à une longueur
de cinq à six boutons mais il faut les
prendre sur une vigne féconde. Et qu'on ne s'imagine
pas que des bras de vigne soient féconds
pour avoir porté une ou deux grappes chacun,
puisqu'il est nécessaire, pour qu'ils soient réputés
l'être, qu'ils soient courbés sous le poids des
grappes. En effet, il peut arriver qu'un cep de
vigne fécond ait des bras qui soient plus féconds
les uns que les autres. Ce sera encore une marque
de fécondité lorsque la vigne portera du fruit sur
quelque partie de son bois dur, de même que lorsque les branches qui seront venues sur son extrémité
inférieure en donneront beaucoup. C'est de
quoiil faudra prendre note pendant la vendange,
en mettant des marques aux ceps qui seront dans
ce cas, pour ne pas les confondre. Il faut choisir,
pour la planter, une jeune branche sur laquelle
il ne reste point de bois dur ni de vieux sarment;
autrement il lui arriverait souvent de se gâter
quand ce bois viendrait à pourrir. On négligera
les extrémités des fouets, ainsi que les rejetons
qui n'auront point donné de preuves de fertilité
quoique nés dans un bon endroit du cep. Quand
même un pampre, né sur bois dur, aurait porté
quelques fruits, il ne faudra pas en conclure qu'il
en rapportera beaucoup; parce que, s'il a pu
être fécondé par sa mère dans la place qu'il occupait
sur elle, il se trouvera affecté, dès qu'il sera
transféré, du vice de stérilité qu'il tient du sort de
sa naissance. Il ne faut pas tordre ni tourmenter
d'aucune manière la tête du sarment que l'on
met en terre, dans la crainte que si sa partie
la plus féconde se trouve absolument enterrée, il
n'y ait plus hors de terre que ce qui se trouvera
le plus voisin de sa partie stérile; ajoutez
qu'il ne serait pas possible de le tordre sans le
tourmenter tandis que la partie dont on attend
des racines ne doit souffrir aucun genre de dommage
contre lequel elle soit obligée de lutter
avant de pouvoir pendre en terre. On plantera la
vigne par un temps chaud et dans un jour calme.
Il faut prendre garde que les sarments ne soient
brûlés par le soleil ou par le vent quand on les
plantera, et par conséquent les planter aussitôt
qu'on les aura tirés du cep ou les conserver jusqu'à
ce qu'on les plante, eu les enfouissant sous
terre. C'est à commencer de ce mois-ci, jusqu'à
la fin du printemps, qu'il faudra planter la vigne
dans les contrées froides et sujettes aux brouillards,
ainsi que dans les campagnes grasses et
dans les provinces humides. On donnera un cubitus de longueur au sarment que l'on mettra en
terre. Quand la terre sera grasse par sa nature,
on laissera de plus grands intervalles entre les
ceps. Quand elle sera maigre, on en laissera de
moindres. C'est pour cela qu'en distribuant des
ceps sur toute la superficie d'un terrain façonné
au paslinum, il y a des personnes qui laissent
trois pieds d'intervalleen tout sens entre chacun
de ces ceps. Or, en se réglant sur cette distribution,
il y aura trois mille six cent sarments de
plantés dans une planche de jugerum; an lieu
que si l'on ne veut laisser que deux pieds et demi
d'intervalle entre chaque cep, il y en aura cinq
mille cent quatre-vingt quatre. Mais voici la manière
dont on s'y prendra pour les planter en
ordre. On fera sur une ficelle des marques blanches,
ou de quelque autre couleur que ce soit, en se
réglant su les intervalles que l'on voudra garder;
ensuite, après avoir étendu cette ficelle à travers
la planche, on fichera en terre des jalons de bois
ou des roseaux à toutes les places où il faudra planter un cep, de façon que la superficie de la
planche soit entièrement couverte d'un nombre
de jalons correspondant au nombre de ceps qui
devront y être plantés et que celui qui doit les
planter ne puisse pas se tromper, lorsqu'il n'aura
qu'à mettre en terre les sarments déposés auprès
de ces jalons. Observez de plus qu'il ne faut pas
que tout un terrain façonné au paslinum soit
rempli d'une seule espèce de vigne, de peur que,
s'il survenait une année qui fût contraire à l'espèce
que l'on aurait choisie, toute l'espérance de la vendangene se trouvât détruite. C'est pourquoi
on plantera des sarments de quatre ou cinq
sortes de vignes de bonne qualité, et il sera très utile
d'en réunir les espèces différentes dans des
planches particulières, qui seront séparées les
unes des autres par des sentiers; à moins que
l'on ne soit rebuté par la difficulté de cette distribution.
Si l'on a d'anciens vignobles cependant,
il est aisé de planter dans des planches séparées
des rejetons pris sur toutes les espèces
qu'ils contiennent, et de parvenir par conséquent
à la forme de culture que nous prescrivons; forme
qui est belle et avantageuse, puisqu'elle procure à
toutes les espèces de vignes, qui ont ehacune leurs
époques particulières de floraison et de maturité,
l'avantage de fleurir et de mûrir dans le temps
qui leur est propre. En effet, on s'exposerait à un
dommage réel, si l'on était obligé de cueillir le
fruit mûr en même temps que le vert, parce qu'ils
se trouveraient réunis sur une même planche;
puisqu'on ne pourrait pas se sur la vendange
de telle ou telle espèce de vigne qu'il serait
temps de faire sans courir le danger de donner
un goût de verdeur à son vin comme on ne
pourrait pas d'un autre côté, attendre la maturité
tardive de telle autre espèce de vigne,
sans perdre la vendange de celles qui seraient
mûries les premières. Ajoutez à ces avantages que les vendanges de chaque espèce de vigne se
succédant par degrés les unes aux autres, suivant
leur différente nature, il faudra moins d'ouvriers,
en suivant notre méthode, pour les expédier
toutes, et pour les serrer par classes. D'ailleurs
chaque sorte de vin conservera mieux le
goût qui lui est propre, quand ce goût ne sera pas
combattu par le mélange d'un vin différent. Si
cette pratique parait difficile, il faut au moins ne
pas planter ensemble d'autres vignes que celles
dont le goût, la fleur et la maturité ont quelque
analogie ensemble. Mais la méthode que nous
venons de donner par rapport à la plantation des
vignes est celle que l'on suivra dans les terrains
façonnés au paslinum, ou dans les tranchées.
Quant aux sarments que l'on mettra dans des fosses,
il faudra les y mettre aux quatre coins, et,
comme le prescrit Columelle, jeter dans la fosse,
au moment qu'on les y mettra, du marc de raisin
mêlé avec du fumier; et, si le terraiu est
maigre, de la terre grasse ou de la terre rapportée.
Au surplus, lorsqu'on arrangera un pied de
vigne ou un mailleton dans une fosse, on les y
mettra en travers. Il faut aussi que le terrain soit
médiocrement humide, et plutôt sec que bourbeux,
et que le plant ait deux boutons hors de
terre, afin qu'il prenne plus aisément.
X. Si c'est votre goût d'avoir des vignes mariées aux
arbres, il faudra commencer par élever
dans une pépinière du plant de bonne qualité,
que vous transporterez, lorsqu'il aura pris racine,
dans des fosses creusées au pied de chaque arbre.
J'appelle pépinière une planche labourée uniformément
à la profondeur de deux pieds et demi.
On dépose des sarments en terre, à très peu de
distance les uns des autres, dans cette planche,
que l'on fait plus ou moins grande, suivant le
nombre des ceps ou boutures d'autre plant que
l'on veut y mettre; et si cette planche est située dans une vallée ou dans une campagne plate qui
soit humide, on laisse trois gros boutons à ces
sarments indépendamment des petits dont leur
extrémité inférieure sera garnie. Ensuite, quand
ils auront pris la forme de petits ceps ou de petits
arbres garnis de racines, on les transférera
au bout de deux ans, temps auquel ils auront
pris une certaine consistance; et lorsqu'on les
mettra dans la fosse qui leur sera destinée, on
les réduira à un seul jet, en coupant toutes leurs
parties galeuses, et en émondant leurs racinesr
au cas où il s'en trouve d'endommagées. Au surplus,
quand on veut marier des vignes aux arbres,
on met deux de ces ceps pourvus de racines
dans la même fosse; mais, pour empêcher qu'ils
ne se touchent par le pied, on les sépare avec
des pierres d'environ cinq livres pesant, et on
les applique aux côtés opposés de la fosse. Magon
assure qu'il ne faut pas remplir la fosse de
terre la première année, mais qu'il ne faut la
combler que successivement et par intervalle,
afin que les racines de la vigne y pénètrent plus
profondément. Cependant cette méthode ne peut
convenir que dans les contrées sèches; car dans
un sol humide le plant pourrirait si la fosse n'était
pas aussitôt comblée, et qu'on laissât le temps
à l'eau de la noyer. Celui qui veut former un
plant d'arbres mariés à des vignes doit choisir
parmi les espèces suivantes, si elles abondent
dans le canton, savoir, le peuplier, l'orme, et le frêne dans les terrains montagneux et escarpés,
où l'orme ne viendrait pas bien. Columelle prétend
qu'il faut aussi élever ces arbres dans des
pépinières. Mais comme il n'y a point de province
qui n'en produise d'une ou d'autre de ces
espèces, sans culture, il me semble qu'il vaut
mieux mettre en ce temps-ci auprès des ceps
qui seront déposés dans les fosses, des pieds
d'arbres d'une certaine grandeur, que l'on transférera à cet effet de quelque endroit que ce
puisse être ou même des troncs d'arbres avec
leurs racines, que l'on choisira dans le nombre
des espèces que nous venons de nommer. Si le sol
sur lequel on opère est une terre à blé, on laissera
quarante pieds d'intervalle entre chaque arbre,
afin de pouvoir ensemencer ce terrain, et vingt
pieds seulement st le terrain est maigre. Quant
au cep qui sera planté dans la fosse il doit être
éloigné de son arbre à la distance d'un pied et
demi, parce que, s'il en était trop proche, l'arbre
en croissant absorberait sa substance. II faut
aussi encager le cep pour le protéger contre les
insultes des bestiaux qui chercherontà le ronger,
et l'attacher dès le premier moment à son arbre.
Voici encore une autre méthode expéditive pour
transférer un cep d'un plant d'arbres mariés à des
vignes on fait un petit panier d'osier d'environ
un pied de diamètre ou un peu moins, que l'on
porte auprès de l'arbre auquel la vigne est mariée,
et l'on en perce le fond par le milieu à l'effet
de faire passer un sarment par cette ouverture
Après avoir donc introduit dans ce panier
un sarment du cep dont on veut transporter du
plant, on suspend le panier même à quelque coin
de l'arbre, et on le remplit de terre végétale, de
façon que ce sarment, que l'on a soin de tordre
auparavant, puisse y être entièrement caché.
Avec ces précautions le sarment renfermé dans
ce petit panier y jette des racines au bout d'un
an et quand il y a pris racine, on le coupe
dessous le panier, pour le porter avec le panier
même à l'endroit que l'on veut remplir de ceps
mariables à des arbres, et on l'y enterre auprès
des racines de l'arbre auquel on a intention de le
marier. On transférera par cette méthode tel
nombre de ceps que l'on voudra, sans avoir à
craindre qu'ils ne prennent point.
XI. En fait de vignobles, chaque localité a son mode de culture; mais la meilleure consisteà avoir des ceps qui se tiennent sur une tige très courte, comme de petits arbres. On commence par les faire tenir à l'aide d'un roseau, jusqu'à ce qu'ils soient bien affermis; mais il ne faut pas que ces ceps aient plus d'un pied et demi de hauteur. Quand ils seront devenus forts, ils se tiendront tout seuls. Il y a une antre méthode, qui consiste à distribuer plusieurs roseaux autour d'un cep, dont on lie les sarments à ces roseaux, pour les arrondir en forme de cercles. La pire de toutes les positions pour la vigue, est d'être renversée et couchée à terre. Toutes ces différentes espèces de vignes se plantent dans des fosses et dans des tranchées.
XII. C'est en ce mois qu'il est temps de tailler la
vigne dans les pays froids jusqu'à un certain degré,
ainsi que dans les pays tempérés. Mais quand
on a beaucoup de vignes, on les partage en deux
portions, dont on taille au printemps celle qui est
exposée au nord, et en automne celle qui l'est
aux autres côtés du ciel qui sont plus doux. Attachons
nous toujours,dans la taille, à donner de
la force au pied de la vigne, et à ne jamais laisser
deux bois durs à une jeune vigne tant qu'elle
est faible. Il faut retrancher les sarments qui rapportent
beaucoup, ainsi que ceux qui sont tors,
faibles, et nés dans un mauvais endroit du cep.
II faut aussi couper le sarment qui sera né sur
un cep entre deux de ses bras. Mais s'il est déjà
fortifié au point d'affaiblir l'un de ces bras c'est
ce dernier qu'il faut couper, en laissant subsister
l'autre. Il faudra néanmoins qu'un homme
intelligent dans l'art de la taille ménage toujours
les sarments inférieurs qui seront nés dans un
bon endroit, pour les employer à renouveler la
vigne et qu'il les laisse sur le cep en les rognant jusqu'au premier ou au second bouton. On
pourra laisser à la vigne la liberté de s'étendre
par en haut dans les climats doux; au lieu qu'il
faudra la ravaler dans les terrains maigres ou
dans les climats plus chauds, ainsi que dans les
terrains en pente ou sujets aux tempêtes. On laissera
dans les terres grasses deux fouets à chaque
bras d'un cep; mais il est d'un homme prudent
d'apprécier les forces de la vigne. En effet, celle
que l'on cultive dans l'intention de la faire monter
en haut, et qui est féconde, ne doit pas avoir
plus de huit branches à fruit, sans compter le
courson, que l'on conservera toujours dans sa
partie inférieure. Il faut couper tout ce qui sera
venu autour du pied de la vigne, à moins qu'elle
n'ait besoin d'être renouvelée. Si le tronc d'une
vigne est creusé, soit par la violence du soleil
ou des pluies, soit par des animaux malfaisants,
on retranche tout le bois mort, et on enduit la
plaie, qui résulte de cette opération, de marc
d'huile et de terre, précaution excellente pour
obvier aux accidents qui pourraient s'ensuivre.
On ôte aussi l'écorce qui s'est détachée du cep, et
qui pend à terre et cette attention diminue la
quantité de lie qu'aurait autrement le vin. On
ratisse la mousse partout où il s'en trouve. Au
surplus, les plaies que l'on fera à la vigne sur son
bois dur seront obliques et rondes. En retranchant,
ainsi que je l'ai prescrit ci-dessus, tous
les sarments qui seront nés dans un mauvais endroit du cep ou ceux qui seront vieux, on couservera
les jeunes, ainsi que ceux qui porteront
du fruit. On coupera aussi les ergots des coursons
quand ils seront desséchés, et qu'ils auront un
an, de même que tout ce qui se trouvera de vieux
ou de galeux sur un cep. On laissera quatre bras
aux vignes que l'on cultive, dans l'intention de les laisser monter, ainsi qu'à celles qui sont au
joug ou en treilles, dès qu'elles seront élevées de
quatre pieds sur terre. On laissera un fouet par
bras à une vigne maigre, et deux à une vigne
grasse. Mais il faut avoir l'attention que les sarments
qu'on laissera sur un bras ne soient pas
tous sur le même côté, auquel cas la vigne se
dessécherait comme si elle eût été frappée de la
foudre. Il ne faut pas laisser de sarments sur le
bois dur de la vigne, non plus qu'à son extrémité
supérieure, parce que les premiers, semblables
à des pampres inutiles ne rapportent point
de fruits, et que les seconds sont à charge au cep
par la trop grande quantité des leurs outre qu'ils
le font monter trop haut. C'est donc dans le milieu
du corps de la vigne qu'il faudra choisir les
sarments qu'on lui laissera. La plaie de la taille
ne doit jamais être faite auprès d'un bouton,
mais il faut la fairrt un peu au-dessus, et du côté
opposé au bouton, à cause des pleurs qu'elle
répandra.
XIII. Culture de la vigne mariée aux arbres. On coupera le premier bois que cette vigne aura jeté, jusqu'au second ou au troisième bouton ensuite ou laissera croître insensiblement tous les ans un peu de bois qui montera à travers les rameaux de t'arbre, en dirigeant toujours un fouet vers son sommet. Ceux qui veulent avoir une très-grande quantité de fruits laissent un grand nombre de fouets s'étendre à travers les rameaux de l'arbre, au lieu que ceux qui visent à avoir de meilleur vin attirent les sarments vers son sommet. Il faut mettre plus de sarments sur les rameaux de l'arbre qui seront les pins forts, et en mettre moins sur les plus faibles. Voici la façon de tailler cette espèce de vigne on coupera tous les sarments qui auront porté du fruit la première année, et on laissera subsister les nouveaux, en coupant les tendons et les petites branches inutiles dont ils seront environnés. Mais il faut avoir l'attention de délier et de relier chaque année cette espèce de vigne, pour la rafraîchir. Il faut ajuster les rameaux des arbres qui soutiennent une vigne, de façon qu'ils ne soient pas étagés en ligne perpendiculaire. Si le terrain est gras, il faut que l'orme soit sans rameau jusqu'à huit pieds de terre, et jusqu'à sept pieds dans un terrain maigre. Dans les pays sujets à la rosée et aux brouillards, on dirigera par la taille les rameaux de l'arbre qui soutient la vigne vers les côtés du levant et du couchant,afin que ses flancs étant découverts la vigne puisse être exposée aux rayons du soleil dans toutes ses parties. Il faut aussi faire en sorte que la vigne ne soit pas trop fournie sur l'arbre. Dès qu'il commencera à manquer quelques arbres, il faudra leur en substituer d'autres. Dans les pays montueux, il faudra tenir les rameaux des arbres plus bas, au lieu qu'on les tiendra plus hauts dans les pays plats et humides. Il ne faut pas attacher à l'arbre les branches à fruit de la vigne avec un osier trop dur, de peur qu'une pareille ligature ne les coupe ou ne les froisse. C'est une attention d'autant plus importante à avoir, que la branche à fruit couvre toujours de grappes la portion d'elle-même qui pend par de la la ligature; au lieu qu'elle réserve celle qui est au-dessous de la ligature pour donner du bois l'année suivante.
XIV. Si l'on veut former, à la mode des provinces, de ces espèces de vignes dont j'ai parlé, qui se tiennent sur leurs pieds comme de petits arbres, on leur laissera des bras de quatre côtés, et on conservera sur ces bras le plus grand nombre de sarments que la vigne puisse supporter. Pour celles que l'on arrondit a l'aide de roseaux on les taillera de la même manière que celles qui sont appuyées sur des échalas ou sur des pieux. Quant à celles qui sont couchées à terre sans aucun soutien, procédé auquel il ne faut avoir recours qu'a défaut de mieux, ou pour obéir à quelque nécessité locale, on ne leur laissera la première année que deux boutons; au lieu qu'on leur en laissera un plus grand nombre les années suivantes. Au reste, les vignes de cette dernière espèce doivent être taillées de trèscourt.
XV. Columelle dit qu'il faut commencer dès la première année à façonner une jeune vigne sur son seul et unique jet, et qu'il ne faut pas la couper tout entière au bout de la seconde année, comme cela se pratique d'ordinaire en Italie, parce que les vignes meurent quand elles sont ainsi coupées tout entières, ou ne produisent que des sarments peu féconds attendu que, lorsque leur tronc est coupé, elles ne peuvent plus s'élancer que d'une partie de bois dur, à la manière des pampres inutiles. Nous pensons donc qu'il faut laisser un ou deux boutons auprès de la commissure même du vieux sarment et c'est notamment la méthode qu'il faut observer à l'égard d'une jeune vigne dès qu'elle est un peu forte, en l'aidant d'ailleurs pendant son enfance avec des roseaux ou avec de petits pieux jusqu'à la troisième année, où elle en peut recevoir de plus forts; d'autant que si elle est dans un terrain gras, on fera bien de la contraindre à élever trois jets dès l'âge de quatre ans. Aussitôt après la taille, on retirera des vignobles les sarments qui auront été abattus, ainsi que les ronces et tout ce qui pourrait gêner le labour.
XVI. C'est aussi le mois où se propage la vigne mais il sera mieux de renouveler en sautelle les vignes vieilles et ruinées, dont le bois dur aura pris trop d'accroissement, comme dit Columelle, que de les enfouir tout entières ce qui ne manquerait pas d'attirer le blâme de tout agriculteur. Nous appelons sautelle la partie d'un cep fiché en terre par les deux bouts, qui s'élève en arceau au-dessus du sol. Lorsqu'on enterre toute la vigne, elle s'épuise,comme l'observe Columelle, par la multitude de racines qui sortent de toutes les parties de leur corps. On coupera au bout de deux ans les sautelles sur l'arc qui est hors de terre, sans déranger les ceps dont on les avait abaissées, quoique, si l'on en croit les agriculteurs, lorsqu'on les coupe au bout de deux ans, elles n'ont encore pour l'ordinaire que de faibles racines, et ne tardent pas à périr.
XVII. Ce mois est très propice à la greffe dans
les lieu chauds et exposés au soleil: cette opération
se fait de trois manières, dont deux seulement
sont praticables à cette époque de l'année. La
troisième se pratique seulement en été. On peut
greffer ou sous l'écorce, ou sur le tronc ou en
écusson. Voici comme on s'y prend pour greffer
sous l'écorce on scie le tronc d'un arbre ou l'une
de ses branches, en ménageant l'écorce à un
endroit qui paraisse très lisse et qui soit sans cicatrices
après quoi on ragrée la plaie avec des
instruments de fer bien tranchants. Ensuite on
enfonce à la profondeur d'environ trois doigts,
entre l'écorce et le bois (mais avec beaucoup de
circonspection, de peur que la bande de l'écorce
n'éclate) une espèce de coin mince, soit de fer,
soit d'os, et particulièrement d'os de lion; et
après avoir retiré ce coin de l'endroit où ou l'avait
enfoncé, on insère aussitôt dans la fente
qu'il aura faite un scion que l'on prend la précaution
de tailler d'uu côté, en ménageant non seulement
sa moelle, mais encore l'écorce dont
il est couvert du côté opposé à celui qui est taillé;
côté qui doit rester en saillie sur l'arbre à la hauteur de six ou huit doigts. On met deux ou
trois greffes sur le même arbre, ou même un
plus grand nombre, suivant la qualité de l'arbre,
en les séparant l'une de l'autre par un intervalle
de quatre doigts ou plus; après quoi on les resserre
avec du jonc, de l'orme ou de l'osier, et
on les enveloppe d'un enduit de limon recouvert
de mousse, que Ion y applique de façon que la
greffe puisse sortir de quatre doigts au-dessus.
Il y a des personnes qui aiment mieux fendre
par le milieu le tronc de l'arbre, qu'ils ont coupé
après l'avoir serré bien fort avec des liens et
enfoncer dans cette fente des scions ratissés des
deux côtés en forme de coins, sans que la moelle
en soit altérée, après y avoir introduit préalablement
un petit coin, afin que, lorsque ce coin sera
retiré de l'arbre, la greffe que l'on y aura enfoncée puisse être resserrée par le bois même qui se
rapprochera à l'endroit de la plaie. On emploie
ces deux façons de greffer au printemps, lorsque
la lune croit, et que les boutons des arbres commencent
à grossir. II faut que les branches d'arbres
que l'on doit employer en greffes soient
jeunes, fécondes et pleines de noeuds, qu'elles
soient nées sur un rameau qui ne soit point
vieux, et coupées sur le côté de l'arbre qui sera
exposé au levant. II faut aussi qu'elles aient un
petit doigt d'épaisseur, et qu'elles soient garnies
de deux ou trois cornes et d'un grand nombre de
boutons. Si l'on veut enter sur un petit arbre (et
c'est incontestablement la greffe qui prend le
mieux), on le coupera près de terre, on insérera
la greffe entre son bois et son écorce, et on la
liera. Il y a des personnes, qui enfoncent au milieu
de l'arbre qu'elles veulent greffer, une petite
branche ratissée des deux côtés, et d'une grosseur
proportionnée à celle de l'arbre, de façon
que l'écorce de cette petite branche adhère exactement
à celle de l'arbre dans toute sa circonférence.
Au surplus, quand on greffe un jeune arbre,
il faut labourer la terre à son pied, et la ramasser
pour l'entasser jusqu'à la greffe même,
afiu de protéger celle-ci contre le vent et la chaleur.
Un agriculteur très attentif m'a assuré que
toutes les espèces de greffes prenaient sans difficulté,
lorsqu'en les insérant dans l'arbre on
enfonçait en même temps dans la plaie de la glu
non détrempée, afin que cette glu fît, pour ainsi
dire, l'effet d'une espèce de colle, et qu'elle
amalgamât les sucs de l'un et de l'autre bois.
Nous parlerons de la greffe en écusson dans le
mois où on la pratique. Columelle a donné une
quatrième façon de greffer, que voici, il prescrit
de percer un arbre jusqu'à sa moelle avec une
tarière gauloise, dans une direction légèrement
oblique; on nettoie le trou, et on y insère de vive
force un cep de vigne ou une branche d'arbre,
dont on aura proportionné le volume à la largeur
du trou en la ratissant; mais il faut que cette
branche soit pleine de sève et humide, et qu'elle
déborde l'arbre d'un ou de deux boutons on
recouvre ensuite exactement d'argile et de
mousse l'endroit où est la greffe. On peut se servir
de cette méthode pour greffer la vigne sur un
orme. Un Espagnol m'a enseigné le nouveau genre
de greffe que voici, en m'assurant qu'il en avait
fait l'essai sur un pêcher. Il veut que l'on perce
avec une tarière le milieu d'une branche de
saule, qui soit de l'épaisseur du bras, forte, et
longue de deux cubili ou plus, et que l'on fasse
passer par le trou que l'on y aura pratiqué un
pied de pêcher, sans l'arracher de la terre à laquelle
il tient par ses racines, après l'avoir dépouillé
de toutesses branches pour ne lui laisser
que sa tige; que l'on courbe alors en forme d'arc
cette branche de saule pour l'enfoncer en terre par ses deux extrémités, et que l'on bouche le
trou par lequel passe le pêcher avec du limon
et de la mousse, le tout bien lié; qu'ensnite on
coupe au bout d'un an le pêcher au-dessous de
la branche de saule, dès que sa tige sera suffisamment
rejointe en cet endroit avec le saule,
pour que ces deux plantes n'en fassent plus
qu'une seule; enfin qu'on transporte le pécher, et
qu'on entasse assez de terre auprès de lui pour
pouvoir en recouvrir non seulement l'arc formé
par le saule mais encore la pointe du pêcher
qui sort de cet arc par en haut; et il prétend
qu'en conséquence de cette opération le pécher
donnera des fruits sans noyaux. Mais il ajoute
que cette sorte de greffe ne convient qu'aux terrains
humides ou arrosés, et qu'il faut même aider
le saule par des arrosements, afin que ce
bois, qui aime naturellement l'humidité, puisse
prendre assez de force pour suffire à la nutrition
d'un arbre qui est d'une nature différente de la
sienne, en partageantavec lui le surperflnde son
suc vital.
XVIII. C'est dans ce mois que l'on formera
des plants d'oliviers dans les pays tempérés, auquel
cas il faudra ou planter ces arbres dans des
terrains labourés au pastinurn, de façon qu'ils
bordent l'extrémité des planches, ou leur affecter
un terrain particulier. Si on les plante dans
un terrain labouré au pastinum, on profitera du
moment où la terre sera gonflée par le labour,
pour y faire un trou avec un pieu, dans lequel on
les déposera sur des grains d'orge, en pieds garnis
de leurs racines, après leur avoir coupé la
tête ainsi que les bras, et avoir réduit leur tronc
à la hauteur d'un cubitus et un pahnus On
commencera donc par délivrer ces arbres de tout
ee qui pourra s'y trouver de pourri ou de séché,
après quoi on leur coupera la tête, qu'on recouvrira
de limon et de mousse et on finira par les
resserrer avec des liens d'orme, ou avec telle autre
espèce de ligature suffisante pour les affermir.
Mais une des choses qui peuvent le plus contribuer
à les faire profiter et grandir, c'est de marquer
avec de la sanguine les côtés du ciel auxquels
ils étaient exposés dans le temps qu'ils étaient en
terre, afin de les mettre sous la même exposition.
On les disposera à quinze ou vingt pieds de
distance les uns des autres. On arrachera de
temps à autre toutes les herbes qui croîtront
alentour et chaque fois qu'il aura plu, on les
excitera à pousser par de très petites fouilles,
très souvent réitérées. On prendra aussi de temps
en temps de la terre à Icurs pieds et après l'avoir
remuée et brouillée, on l'entassera auprès
de leur tronc jusqu'à une certaine hauteur. Si
l'on veut destiner uu terrain particulier à des
plants d'oliviers, on choisira à cet effet les genres
de terre que voici une terre mêlée de gravier,
et composée d'une solution d'argile mêlée de
sable; ou bien un sol qui soit d'une nature compacte
et humide. Il faut rejeter absolument
l'argile que les potiers emploient, ainsi que
les terres marécageuses dans lesquelles l'eau
séjourne, le sable maigre et le gravier pur,
parce que, bien que l'olivier y prenne, il n'y
acquiert jamais de force. On peut aussi les planter
dans des terrains qui auront porté précédemment
des arbousiers ou des yeuses; car pour ce
qui est du cerrus et de Voesculus, lors même
qu'ils sont abattus, ils laissent dans la terre des
racines perfides qui sont un poison pour les
oliviers. Cet arbre se plaît, dans les climats brûlants,
sur les coteaux exposés au nord; dans les
climats froids, sur ceux qui sont exposés au midi;
et il aime, dans les climats tempérés, les terrains
élevés. Il ne s'accommode ni des fonds ni des escarpements, et préfère les petites éminences,
telles que celles du pays Sabin et de la Bétique.
On compte bien des espèces d'olives, qui ont chacune
leur nom propre, telles que la pausia, la vorchia, l'olive longue, la sergienne la Licinienne,
la Coininienne et d'autres qu'il est
inutile de nommer. L'huile que rend la pausia est excellente tant qu'elle est verte, mais ne
tarde pas à se gâter, pour peu qu'elle soit gardée.
L'olive Licinienne donne d'excellente huile,
la Sergienne en donne une grande quantité. Mais
il suffira de dire en général de toutes ces espèces
d'olives, que les plus grosses sont bonnes à
manger, et que les plus petites sont propres à
faire de l'huile. Si l'on destine le terrain que l'on
plante en oliviers à rapporter du blé, on mettra
ces arbres à quarante pieds les uns des autres;
au lieu que si c'est un terrain maigre, la distance
ne sera que de vingt-cinq pieds. Il vaut mieux
que les rangées d'oliviers soient tournées du côté
d'où souffle le vent Favonim. Lorsqu'on les
plantera, il faudra les mettre dans des fosses sèches,
creusées à quatre pieds de profondeur, et
avec la terre desquelles on mêlera du fumier,
ainsi que du gravier lorsqu'on manquera de pierres.
Si le lieu est clos, on les enterrera de façon
qu'il n'en sorte qu'une petite portion hors de
terre; mais si l'on a les insultes du bétail à
craindre, il faut donner aux troncs plus de hauteur.
On les arrosera aussi dans les provinces
sèches quand il ne tombera pas de pluie. Si la
contrée manque d'oliviers, et que l'on ne sache
d'où en faire venir en pieds pour les planter, on
en fera une pépinière, c'est-à-dire qu'on fouillera
une planche de terre de la manière que j'ai
donnée plus haut, pour y déposer, comme le
prescrit Columelle, des branches d'oliviers de
la longueur d'un pied et demi, coupées avec une
scie; après quoi on pourra en transférer des pieds
d'arbres qui seront devenus forts au bout
de cinq ans, et les planter dans le courant de ce
mois dans les pays froids. Je sais que bien des
personnes, vu la facilité et l'utilité de cette pratique,
sont dans l'usage de distribuer, soit dans
une pépinière, soit dans un plant d'oliviers, suivant
leur goût, des racines de ces sortes d'oliviers
qui se trouvent communément dans les
forêts ou dans les lieux déserts, après les avoir
coupés de façon à ne leur laisser qu'un cubitus de longueur. En effet, si on aide leur développement
en mêlant du fumier avec la terre, il arrivera
que ces racines, prises sur un seul pied
d'arbre, donneront par la suite un très grand nombre
d'arbres.
XIX. On peut aussi, dans les terrains façonnés au pastinum, exposer au nord les espèces d'arbres à fruit dont nous traiterons spécialement plus tard, les espèces d'arbres à fruit sur lesquels nous donnerons par la suite des préceptes particuliers. La terre qui convient aux vignes convient également aux fruits. Mais on fera pour les arbres à fruit des fosses plus grandes que pour la vigne, précaution essentielle au bois comme au fruit. Si l'on veut avoir un verger, on laissera trente pieds d'intervalle entre les rangées d'arbres à fruit et on n'y mettra que des pieds d'arbres qui soient garnis de leurs racines; c'est en effet la meilleure méthode. Mais on prendra garde qu'ils ne soient étêtés par la main des passants ou la dent des bestiaux,ce qui les empêcherait de croître. On destinera à chaque espèce d'arbre sa rangée particulière, de peur que les plus faibles ne soient opprimés par les plus forts. On fera aussi une marque aux pieds d'arbres que l'on transportera, afin de les tourner du coté du ciel auquel ils étaient exposés avant d'être transplantés. On les transférera toujours d'un coteau sec et maigre dans un terraiu plat, gras et humide. Si on veut mettre en terre des troncs d'arbres tout formés, on aura soin qu'ils soient élevés d'environ trois pieds au dessus du sol. Quand on mettra deux plantes dans une même fosse, on prendra garde qu'elles ne se touchent; autrement les vers les feraient mourir. Mais les arbres sont, ainsi que l'observe Columelle, de meilleur profit quand ils viennent d'essence, c'est-à-dire de noyau ou de pépin, que lorsqu'on les a plantés en pieds ou en boutures. Quand le pays est trop sec, on les aide à croître en les arrosant.
XX. Il faut bêcher la vigne en ce temps dans les pays chauds et dans les régions maritimes, on y mettre la charrue (si c'est l'usage de la province). Il faut aussi l'échalasser et la lier dans les mêmes contrées avant que ses bourgeons paraissent; car il suffit d'un frottement ou d'une secousse pour causer un grand dommage. On donne à présent du fumier aux oliviers ainsi qu'aux autres arbres, dans le temps que la lune est dans son déclin. Un vehis de fumier suffira pour un grand arbre, et un demi-vehis pour un petit. Pour mettre ce fumier, on écartera la terre du pied de l'arbre, et après l'avoir mêlée de fumier, on la rapprochera de ses racines. Il faut fouiller le pied des arbres qui sont dans les pépinières, et en couper les branches superflues,ou les petites racines qui seront poussées hors de terre autour de leurs troncs.
XXI. C'est le temps de cultiver les roses qu'on
fait venir de plant ou de graines, au moyen de
petites fosses ou tranchées. Mais qu'on n'aille pas
croire que la graine soit cette espèce de pollen
couleur d'or que l'on voit au coeur de la rose. La
rose donne des baies qui ressemblent à une très petite
poire, et qui sont remplies de graine. Ces
baies sont communément mùres après la vendange,
et l'on reconnaît leur maturité à la couleur et à la mollesse de leur enveloppe. Si l'on
a des rosiers anciennement plantés, on les
fouillera aussi par le pied avec des sarcloirs ou
avec des doloires, et l'on coupera tout ce qui
pourra s'y rencontrer de sec. On peut aussi renouveler
à présent celles de ces anciennes plantations
qui seront trop clairsemées, en attirant des
branches de rosiers pour les propager. Si l'on
veut avoir des roses de très bonne heure, on fera
une fouille en forme de cercle autour des rosiers,
à deux palmi de distance de leurs pieds, et on
les arrosera deux fois par jour avec de l'eau
chaude. C'est encore le moment de mettre en terre
les oignons de lis, et de sarcler ceux qui y sont
déjà; ce qu'il faut faire avec beaucoup de précaution,
afin de ne pas endommager les yeux qui seront
venus autour de leurs racines, ni leurs petits
caïeux, lesquels serviront à former de nouveaux
plants de lis, lorsqu'on les aura séparés de leur
mère pour les mettre dans de nouvelles rangées.
Il faut aussi planter les pieds de violettes et les
bulbes de safran et remuer délicatement la
terre autour des plantations déjà existantes.
XXII. Il y a des personnes qui sèment dans ce mois-ci dix modii de graine de lin par jugerum de terre dans un sol gras, et qui en récoltent du lin très fin.
XXIII. On fera dans ce temps-ci des plants de cannes en creusant de très petites fosses, et en enterrant dans chacune de ces fosses des yeux de cannes, que l'on éloignera d'un demi-pied les uns des autres. Si l'on cultive la terre dans une province chaude et sèche, on destinera à ces plants des vallées qui soient humides ou arrosées. Mais si la contrée est froide, on les placera à mi côte, et dans des lieux où puissent se rendre les eaux qui s'écouleront des métairies. On peut aussi jeter de la graine d'asperge entre les cannes afin que ces deux plantes viennent ensemble parce que l'une se cultive comme l'autre, et qu'on met également le feu à toutes deux. Mais si l'on a d'anciennes cannaies, on les sarclera dans ce temps-ci, après avoir coupé tout ce qui pourra gêner leurs racines, c'est-à-dire, les parties qui seront pourries, celles qui s'étendront mal et celles qui n'auront point d'yeux capables de reproduire. On piquera à présent des pieds de saules, et, à leur défaut, de genêt, ou de telle autre plante qui fournisse des liens pour les vignes. On fera aussi des pépinières pour les baies de myrte et pour celles de laurier, ou bien on cultivera celles qui auront été faites précédemment.
XXIV. Il faut faire, vers les ides de février,
des haies de jardins au moyen de cordes saturées
de graine d'épine, de la manière que nous avons
indiquée en parlant des différentes façons de clore
les jardins. Les Grecs prescrivent aussi de couper
de grosses branches de ronces en petits morceaux,
que l'on enterre dans des fosses d'une
palme, que l'on entretient en les fouillant, et
en les arrosant tous les jours jusqu'à ce qu'elles
poussent des feuilles. On sème la laitue dans ce
mois-ci, afin de pouvoir la transplanter au mois
d'avril. On y sème aussi, de même que dans le
mois de novembre, le cardon, le cresson des jardins,
la coriandre et le pavot, ainsi que l'ail et
l'oignon de Cypre. On sème à présent la sarriette,
en l'entremêlant de ciboule, dans un champ gras,
et qui ne soit pas fumé, mais qui soit exposé au
soleil ou, ce qui est encore mieux, voisin de la mer.
On sème aussi la ciboule dans ce mois-ci mais il
est constant qu'il en faut semer en automne
comme au printemps. Si on la sème en graine,
elle donnera une grosse bulbe, mais elle rendra
moins de graine au lieu que si on en plante la bulbe, elle n'aura, à la vérité, qu'une bulbe maigre,
mais elle donnera beaucoup de graine. Les
oignons demandent une terre grasse, qui soit bien
remuée, arrosée et fumée. On leur fera des planches
que l'on débarrassera de toutes les herbes et
de toutes les racines. On les sèmera dans un jour
calme et serein, et surtout lorsque le vent du
midi ou de l'est souffleront. Ceux qui sont semés
dans le déclin de la lune viennent plus petits et
plus âcres que ceux qui le sont quand elle croît;
Ceux-ci au contraire sont plus forts et ont un goût
plus adouci. Il faut les semer clair, arracher
souvent les mauvaises herbes qui croissent avec
eux, et les sarcler de même souvent. Si l'on veut
qu'ils aient de grosses bulbes il faudra arracher
toutes leurs feuilles, afin que tout le suc nourricier
se porte par en bas. On étayera les tiges dont on
veut recueillir la graine lorsqu'elles commenceront à
monter. Lorsque la graine en sera noire, ce
sera un signe de sa maturité. Il faut en arracher
les tiges garnies de leur graine avant qu'elles
soient tout à fait sèches, et les faire sécher en
cet état au soleil. C'est dans ce mois-ci qu'on sèmera
l'aneth dans les pays froids. Il se fait à toutes
sortes de climats, mais il préfère les plus tempérés.
On l'arrosera, s'il ne pleut pas. On le sèmera
clair. Il y a des personnes qui n'en couvrent
pas la graine de terre parce qu'elles imaginent
qu'aucun oiseau n'y touche. On peut aussi semer
à présent la moutarde On sèmera encore dans ce
mois-ci les choux ce qu'on peut faire au surplus
dans tout le cours de l'année. Ils aiment un sol
gras et qui soit suffisamment labouré, et redoutent
l'argile et le gravier. Ils ne se plaisent ni
dans le sablon, ni dans le sable, à moins qu'ils n'y
trouvent la ressource d'une eau toujours courante.
Ils s'accommodent de toutc espèce de climats, mais ils préfèrent les climats froids. Exposés au midi
ilsrapportent plus tôt ;au nord, ils rapportent plus
tard mais ceux qui viennent à cette exposition
l'emportent sur les premiers par leur goût et par la force de leur tige. Ils aiment les plants inclinés;
c'est pourquoi il faut, quand on les transplante,
les mettre sur l'ados des planches. Ils se plaisent à
être fumés et sarclés. Quand ils sont clairsemés,
ils acquièrent plus de force. Ils cuisent plus tôt, et
sans rien perdre de leur verdeur, si, au moment
où ils n'ont encore que trois ou quatre feuilles,on
les saupoudre de nitre broyé et passé au tamis,
ce qui les fait paraître couverts de frimas. Columelle
dit qu'il faut envelopper les racines de cette
plante d'algue marine pour lui faire conserver sa
verdeur, en les couvrant en même temps de fumier.
II faut que les pieds de choux qu'on met en
terre soient d'une certaine grosseur, parce que,
quoiqu'ils prennent alors plus tard, ils deviennent
plus forts. On les plantera, si l'on est en hiver,
lorsque le jour commencera à être tempéré;
si l'on est en été, lorsque le soleil sera prêt à se
coucher. Ils deviendront plus gros si on les couvre
assidûment de terre. La graine de chou se
change en raves, quand elle est vieille. On commencera,
après les ides de ce mois, à former de
nouvelles pattes d'asperges avec la graine de ce
légume, ou à en planter d'anciennes. Il me parait
également utile et plus expéditif de jeter dans
un terrain inculte, ou du moins pierreux, une
grande quantité de racines d'asperges sauvages
qui rapporteront immédialement, attendu que ce
terrain n'aura eu précédemment aucune production
à nourrir. On en brûlera les rafles toutes les
années, afin que le fruit monte en plus grande
quantité, et qu'il soit plus fort. Cette espèce d'asperges
est celle qui a le goût le plus agréable. On peut aussi semer à présent la mauve. On plantera
aussi la menthe en pied ou en racines dans
un terrain qui soit humide, ou autour des eaux.
Cette plante veut être dans un terrain exposé au
soleil, qui ne soit ni gras ni fumé. On sèmera
ce mois le fenouil dans un terrain expose au soleil
et légèrement pierreux. On sème au commencement
du printemps le panais en graine, ou on
le plante en pied, dans un terrain gras, résolu
en poussière, et façonné profondément au pastinum.
Il faut qu'il soit clairsemé, pour prendre
des forces. On sème aussi à présent l'origan, et
on le cultive de la même manière que l'ail ou la
ciboule. On sèmera à présent le cerfeuil dans les
pays froids, après les ides. Cette plante demande
un champ qui soit gras, humide et fumé. On
sème la poirée dans ce mois, quoiqu'on puisse
aussi la semer pendant tout le courant de l'été.
Elle aime un champ qui soit ameubli, humide et
gras. Il faut la transplanter quand elle aura quatre
ou cinq feuilles, en enduisant ses racines de
fumier nouveau. Elle aime à être fréquemment
bêchée, et saturée de fumier. Il faut semer le poireau
dans ce mois. Si l'on veut qu'il soit bon
à être coupé à différentes reprises on pourra le
couper deux mois après qu'il aura été fumé, en le
laissant sur sa planche; quoique Columelle assure
que celui même qu'on voudra couper à différentes
reprises durera plus longtemps et sera meilleur,
lorsqu'on le transplantera et qu'on l'aidera
à croître avec de l'eau et du fumier, toutes les
fois qu'on le coupera. Si l'on veut au contraire
qu'il se forme en bulbe, il faudra le transplanter
en octobre, quand il aura été semé au printemps.
Il faut le semer dans un terrain gras et
surtout en plaine, sur une planche plate, façonnée
profondément au pastinum, et qui ait été bêchée et fumée depuis longtemps. Si l'on veut
qu'il soit bon à être coupé à différentes reprises,
on le sèmera dru au lieu que si l'on veut qu'il se
forme en bulbe, on le sèmera plus clair. Il faut
lui faire sentir souvent le sarcloir, et le purger
des mauvaises herbes. Lorsqu'il aura un doigt
d'épaisseur, on le transplantera, en coupant préalablement
ses feuilles par le milieu, et en tronquant
ses racines; après quoi on l'enduira de fumier
liquide, et on le mettra en terre, en l'espaçant
de quatre ou cinq doigts. Lorsqu'il aura pris
racine, il faudra le saisir légèrement avec le sarcloir
pour le soulever de terre, afin qu'étant comme
suspendu, il se trouve contraint de remplir,
par la grosseur de sa bulbe, le vide qui sera
sous lui. Si l'on met en terre plusieurs graines de
poireaux jointes ensemble, il en naîtra un seul
poireau, qui sera très gros. On dit aussi que si,
avant de le planter, on insère dans sa bulbe de la
graine de raves sans se servir d'un instrument de
fer pour l'y faire entrer, il grossira beaucoup.
Il sera encore mieux de répéter souvent cette opération.
On sème l'aunée dans ce mois-ci, qui est
celui dans lequel on forme des plants de cannes.
On en met les yeux en terre, comme on y met
ceux des roseaux et il faut couper ces yeux, et
les couvrir légèrement de terre, en les arrangeant
sur des planches dressées au cordeau dans un
terrain bêché et bien remué, où on les espacera
ce trois pieds. On mettra, ce mois, en terre
les bulbes des fèves d'Egypte. Elles aiment un
lieu qui soit humide, gras et très arrosé. Elles se
plaisent aux environs des fontaines et des ruisseaux,
et la qualité du sol leur importe très-peu,
pourvu qu'on les entretienne d'eau sans les en
laisser jamais manquer. Elles sont presque toujours
en état de donner des feuilles quand on les abrite
contre le froid en les couvrant comme on couvre les plants de citronniers. On sème dans ce
mois-ci le cumin et l'anis dans une terre bien labourée,
dans laquelle on aura mêlé du fumier.
Il faut délivrer assidûment ces plantes des mauvaises
herbes, quand elles sont semées.
XXV. On mettra les pieds de poiriers en terre
au mois de février dans les pays froids, et au
mois de novembre dans les pays chauds mais il
faut semer Ics pépins au mois de novembre dans
les pays tempérés, afin qu'ils y trouvent la ressource
d'un sol arrosé. C'est le moyen que ces arbres
donnent beaucoup de fleurs, et que leur fruit
devienne très gros. Quoique les poiriers se plaisent
dans un terrain pareil à celui que nous avons dit convenir aux vignobles, un terrain gras aura
cependant cet avantage qu'il donnera des arbres
forts, et qui rapporteront beaucoup de fruits.
On croit que les poires pierreuses perdent ce défaut
quand elles sont semées dans des terres molles.
Il est vrai que lorsqu'on plante le poirier en
pied, il tarde communément à venir. Mais néanmoins
ceux qui préféreront cette méthode à
d'autres, par la raison qu'un plant dont la qualité
sera excellente ne se trouvera par là mélangé
d'aucune âpreté sauvage, auront soin de déposer
dans de grandes fosses, comme on le pratique à
l'égard des oliviers, du plant de deux ou trois ans,
garni de ses racines, en lui laissant trois ou quatre
doigts d'élévation sur terre, après l'avoir
étêté, et avoir recouvert la plaie de mousse mêlée
d'argile. Si on sème des pepins de poires, ils
viendront sans douté. Le germe en éprouve tôt
ou tard l'action fécondante de la nature, patiente
parce qu'elle est éternelle. Mais longueur de temps
s'accommode mal avec la brièveté de la vie humaine,
et dans ce cas la production dégénère, outre
qu'elle est retardée. Il vaut donc mieux planter
au mois de novembre des pieds de poiriers sauvages garnis de leurs racines dans des fosses
bien labourées, et les greffer ensuite quand ils y
auront pris. Ceux qui seront venus de plants différerent de ceux qui auront été greffés sur d'autres arbres, en ce que le fruit des premiers conservera à la vérité sa douceur et sa mollesse,
mais ne sera pas de garde, au lieu que celui des
autres se gardera très longtemps. On laissera
trente pieds d'intervalle entre ces arbres. Si l'on
veut qu'ils profitent, il faut les cultiver en les
arrosant souvent, et en bêchant continuellement
la terre à leur pied. Ces fouilles leur sont en
effet si avantageuses, que si on les en aide dans
le temps même où ils ont coutume d'être en fleur,
on croit qu'ils ne perdront pas une seule des
fleurs qu'ils auront montrées. Il y a aussi beaucoup de profit à leur donner, au bout d'un an, de
quelque espèce de fumier que ce puisse être. On
prétend néanmoins que la fiente de boeuf leur
fera produire des fruits abondants,et qui seront
très gros. Il y a des personnes qui y mêlent de la
cendre, dans l'idée où elles sont qu'elle donnera
au fruit un goût plus fin. Je crois qu'il est inutile
de détailler toutes les différentes sortes de poires, puisqu'il n'y a aucune différence entre elles
toutes quant à leur plantation et à leur culture. Lorsqu'un poirier est languissant il faut ou percer sa racine avec une tarière après t'avoir déchaussée, et y enfoncer un pieu de bois, ou introduire dans son tronc, après l'avoir également
percé avec une tarière un coin de bois gommenx de pin, ou un coin de chêne à défaut de
pin. On tue les vers qui s'attachent à cet arbre
et on empêche qu'il n'en revienne de nouveaux,
en versant souvent sur ses racines du fiel de taureau. On l'empêche de même de languir qunml il
est en fleurs, en répandant pendant trois jours
sur ses racines de la lie de vienx vin. Quand les poires sont pierreuses, on retire de dessous l'arbre
qui les donne la terre sur laquelle est couchée
l'extrémité de ses racines, ainsi que toutes
les petites pierres qui peuvent s'y trouver, et l'on
y
substitue d'autre terre passée au crible. Mais
ce remède ne produit son effet qu'au cas où l'on ne
cesse pas d'arroser l'arbre. On greffe le poirier
aux mois de février et de mars, sous son écorce
et sur son tronc, conformément à la méthode que
nous avons donnée en parlant de la greffe. On le
greffe sur le poirier sauvage et sur le pommier.
Il y a des personnes qui le greffent sur amandier
et sur prunier sauvage. Virgile veut qu'on le
greffe sur le figuier sauvage, sur le frêne et sur
le coignassier. D'autres veulent qu'on le greffe
sur le grenadier, mais il faut alors le greffer en
fente. Lorsqu'on le greffera avant le solstice, on
emploiera une greffe qui ait un an, et avant de
l'insérer dans l'arbre, on la dépouillera de ses
feuilles et de tout le bois tendre qui en fera partie
au lieu que si on le greffe après le solstice,
on insérera dans l'arbre la partie de la greffe sur
laquelle sera venu le dernier de ses boutons. Le
poirier se greffe de toute manière. Il faut confire
les poires dans un jour calme et quand la lune est
dans son déclin depuis son vingt-deuxième jour
jusqu'à son vingt-huitième. On renferme encore
ces fruits dans un vase enduit intérieurement de
poix après les avoir cueillis à la main dans un
temps où ils étaient secs, depuis la seconde heure
du jour jusqu'à la cinquième,ou depuis la septième
jusqu'à la dixième, en séparant avec soin ceux
qui serout sains, presque durs et un peu verts, de
ceux qui seront tombés d'eux-mêmes. Ensuite on
met un couvercle sur ce vase, et on l'enterre, la
gueule renversée par en bas, dans une petite
fosse creusée dans un lieu arrosé par quelque eau
de source. De même, après avoir entassé des poires à chair et à peau dures, on les enferme, lorsqu'elles
commencent à s'amollir, dans un vase de
terre bien cuit, et bien enduit de poix au dedans
et de gypse au dehors, sur lequel on met un
couvercle; après quoi on l'enfonce dans une petite
fosse creusée dans un lieu où le soleil donne
tous les jours. Bien des personnes ont conservé
des poires ensevelies dans de la paille ou dans du
blé. D'autres les ayant renfermées, aussitôt
après les avoir cueillies avec leurs queues, dans
des cruches enduites de poix, bouchées avec la
même matière ou avec du gypse, les ont exposées
au plein air, en les couvrant de sable.
D'autres ont conservé des poires dans du miel,
en évitant tout contact entre elles. On fait aussi
sécher au soleil des poires coupées par morceaux,
et purgées de leurs pepins. Il y a des personnes
qui écument de l'eau salée lorsqu'elle commence
à bouillonner au feu, et qui plongent ensuite
dans cette eau, quand elle est refroidie, les poires
qu'elles ont intention de conserver; après
quoi elles les retirent de l'eau au bout de quelque
temps, et les renferment dans une cruche
dont elles bouchent l'orifice. Ou bien elles les
laissent pendant un jour et une nuit dans de l'eau
salée après quoi elles les mettent tremper pendant
deux jours dans de l'eau pure, et les gardent
ensuite plongées dans du vin cuit jusqu'à
diminution des deux tiers, ou dans du vin fait
de raisin séché au soleil, ou dans du vin doux.
On fait du poiré en pilant le fruit renfermé dans
un sac à mailles très larges, et en le pressurant à
l'aide d'un poids dont on le charge, ou sous l'arbre
du pressoir. Cette boisson se conserve durant tout
l'hiver, mais elle s'aigrit au commencement de
l'été. Manière de faire du vinaigre de poires. On
laisse en un tas pendant trois jours des poires
sauvages, ou d'un acabit acre, qui soient mûres; après
quoi on les renferme dans un petit vase
rempli d'eau de fontaine ou d'eau de pluie, qu'on
laisse couvert pendant trente jours. On y remettra
au fur et à mesure autant d'eau que l'on en
tirera de vinaigre par la suite pour son usage, afin de suppléer au déchet de cette liqueur. Manière
de faire le poiré rafraichissant. On foule
des poires saines et très mûres avec du sel et
lorsque la chair en est réduite en bouillie, on la
renferme dans de petites barriques ou dans de
petits vases de terre enduits de poix. Au bout de
trois mois on suspend cette préparation, pour lui
faire rendre une liqueur qui est, à la vérité, d'un
goût agréable, mais dont la couleur est blanchâtre.
C'est pourquoi il sera bon, pour parer à cet
inconvénient, de mêler avec les poires un peu
de vin foncé en couleur, dans le temps qu'on les
salera. On plantera des pommiersaux mois de février
et de mars, et si le pays est chaud et sec,
aux mois d'octobre et de novembre.Ces arbres sont
de plusieurs espèces qu'il est inutile de détailler.
Ils aiment un sol gras et fertile, et qui soit fourni
d'eau, plutôt néanmoins par la nature elle-même
que par le secours des arrosements;quoique, s'ils
sont plantés dans du sable ou dans de l'argile,
il faudra avoir recours à l'irrigation artificielle.
Il faut les exposer au midi dans les pays montueux.
Ils viennent fort bien dans les pays froids,
pourvu qu'il n'y ait pas d'àpreté dans l'air. Ils
ne refusent non plus les lieux incultes et humides.
Dans un terrain maigre et sec, leurs fruits sont
sujets à être attaqués de vers et à tomber. On les
plante de toutes façons comme les poiriers. Ils
ne demandent ni à être labourés, ni à être bêchés
c'est pourquoi les prés leur conviennent
plus que tout autre terrain. Le crottin de brebis,
ou seul ou mêlé avec de la cendre, est le seul engrais
dont ils s'accommodent, quoiqu'ils puissent s'en passer. Ils aiment à être arrosés modérément.
La taille leur est bonne, et principalement
à l'effet d'en retrancher les branches sèches, ou
celles qui sont nées dans une mauvaise place sur
l'arbre. Ils vieillissentde bonne heure, et dégénèrent
dans leur vieillesse. Quand leur fruit est sujet
à tomber, on introduit une pierre dans la racine
que l'on fend à cet effet et cette précaution le
retient sur l'arbre. On les préserve de la pourriture
en enduisant leur cime de fiel de lézard
vert. On fait mourir les vers qui s'y attachent,
avec de la fiente de porc mêlée d'urine humaine,
ou avec du fiel de boeuf. Quand il y en aurait
une multitude immense autour de l'arbre, on est
sûr qu'il n'eu reviendra point de nouveaux
une fois qu'on les aura ratissés avec un bistouri
de cuivre, pourvu qu'on enduise de fiente de
boeuf l'endroit d'où on les aura fait tomber. Si les
branches sont chargées d'une trop grande quantité
de fruits, il faut en arracher les plus mauvais
par-ci par-là, afin que la sève de l'arbre suffise
à la hutrilion des autres, et cesse de s'épuiser
pour un luxe stérile. Le pommier peut être
greffé sur toutes les mêmes espèces d'arbres que
le poirier. On le greffe aux mois de février et de
mars,ainsi qu'aux autres mois auxquels on greffe
le poirier, tant sur pommier que sur le poirier,
sur le prunier sauvage, sur le prunier, sur le cormicr,
sur le pécher, sur le platane,sur le peuplier
et sur le saule. Il faudra choisir avec attention
les pommes que l'on voudra garder, et les disposer
par tas séparés, dans des lieux obscurs et où
l'air ne pénètre point, avec de la paille étendue
sur une claie. On en multipliera les tas de façon
que chacun d'eux ne soit pas trop fort. Il y a des
personnes qui ont donné des méthodes différentes
pour les garder. Ces méthodes consistent ou
à les enfermer dans de petits vases de terre poissés et bouchés, ou à les euvelopper d'argile ou
à en euduire simplement leurs queues, ou à les
arranger sur des planches, en les y étendant sur
de la paille, et jetant d'autre paille par-dessus.
On peut, sans se
donner aucun soin conserver
pendant toute l'année les pommes rondes que l'ou
appelle orbiculata. Il y des personnes qui renferment
des pommes dans des vases de terre enduits
de poix et fermés hermétiquement, qu'ils
plongent ensuite dans un puits ou dans une citerne.
D'autres, après avoir cueilli des pommes
saines, et en avoir plongé la queue dans de la
poix bouillante, les raugent sur des planchers,
où ils les étendent sur des feuilles de noyer. La
plupart jettent entre les pommes de la sciure de
peuplier ou de sapin. Il est constant qu'il faut les
poser de façon que leur queue soit renversée et
n'y pas toucher avant le temps où elles nous paraîtront
nécessaires pour notre usage. On fait du
cidre ainsi que du vinaigre avec les pommes, de
la manière que j'ai donnée ci-dessus en parlant
des poires. Les auteurs varient pour la plupart
par rapport au temps auquel ils prétendent qu'on
doit planter les cognassiers; quant à moi, j'ai
remarqué d'après l'expérienceque j'en ai faite,
que des cognassiers, plantés avec leurs racines
en Italie, dans les environs de Rom«, au mois
de février ou au commencement de mars, dans un
terrain façonné au pastinum avaient si heureusement
pris, que souvent ils avaient rapporté
des fruits dès la seconde année. Quand ils
avaient été plantés déjà grands. On les plantera
dans les pays secs et chauds à la fin d'octobre ou
au commencement de novembre. Les cognassiers
aiment les terrains froids et humides. S'ils sont
plantés dans un terrain chaud, il faut les aider à
venir par des arrosements.Ils supportent néanmoins
la température intermédiaire, et ne viennent pas moins dans les terrains plats que dans
ceux qui sont inclinés, quoiqu'ils préfèrent ces
derniers. Il y a des personnes qui les plantent en
cimes et en boutures,mais ils tardent à venir par
l'un ou, l'autre de ces procédés. Il faut les espacer
de telle manière que, si le vent vient à les
secouer, l'eau ne dégoutte pas des uns sur les
autres. Quand on les plante, etméme tant qu'ils
sont petits,il faut les aider de fumier. Mais quand
ils sont devenus plus grands, il suffît de répandre
une fois par an sur leurs racines de la cendre ou
de l'argile assez sèche pour pouvoir être réduite
en poussière. L'humidité continuelle fera mûrir
promptement leurs fruits, et les rendra plus gros.
Il faut les arroser toutes les fois que le ciel refuse
de la pluie, et bêcher leur pied dans les pays
chauds aux mois d'octobre et de novembre, et,
dans les pays froids, aux mois de février et de
mars; parce qu'à moins de prendre assidûment
ce soin, ou ils deviennent stériles, ou leurs fruits
dégénèrent. Il faut les tailler, d'après ce que j'ai
éprouvé moi-même, et les débarrasser de tout ce
qu'ils peuvent avoir de vicieux. Quand ils sont
malades, il faut verser sur leurs racines du marc
d'huile coupé d'eau par moitié, ou enduire leur
tronc, soit de chaux vive détrempée avec de l'argile,
soit de résine de mélèse mêlée avec de la
poix liquide Ou bien, après les avoir déchaussés,
on mettra autour de leurs racines un nombre
impair de coings proportionné à la grandeur
de l'arbre, que l'on assujettira à l'endroit où on
les aura mis en les couvrant de terre. Cette pratique
observée toutes les années préservera à la
-vérité l'arbre de toute maladie, mais d'un autre
côté elle l'empêchera de vieillir on greffe les
cognassiers au mois de février. Il est mieux de
les greffer sur le tronc que sous l'écorce. Il n'y
a presque point de greffe qu'ils ne reçoivent, tant celle du grenadier que celle du cormier,
ainsi que celle de tous les pommiers qui donnent
le meilleur fruit. S'ils sont jeunes et qu'ils aient
de la sève, on les greffe sous l'éeorce; mais s'ils
sont plus grands, il sera mieux de les greffer
près de la racine, lieu où leur écorce et leur bois
sont humides, grâce à la terre qui y est adhérente.
Il faut cueillir les coins quand ils sont
mûrs, pour les conserver, soit en les mettant entre
deux tuiles, dont on rejoint les bords avec un
lut, soit en les faisant bouillir dans du vin cuit
jusqu'à diminution de moitié, ou dans du vin fait
avec du raisin séché au soleil. D'autres les conservent
en les enveloppant dans des feuilles de figuier,
lorsqu'ils sont gros. D'autres se contentent
de les serrer dans des endroits secs, où l'air ne
pénètre point. D'autres, après les avoir coupés
par quartiers avec un roseau ou avec un couteau
d'ivoire, et en avoir ôté le coeur, les couvrent de
miel dans un vase de terre. D'autres les mettent
également dans du miel tout entiers; mais quand
on veut les confire de cette manière, il faut les choisir
suffisamment mûrs. D'autres les couvrent de
millet,ou les ensevelissent séparément dans de la
paille. D'autres les mettent dans de petits vases
remplis d'excellent vin, ou les conservent dans
un mélange égal de vin cuit jusqu'à diminution
de moitié, et de vin sans apprêt. D'autres les
plongent dans des futailles de moût, qu'ils bouchent
ensuite, ce qui donne en même temps du
bouquet au vin. D'autres enfin les mettent chacun
à part dans un plat neuf qu'ils couvrent de
gypse sec. On met la semence ou le plant du carrouge
en terre aux mois de février et de novembre.
Quoiqu'il aime les contrées voisines de la
mer, chaudes, sèches et plates, il produit davantage
dans les pays chauds quand on lui donne
de l'eau, ainsi que je m'en suis convaincu par ma propre expérience. On peut aussi le planter
en boutures. Il lui faut une fosse large. Il y a
des personnes qui croient qu'on peut le greffer
au mois de février sur le prunier ou sur l'amandier.
On conserve très longtemps les gousses qu'il
produit, en les exposant sur des claies. Le mûrier
est ami de la vigne. On peut faire venir cet arbre
de graine, mais en ce cas son fruit dégénère
ainsi que son bois. Il faut donc le planter en
boutures ou en cimes. Mais il vaut encore mieux
le planter en boutures d'un pied et demi de longueur,
qui soient bien ragréées des deux côtés, et
enduites de fumier. Ainsi, après avo:r fait d'abord
un trou en terre avec un pieu, on les enfoncera
dans ce trou, et on les recouvrira de cendre
mêlée de terre, qu'on n'entassera cependant
pas à plus de quatre doigts d'épaisseur.On plante
le mûrier depuis le milieu de février jusqu'à la
fin de mars. Mais quand le pays est chaud, on le
plante à la fin d'octobre ou au commencement de
novembre; quoiqu'il vaille encore mieux le planter
au printemps, le neuf des calendes d'avril. Cet
arbre aime les terrains chauds et sablonneux, et
plus communément les contrées voisines de la
mer, ïl prend difficilement dans le tuf ou dans
l'argile. On croit que l'humidité continuelle ne
lui est pas bonne. Il aime à être bêché et fumé.
Il faut en tailler au bout de trois ans les branches
pourries et sèches. On en transfère le plant, lorsqu'il
est fort, aux mois d'octobre ou de novembre
et, lorsqu'il est jeune, aux mois de février et
de mars. Ces arbres veulent être plantés dans des
fosses profondes, et séparés les uns des autres par
de grands intervalles, afin qu'ils ne se nuisent pas
réciproquement par leur ombre. Cet arbre vient
plus haut, dit-on, et donne plus de fruit, si l'on
en perce le tronc d outre en outre en y insérant deux coins, un de térébinthe d'un côté, un de
lentisque de l'autre. Il faut déchausser le mûrier
vers les calendes d'octobre, et verser sur ses racines
de la lie de vin vieux très nouvelle. On le
greffe sur le figuier et sur lui-même mais on ne
le greffe que sous l'écorce. Si on le greffe sur un
orme, la greffe prend à la vérité, mais il en résulte
de grands accidents. Il faut semer les avelines
en nature, et ne pas les recouvrir de terre
à plus de deux doigts d'épaisseur. J'ai cependant
éprouvé que lesaveliniers viennent encore mieux
de plant et de rejetons. On en met le plant ou
les amandes en terre au mois de février. Ils se plaisent dans un terrain maigre, humide, froid
et sablonneux. Les avelines sont mûres vers les
nones du mois de juillet, pourvu cependant que
le pays soit chaud. C'est à présent que l'on sème
les noyaux de sébestes sous un climat tempéré, et
dans une terre réduite en poussière et médiocrement
humide, en les mettant dans un vase, où on
les laisse jusqu'àce que leur pousse ait acquis la
consistance de plante. On greffe les arbres qui
portent ce fruit au mois de mars, sur des cormiers
ou sur des pruniers sauvages. C'est aussi à présent
que l'on greffe les jujubes, que l'on met en
terre les presses en noyaux ou en plant, qu'on
les transfère et qu'on peut les greffer; enfin que
l'on greffe le néflier, et que l'on sème les noyaux
de prunes. On peut aussi planter à présent le figuier
dans les pays tempérés, semer la corme,
couvrir de terre l'amande sur des planches, et
greffer l'amandier au commencement de ce mois ci
dans les pays tempérés, et à la fin du même
mois dans les pays froids; pourvu cependant
qu'on prenne la greffe avant qu'elle ne germe.
On peut aussi mettre à présent en terre du plant
de pistachier,ou greffer cet arbre, de même qu'on peut semer des châtaignes, mettre des noix dans
des pépinières, et greffer le noyer. Enfin on peut
encore faire à présent des plants de pin dans les
contrées froides et humides.
XXVI. C'est surtout à présent qu'il faudra faire couvrir les truies. On choisira à cet effet des verrats grands et forts, dont le corps soit plus arrondi qu'allongé, qui aient le ventre et les fesses amples, le grouin court, et le chignon bien fourni de petites glandes, qui soient lascifs et qui n'aient qu'un an, Ils pourront être employés à ce service jusqu'à l'âge de quatre ans. On choisira des truies qui aient les flaucs allongés, et un ventre d'une grande capacité, et qui se prête à soutenir le poids de leur portée quant au reste, il faudra qu'elles ressemblent aux verrats. Ces animaux doivent avoir le poil épais et noir dans les pays froids dans les pays chauds leur couleur est indifférente. Les femelles sont fécondes jusqu'à l'âge de sept ans, et commencent à l'être à un au. Les truies mettent bas au bout de quatre mois, c'est-à-dire, au commencement du cinquième. Or, comme elles conçoivent, ainsi que je viens de le dire, au mois de février, leurs petits pourront se nourrir des herbes qui seront déjà fortes au moment de leur naissance, et de la paille qui viendra après ces herbes. Quand on a lu faculté de se défaire des cochons de lait, on les vend à mesure qu'ils sont nés afin de mettre plus promptement les mères eu état de donner d'autres portées. On peut avoir de ce bétail dans toutes sortes de lieux, quoiqu'il réussisse mieux dans des campagnes marécageuses, dans celles notamment où abondent les arbres fruitiers, qui, mûrissant successivement les uns après les autres, fourniront à ces animaux leur pâture pendant toute l'année. Ils se nourrissent au mieux dans des terrains fertiles en herbes, et mangent très bien les racines de la canne ou du jonc. Mais lorsque la pâture vient à leur manquer pendant l'hiver, il faut leur donner de temps à autre du gland, de la châtaigne, ou de vieilles eriblures de quelques grains que ce soit; principalement au printemps, car alors la verdure nouvelle, qui est pleine de lait, les incommode ordinairement. On ne renferme pas les truies par troupeau comme les autres bestiaux; mais on fait des toits sous des appentis où l'on renferme chaque mère à part, afin qu'étant elles-mémes en sûreté, elles puissent garantir du froid le troupeau qu'elles auront à nourrir. Ces toits auront une ouverture dans leur partie supérieure, afin que le gardien puisse faire aisément la revue des petits, et leur porter souvent du secours, en les retirant de dessous leurs mères quand ils seront en danger d'en être écrasés. Mais il aura l'attention de renfermer chaque portée séparément avec sa mère. Une truie ne doit pas nourrir plus de huit porcs, suivant ce que dit Columelle. Pour moi, il me parait plus à propos, d'après ma propre expérience, de ne lui en donner que six à nourrir au plus quand la pâture ne lui manquera pas, parce que, quoiqu'à la rigueur elle puisse en élever davantage, elle s'épuiserait si elle donnait a teter à un plus grand nombre. Il y a un autre profit à retirer des porcs, qui consiste à les envoyer dans les vignes avant qu'elles soient en boutons, ou après la vendange, parce qu'ils font la guerre aux herbes aussi exactement que le meilleur ouvrier.
XXVII. On fera au commencementde ce mois du vin de myrte d'une façon différente de celle que nous avons donnée. On mettra dans un flacon dix sextarii de vin vieux, dans lequel on jettera cinq livres de baies de myrte. Quand on les aura laissées pendant l'espace de vingt-deux jours dans ce vase que l'on aura soin d'agiter tous les jours, on passera ce mélange à travers une corbeille de palmier, et on ajoutera sur ces dix sextarii cinq livres d'excellent miel, extrémement broyé.
XXVIII. Manière de faire une vigne antidote,
dont le vin, le vinaigre, le raisin, et, jusqu'à la
cendre provenant de ses sarments, soient un
spécifique contre tout poison animal. On fait au bas
du sarment que l'on veut planter une fente de trois
doigts de longueur, et on en retire la moelle, à
laquelle on substitue une dose de thériaque; puis
on le met en terre, en l'assujettissant bien avec
un lien. Il y a des personnes qui, après avoir
saturé le sarment de la substance médicale, le
cachent dans un oignon de scille et le mettent
en terre de la manière que nous venons de dire.
D'autres versent la thériaque sur les racines de
la vigne. Il n'est pas douteux que si l'on prend
un sarment d'une vigne apprêtée de la sorte pour
le transférer, il n'aura pas la vertu médicinale
qu'avait la souche. Il est également vrai que cette
vertu s'affaiblit à la longue, et qu'il faut la renouveler de
temps à autre en réitérant l'infusion.
XXIX. Il y a une belle espèce de raisin qui ne
renferme point de pepins aussi peut-on en avaler
avec grand plaisir une grappe entière comme si
elle ne formait qu'un corps, et sans trouver d'obstacle
qui arrête. Or on obtient ce raisin suivant
les auteurs grecs, en appelant comme suit l'art
au secours de la nature. Il faut faire au sarment
que l'on veut planter une fente d'une longueur
égale à celle du bois qui sera en terre, et, après
en avoir ôté toute la moelle et l'avoir creusé exactement,
on en rapprochera les bords, et on le mettra
en terre en les assujettissant avec un
lien. Ces auteurs assurent néanmoins qu'il faut
que ce lien soit de papyrus, et que le sarment
soit mis, après ces préparatifs, dans une terre humide.
Il y a des personnes qui, après avoir lié
exactementce sarment sur toute la longueur qui
en aura été fendue, l'enfoncent dans un oignon
de seille, parce qu'ils assurent que cet oignon
aide toutes les plantes à prendre plus aisément.
D'autres creusent le plus profondément qu'ils
peuvent, dans le temps même de la taille, une
branche à fruit d'un cep qu'ils viennent de tailler,
pour en retirer la moelle; après quoi ils l'attachent
à un roseau fixé auprès de cette branche,
afin qu'elle ne puisse pas se renverser. Ensuite
ils versent dans le trou qu'ils y ont fait de la liqueur
que les Grecs appellent suc de Cyrène, après l'avoir détrempée avec de
l'eau jusqu'à ce qu'elle ait acquis la consistance
du vin cuit à l'évaporation des trois quarts; et
ils recommencent l'opération tous les huit jours,
jusqu'à ce que les bourgeons de la vigne paraissent.
Les Grecs assurent qu'on peut faire la même
chose sur les grenadiers et sur les cerisiers. C'est
une expérience à faire.
XXX. Quand les vignes se dessèchent par la trop grande abondance de la sève qui monte, et qu'à force de pleurer elles privent le fruit de la vertu que renferme leur bois, les Grecs ordonnent de déchirer leur tronc pour y faire une poche et si ce remède est sans effet, de couper le bois le plus épais de leurs racines, afin que cette blessure guérisse leur maladie. Mais on aura soin de frotter la partie blessée avec du marc d'huile sans sel, réduit par la cuisson de moitié, en attendant qu'il soit refroidi, et de répandre de fort vinaigre sur la plaie.
XXXI. Les Grecs prescrivent encore de composer du vin de myrte de la manière suivante. On mettra dans un linge huit unciae de baies de myrte mùres, que l'on aura broyées après les avoir fait sécher à l'ombre, et on suspendra ce paquet dans le vin; après quoi on couvrira le vase, et on le bouchera. Quand ces baies seront restées plusieurs jours dans le vin on les en retirera pour en faire usage. Il y a des personnes qui foulent aux pieds ou qui expriment entre leurs mains des baies de myrte, qu'elles ont cueillies dans leur maturité par un temps sans pluie et dans des terrains très secs, et qui en mettent la valeur de huit cotulae sur une amphore de vin. Ce vin s'emploie aussi en médecine, quand on est dans le cas d'avoir recours aux astringents son effet ordinaire est de fortifier les estomacs délabrés, de couper court aux crachements des sang, d'arrêter le flux de ventre, et de durcir efficacement les matières qui occasionnent les douleurs de la dyssenterie.
XXXII. On prétend que les vignes donneront d'elles-mêmes du vin, soit d'absinthe, soit de rosé ou de violette de façon que l'on recevra de la nature ce que l'on doit ordinairement à l'industrie, pour peu que l'on plonge des sarments dans un vase rempli jusqu'à moitié de l'une de ces essences, en y faisant dissoudre en même temps de la terre végétale en manière de lessive, et qu'on les y laisse jusqu'à ce que leurs yeux commencent à paraître; après quoi on mettra ces sarments où on voudra quand ils bourgeonneront, ainsi qu'on le pratique à l'égard de toute autre vigne.
XXXIII. Voici la méthode que les Grecs ont prescrite pour faire produire au même cep des grappes de raisin blanc et des grappes de raisin noir si l'on a un cep de raisin blanc et un de raisin noir qui soient voisins l'un de l'autre, on joint ensemble, au temps de la taille, des sarments pris sur chacun de ces ceps, et fendus en deux, de façon que, lorsqu'ils seront joints, les boutons qui sont au milieu de ces sarments semblent être sur un seul et même sarment; après quoi on les lie ensemble avec du papyrus amolli, pour les resserrer; et on a soin de les enduire de terre humide, et de les arroser de trois jours l'un, jusqu'à ce que le germe de la feuille nouvelle paraisse. A dater de la fin de ce mois, on pratiquera, si l'on veut, cette méthode sur plusieurs sarments.
XXXIV. Ce mois-ci s'accorde avec celui de
novembre pour la durée des heures les voici rassemblées
sous cette proportion de nombres.
A la première et à la onzième heure, le gnomon
donne vingt-sept pieds d'ombre.
A la seconde et à la dixième, il en donne dix-sept.
A la troisième et à la neuvième, il en donne
treize.
A la quatrième et à la huitième, il en donne
dix.
A la cinquième et à la septième, il en donne
huit.
A la sixième, il en donne sept.
MARS.
I. La taille de la vigne, dont nous avons amplement
parlé au mois de février, se fait au mois de mars dans les pays froids, tant qu'il n'y a
point de risque d'endommager les bourgeons par
cette opération. Il faut greffer à présent les ceps,
au moment où les larmes qu'ils répandront,
au lieu d'être claires comme de l'eau seront
épaisses. On aura deux choses à observer en ce
cas: premièrement, que le cep que l'on voudra
greffer soit solide et plein de sucs nourriciers,
sans être desséché, soit par la vétusté, soit
par les mauvais traitements qu'il aura pu éprouver
secondement, que les rejetons que l'on y
insérera lorsqu'on l'aura coupé soient fermes,
ronds, et bien fournis de boutons multipliés les
uns auprès des autres quoiqu'il suffira d'y en
laisser trois, quand on les emploiera en greffes.
Il faudra donc les ratisser sur une longueur de
deux doigts, en conservant leur écorce sur un de
leurs côtés. Il y a des personnes qui n'en laissent
pas mettre la moelle à jour, mais qui se contentent
de les ratisser légèrement, de façon que la
partie ratissée soit terminée insensiblement en
pointe, et que celle qui reste garnie de son écorce
puisse être adaptée à l'écorce de sa mère future.
Le dernier bouton doit être enfoncé dans
le cep de manière à y être incorporé: ce bouton
sera tourné en dehors du cep, et assujetti avec une
ligature de saule, et on étendra dessus, pour le
recouvrir, un lut dans lequel il entrera de la
paille; puis on le protégera, à l'aide de quelque
corps étranger dont on le couvrira contre le
vent et contre le soleil, de peur qu'il ne soit
agité par l'un ou brûlé par l'autre. Si la chaleur
commence à se faire sentir de bonne heure, il
faudra verser vers le soir et à différentes reprises,
à l'aide d'un pinceau, un peu d'eau sur la ligature
même de la greffe. Cette irrigation y entretiendra
la vie, malgré l'action brûlante de la température. Lorsque le bouton sera parti, et que
le fouet aura pris quelque accroissement, on l'attachera
à un roseau pour l'aider à se tenir, de
peur que quelque mouvement ne vienne à l'ébranler
tant qu'il sera dans un âge fragile; au lieu
que, lorsqu'il aura acquis une certaine consistance,
on coupera tous ses liens, de peur que
son adolescence ne soit gênée par la dureté
d'un noeud trop serré pour un germe aussi tendre.
Il y a des personnes qui après avoir déchaussé
un cep à un demi-pied de profondeur, et
y avoir inséré des rejetons, recouvrent ceux-ci
d'un amas de terre, afin que cette terre fournisse
de son côté des aliments aux sarments nouvellement entés sur le cep nourricier, indépendamment
de ceux qu'ils tireront de lui. D'autres assurent
qu'il est mieux de greffer un cep vers la
superficie de la terre, parce que quand les greffes
sont trop enfoncées en terre, elles prennent
difficilement. On plantera des vignes dans les
pays froids jusqu'aux ides de ce mois-ci, ou
jusqu'à l'équinoxe, soit dans un terrain façonné
au pastinum, soit dans une tranchée ou dans des
fosses, conformément à la méthode que nous
avons donnée.
II. Il faut nettoyer à présent les prés et les garder dans les pays froids. On y défrichera aussi les coteaux gras ainsi que les campagnes marécageuses, et on leur donnera le premier labour. Il faudra encore repasser les guérets qui auront été mis en état au mois de janvier.
III On sèmera le panis et le millet dans les contrées chaudes et sèches. Ces plantes demandent une terre légère et ameublie et viennent non seulement dans le sablon mais dans le sable même, pourvu que le climat soit humide et le sol arrosé elles redoutent cependant un terrain sec et argileux. On aura soin de les délivrer assidûment des mauvaises herbes cinq sextarii suffisent pour la semence d'un jugerum.
IV.Il faut semer à présent les deux espèces de pois chiches dans un terrain qui soit très gras, et sous un climat humide, après les avoir fait tremper la veille dansl'eau, afin qu'ils lèvent plus tôt. Trois rnodii sont la mesure d'un jugerum. Les Grecs disent que les pois viendront plus gros, lorsqu'on les aura arrosés d'eau chaude la veille du jour où on les sèmera. Ils ajoutent qu'ils aiment les terrains voisins de la mer, et qu'ils viennent de meilleure heure quand ils sont semés en automne.
V. On sèmera aussi le chanvre ce mois, jusqu'à l'équinoxe du printemps, de la manière que nous avons détaillée en février.
VI. On sème à présent la cicerole, qui ne diffère de la gesse que par sa couleur obscure et noire, dans un terrain gras qui aura reçu le premier ou le second labour. Un jugerum en aura assez de quatre modii; mais on peut se contenter d'y en semer trois, ou même deux.
VII. On commence à présent à écraser les mottes
de terre dans les vignobles ce qu'il faut faire
tant aux calendes de ce mois qu'à celles de
tous les autres mois qui le suivront, jusqu'à celui
d'octobre non-seulement pour extirper les mauvaises
herbes, mais encore pour empêcher que
la terre, étant trop endurcie, n'étrangle le plant
qui est encore tendre. On extirpera jusqu'aux
racines du gramen, qui causent un grand dommage
aux vignes. Il faut bêcher à présent les
vignobles dans les pays froids, et y échalasser les
ceps et les lier en observant d'employer pour
les jeunes vignes des liens qui soient flexibles, parce
que, s'ils étaient durs, ils les couperaient indubitablement,
d'autant qu'elles sont très tendres. On appuirera les grands ceps sur un pieu fort, et
les petits sur un plus mince. Ce pieu sera posé en
face de l'aquilon et du côté du ciel d'où vient
le froid, attendu l'incommodité que son ombre
occasionnerait au cep, s'il était posé autrement.
Il sera d'ailleurs éloigné du cep, à la distance de
quatre doigts ou d'un demi-pied, afin qu'on puisse
bêcher librement autour du cep. Il y a des personnes
qui tronquent à présent les vieux ceps à
une certaine élévation de terre dans la vue de
les renouveler. Mais cette méthode est vicieuse;
car il arrive presque toujours qu'une plaie de
cette nature pourrit au soleil et à la pluie, parce
qu'elle est trop considérable. C'est pourquoi il
vaudra mieux les renouveler de cette façon-ci.
On commencera par les déchausser profondément,
jusqu'à ce que leurs racines soient à découvert
ensuite on les coupera en terre au-dessus de ces
racines, afin qu'étant recouverts de terre par la
suite, ils n'aient rien à craindre du froid ni du
soleil encore n'en viendra-t-on à cette extrémité
que lorsqu'il s'agira de ceps d'une excellente
espèce, et dont les racines seront très profondes
autrement il vaudra mieux les greffer
avec des sarments d'une bonne qualité. Tout ce
que nous venons de dire doit être fait au commencement
du mois dans les pays chauds et
après les ides dans les pays froids. On bêchera
le pied des ceps qui seront malades, ou dont le
fruit séchera, et on les arrosera d'urine gardée.
On mettra aussi sous la terre qui les porte de la
cendre de sarment ou de chêne, mêlée de vinaigre;
ou bien, après les avoir coupés près de terre,
on les réchauffera avec du fumier, et on en laissera
croître les pousses qui paraîtront les plus
fortes. Lorsqu'un cep aura été blessé par la houe
ou par un instrument de fer quelconque, si la
plaie est près de terre, enduisez-la de crottin de brebis ou de chèvre, que vous y assujettirez avec
des ligatures et que vous recouvrirez de terre
prise à son pied. Si c'est la racine d'un cep qui a
été blessée ajoutez à cet euduit du fumier liquide,
lorsque vous recouvrirez la plaie.
VIII. On versera du marc d'huile sans sel autour
des racines des oliviers malades. Il n'en faudra
que six congii, suivant Columelle, pour les
plus grands arbres, quatre pour les arbres de
moyenne taille, et plus ou moins pour les autres, à
proportion de leur grandeur. D'autres jettent sur
leurs racines de la paille de feves jusqu'à la concurrence
de deux quali pour un grand arbre.
D'autres, après avoir préalablement couvert le
tronc de l'arbre, répandent dessus la quantité de
vieille urine d'homme qu'ils jugent suffisante, en
faisant en même temps à son pied une excavation
propre à la contenir, surtout dans les lieux
secs. On percera avec une tarière gauloise un
olivier stérile, après quoi on prendra du côté du
midi sur un autre arbre qui produise beaucoup,
deux branches également longues, que l'on enfoncera
dans ce trou par chacun de ses côtés, de
façon qu'elles s'y trouvent resserrées; et, après
avoir coupé les portions de ces branches qui déborderont
de l'un et de l'autre côté du trou, on
aura soin de les recouvrir avec un lut dans lequel
il entrera de la paille. Si, au contraire, les arbres
sont de belle venue, mais qu'ils ne rapportent
point de fruits, on enfoncera dans leurs racines,
soit un pieu d'olivier sauvage soit des pieux de
pin ou de chêne. C'est aussi à présent que ceux
qui sont dans l'usage de sarcler les blés doivent
le faire pour la seconde fois. On formera à
présent, dans les pays froids, les pépinières de
baies et d'autres semences dont nous avons parlé
au mois de février, et on donnera les derniers
soins aux plants de rosiers au commencement du
mois.
IX. Il est bon de commencer à présent à s'occuper de la culture des jardins. On sème l'artichaut
au mois de mars. Ce légume aime une terre
fumée et meuble, quoiqu'il lui soit plus aisé de
venir dans une terre grasse. Il sera à propos,
si on veut le mettre à l'abri des taupes, de le
semer dans une terre qui soit compacte, afin que
ces animaux pernicieux ne viennent pas aisément
à bout de la fouiller. Il faut semer les artichauts
dans le temps que la lune croît, et sur une planche
préparée d'avance à cet effet, en laissant un
demi-pied d'intervalle entre chaque graine. Il
faut prendre garde que leur graine ne soit pas en
terre dans une position renversée, parce qu'elle ne
donnerait que des artichauts qui seraient petits,
courbés et durs. Il ne faut pas non plus l'enterrer
profondément, mais ou la tiendra entre trois
de ses doigts, que l'on enfoncera dans la terre
jusqu'au niveau de la première articulation après
quoi on la recouvrira légèrement de terre, et on
ne manquera pas de la délivrer assidûment par
la suite des mauvaises herbes jusqu'à ce que
les tiges qu'elle produira soient fortifiées, et de
l'arroser s'il survient de la chaleur. Si l'on brise
la pointe de la graine, il en viendra des artichauts
sans épines; de même que si on la met
tremper pendant trois jours dans de l'huile de
laurier ou de nard, ou dans du baume blanc, ou
dans de l'eau-rose, ou dans du mastic, et qu'on
ne la mette en terre qu'après l'avoir fait sécher,
il en viendra des artichautsqui auront le goût de
celui de ces parfums dont elle aura été abreuvée.
Il faut chaque année enlever quelques branches
à la tige principale, tant pour la soulager que
pour multiplier le plant. On les arrachera néanmoins
avec une portion de leurs racines. Quant
aux artichauts que l'on réservera pour en tirer
de la graine, il faudra, après les avoir débarrassés
de tous leurs rejetons, les couvrir d'un vase de terre ou d'une écorce, parce que le soleil ou la
pluie en font communément mourir la graine. Il
est bon d'avoir souvent des chats au milieu des
plants d'artichauts pour les garantir des taupes.
Il y a des personnes qui ont à cet effet des belettes
apprivoisées. Quelques-unes remplissent les
trous de taupes de terre rouge et de jus de concombre
sauvage. D'autres pratiquent auprès plusieurs
excavations pour y faire pénétrer le jour,
ce qui met les taupes en fuite. La plupart mettent
à l'ouverture de leurs trous des piéges suspendus
avec des fils de soie. On sème aussi très bien ce
mois-ci, dans les pays froids, l'oignon de Cypre,
l'ail, la ciboule et l'origan, ainsi que l'aneth. On
peut aussi très bien semer ou transplanter à présent
la moutarde et les choux. On sème encore
la mauve et le grand raifort, et l'on transplante
l'origan on peut semer la laitue, la poirée, le
poireau et les câpres, ainsi que la fève d'Egypte,
la sarriette et le cresson aléuois. Il y a des personnes
qui sèment aussi à présent la chicorée et
les raiforts, quand elles veulent en avoir pour
l'été. Il faut semer à présent les melons. Comme
il ne faut pas qu'ils soient trop pressés, on en mettra
les graines à deux pieds de distance l'une de
l'autre dans des terrains labourés ou façonnés au
pastinum, et principalement dans du sable. On
aura soin de faire tremper auparavant ces graines
pendant trois jours dans du vin mêlé de miel et dans
du lait, pour ne les mettre en terre que lorsqu'elles
seront séchées. Cette précaution contribuera à
donner aux melons une saveur agréable. Mais
si l'on veut qu'ils aient aussi de l'odeur, on laissera
la graine, quand elle sera séchée, pendant
plusieurs jours entre des feuilles de roses. On
sème encore à présent les concombres dans des
sillons écartés les uns des autres, auxquels on donne un pied et demi de profondeur et trois
pieds de largeur. On laissera, sans le labourer,
un intervalle de huit pieds entre ces sillons,
sur lequel les concombres pourront s'étendre.
Comme l'herbe leur fait du bien, il n'est pas nécessaire
de l'arracher ni de les sarcler. Si l'on en
fait tremper la graine dans du lait de brebis et
dans de l'hydromel, ils seront doux et blancs; de
même que si l'on met il deux palmi de distance
sous eux un large vase rempli d'eau ils deviendront
tendres, et s'allongeront en cherchant à gagner
cette eau. Ils n'auront point de graine,
lorsqu'avant d'en semer la graine on l'a enduite
d'huile du pays des Sabins, ou frottée avec de
l'herbe connue sous le nom de culex, broyée. Il y
a des personnes qui mettent dans un roseau, après
en avoir percé tous les noeuds pour le creuser, une
fleur de concombre avec le bout de son tenon, de
sorte que le concombre qui vient dans ce roseau
s'étend jusqu'à une longueur immense. Ce légume
redoute si fort l'huile, que si l'on en mettait auprès
de lui, il se recourberait en forme de crochet.
Il se retourne aussi toutes les fois qu'il tonne, comme
par un effet de la peur. Si l'on renferme sa
fleur, sans la séparer de son tenon, dans un
moule de terre cuite bien attaché, le concombre
qui en naitra prendra la forme de l'homme
ou de l'animal que représentera ce moule. Tous
ces faits sont attestés par Gargilius Martialis,
Columelle prétend que si l'on a des ronces ou des
férules dans un lieu qui soit exposé au soleil et
fumé, et qu'après les avoir coupées près de terre,
passé l'équinoxe d'automme, on les creuse avec
un stylet de bois pour y enfoncer du fumier dans
la moelle, et y mettre ensuite une graine de
concombre, le légume qui en nattra pourra résister
même aux plus grands froids. On sèmera les asperges ce mois, vers les calendes d'avril, dans
un terrain gras, humide et labouré. Il faudra à
cet effet mettre, dans de petites fosses alignées
au cordeau, deux ou trois graines d'asperge, en
les espaçant d'un demi-pied; après quoi on couvrira
le sol de fumier, et on en arrachera de
temps en temps les herbes ou bien on étendra
dessus pendant l'hiver de la paille que l'on
ôtera au commencement du printemps moyennant
quoi il en viendra des asperges au bout de
trois ans. Mais il sera plus court de mettre en
terre des pattes d'asperges, qui rapporteront immédiatement.
Voici comme on se procurera ces
pattes. On creusera des fosses sur un terrain gras
et fumé, dans chacune desquelles on mettra,
après les ides de février ce qu'on pourra pincer
de graine d'asperge avec trois de ses doigts,
en la recouvrant légèrement de terre; et toutes
ces graines, venant à se réunir, formeront une
racine complexe à laquelle on donne le nom de
spongia. Cependant cette racine souffre elle-même
des retards, puisqu'il faut l'entretenir
pendant deux ans dans sa pépinière avec du
fumier, et en arracher souvent les. mauvaises
herbes; et qu'on ne la transfère qu'après l'équinoxe
d'automne, pour recueillir des asperges au
printemps. C'est pourquoi on trouvera mieux
son compte à acheter ces racines toutes venues,
qu'à les attendre longtemps en les élevant soi-même.
Au reste, de quelque façon qu'on se les soit
procurées, on les arrangera sur le milieu de l'ados des planches, si le terrain est sec, et sur
la pointe de leur élévation, s'il est humide. Il
faut que l'eau ne fasse que passer sur les pattes
d'asperges, pour les arroser sans s'y arrêter. On
n'arrachera pas les asperges que ces pattes auront
produites la première année, mais on les rompra,
de peur d'ébranler les pattes elles-mêmes qui sont
encore faibles; au lieu qu'il faudra les arracher les années suivantes, afin que les yeux qui
doivent en produire de nouvelles soient découverts.
En effet, si on continuait de les rompre,
il arriverait que des terrains ordinairement fertiles
se trouveraient frappés de stérilité, par les
racines d'asperges qu'on y aurait laissées. Au
surplus, c'est au printemps qu'on pourra les consommer, et on réservera pour l'automne celles
dont on voudra cueillir la graine. Quand cette
graine sera cueillie, on mettra le feu aux fannes;
après quoi on couvrira les pattes de fumier et
de cendre vers l'hiver. On sème ce mois-ci la rue
dans des lieux exposés au soleil. Cette plante se
contente d'avoir de la cendre répandue sur elle.
Elle demande des terrains élevés, liors desquels
l'eau puisse s'écouler aisément. Si l'on en met
les graines en terre sans les tirer de leurs capsules
il faudra les y mettre avec la main les
unes après les autres; au lieu que si elles sont dépouillées
de leurs capsules lorsqu'on les sèmera,
il faudrales jeter par-ci par-là, et les recouvrir avec
un râteau que l'on fera passer dessus. Les tiges
qui viendront de la graine qui aura été semée avec
sa capsule seront plus fortes que les autres, mais
d'un autre côté elles seront plus tardives. Les
petites tiges que l'on arrachera de cette plante au
printemps avec une partie de son écorce tiendront
lieu de plant; au lieu qu'elle périrait si on
la transférait entière, Il y a des personnes qui
insèrent ces petites tiges dans une fève percée
ou dans une bulbe quelconque, avant de les
mettre en terre, afin qu'elles s'y conservent à
l'aide de la vigueur que leur procureront ces
corps étrangers. On profère aussi des injures
contre cette plante, et on aime mieux la mettre
dans une terre de brique dissoute, ce qui lui est
effectivement avantageux. Mais elle viendra
encore mieux (suivant ce qu'on assure) quand
elle aura été volée. Elle aime à se reposer sous l'ombre du figuier. Elle ne souffre pas qu'on
déracine l'herbe auprès d'elle, mais elle veut
qu'on l'arrache. Elle craint d'être touchée par une
femme dans le temps de ses règles. On sème la
coriandre depuis ce mois-ci jusqu'à la tin d'octobre.
Cette plante se plaît dans une terre grasse,
quoiqu'elle vienne également dans un terram maigre.
On croit que plus sa graine est vieille, meilleure
elle est. Elle aime l'eau. Une fois semée, elle
vient avec toutes sortes de plantes potagères. Il
faut. semer les courges ce mois. Ces plantes aiment
un terrain gras humide, fumé et meuble. Elles
ont ceci de remarquable, que les graines que l'on
tire de leur col donnent des courges longues et
frêles; au lieu que celles que l'on tire de leur
ventre en donnent de plus grosses, comme celles
que l'on tire de lcur extrémité inférieure en
donnent de larges, pourvu qu'on les mette en
terre la cime renversée. Quand les courges ont
commencé à prendre une certaine consistance
on leur donne des appuis pour les aider à croître.
On laisse pendre à leurs tenons jusqu'en hiver
celles que l'on conserve dans la vue d'en avoir
de la graine; après quoi on les enlève, et on les
met au soleil ou à la fumée; sans quoi leur
graine se pourrirait et périrait. On sème ce mois-ci
la blette dans quelque terrain que ce puisse être,
pourvu qu'il soit cultivé. Il ne faut ni délivrer
des mauvaises herbes ni sarcler cette plante potagère.
Quand une fois elle sera venue, elle se
renouvellera d'elle-même pendant une suite de
siècles, en répandant à terre sa semence; de
façon qu'il ne sera pas facile, quand même on
le voudrait,de la détruire. On sème aussi à présent
le serpolet, tant en plant qu'en graine.
Celle-ci est toujours meilleure lorsqu'elle est
vieille. Cette plante sera plus garnie de feuilles
quand elle sera semée auprès d'une mare d'eau ou
d'unétang, ou sur le bord d'un puits. On sème
aussi très bien à présent l'anis et le cumin. Ces
deux plantes réussissent mieux dans des terrains
fertiles, quoiqu'elles viennent également dans
d'autres, pourvu qu'on les aide avec de l'eau et
du fumier.
X. On sèmera la grenade au mois de mars ou
d'avril dans les climats tempérés, et au mois de
novembre dans ceux qui seront chauds et secs.
Le grenadier aime un terrain argileux et maigre,
quoiqu'il ne réussisse pas moins dans uu terrain
gras. Les pays chauds lui sont favorables. On le
sème en boutures détachées de la racine d'un grand
arbre. Il y a plusieurs façons de le semer, mais
la meilleure consiste à coucher obliquement dans
une fosse une branche de cet arbre de la longueur
d'un cubitus et de la grosseur d'un manche
d'instrument, qui aura été amincie par les deux
bouts avec une serpette bien tranchante et que
l'on aura eu soin d'enduire auparavant de fiente
de porc, tant par en haut que par en bas. Ou peut
encore l'enfoncer profondément à l'aide d'un
maillet dans un terrain non labouré. Quand la
branche qu'on mettra en terre aura été prise sur
l'arbre dans le temps qu'il était déjà garni de
boutons, elle prendra beaucoup mieux. Si on a
soin, en la mettant dans la fosse, de charger sa
racine de trois petites pierres on pourvoira par
là à ce que son fruit ne se fende pas. Il faut
prendre garde de ne pas la mettre en terre la tète
renversée. On croit que les fruits de cet arbre deviennent
aigres quand on l'arrose trop assidûment,
d'autant que la sécheresse les rend doux
et les fait multiplier en abondance. Pour empêcher
néanmoinsqu'il n'en vienne une trop grande
quantité, il faudra opposer un peu d'eau à leur
abondance excessive. Il faut bêcher le pied de
cet arbre tant en automne qu'au printemps. S'il donne naturellement des fruits aigres, on répandra
sur sa cime un peu de laser broyé dans du
vin; ou bien l'on enfoncera un clou de bois gommeux
de pin dans ses racines, après les avoir déchaussées.
D'autres enterrent de l'algue marine
auprès de ses racines, et quelques-uns y ajoutent
de la fiente d'âne et de porc. S'il ne garde pas
bien sa fleur, on mêlera de vieille urine avec de
l'eau par parties égales pour en verser trois fois
par an sur ses racines. Il suffira d'en verser
une amphora sur chaque arbre. On pourra encore
employer du marc d'huile sans sel, ou mettre
de l'algue auprès des racines, et l'arroser deux
fois par mois; ou bien il faudra entourer d'un
petit cercle de plomb le tronc de l'arbre quand il
sera en fleur, ou l'envelopper d'une peau de
serpent. Si ses fruits se fendent, on mettra une
pierre au milieu de sa racine, ou on sèmera de la
seille dans son voisinage. Lorsque ses fruits auront
été tordus sur l'arbre même dans le temps
qu'ils y étaient attachés par la queue, ils se conserveront
toute l'année sans se gâter. S'ils sont
attaqués par les vers, on frotte les racines de
l'arbre avec du fiel de boeuf et ces vers meurent
aussitôt. Il est rare aussi qu'il en revienne quand
on les a ratissés avec un clou de cuivre. De l'urine
d'âne mêlée avec de la fiente de porc les empèche
également de s'y mettre. De la cendre répandue
fréquemment autour d'un tronc de grenadier,
avec de l'eau de lessive, rend cet arbre
beau et fertile. Martialis assure que les grains de
son fruit seront blancs, pour peu que l'on mette
sur ses racines, pendant trois ans de suite, un
mélange composé d'un quart de gypse contre
trois quarts d'argile et de craie. II dit aussi qu'il
donnera des grenades énormément grosses, si l'on
enterre, dans son voisinage, une marmite de terre
dans laquelle on aura enfermé une de ses branches avec sa fleur. En effet, lorsqu'on aura attaché
cette branche à un pieu pour l'empêcher
de se rapprocher de l'arbre et que l'on aura
couvert la marmite pour la préserver de l'eau
qui pourrait y entrer, les fruits que l'on y trouvera
en automne seront de la grandeur de la
marmite même.Il prétend encore qu'un grenadier
donnera beaucoup de fruits, lorsqu'on aura enduit
son tronc de jus de tithymale et de pourpier
mêlés ensemble par parties égales, avant
que les boutons paraissent. Il assure qu'on peut
le greffer en joignant des branches de deux arbres
voisins les unes avec les autres, de façon
que les branches tant d'un arbre que de l'autre
étant fendues, elles se réunissent du côté de la
moelle. On ne peut le greffer que sur lui-même à
la fin du mois de mars, vers les calendes d'avril.
Mais aussitôt qu'on aura coupé son tronc pour
cette opération, il faudra y insérer un rejeton
très récent, de peur que si on tardait à le faire,
le peu d'humidité que ce rejeton contiendrait
ne s'évaporât. On conserve les grenades en les
mettant par rangées suspendues par la queue
que l'on aura préalablement enduite de poix. Autre
manière Quand on les a cueillies saines, on
les plonge dans de l'eau de mer ou dans de la
saumure bouillante, afin qu'elles s'en imbibent.
Trois jours après on les fait sécher au soleil, sans
les laisser en plein air pendant la nuit, après quoi
on les suspend dans un lieu frais; et lorsqu'on
veut en faire usage par la suite, on les fait tremper
la veille dans de l'eau douce. On prétend
qu'elles ne le cèdent pas alors en bonté aux grenades fraîches.
Il en est de même lorsqu'elles ont
été ensevelies dans de la paille, séparées les unes
des autres, de façon à ne pouvoir se toucher.
On fait encore un long fossé et après avoir préparé
une écorce de la grandeur de ce fossé, ou fiche les grenades sur cette écorce par la pointe
du rejeton auquel elles sont attachées; après
quoi on renverse l'écorce sur le fossé, afin qu'elle
garantisse de l'humidité les grenades, qui se trouvent dès lors suspendues sous la terre sans la
toucher. On les conserve encore en les couvrant
d'argile, et en les suspendant dans un lieu frais
quand cette argile est séchée; ou en les enfonçant dans un petit vaisseau de terre rempli de sable jusqu'à moitié, qu'on laissera en plein air,
après avoir fiché la queue de chaque grenade
dans un roseau ou dans des baguettes de sureau,
et les avoir ainsi enfoncées dans le sable, séparées
les unes des autres de façon qu'elles soient élevées de quatre doigts au-dessus du sable. On
peut aussi mettre ce vaisseau dans une fosse de
deux pieds de profondeur faite à lamaison. Pour
les garder dans l'un et l'autre cas, il sera mieux
de les cueillir avec une longue branche. Autre
manière de les conserver On les suspend dans
un petit vaisseau de terre rempli d'eau jusqu'à
moitié, de façon qu'elles ne touchent pas l'eau
et l'on ferme ce vaisseau de peur que l'air ne s'y
introduise. On les arrange encore dans une futaille pleine d'orge, de façon qu'elles ne se touchent pas, et l'on couvre la futaille. Manière de
faire du vin de grenade on met des grains mûrs
nettoyés avec soin dans un cabas de palmier,
pour les pressurer dans un pressoir à vis; après
quoi on fait cuire à petit feu le jus qu'ils ont rendu,
jusqu'à ce qu'il soit réduit à moitié; et quand il
est refroidi on le renferme dans de petits vaisseaux enduits de poix en dedans et de gypse par
dehors. Il y a des personnes qui, au lieu de le
faire cuire, mettent une livre de miel sur un
sextarius de jus, avant de le renfermer dans les
vaisseaux que nous venons de dire, pour le garder. On sème le citronnier au mois de mars, de
quatre façons; savoir, en pepins, en branches, en boutures et en billes. Cet arbre aime à se
trouver dans une terre peu compacte, sous un
climat humide, et à ne jamais manquer d'eau. Si
on veut le semer en pepins, voici comme il faudra
s'y prendre On bêchera la terre à deux
pieds de profondeur, et après y avoir mêlé de
la cendre on formera de petites planches séparées
par des rigoles, à travers lesquelles l'eau s'écoulera
de part et d'autre. Ensuite on creusera avec
les mains sur ces planches une fosse d'un palmus,
dans laquelle on mettra trois pepins joints ensemble,
la pointe renversée puis on les recouvrira de terre,
et on les arrosera tous les jours. Ils
seront moins lents à venir si on les arrose avec
de l'eau tiède, qui leur fera beaucoup de bien.
Dès qu'ils seront une fois levés, on ne cessera
pas d'arracher l'herbe autour d'eux. On peut les
transplanter quand ils auront trois ans. Si on
veut mettre en terre une branche de citronnier,
il ne faudra pas l'y enfoncer à plus d'un pied et
demi de profondeur, de peur qu'elle n'y pourrisse.
Mais il est plus à propos d'en planter une bille
de la grosseur d'un manche d'instrument et de la
longueur d'un cubitus, que l'on amincira par les
deux bouts, et dont on ôtera les noeuds et les
piquants en laissant néanmoins sur le dos de la
bille les boutons qui promettent un germe futur.
Les personnes qui portent l'attention plus loin
enduisent de fiente de boeuf le dos de la bille
dans tout son contour, ou en couvrent les deux
bouts d'algue marine ou d'argile pétrie, avant
de la déposer daus un terrain façonné au pastinum.
La bouture peut être moins grosse et plus
courte que la bille, maison l'enterre de la même
manière avec cette différence qu'elle doit sortir
de terre à la hauteur de deux palmes, au lieu
que l'on enterre la bille entière. Il n'est pas nécessaire
de laisser de grands intervalles entre les
citronniers. Il ne faut pas les associer avec d'autres arbres. Ils se plaiseut dans les lieux chauds,
pourvu qu'ils soient arrosés, et principalement
quand ils sont voisins de la mer et que l'eau n'y
manque pas. Si l'on veut cependant forcer cet
arbre à venir dans une contrée froide il faudra
le placer dans un lieu muni de muralles ou exposé
au midi encore le couvrira-t-on pendant l'hiver
de grosse paille, de façon qu'il soit entièrement
caché; et, dès que l'été sera venu, on le découvrira
sans risque, pour le remettre à l'air. On
en plante les boutures ou les billes, dans les climats
trèschauds, en automne. J'en ai planté dans
des climats très froids aux mois de juillet et d'août;
et en les animant par des arrosements répétés
tous les jours, je suis parvenu à les voir croître
très bien, et rapporter du fruit. On croit que le citronnier
vient mieux quand on sème des courges
auprès de lui et que la cendre de leurs fannes
est bonne pour cet arbre. Il aime à être bêché
assidûment, et cette culture lui fait donner de
plus gros fruits. On ne le taille que très rarement,
et on n'en retranche alors que les branches desséchées.
On le greffe au mois d'avril dans les pays
chauds, et au mois de mai dans les pays froids.
On ne le greffe pas sous I'écorce, mais on en fend
le tronc dans le voisinage de ses racines. On le
greffe sur le poirier, suivant la pratique de quelques
personnes, et sur le mûrier; mais il ne faut
pas manquer d'en couvrir les greffes d'un panier
ou d'un petit vaisseau de terre cuite. Martialis
assure que cet arbre n'est jamais sans fruit chez
les Assyriens; et j'ai remarqué la même chose
dans des terres que je possède au territoire de
Naples et en Sardaigue, où le sol et le climat sont
chauds, et où l'eau abonde. En effet, les fruits de
cet arbre se succèdent toujours les uns aux autres
comme par degrés; de sorte que les fruits mûrs
sont remplacés par des fruits verts, et que le temps de ceux-ci étant passé, il leur en succède
d'autres qui sont en fleur, la nature ayant, pour
ainsi dire, avantagé cet arbre d'une succession
continue de fécondité. On prétend que la pulpe
de ces fruits, d'aigre qu'elle est, devient douce
lorsque l'on a fait tremper pendant trois jours
dans de l'hydromel ou encore mieux dans du
lait de brebis, les pépins que l'on devait mettre
en terre. Il y a des personnes qui percent au
mois de février le tronc de cet arbre avec une
tarière de bas en haut de façon que ce trou soit
oblique et n'ait pas d'orifice supérieur et elles
assurent qu'en laissant couler la sève par ce trou
jusqu'à ce que les fruits soient formés, et en le
bouchant ensuite avec un lut, la pulpe de ces
fruits devient douce. On peut conserver les citrons
sur l'arbre même qui les porte, presque
pendant toute l'année. Il sera cependant mieux
de les renfermer dans de petits vases quelconques.
Si on veut les cueillir pour les conserver, il faudra
le faire de nuit, et quand la lune sera cachée,
sans les séparer des petites branches d'où its pendront,
auxquelles on laissera leurs feuilles; après
quoi on les arrangera chacun à part. Les uns les
renferment chacun dans un vase particulier, ou
les couvrent de gypse, et les gardent après les
avoir arrangés ainsi dans un lieu ombragé. La
plupart les conservent eu les ensevelissant dans
de la sciure de cèdre, ou dans de la litière menue,
ou dans de la paille. Les néfliers se plaisent
particulièrement dans les pays chauds,
pourvu qu'ils soient arrosés quoiqu'ils viennent
également dans les pays froids, surtout s'ils sont
plantés dans un sable gras, dans une terre pleine
de gravier et mêlée de sable, ou dans de l'argile
mêlée de cailloux. JI faut les planter en boutures
au mois de mars ou de novembre, dans un
terrain qui soit fumé et labouré, et de façon que les deux extrémités de la bouture soient recouvertes
de fumier. Les accroissements de cet arbre
sont très tardifs. Il aime à être taillé et bêché
autour de son pied, ainsi qu'à être ranimé souvent avec un peu d'eau pendant les sécheresses.
On en sème aussi les osselets, mais alors il faut
en attendre longtemps la venue. Les vers attaquent
cet arbre il faut l'en débarrasser avec un stylet
de cuivre, et les asperger de lie d'huile, ou de
vieille urine d'homme, ou de chaux vive, mais
cependant avec ménagement, de peur de porter
préjudiceà l'arbre lui-même; ou enfin verser sur
eux de l'eau dans laquelle on aura fait bouillir
des lupins. Si l'on craint que ces remèdes n'aient
rendu l'arbre stérile, on lui rendra sa fertilité en
répandant sur ses racines du fumier et de la cendre
de vigne. Si les fourmis le molestent, on les
fera périr avec de la terre rouge, mêlée de vinaigre
et de cendre. Si ses fruits tombent, on fichera
au milieu de son tronc un morceau de sa racine;
que l'on coupera à cet effet. On le greffe au mois
de février, sur lui-même sur le poirier et sur le
pommier. Il faut cependant prendre la greffe que
l'on emprunte de cet arbre au milieu de son tronc,
parce qu'elle ne vaudrait rien si elle était prise
sur ses extrémités. Il faut le greffer en fente dans
le tronc même, parce que la maigreur de son
écorce, qui n'a aucune sève, ne pourrait pas fournir
à la nourriture de la greffe. Quand on veut
garder des nètles, on les cueille avant qu'elles
soient mûres, quoiqu'elles ne laisseront pas de
se conserver assez longtemps sur l'arbre même;
et on les renferme dans de petites cruches enduites
de poix; ou on les suspend par rangées
ou enfin on les fait confire, suivant la méthode
de quelques personnes, dans de l'oxycrat ou dans
du vin cuit, jusqu'à diminution des deux tiers.
Il faut les cueillir au milieu d'un jour serein, et
les enfouir dans de la paille, en les séparant les unes des autres, de peur qu'elles ne se gâtent en
se touchant; ou bien on les cueillera à demi mûres
avec leurs queues, et, après les avoir fait
tremper pendant cinq jours dans de l'eau salée,
on continuera de les en arroser souvent, afin qu'elles
nagent toujours dans cette eau. On les conserve
aussi dans du miel pourvu qu'on les ait
cueillies avant qu'elles fussent mûres. Le figuier
se reproduit de plant pourvu de racines qu'on
met en terre au mois de novembre, dans les pays
chauds en février, dans les pays tempérés en
mars, ou mieux encore en avril, dans les pays
froids. Si c'est une bouture ou une cime de figuier
que l'on veut mettre en terre, il faut l'y
mettre à la fin d'avril, lorsqu'elle est abreuvée
par la nouvelle sève. Lorsqu'on met du plant enraciné
dans une fosse, il faut remplir de pierres
le fond de cette fosse, et mêler du fumier avec la
terre dont on recouvrira ses racines. Si le pays est
froid, on en mettra la cime à l'abri du froid, en la
couvrant de morceaux de roseaux qui seront coupés
à cet effet entre deux noeuds. Si l'on veut
mettre en terre une cime de figuier, il faudra
couper sur le côté de l'arbre exposé au midi une
branche de deux ou trois ans, garnie de trois
cornes, et la couvrir de terre de façon que ces
cornes se trouvant partagées par la terre qui
sera entassée entre elles, elles semblent autant
de rejetons distincts. Si c'est une bouture que
l'on veut mettre en terre, on s'y prendra de la
même manière que pour les autres plantes, si
ce n'est qu'on en fendra légèrement l'extrémité
inférieure, pour y insérer une pierre. J'ai
mis en Italie dans un terrain façonné au pastinum,
à la fin du mois de février ou de mars,
des pieds de figuiers déjà forts, qui ont rapporté
du fruit dans l'année même, comme
pour payer leur bienvenue. II faut choisir du
plant de figuier qui soit chargé de beaucoup de noeuds. On regarde comme stérile celui qui est
lisse, et dont les yeux sont séparés les uns des
autres par de longs entre-noeuds. Si l'on commence
par élever le plant de figuier dans une
pépinière, et qu'on ne le transfère dans une fosse
que lorsqu'il sera avancé, il produira de meilleurs
fruits. Il y a des personnes qui assurent qu'il est
fort utile d'insérer le plant de figuier dans une
bulbe de scille coupée en deux, et de l'y garrotter
avec des ligatures. Cet arbre demande des fosses
profondes, des espacements considérables,et une
nature de terre dure, maigre et sèche, afin que
ses fruits acquièrent un bon goût.Il vient aussi
dans des terrains pierreux et raboteux, et même
il n'y a presque point d'endroits où l'on ne puisse
le planter. Comme les figues qui viennent dans
les pays montagneux et froids ont moins de lait
que d'autres, elles ne peuvent pas se conserver
longtemps sèches; aussi les consomme-t-on quand
elles sont vertes, temps où elles sont plus grosses
et d'un goût plus fin, au lieu que celles qui viennent
dans des campagnes et dans des pays chauds
sont plus grasses, et se conservent très longtemps
sèches. Si l'on voulait compter toutes les espèces
de figues, le nombre en serait immense. Il nous
suffira donc de dire que la culture est la même
pour toutes les espèces, mais que cependant
quand on veut les faire sécher, ce sont les blanches
qu'il faut choisir de préférence, parce qu'elles
se conservent mieux que les autres. Plantons
dans les pays froids des figues précoces, afin
qu'en venant de bonne heure elles puissent prévenir
la saison des pluies; plantons au contraire
dans les pays chauds et brûlants des figues tardives.
Le figuier aime à être bêché assidûment.
Il sera bon de le fumer en automne, et surtout
avec du fumier de volière.Il faut en retrancher
les branches pourries, ou celles qui seront mal venues,
et le tailler de telle façon qu'étant ravalé,
il puisse s'étendre sur les côtés. La figue a
un goût émoussé dans les terrains humides. Il
faut, pour obvier à cet inconvénient, répandre
un peu de cendre sur les racines de l'arbre, après
les avoir rognées. Il y a des personnes qui plantent
un figuier sauvage dans leurs figueries pour+
se dispenser de la nécessité d'en suspendre les
fruits à chaque figuier, par manière de préservatif.
C'est au mois de juin vers le solstice que l'on
fait la caprification, c'est-à-dire que l'on suspend
aux figuiers des figues sauvages vertes, enfilées
en forme de guirlandes. Si l'on n'a pas de
figues sauvages on y suspendra une branche
d'aurone, ou bien on enterrera autour des racines
du figuier de ces vessies qui se trouvent sur les
feuilles des ormes, ou des cornes de bélier; ou
enfin on scarifiera le tronc du figuier dans l'endroit
où il sera gonflé, afin que l'humeur puisse
s'en écouler. Pour empêcher les vers de se mettre
à un figuier, on mettra en terre, avec le plant de
cet arbre, une branche de térébinthe ou une bouture
de lenlisque, la cime renversée. On ratissera
ceux qui s'y seront établis avec des crochets de
cuivre. D'autres versent sur ses racines, après
les avoir déchaussées, du marc d'huile. D'autres
y répandent de vieille urine. D'autres enfin
enduisent les retraites de ces animaux de bitume
et d'huile, ou simplement de chaux vive. S'il est
molesté par les fourmis, il faut enduire son tronc
d'un mélange de terre rouge, de beurre et de
poix liquide. D'autres assurent que, pour le préserver
des fourmis, il faut suspendre à ses branches
un de ces poissons connus sous le nom de
coracini. Lorsqu'un figuier laisse tomber ses
fruits, comme s'il était attaqué de quelque maladie,
les uns le frottent de terre rouge ou de
marc d'huile sans sel, mêlé avec de l'eau; les auttes suspendent à ses branches, soit une écrevisse
avec une branche de rue, soit de l'algue marine,
soit une botte de lupius d'autres enfin fichent
un coin dans sa racine, après l'avoir percée avec
une tarière, ou font plusieurs incisions à son
écorce avec une hache. Si l'on veut que les figuiers
donnent du fruit en abondance, et que ce
fruit soit gras, lorsqu'ils commenceront à produire
des feuilles, on abattra, dès que les nouveaux
germes paraîtront, l'extrémité de leurs
cimes, ou simplement la cime du milieu. Si l'on
veut qu'un figuier qui n'est pas tardif le devienne,
on arrachera les figues qui y seront venues les
premières, quand elles seront de la grosseur d'une
fève. Pour faire mûrir promptement les figues,
on les frottera, dans le temps qu'elles seront vertes
et qu'elles commenceront un peu à rougir,
avec du jus d'oignon long, mêlé d'huile et de poivre.
Il faut greffer les figuiers au mois d'avril
entre leur écorce ou en fente si ce sont de jeunes
arbres, en prenant néanmoins la précaution de
couvrir sur-le-champ la greffe et de la lier, de
peur que l'air n'y pénètre. Les greffes prendront
mieux sur ces jeunes arbres, lorsque avant de les
greffer on les aura coupés près de terre. Il y a
des personnes qui les greffent aussi au mois de
juin. Il faut choisir pour l'employer en greffe un
rejeton d'un an plus ou moins vieux, il serait
regardé comme inutile. On pourra enter les figuiers
en écusson au mois d'avril dans les terrains
secs; mais il sera mieux de les enter de
cette façon au mois de juin dans les terrains humides,
et au-mois d'octobre dans les pays chauds.
On peut aussi propager le figuier avec ses branches.
Au surplus, on le greffe sur le figuier sauvage,
sur le mûrier et sur le platane, tant en
employant des yeux qu'en employant des rejetons.
On peut conserver des figues vertes, soit
en les arrangeant dans du miel de façon qu'elles ne
se touchent pas soit en les renfermant chacune
séparément dans une courge verte que l'on
aura creusée à cet effet, et que l'on refermera
ensuite avec le morceau même que l'on aura
coupé pour la creuser; après quoi on suspendra
cette courge dans un endroit où il ne pénètre ni
feu ni fumée. D'autres cueillent avec leurs queues
des figues nouvelles avant qu'elles soient mûres,
et les renferment dans un vase de terre neuf, en
les séparant les unes des autres; après quoi ils
suspendent ce vase dans une futaille pleine de
vin, et l'y laissent nager. Martialis prétend que
l'on peut faire sécher les figues de plusieurs façons,
pour les conserver mais comme une seule
suffit, on préférera celle-ci, qui est usitée par toute
la Campanie On les étendra donc sur des claies
jusqu'à midi, et, tandis qu'elles seront encore
molles on les mettra dans un panier; après quoi
lorsque le four aura le degré de chaleur qu'on
lui donne pour faire cuire le pain, on y renfermera
ce panier posé sur trois pierres, afin que
le feu n'y prenne pas, et on le fermera. Lorsque
les figues seront cuites, on les renfermera toutes
chaudes dans un vase de terre bien enduit de
poix, en les comprimant fortement, et en les entremêlant
de feuilles de figuier; puis on bouchera
exactement le vase avec un couvercle. S'il
pleut trop souvent pour que les claies soient exposées
à l'air, on les étendra à la maison en les
élevant au-dessus du sol d'un demi-pied, afin
qu'elles puissent être échauffées avec de la cendre
chaude qu'on mettra dessous, et qui fera le
même effet que le soleil. Mais on aura l'attention
de les retourner de temps en temps, pour les
mettre alternativement sur leurs deux côtés dont
la séparation est marquée par la nature, afin
que leur peau se sèche, et que, lorsqu'on aura
ensuite rapproché leur pulpe, elles puissent se
conserver dans de petites boîtes ou dans des caisses distribuées en cases. D'autres étendent sur
des claies des figues médiocrement mûres, après
les avoir partagées en deux pour les faire sécher
pendant une journée entière, en prenant le
soin de les rentrer la nuit à la maison. On met
utilement en terre dans ce temps-ci des cimes de
figuiers, lorsque ces arbres commencent à germer,
pour se procurer du plant de figuier, au cas
que l'ou en manque. Quand on veut qu'un seul
et même figuier donne des fruits de différentes
espèces, on lie ensemble en les tordant les branches
de deux figuiers, l'un rouge, l'autre blanc,
afin de contraindre leurs germes à se réunir après
quoi on les met en terre arrangées ainsi on les
fume et on leur donne de l'eau pour favoriser
leur développement; et, dès qu'elles commencent
à pousser, on colle entre eux avec quelque matière
visqueuse, les yeux qui paraissent les premiers.
Ces germes ainsi collés montrent par la
suite deux couleurs divisées dans un seul fruit, et
réunies par la séparation que la nature a marquée
sur ce fruit. On peut aussi greffer et planter à
présent les poiriers ou les pommiers, ainsi que les
cognassiers.On greffe encore le prunier. On met
aussi en terre les cormes et les mûres le neuvième
jour des calendes d'avril, et l'on greffe les pistachiers.
On sème aussi la graine de pin dans les
pays froids.
XI. Il faut se pourvoir d'attelages dans le mois où nous sommes soit que l'on tire les boeufs de ses propres troupeaux, soit qu'on les achète au dehors, ce moment est de tous le plus favorable. Les boeufs, en effet, n'ont pas encore pris l'embonpoint de la saison qui aide à déguiser leurs défauts et les fraudes du vendeur; ils ne sentent pas encore leur force, et en sont moins enclins à résister au joug. Voici cependant les qualités qu'il y aura à rechercher dans ces animaux, soit qu'on les choisisse dans ses propres troupeaux, soit qu'on les tire d'ailleurs Il faudra qu'ils soient jeunes, qu'ils aient les membres carrés et gros, le corps plein les muscles et les nerfs saillants par tout le corps, les oreilles grandes, le front large et crépu, les babines et les yeux noirs, les cornes fortes et arquées, sans cependant que la courbure en soit exagérée; les narines ouvertes et camuses, le chignon plein de muscles et épais, le fanon large et tombant jusqu'aux environs du genou, la poitrine ample, les épaules vastes, le ventre assez grand, les flancs allongés, les reins larges, le dos droit et plat les jambes solides, nerveuses et courtes, Ics ongles grands, la queue longue et bien garnie de poils, le poil dru et court par tout le corps, et dont la couleur soit surtout rousse ou brune. An reste, il vaut mieux acheter des boeufs dans son voisinage, parce qu'alors le changement de sol et de climat ne les incommodera point; et s'il ne s'en trouve pas dans le voisinage, on en fera venir de contrées dont les caractères physiques soient analogues. Il faut surtout avoir soin qu'ils soient bien appariés du côté de la force nécessaire pour tirer, de peur que la vigueur du plus fort n'entraîne la ruine du plus faible. Quant à leurs dispositions, voici ce qu'il y aura à examiner il faudra qu'ils soient fins et doux, qu'ils aient peur de la voix et de la main, et soient de bon appétit. Il n'y a point de nourriture qui leur soit meilleure que le fourrage vert, quand la nature du pays permettra de leur en donner; mais lorsqu'onen manquera, on ne leur en donnera qu'autant que l'abondance de ce genre de pâture le permettra, ou que le surcroît du travail l'exigera. On se pourvoira aussi à présent de taureaux, quand ou aura à coeur de faire multiplier les troupeaux; ou bien on laissera croître dans ses propres troupeaux, dès leur jeunesse, ceux qui seront dans les conditions suivantes, c'est-à- dire, de haute taille et fortement membrés, de moyen âge et plutôt au-dessus qu'au-dessous, l'aspect terrible, les cornes petites, le chignon vaste et plein de muscles, et le ventre serré. C'est aussi principalement à présent que l'on se pourvoira de vaches; mais on en choisira qui aient la taille très-haute, le corps allongé, le ventre d'une grande capacité, le front haut, les yeux noirs et grands, les cornes belles et particulièrement noires, l'oreille velue, le fanon très long ainsi que la queue, les ongles courts les jambes noires et petites. Leur meilleur âge sera celui de trois ans, tant parce qu'elles pourront donner de bonnes portées jusqu'à l'âge de dix ans, que parce qu'il ne faut pas les laisser couvrir avant trois ans. Mais un homme attentif ne négligera pas de se défaire de ses vieilles vaches, et d'en acheter de temps en temps de nouvelles, ainsi que de reléguer celles qui seront stériles à la charrue et au travail. Les Grecs assurent que, pour leur faire concevoir des mâles, il faut lier le testicule gauche du taureau dans l'acte du coït, et que pour leur faire concevoir des femelles il faut lui lier le testicule droit; pourvu cependant que le taureau se soit abstenu de cet acte longtemps d'avance, afin que lorsqu'il en sera temps, il s'y livre avec d'autant plus d'ardeur que sa jouissance aura été plus différée. Au reste, il faut avoir, pour ce genre de bétail des terrains voisins de la mer et exposés au soleil où on le mettra pendant l'hiver; et des terrains ombragés et frais et surtout montagneux, où on le mettra pendant l'été parce que les lieux où il trouve le mieux sa pâture sont ceux qui sont plantés en arbrisseaux, et où l'herbe croît entre ces arbrisseaux, bien qu'ils paissent aussi volontiers sur les bords riants des rivières. Plus les eaux sont chaudes, plus elles sont favorables aux vaches qui portent c'est pourquoi il est fort utile de les tenir dans des endroits où l'eau de pluie forme des mares chaudes, quoique ce genre de bétail supporte bien le froid, et qu'il puisse aisément passer l'hiver en plein air. Il est à propos de procurer aux vaches des enclos d'une grande étendue, parce qu'autrement celles qui seraient pleines courraient le risque d'être blessées. Quant à leurs étables il faudra qu'elles soient pavées en pierres ou couvertes de gravier ou de sable, et d'un plan légèrement incliné, afin que l'humidité n'y séjourne pas. On les exposera aussi au midi, afin de les garantir des vents froids, au passage desquels on opposera même quelque barrière.
XII. Il faut dompter à la fin de ce mois des
boeufs de trois ans; passé cinq ans, ils ont acquis
trop de dureté, et ne sont plus traitables. On
les domptera donc aussitôt qu'on les aura pris
pourvu qu'on ait commencé à les apprivoiser
d'avance en les maniant fréquemment dans leur
jeunesse. Il faudra que l'étable dans laquelle on
mettra les nouveaux boeufs soit bien spacieuse
et que l'emplacement qui la précédera ne soit
point resserré, afin que lorsqu'on viendra à les
en faire sortir, ils ne trouvent rien sur leur chemin
qui puisse les blesser. Cette étable sera traversée
par des soliveaux fixés aux murs à sept
pieds d'élévation de terre, auxquels on attachera
les boeufs qui ne seront pas encore domptés. On
choisira ensuite un jour où il fasse beau temps,
et qui soit libre de tout empêchement, pour conduire
à cette étable les boeufs que l'on aura pris.
S'ils sont trop méchants, on les apaisera en les
tenant attachés pendant un jour et une nuit, sans
leur donner à manger. Ensuite le bouvier s'approchant d'eux,
non pas de côté ni par derrière, mais en face, les caressera tant par la douceur
de sa voix que par l'appât de la nourriture qu'il
leur présentera, et leur maniera les narines et le
dos, en y versant de temps en temps du vin pur.
On prendra néanmoins garde qu'ils ne frappent
quelqu'un du pied ou de la corne, parce qu'ils
conserveraient cette habitude vicieuse, s'ils s'apercevaient
qu'elle leur eût réussi dans les commencements.
Lorsqu'ils seront adoucis, on leur
frottera la gueule et le palais avec du sel, puis on
leur jettera dans la gueule des morceaux de graisse
très salée du poids d'une livre et on leur versera
à la corne dans le gosier un sextarius de vin par
tête. Cette méthode, observée pendant trois jours
de suite, fera tomber toute leur fureur et leur
méchanceté. Il y a des personnes qui les attellent
ensemble, et qui leur apprennent à porter des fardeaux
légers. En effet, il est très utile, lorsqu'on
les destine au labour, de commencer à les exercer
dans un sol déjà labouré, afin que ce nouveau
genre de travail n'ébranle pas leurs cous, qui sont
encore délicats. Mais le moyen le plus facile
pour dompter ces animaux, est d'en atteler un
rebelle avec un apprivoisé et fort, qui montrera
au premier ce qu'il aura à faire, et qui viendra
à bout de le forcer à remplir sa tâche. Si, après
avoir été dompté, un boeuf vient à se coucher au
milieu d'un sillon, il ne faut point le réveiller
par le feu ou par les coups; mais il vaut mieux
lui attacher les pieds avec des liens pendant
qu'il est à terre, de façon qu'il ne puisse ni marcher,
ni se tenir sur ses jambes, ni paître. A
force de souffrir ainsi de la faim et de la soif, il se
défera de cette vicieuse habitude.
XIII. C'est dans ce mois qu'il faut faire saillir
les cavales de choix par de bons étalons bien engraissés
et bien repus, qu'on reconduira à leurs
étables lorsque les femelles seront pleines. On
ne doit pas cependant faire saillir le même nombre
de cavales à tous les étalons, mais on estimera
les forces de chacun d'eux, et on leur en
fera saillir plus ou moins à proportion, afin qu'ils
durent longtemps. Mais quelque jeune que soit un
étalon, et quelque confiance que l'on ait dans sa
vigueur et dans sa figure, on ne lui fera jamais
saillir plus de douze ou quinze cavales. Du reste,
on se règlera pour les autres suivant leurs forces.
Il y a quatre choses à examiner dans un étalon,
savoir, la forme, la couleur, les moyens, la beauté.
Les conditions en ce qui touche la forme sont celles-ci
taille élevée, membres robustes et bien proportionnés,
flancs allongés, croupe charnue et arrondie,
poitrine large et ouverte les muscles partout
en saillie, le pied sec, ferme, chaussé très haut,
et la corne concave. Les traits de beauté dans un
adhérente aux os, les oreilles courtes et pointues,
les yeux grands, les narines ouvertes, la crinière
et la queue bien fournies, le sabot rond, ferme et
bien attaché. Un cheval de moyens a l'allure
hardie, le pied léger, des membres qui tressaillent,
ce qui dénote le courage. Il faut encore
qu'il soit aussi aisé de l'exciter à la suite du plus
grand repos, que de le retenir après une course
précipitée. La vitesse se reconnaît à la forme de
ses oreilles; son courage, au tremblement de ses
membres. Voici les couleurs préférables le bai,
le doré, le gris-blanc, le couleur de feu, le couleur
de myrthe, le poil de cerf, le cendré, le
pommelé, le blanc, le moucheté, le très blanc et
le noir foncé. Viennent ensuite les poils mélangés
de couleurs agréables le mêlé de noir, de blanchâtre ou de bai, le blanc mêlé de quelque couleur que
ce soit, le couleur d'écume, le taché, le poil de
souris, le poil clair. Mais en fait d'étalons choisissons de préférence les couleurs claires et sans
aucun mélange, et rejetons toutes les autres, à
moins qu'un mérite distingué ne couvre les défauts de la couleur. L'examen que nous venonss
de prescrire tombe également sur les cavales;
mais il faut surtout qu'elles aient du corps et du
ventre. Au surplus, toutes ces prescriptions s'appliquent
seulement aux bêtes de choix. Pour les
autres, on les fera saillir indifféremment pendant
tout le courant de l'année, et au milieu même des
pâturages, par les mâles qui seront dans leur
compagnie. Il est de la nature des cavales de porter
l'espace de douze mois. On aura soin d'éloigner
les étalons à quelque distance les uns des
autres, à cause des insultes qu'ils pourraient se
faire mutuellement dans leur fureur. D'ailleurs
on choisira pour ce bétail les pâturages les plus
gras; encore faudra-t-il que ces pâturages soient
exposés au soleil pendant l'hiver, frais et ombragés
pendant l'été, et que le terrain qui les
produira ne soit pas assez mou pour que la fermeté
du sabot de ces animaux y sente rien d'inégal.
Si une cavale ne veut pas souffrir les approches
du mâle, on excitera son tempérament
en lui frottant les parties génitales avec de la scille broyée. Dès que les cavales seront pleines,
on ne les pressera point de travail, on ne les exposera
point aux risques de souffrir la faim ni le
froid, et on prendra garde de les resserrer dans
des lieux étroits, où elles pourraient avoir le ventre
comprimé. Il ne faut faire saillir que de deux
années l'une les cavales précieuses à qui on laisse
nourrir leurs poulains, afin qu'elles puissent leur
transmettre la vigueur qu'un lait pur et abon:lant doit nécessairement leur procurer pour les
autres, on les fera saillir indifféremment en tout
temps. L'âge de la monte pour un étalon commence avec
sa cinquième année. La femelle pourra
concevoir à deux ans, parce que, passé dix,
elle ne donnera plus que des produits énervés et
sans ressort. Il ne faut pas imposer les mains aux
poulains; un attouchement continu les blesse.
On les garantit du froid autant que faire se peut.
Les observations que j'ai prescrit de faire par
rapport aux pères ou aux mères seront aussi des
preuves d'un bon naturel dans les poulains, et il
faudra s'occuper d'un examen pareil par rapport
à eux, en tenant compte de leur âge. La gaieté
la vivacité et l'agilité sont encore des indices. Il
faut dompter en ce temps-ci les poulains qui auront
deux ans passés. On examinera s'ils ont le
corps grand, élancé, bien fourni de muscles et fin,
les testicules petits et bien appareillés, ainsi que
les autres qualités que nous avons exigées pour
les pères. Voici les signes auxquels on counait
leur âge à deux ans et demi, les dents supérieures
du milieu de la bouche tombent; à quatre ans,
les canines changent; avant la sixième année, les
molaires supérieures tombent; dans le cours de
la sixième année, celles qui ont changé les premières
se remplissent, et à la septième année
elles sont toutes pleines. Passé ce temps, on n'a
plus d'indices certains de leur âge, si ce n'est
que lorsqu'ils sont avancés en âge leurs tempes
commencent à se caver, leurs sourcils se blanchissent,
et leurs dents deviennent communément
saillantes. Il faudra châtrer dans ce mois tous les
quadrupèdes, et principalement les chevaux.
XIV. Si l'on tient à former une race de mulets,
on choisira une cavale qui ait le corps grand,
les os solides et la figure belle, sans s'embarrasser si elle est vite, pourvu qu'elle soit forte. C'est
précisément l'âge de quatre ans qui conviendra
à cette fonction jusqu'à dix ans. Si l'âne qu'on
approche de la cavale en parait dégoûté on
commence par lui montrer une ânesse, qu'on
lui laisse jusqu'à ce que le désir soit excité chez
lui; après quoi on la lui retire. Dans cet état, il
ne dédaignera plus la cavale et, provoqué par
les caresses que lui aura faites une bête de son
espèce, il consentira à s'accoupler avec celle d'une
espèce étrangère. S'il mord les cavales qu'on lui
présentera, on ralentira sa fureur en le faisant travailler.
Les mulets viennent d'une cavale et d'un
âne, soit commun, soit sauvage; mais les meilleurs
sont ceux qui sont produits par un âne
commun. Il viendra cependant de bons étalons
d'un âne sauvage et d'une ânesse, et l'agilité
ainsi que la force de leurs père et mère se transmettront
à leur postérité.Pour qu'un âne soit bon
étalon, il faut qu'il ait le corps ample, solide et
plein de muscles, les membres serrés et forts,
le poil noir, ou encore mieux de couleur de souris
ou de feu si néanmoins il avait des poils de
différentes couleurs aux paupières ou dans les
oreilles, il arriverait souvent que sa postérité serait
de poil mélangé. Il ne faut pas le faire saillir
avant l'âge de trois ans, ni passé celui de dix.
I! faut sevrer les mules à un an, et les mener
paître sur des montagnes rudes, afin qu'étant
endurcies à la peine des l'âge le plus tendre, elles
se montrent indifférentes par la suite aux difficultés
des routes. Pour les ânons, ils sont très nécessaires
dans les campagnes parce qu'ils supportent
très bien le travail, et qu'ils se passent
facilement de soins.
XV. Les abeilles sont communément malades ce mois plutôt qu'en tout autre parce qu'après la diète dont elles ont eu à souffrir pendant l'hiver, elles recherchent avec trop d'avidité les fleurs amères du tithymale et de l'orme, qui viennent avant lesautres; et qu'elles gagnent un flux de ventre dent elles périssent, à moins qu'on ne leur administre promptement des remèdes efficaces. On leur donnera donc des grains de grenades broyés dans du vin Aminée, ou du raisin séché au soleil avec du sumac de Syrie et du vin dur; ou bien on pulvérisera toutes ces drogues ensemble, et on les fera bouillir dans du vin dur; et quand elles seront refroidies, on les leur présentera dans des canaux de bois. On fait aussi bouillir du romarin dans de l'hydromel, et on en met le jus dans une tuile creuse lorsqu'il est refroidi. Si elles paraissent hérissées et rapetissées, et qu'elles restent comme engourdies dans un morne silence, ou qu'elles portent souvent hors de leurs ruches les cadavres de leurs compagnes qui seront mortes, il faudra verser dans des canaux de roseaux du miel cuit, avec de la poussière de noix de galle ou de rose sèche. S'il se trouve dans une ruche des portions de rayons qui soient pourries, ou des cires vides que l'essaim, réduit par quelque accident à un trop petit nombre, ne puisse pas remplir, on ne manquera pas surtout de les couper avec des instruments de fer bien tranchants, et avec beaucoup de dextérité, de peur que l'ébranlement des autres parties des rayons ne contraigne les abeilles à abandonner leur domicile. La prospérité devient souvent funeste aux abeilles. En effet, si l'année est trop abondante en fleurs, comme elles ne s'occupent alors que du soin de porter du miel à leurs ruches, elles ne pensent point à leur postérité; et, faute de travailler à la renouveler, il arrive que la peuplade s'épuise, et entraîne la perte de toute !a génération. C'est pourquoi, lorsqu'on verra une exubérance de miel occasionnée par une récolte de fleurs abondante et continuelle, on les empêchera de sortir, en bouchant l'ouverture de leurs ruches de trois jours l'un, ce qui les forcera de s'occuper de la propagation. Il faut soigner les ruches en ce temps-ci vers les calendes d'avril, en retirant toutes les immondices et les ordures qui s'y seront amassées pendant l'hiver; ainsi que les vermisseaux, les teignes et les araignées,qui corrompent les rayons, et les papillons, dont les excréments produisent des vermisseaux. On fera brûler alors de la fiente de boeuf sèche, parce que cette fumée est excellente pour procurer la santé aux abeilles et on aura soin d'y avoir fréquemment recours jusqu'en automne. En suivant toutes ces pratiques et d'autres pareilles, on aura l'attention d'être chaste et sobre, et on prendra garde de n'exhaler aucune odeur, soit de parfums à l'usage des bains, soit de nourritures âcres et d'une odeur immonde, soit de salaisons, de quelque espèce qu'elles puissent être.
XVI. Ce mois ci s'accorde avec celui d'octobre
pour l'indication des heures.
A la première et à la onzième heure, le gnomon
donne vingt-cinq pieds d'ombre.
A la seconde et à la dixième, il en donne
quinze.
A la troisième et à la neuvième, il en donne
onze.
A la quatrième et à la huitième, il en donne
huit.
A la cinquièmeet à la septième, il en donne six.
A la sixième, il en donne cinq.
AVRIL
I. Il faut semer la luzerne au mois d'avril, sur des planches qu'on aura préparées d'avance de la manière que nous avons indiquée. Cette herbe une fois semée dure dix ans, et on peut la faucher jusqu'àquatre et six fois par an. Elle fume les terres, donne de l'embonpoint aux animaux, et les guérit quand ils sont malades. Un jugerum de luzerne est plus que suffisant pour fournir à la nourriture de trois chevaux pendant toute une année. Il faut un cyathus de cette graine pour ensemencer une planche de cinq pieds de largeur sur dix de longueur. Mais dès qu'elle sera jetée sur terre, il faudra la recouvrir de terre avec des râteaux de bois, sans quoi le soleil ne tarderait pas à la brûler. Quand elle est semée, on ne peut plus en approcher le fer; mais on se sert de râteaux de bois pour la débarrasser souvent des mauvaises herbes, afin que celles-ci ne l'étouffent point dans le temps qu'elle est encore jeune. On la récolte tard la premiere fois, afin que sa graine se disperse un peu sur terre; au lieu qu'on pourra la moissonner les autres fois aussi promptement que l'on voudra, pour la donner aux bestiaux. Il faut néanmoins quand ce fourrage est dans sa nouveauté, ne leur en donner d'abord qu'avec ménagement, parce qu'il les gonfle et qu'il leur fait faire beaucoup de sang. Quand cette herbe aura été fauchée, il faudra l'arroser souvent, et arracher toutes les autres herbes quelques jours après qu'elle aura commencé à repousser. Avec de pareils soins on pourra la récolter six fois par an, et elle se conservera pendant dix années de suite.
Il. C'est à présent que l'on greffe les oliviers
dans les climats tempérés. On les greffe entre
l'écorce et le bois comme les arbres à fruit, et de
la façon que nous avons donnée ci-dessus. Mais
si l'on veut empêcher qu'il ne revienne des oliviers sauvages infructueux dans un plant d'oliviers
francs qui aura été brûlé par accident,
voici la manière dont en s'y prendra pour les
greffer. On commencera par mettre des branches
d'oliviers sauvages dans les fosses où l'on se proposera
de les greffer, et on remplira ces fosses de
terre jusqu'à moitié. Lorsque ces branches auront
pris, on les greffera au fond des fosses, à
moins qu'on ne les ait mises en terre toutes greffées,
et l'on entretiendra la greffe un peu au dessous
de la superficie du sol; après quoi on
entassera de la terre auprès d'elles à mesure qu'elles
croîtront. Moyennant cela la commissure de
la greffe se trouvant cachée au fond de la terre,
s'il arrive qu'on vienne par la suite à brûler ces
arbres ou les couper, rien ne les empêcherade se
reproduire fructueusement, parce qu'ils joindront
à l'heureuse faculté de repousser, qu'ils emprunteront
de l'olivier franc qui sera hors de terre,
la fertilité de l'olivier sauvage caché en terre,
auquel ils seront unis. Il y a des personnes qui
greffent les oliviers dans leurs racines mêmes, et
qui les déterrent ensuite, quand ils ont pris, avec
une partie de ces racines, pour les transférer
comme des pieds d'arbres. Les Grecs prescrivent
de greffer ces arbres depuis le huitième jour des
calendes d'avril jusqu'au troisième des nones de
juillet,en observant de les greffer plus tard dans
les pays froids, et plus tôt dans les pays chauds.
Il faudra achever de bêcher les vignes avant les
ides de ce mois-ci dans les pays qui seront très froids,
et terminer les opérations du mois de
mars qui auront pu demeurer imparfaites. On
greffera aussi les vignes. On délivrera des mauvaises
herbes les pépinières qui auront été formées
précédemment, et on y bêchera légèrement
le pied des arbres. On sème à présent le millet
ainsi que le panis dans les lieux médiocrement
secs. Passé les ides de ce mois-ci on donne le premier labour aux terrains plats et gras, ainsi
qu'aux terres qui retiennent longtemps l'eau,
parce qu'elles sont alors dans le cas d'avoir produit
tout ce qu'elles ont à produire d'herbes, et
que la graine de ces herbes n'est pas encore consolidée
par la maturité.
III. C'est aussi à la fin de ce mois, et presque
vers la fin du printemps, que l'on peut semer
les choux que l'on voudra laisser monter, attendu
que le temps de les faire pommer est passé. Il
est bon de semer à présent l'ache, soit dans les
pays chauds, soit dans les pays froids, et même
en telle terre que l'on voudra, pourvu qu'elle ne
manque jamais d'eau quoique cette plante ne se
refuse pas, en cas de besoin à venir même dans
un terrain sec, et qu'il n'y ait presque pas de
mois, à dater du commencement du printemps
jusqu'à la fin de l'automne, où elle ne puisse être
semée. On range dans la classe de l'ache le maceron,
qui est cependant une plante plus dure
et plus amère qu'elle, ainsi que l'ache de marais,
qui a la feuille molle et la tige tendre, et qui
vient dans les mares d'eau, et le persil, qui croit
principalement dans les lieux incultes. Les personnes
soigneuses peuvent se procurer toutes ces
espèces d'aehes. On aura de l'ache plus grande,
si l'on renferme dans un linge clair autant de
graine qu'on en pourra pincer avec trois doigts,
et qu'on l'enterre dans une petite fosse, parce
qu'alors les germes de toutes ces différentes graines
se noueront ensemble pour ne former qu'une
unique tète, qui sera très solide. On en aura
aussi de crépue, si l'on bat ces graines avant de
les semer; de même que si on roule quelque
poids sur les planches où elles seront, ou qu'on
tes foule aux pieds quand elles seront levées. La
graine d'ache vient plus tôt quand elle est vieille,
plus tard quand elle est nouvelle. Pourvu qu'on
puisse arroser l'arroche, on pourra la semer ce mois-ci ainsi qu'au mois de juillet, et dans tous
les autres mois qui le suivront jusqu'en automne.
Cette plante demande de l'eau à satiété. Il faudra
en couvrir la graine de terre aussitôt qu'elle
aura été semée, et arracher de temps en temps les
herbes qui croîtront avec elle. Il ne sera pas nécessaire
de la transplanter quand elle aura été bien
semée, quoiqu'elle croîtra beaucoup mieux lorsqu'elle
aura été semée clair, et qu'on aura eu
soin de lui donner du fumier et de l'eau pour
l'aider à venir. Il faut cependant avoir la précaution
de la couper toujours avec le fer, si l'on
veut qu'elle ne cesse pas de repousser. On sème
à présent le basilic. On dit que cette plante vient
promptement, quand elle a été arrosée avec de
l'eau chaude aussitôt après avoir été semée. Voici
un fait relatif au basilic, qui, tout surprenant
qu'il est, est attesté par Martialis c'est qu'il
donne des fleurs tantôt pourprées, tantôt blanches,
tantôt couleur de rose; et que, lorsque
la graine en a été semée plusieurs fois, elle finit
par se changer tantôt en serpolet, tantôt en sisymbrium.
On sème encore ce mois-ci les melons
et les concombres, ainsi que les poireaux: on
met encore en terre au commencement du mois
les câpriers, le serpolet et les pieds de fève d'Égypte.
On sème aussi la laitue, la poirée, la ciboule
et la coriandre, aiusi que la chicorée, que l'on
sème alors pour la seconde fois, à l'effet de la
consommer en été. Enfin on plante les courges
et la menthe, soit en racines, soit en pieds.
IV. On met en terre le jujubier au mois d'avril
dans les pays chauds, et aux mois de mai
ou de juin dans les pays froids. Cet arbre aime
les lieux chauds exposés au soleil. On peut en
semer le noyau, ou le planter en bouture ainsi
qu'en pied. Il croît très lentement. Mais, lorsqu'on
le plante en pied, il vaut mieux le faire au mois de mars dans une terre molle au lieu que,
lorsqu'on en sème le noyau, le plus sûr est d'en
mettre trois ensemble dans une fosse d'un palmus, de façon que leur cime soit renversée.
On répandra dans ce cas-là du fumier et de la
cendre, tant au fond de la fosse que sur sa superficie;
et, dès que la plante sera levée, on la
débarrassera des herbes qui croîtront avec elle, en
les arrachant à la main. Lorsqu'elle sera de la
grosseur du pouce, on la transférera dans un terrain
façonné au pastinum ou dans une fosse.
Cet arbre se plaît dans les terres qui ne sont pas
trop fertiles, et il aime celles qui sont légères et
presque maigres. On lui fera du bien si l'on entasse
des pierres pendant l'hiver auprès de son
tronc, pourvu qu'on ait soin de les retirer en été.
S'il est malade, il faudra, pour l'égayer, le ratisser
avec une étrille de fer, ou verser fréquemment,
mais néanmoins avec ménagement, de la
fiente de boeuf sur ses racines. On cueille les jujubes
lorsqu'elles sont mûres, et on les garde
dans un long vase de terre cuite que l'on bouche et que l'on met dans un lieu sec; ou bien on les
arrose de quelques gouttes de vin vieux aussitôt
qu'elles sont cueillies, et on parvient par là à
empêcher qu'elles ne deviennent difformes en
contractant des rides. On les conserve aussi avec
leurs branches, que l'on coupe sur l'arbre, ou en
les enveloppant dans leurs propres feuilles et en
les tenant suspendues.
V. On plante encore et greffe ce mois-ci dans les pays tempérés les grenadiers, de la façon que nous avons indiquée. On peut enter le pécher en écusson vers les calendes de mai, comme le figuier, et de la manière que nous avons prescrite en parlant de la greffe de ce dernier arbre. On greffe ce mois-ci le citronnier dans les pays chauds, ainsi que je l'ai expliqué ci-dessus. On formera à présent dans les pays froids des plants de figuiers, en se conformant à la méthode que nous avons donnée ci-dessus. Il faut aussi greffer à présent le figuier en fente, ou entre l'écorce et le bois, comme je l'ai prescrit précédemment, et l'enter en écusson dans les climats secs. Il faut planter à présent, dans les climats qui sont exposés au soleil et chauds, les pieds de palmiers que nous appelons cephalones. On pourra greffer le cormier ce mois-ci, tant sur lui-même que sur le cognassier et sur l'épine blanche.
VI. Mêlez ensemble autant d'unciae de violettes que de livres d'huile, et laissez ce mélange pendant quarante jours en plein air. Il faudra ensuite, sur cinq livres de violettes essuyées au point qu'il n'y reste plus d'humidité, verser dix sextarii de vin vieux, et y ajouter au bout de trente jours dix livres de miel.
VII. Les veaux naissent communément ce mois-ci. Il faudra venir à l'aide des mères en leur donnant du fourrage abondamment, afin qu'elles soient en état de fournir le tribut qu'on exige alors d'elles, tant du côté du travail que du côté de la nourriture de leurs petits. Quant aux veaux, on leur donnera, en forme de salivatum, du millet grillé, moulu avec du lait. On tondra à présent les brebis dans les pays chauds, et on marquera ce mois-ci les agneaux qui seront nés tard. C'est aussi à présent que l'on fait saillir les béliers pour la première fois. Ce premier accouplement est le meilleur, parce que les agneaux qui en résultent sont déjà fortifiés quand l'hiver arrive.
VIII. On cherchera ce mois-ci des abeilles
dans des lieux exposés au soleil. Au surplus, elles
indiquent elles-mêmes les cantons qui sont propres
au miel. En effet, comme elles trouvent
très souvent leur pâture auprès des fontaines si
l'on n'en voit qu'un petit nombre dans leur voisinage, c'est une preuve que l'endroit est peu
propre au miel; au lieu que si elles y viennent
boire en foule, voici la manière dont on pourra
parvenir à trouver l'endroitoù seront les essaims.
On commencera par s'assurer de la distance où
ils pourront être à cet effet, on portera avec soi
un petit vase rempli de terre rouge liquide, et,
après avoir observé les fontaines et les eaux voisines,
on marquera le dos des abeilles qui viendront
y boire avec une petite paille trempée dans
cette liqueur, et l'on se tiendra tranquille dans
l'endroit où l'on aura fait cette opération. Si celles
que l'on aura teintes de cette manière ne tardent
pas à revenir, on sera assuré dès lors que
leur domicile est dans le voisinage; au lieu que
si elles tardent, ce sera une preuve qu'il sera plus
éloigne, et l'on pourra juger de son éloignement
par Ic temps qu'elles auront mis à revenir. Il sera
aisé de parvenir aux domiciles des abeilles qui
se trouveront dans le voisinage; mais voici la manière
dont on s'y prendra pour arriver à ceux qui
seront plus éloignés. On coupera un morceau de
roseau garni d'un noeud à chacune de ses extrémités,
et on y pratiquera une ouverture sur le
côté, par laquelle on y introduira un peu de miel
ou du vin cuit jusqu'à diminution de moitié et
on le laissera auprès de la fontaine. Lorsque les
abeilles se seront rassemblées dans cet endroit,
et que guidées par l'odeur, elles seront entrées
dans le roseau ou en bouchera l'ouverture avec
le pouce, pour n'en laisser sortir qu'une seule
abeille à la fois, et l'on suivra la route qu'elle
prendra dans sa fuite. Cette abeille vous mettra
sur la voie du lieu où doit être son domicile. Dès
qu'on cessera de la voir, on en lâchera une autre
que l'on suivra de même, et en les lâchant ainsi
successivement on arrivera sous leur conduite
jusqu'au lieu de résidence de l'essaim. Il y a des personnes qui mettent un très petit vase de miel
aux environs de l'eau, parce que, lorsqu'une
abeille a goûté de ce miel en venant boire,et qu'elle a regagné les pâturages où sont ses compagnes
elle en amène d'autres par la suite, dont la foule,
augmente en peu de temps de sorte qu'on peut
les suivre jusqu'à l'endroit où sont les essaims, en remarquantle côté par lequel et les s'en retourneront.
Si l'essaim est caché dans un trou, on l'en
chassera par le moyen de la fumée que l'on
fera; et lorsqu'il sera sorti on l'effrayera en faisaut
retentir du cuivre, jusqu'à ce qu'il se soit
accroché à quelque arbrisseau ou à quelque branche
d'arbre, d'où on puisse le recevoir dans une
ruche qu'on en approchera à cet effet. Mais s'il
est sur la branche d'un arbre creux, on pourra,
après avoir coupé cette branche, tant par en haut
que par en bas, avec une scie très tranchante,
l'envelopper dans un morceau d'étoffe propre, et
l'emporter pour la placer au rang des ruches
que l'on aura déjà. Au surplus, c'est le matin
qu'il faut chercher des abeilles, afin d'avoir toute
la journée pour les suivre, parce qu'une fois qu'elles
ont fini leur tâche, elles ne reviennent plus
d'ordinaire à l'eau. Mais il faut avoir soin de frotter
les ruches dans lesquelles on veut les recevoir,
avec de la citronelle ou des herbes agréables, et
de les arroser d'un peu de miel. En faisant cette
opération au printemps, et en mettant des ruches
parfumées de cette manière aux environs des
fontaines et dans les endroits où il y aura beaucoup
d'abeilles, il s'en amassera une multitude
qui viendront d'elles-mêmes dans ces ruches,
pourvu néanmoins qu'on puisse les préserver des
voleurs. Il faut aussi nettoyer les ruches ce mois-ci ainsi que
le mois précédent, et tuer les papillons,
qui se multiplient principalement dans le temps
que la mauve est en fleur. Voici la manière de les prendre On pose le soir entre les ruches un vase
de cuivre semblable à un vase milliaire, c'est-à-dire
qui soit profond et étroit, et on met au fond
de ce vase une lumière; de sorte que les papillons
venant à se rassembler dans ce vase et à voltiger
autour de la lumière, le peu de largeur du vase
les met dans la nécessité de se brûler an feu, dont
ils sont trop près.
IX. Les heures de ce mois-ci sont égales à celles
du mois de septembre, suivant la proportion
de ce calcul.
A la première et à la onzième heure, le gnomon
donne vingt-quatre pieds d'ombre.
A la seconde et à la dixième, il en donne quatorze.
A la troisième et à la neuvième, il en donne
dix.
A la quatrième et à la huitième, il en donne
sept.
A la cinquième et à la septième il en donne
cinq.
A la sixième, il en donne quatre.
----Cérès par Watteau
MAI.
I. On sèmera le panis et le millet au mois de mai dans les climats froids et humides, de la façon que j'ai indiquée. Presque toutes les semences sont en fleur dans ce temps-ci, et le cultivateur ne doit point y toucher. Or voici la manière dont elles fleurissent les blés et l'orge ainsi que les semences qui ne sont point partagées en deux lobes, sont en fleur pendant huit jours, et lorsque la fleur de ces semences est passée, elles grossissent pendant quarante jours jusqu'à ce qu'elles soient parvenues à leur maturité au lieu que les semences qui sont partagées en deux lobes, telles qne les fèves, les pois et les antres légumes, sont en fleur pendant quarante jours, et mettent le même temps à grossir. On fauchera ce mois-ci les foins dans les climats secs, chauds, ou voisins de la mer, sans cependant attendre qu'ils soient desséchés. Si lorsque le foin est fauché il vient à être pénétré par la pluie, il ne faudra pas le retourner avant que la superficie en soit séchée.
II. Il faut examiner à présent les sarments qu'auront donnés les jeunes vignes, afin de n'en laisser qu'un petit nombre de ceux qui seront forts. II faut aussi soutenir ces vignes avec des appuis, jusqu'à ce que les bras qu'elles auront produits soient consolidés. Quand on aura coupé une jeune vigne, et qu'elle viendra à repousser, on ne lui laissera pas plus de deux ou trois jets, que l'on liera au corps de la vigne, pour les mettre à l'abri des accidents du vent. J'ai dit qu'il fallait y laisser trois jets, parce que, si on en laissait moins dans ces commencements, et que les vents vinssent à les briser, il n'en resterait aucun, il faudra épamprer ce mois-ci mais cette opération ne sera avantageuse qu'autant qu'elle aura été faite dans le temps où les jeunes branches se détachent sans difficulté sous le doigt qui les presse. Au reste, elle.est utile pour faire grossir les grappes, et préparer leur maturité en livrant un passage au soleil.
III. C'est aussi à présent qu'on donne le premier labour aux terrains gras et où l'herbe abonde. Mais lorsqu'on veut donner ce labour à des terres incultes,il faut examiner auparavant si elles sont sèches ou humides, couvertes de bois ou de gramen, d'arbrisseaux ou de fougère. Si elles sont humides, on les desséchera en y creusant partout des fosses. Il n'y a personne qui ne connaisse les fosses apparentes; mais voici la manière de s'y prendre pour faire des fosses cachées. On creuse à travers le champ des fossés de trois pieds de profondeur, que l'on remplit ensuite jusqu'à moitié de petites pierres ou de gravier; après quoi on les régale par-dessus avec la terre que l'on avait enlevée par la fouille. Mais l'extrémité de ces fossés doit aboutir en pente à une bosse apparente dans laquelle toute leur humidité se rendra, sans entrainer avec elle la terre du champ. Si l'on n'a point de pierres, on étendra au fond de ces fossés des sarments ou de la paille, ou des broussailles de quelque nature qu'elles soient. Si au contraire le terrain est couvert de bois, il faudra, pour le cultiver, extirperles arbrisseaux, ou n'en laisser qu'un petit nombre. S'il est pierreux, on pourra le nettoyer en faisant ramasser à la maiu les pierres dont il sera couvert, pour en construire des mnrailles qui lui servirout de défense. On parviendra à le débarrasser du jonc, du gramen et de la fougère, en multipliant les labours. On fera notamment disparaitre la fougère en peu de temps, pour peu qu'on sème souvent dans le champ qui la porte des fèves ou des lupins, ou qu'on la fauche de temps en temps à mesure qu'elle repoussera.
IV. Ce mois-ci est le temps convenable pour remblayer, c'est-à-dire, recouvrir de terre les arbres et les ceps qui auront été déchaussés. On coupera à présent le bois propre à faire des verges d'office, quand il sera garni de toutes ses feuilles. Or, voici la mesure de ce qu'un homme pourra en couper. Si c'est un excellent ouvrier, il doit expédier la valeur d'un modius de bois de haute futaie; un ouvrier médiocre en expédiera un tiers de moins. On bêche aussi assidûment les pépinières dans ce temps-ci. On taille les oliviers, et on ratisse la mousse qui s'y attache, dans les climats très froids et pluvieux. Si l'on a semé des lupins dans la vue de fumer ses terres, il faudra les reverser à présent en terre à l'aide de la charrue.
V. Il faut façonner à présent au pastinum le terrain des jardins que l'on destine à être couverts, en automne, de semences ou de pieds d'arbres. Il est bon de semer l'aehe de marais ce mois-ci, comme nous l'avons déjà dit ci-dessus. On pourra encore mettre en terre la coriandre, les melons, les courges, l'artichaut, les raiforts et la rue. On transférera aussi le poireau en pied, et on l'excitera ensuite à croître en l'arrosant.
VI. Les grenadiers commencent à fleurir à présent dans les pays chauds. Ainsi si l'on enferme, comme le dit Martialis, une branche de grenadier avec sa fleur dans un vase de terre cuite enfoncé en terre auprès de l'arbre, en attachant cette branche à un pieu, afin qu'elle ne s'élance pas hors du vase, elle donnera en automne un fruit dont la grosseur sera moulée sur la capacité de ce vase. On peut aussi enter en écusson le pêcher ce mois-ci dans les pays chauds. On greffe à présent dans les pays froids le citronnier, conformément à la méthode que nous avons donnée. On plantera à présent le jujubier dans les pays froids, et l'on y greffera le figuier. C'est aussi dans ce mois-ci que l'on plante les pieds de palmiers.
VII. Il faut châtrer à présent les veaux, ainsi
que Magon le prescrit, dans le temps qu'ils sont
jeunes, en comprimant leurs testicules avec une
férule fendue, et en les froissant peu à peu pour
les détacher. Mais il ordonne de ne faire cette
opération qu'au printemps ou en automne, et
dans le déclin de la lune. D'autres, après avoir
attaché le veau au travail saisissent avec deux
règles d'étain étroites, comme avec des tenailles, les
nerfs mêmes, et
coupent avec un instrument de fer les testicules
après les avoir tirés à eux, en laissant intacte
une portion de l'extrémité de leurs nerfs précaution
qui arrête la perte du sang et qui empêche
les jeunes boeufs d'être absolument énervés,
puisqu'ils ne perdent pas dans ce cas-là toute leur
masculinité. Il n'est pas tolérable de contraindre
les veaux à saillir après la castration, comme on
le voit pratiqué par bien des personnes; parce
qu'il est constant que, quoiqu'ils demeurent
prolifiques, l'effort leur cause un flux de sang qui
les fait périr. On frottera les plaies occasionnées
par la castration avec de la cendre de sarment
et de l'écume d'argent. On empêchera l'animal
nouvellement châtré de boire, et on ne lui permettra
la nourriture qu'en petite quantité, en
lui donnant, dans les trois jours qui suivront l'opération,
des cimes d'arbres tendres, des arbustes
mollets, et des feuilles d'herbes vertes légèrement
humectées de rosée ou d'eau de rivière. Il
faut panser ces plaies soigneusement au bout de
ces trois jours, avec de la poix liquide mêlée de
cendre et d'une petite quantité d'huile. Mais
l'expérience a fait trouver récemment une manière
de châtrer, qui est meilleure que les anciennes.
Après avoir garrotté le jeune boeuf et
l'avoir renversé par terre, on renferme ses testicules
dans la peau qui leur sert d'enveloppe, et
que l'on tend à cet effet; puis, en les comprimant
avec une règle de bois, on les coupe soit
avec des haches brûlantes, soit avec des doloires,
ou ce qui vaut encore mieux, avec un instrument
de fer fait exprès pour cette opération, et
qui a la forme d'un glaive. En effet, en suivant
cette méthode, le trancliantdu fer qui est brùlant
pénètre auprès de la règle même; de sorte que
l'opération, devenue plus rapide, en est moins douloureuse, et que la cicatrice, qui se forme
aussi promptementque la plaie, empêche l'effusion
du sang.
VIII. Il faut faire à présent la tonte des brebis dans les pays tempérés. Mais, lorsqu'elles auront été tondues, on les pansera avec l'onguent dont voici la composition Ou mèlera ensemble par portions égales de la décoction de lupins, de la lie de vin vieux et du marc d'huile, et on les frottera de cet onguent quand ces drogues seront bien amalgamées ensemble. Trois jours après, si l'on est à proximité de la mer, on les y plongera sur le bord du rivage; au lieu que si c'est dans l'intérieur des terres qu'on nourrit ces bestiaux, il faudra, dès qu'ils auront été tondus et frottés d'onguent, leur jeter sur le corps, en plein air, de l'eau de plule tant soit peu bouillie avec du sel. On prétend que le bétail qui aura été soigné de la sorte sera préservé de la gale pour toute l'année, et que sa laine acquerra de la longueur et du moelleux.
IX. On fera cailler ce mois-ci du lait pur, pour en faire du fromage, soit avec de la présure d'agneau ou de bouc, soit avec cette membrane intérieure qui est adhérente aux ventres des poulets, soit avec des fleurs de chardon sauvage, soit avec dn lait de figuier. Il faudra extraire du fromage tout le petit lait, et même le comprimer en le chargeant de poids. Quand il commencera à être ferme, on le mettra dans un lieu ombragé ou frais; et, après l'avoir comprimé en y ajoutant de temps en temps de nouveaux poids pour le raffermir de plus en plus, il faudra le saupoudrer de sel égrugé et torréfié, et le comprimer plus qu'il ne l'aura encore été, quand il sera devenu plus ferme. Quelques jours après, les pains de fromage étant bien durcis, on les arrangera sur des claies de façon qu'ils ne se touchent pas. Il faut mettre le fromage dans un lieu clos et où l'air ne pénètre pas, si l'on veut qu'il se conserve tendre et gras. Il sera défectueux toutes les fois qu'il sera sec ou spongieux ce qui arrivera lorsqu'il n'aura pas été assez comprimé, ou qu'il aura été trop salé ou brûlé par l'ardeur du soleil. Il y a des personnes qui broient sur le fromage, lorsqu'elles commencent à le faire, des pignons verts, et qui en jettent dans le lait avant de le faire prendre. D'autres y ajoutent, au moment qu'il prend, du thym broyé et tamisé à diverses reprises. On pourra même donner au fromage tel goût que l'on jugera à propos, en y ajoutant des assaisonnements tels que du poivre ou quelque autre épice que ce soit.
X. Les essaims commencent à se peupler ce mois-ci et il se forme des abeilles plus grandes que les autres dans les extrémités des rayons. Quelques personnes prennent ces abeilles pour les rois des ruches. Mais les Grecs leur donnent le nom d'oïorpou; et ils ordonnent de les tuer, parce qu'elles troublent le repos des essaims. Les papillons sont à présent très multipliés, et il faudra les tuer de la manière que j'ai prescrite.
XI. C'est vers la fin de ce mois qu'il faut établir le plancher des terrasses; constructions que la gelée et les frimas sont sujets à miner et à détruire dans les pays froids, ainsi que dans ceux où il règne des brouillards. Néanmoins si on veut en faire, on commencera par poser deux rangées de planches transversales, sur lesquelles on étendra de la paille ou de la fougère, que l'on régalera bien avec une pierre dont la grosseur puisse remplir la main. Ensuite ou couvrira ce lit de mortier à un pied d'épaisseur et l'on chargera ce mortier d'une quantité de barres de bois; après quoi, sans attendre que le mortier soit sec, on appliquera dessus des tuiles de deux pieds, creusées sur tous leurs côtés de la profondeur d'un doigt, et l'on remplira de chaux vive détrempée avec de l'huile les interstices; puis l'on couvrira tout le mortier de cet assemblage de tuiles, afin que, lorsque tout cet apprêt sera sec, il ne forme si qu'une seule masse à travers laquelle l'humidité ne pourra point pénétrer. Ensuite on étendra sur ce pavé six doigts d'épaisseur de mortier de brique, que l'on battra fréquemment avec des verges, afin qu'il ne s'y forme point de crevasses; après quoi on enfoncera dans ce mortier de larges carreaux de briques, ou des tablettes de marbre quelconques,ou enfin des pierres carrées; et l'on aura une construction que rien n'est capable d'endommager,
XII. Il faut faire ce mois-ci des briques, soit
avec de la terre blanche, soit avec de l'argile
ou de la terre rouge. En effet, celles que l'on fait
en été se sèchent à la superficie parce que cette
partie se trouve trop subitement affectée de la
chaleur, tandis que l'humidité se tient renfermée en dedans, ce qui occasionne des crevasses. Or
voici la manière de les faire On passera l'argile
avec soin, et on la purgera de tout grumeau
ensuite, après l'avoir mêlée avec de la paille, on
la laissera fermenter longtemps et on en remplira des moules de la forme d'une brique. Enfin
on la laissera sécher au soleil en la retournant
de temps en temps. Au surplus, les briques doivent
être de deux pieds de longueur sur un pied
de largeur, et d'une épaisseur de quatre unciae.
XIII. Composition du vin rosat. On jette cinq livres de roses épluchées dès la veille, dans dix sextari de vin vieux et après avoir ajouté au bout de trente jours dix livres de miel écumé sur cette composition on pourra s'en servir.
XIV. Composition de l'huile de lis. On fait infuser dix lis dans une livre d'huile, et on met le vase de verre qui renferme cette composition pendant quarante jours en plein air.
XV. Composition de l'huile de rosés. On met sur une livre d'huile une uncia de roses épluchées, et on suspend cette composition pendant sept jours, tant au soleil qu'au clair de la lune.
XVI. Composition du miel rosat. On mêle une livre de miel avec un sextarius de suc de roses, et on suspend cette composition pendant quarante jours au soleil.
XVII. On viendra à bout de conserver des roses en boutons en fendant un roseau vert sur son pied, et en les renfermant dans sa cavité, de façon que la fente puisse s'en joindre; ensuite on coupera le roseau quand on voudra avoir des roses fraîches, II y a des personnes qui les enterrent à l'air après les avoir renfermées dans un pot qui soit propre, et qui les conservent en les garantissant par là de tout accident.
XVIII. Le mois de mai répond à celui d'août, en ce qui concerne la durée des heures. A la première et à la onzième, le gnomon donne vingt-trois pieds d'ombre. A la seconde et à la dixième, il en donne treize. A la troisième et à la neuvième, il en donne neuf. A la quatrième et à la huitième, il en donne six. A la cinquième et à la septième, il en donne quatre. A la sixième, il en donne trois.
JUIN.
I. Il faut apprêter au mois de juin l'aire à battre le blé. On commenceraà cet effet par bien nettoyer un terrain, en arrachant toutes les herbes qui s'y trouveront;ensuite on le bêchera légèrement, et on l'aplanira après y avoir mêlé avec la terre de la paille et du marc d'huile sans sel, ce qui garantira les blés des rats et des fourmis. Cela fait, on comprimera le sol avec une pierre cylindrique ou un fût de colonne, qu'on roulera dessus pour le consolider; puis on le laissera sécher au soleil. Il y a des personnes qui arrosent les aires d'eau après les avoir nettoyées, et qui y mènent promener le menu bétail pendant un temps considérable, afin qu'il les foule bien aux pieds; et quand la terre en a été bien comprimée par ce moyen on attend qu'elle soit absolument sèche pour se servir de l'aire.
II. On ne commence qu'à présent la récolte de
l'orge, mais il faut l'achever avant que le grain
tombe à terre; ce à quoi il est sujet quand l'épi
est sec, parce que ce grain n'est point enfermé dans
une capsule comme celui du froment. Un habile
moissonneur peut expédier en une journée cinq modii de terrain bien rempli; un médiocre en expédiera
trois; il n'y a que le pire des ouvriers qui
en fasse moins, mais on aura soin de laisser quelque
temps sur terre le chaume de l'orge, parce
qu'on prétend que c'est le moyen de la faire renfler.
On fait aussi à présent la récolte du froment
vers la fin du mois dans les pays voisins de la mer,
chauds et secs. On connaît que cette moisson est
prête à faire, lorsque tous les épis sont uniformément
teints d'une couleur jaune qui annonce leur maturité. Les habitants des pays plats de la
Gaule ont une méthode de moissonner qui épargne
la main-d'oeuvre puisqu'elle n'exige que la
journée d'un boeuf pour expédier tout un canton.
Ils ont un chariot monté sur deux petites roues.
La surface de ce chariot, qui est carrée, est garnie
de planches renversées en dehors, de sorte que sa
partie supérieure est plus large qne l'inférieure.
Ces planches sont moins hautes sur le devant du
chariot que par derrière. Sur ces planches sont
distribuées par ordre de petites dents clairsemées,
dont le nombre est proportionné à la quantité des
épis. Ces dents sont recourbées par en haut. On
adapte au derrière de ce chariot deux brancards
très courts, semblables à ceux des litières dans lesquelles
les femmes se font porter; et l'on attelle
à ces flèches, à l'aide d'un joug et avec des courroies,
un boeuf qui a la tête tournée vers le chariot.
faut sans contredit que ce boeuf soit doux,
et qu'il n'aille pas plus vite qu'on ne le pousse. Le
boeuf promenant ce chariot à travers la moisson,
tous les épis se trouvent saisis par les petites dents
dont il est garni, et s'accumulent par conséquent
dans le chariot, en se séparant de la paille qui reste
en dehors. Le bouvier, qui suit par derrière, dirige
la marche du chariot en l'élevant ou en le baissant,
suivant l'exigence du cas; et il ne faut que
quelques heures d'allées et venues pour expédier
toute une moisson. Cette méthode est bonne pour
les pays plats et dont le terrain est égal ainsi que
pour ceux où l'on ne considère pas la paille comme
objet de nécessité.
III. On fera à présent dans les climats très froids les opérations qui auraient dû être faites au mois de mai. On donnera également les premiers labours aux terres dans les cantons pleins d'herbes et qui auront été gelés. On hersera les vignobles; on récoltera la vesce; on fauchera le fenugrec qui doit servir de fourrage. Il faut achever dans le courant de ce mois-ci la récolte des légumes dans les pays froids. Il sera bon de conserver les lentilles que l'on récoltera alors, soit en les mèlant avec de la cendre, soit en les serrant dans les vases à huile, ou dans des caques destinées aux salaisons, que l'on enduira aussitôt de gypse. On cueillera aussi les fèves au déclin de la lune, pourvu que ce soit avant le jour; et on les serrera avant que cette planète soit dans son croissant, après les avoir battues et les avoir fait rafraîchir, afin que le charançon ne les endommage point. On récolte les lupins dans ce mois, et rien n'empêche de les semer aussitôt qu'on les aura tirés de l'aire, si ou le juge convenable. Si on veut cependant les garder, il faudra les serrer dans des greniers éloignés de toute humidité. C'est le moyen de les conserver très longtemps, surtout quand la fumée donnera continuellement sur ces greniers.
IV. On sèmera les choux ce mois-ci vers le solstice, afin de pouvoir les transplanter au commencement du mois d'août, soit dans un lieu arrosé, soit dans un lieu détrempé par les pluies qui commenceront alors à tomber. On pourra semer également bien l'ache, les poirées, les raiforts, les laitues et la coriandre, pourvu qu'on ne leur épargne pas l'eau.
V. On pourra aussi, comme nous l'avons dit
ci-dessus, renfermer dans ce mois-ci une branche
de grenadier dans un petit vase de terre cuite,
afin de lui faire donner des fruits dont la grosseur
soit moulée sur la capacité de ce vase. Il
faut déchargera à présent les branches des poiriers
ou des pommiers qui seront trop chargés de fruits,
en arrachant par-ci par-là toutes les poires ou les
pommes défectueuses, afin que la séve de ces arbres, qui pourrait se consumer en vain à nourrir
ces mauvais fruits, se reporte à de meilleurs.
On pourra aussi semer ce mois-ci le jujubier dans
les pays froids. Il faudra faire à présent In caprification
des figuiers, de la manière que nous avons
exposée en donnant la méthode de culture de cet
arbre. Il y a des personnes qui les greffent aussi
ce mois-ci. On ente en boutons le pêcher dans
les pays froids. On bêche le pied des palmiers.
On ente dans ce mois-ci ou dans celui de juillet
les arbres fruitiers, suivant la méthode que l'on
appelle emplastratio. Cette méthode ne convient
qu'aux arbres dont l'écorce contient une sève
grasse :tels sont les oliviers et d'autres semblables,
comme dit Martialis; tel est aussi le pécher. Or,
voici comme se fait cette opération On choisit
sur de jeunes branches, nettes et fécondes, un
bouton qui promette de venir à bien, et on le
cerne à la distance de deux doigts en carré, de
façon qu'il se trouveau centre de quadrature; après
quoi, au moyen d'un bistouri bien tranchant, on
enlève l'écorce avec dextérité, et sans endommager
le bouton. On enlève de la même manière
un écusson garni de son bouton sur une partie
de l'arbre à greffer, qui soit nette et féconde.
Alors on attache le premier écusson sur ce dernier
arbre d'une façon convenable, en le liant
autour du bouton, pour le bien assujettir sans que
le bouton soit endommagé, et de façon que le
bouton de l'écusson substitué remplace celui
qu'on aura enlevé; après quoi on enduit le tout
par-dessus d'un lut qui doit laisser le bouton en liberté.
On coupera les branches supérieures de
l'arbre ainsi que ses souches, et, en ôtant au bout
de vingt et un jours les ligatures qui retenaient
l'écusson, on s'apercevra que le bouton d'une semence
étrangère s'est incorporé merveilleusement
dans un autre arbre.
VI. Il est encore bon de châtrer les veaux ce mois-ci, comme il a été dit ci-dessus. On a aussi raison de prendre ce temps pour la confection des fromages, et de tondre les brebis quand le pays est froid.
VII. C'est en ce mois qu'il faut châtrer les ruches. Ily a un très grand nombre de signes pour
reconnaître quand il est temps de récolter le miel.
D'abord, aussitôt que les ruches sont bien pleines,
les abeilles ne font plus entendre qu'un très léger
bourdonnement. Dans les ruches en effet, comme
dans l'intérieur d'un édifice, le vide augmente
l'intensité des sons et par conséquent si le bourdonnement
des abeilles semble rauque et considérable,
c'est une preuve que les gâteaux de cire
ne sont pas en état d'être récoltés. De même,
lorsqu'on voit les abeilles se donner beaucoup de
mouvement pour expulser les bourdons, qui sont
des mouches plus grosses qu'elles, el!es annoncent
par là qu'il est temps de récolter le miel. Au
surplus, on châtrera tes ruches dans la matinée,
temps où les abeilles sont engourdies, et où elles
ne sont pas encore irritées par la chaleur. On
fera parvenir dans les ruches de la fumée de galbanum
et de bouse de vache sèche, qu'on entretiendra
avec du charbon placé dans un fourneau
de telle forme qu'il puisse renvoyer la fumée
par une ouverture étroite, et semblable à celle
d'un entonnoir renversé, parce que cette fumée
chassera les abeilles, et que l'on pourra dès lors
couper les rayons de miel sans difficulté. Lorsqu'on
récolte les rayons dans ce temps-ci, il en
faut laisser la cinquième partie pour servir de
nourriture à l'essaim, en ayant soin d'enlever surtout ce qui
est moisi ou défectueux. On fera le miel
à présent en enveloppant plusieurs rayons dans un
linge très propre, et en les y exprimant avec soin.
Mais, avant de les exprimer, on en retranchera iles
parties gâtées ou celles qui contiendront des
petits, parce qu'elles corrompraient le miel et lui
donneraient un mauvais goût. Il faut laisser pendant
quelques jours le miel nouvellement fait
dans de petits vases ouverts, et l'écumer jusqu'à
ce que sa chaleur se calme et qu'il cesse de bouillir,
ainsi que cela se pratique pour le moût. Le
miel qui coulera comme de lui-même, avant d'avoir
été exprimé à différentes reprises, sera le
meilleur. On fera aussi la cire dans ce mois. On
commencera par l'amollir, en jetant dans un
vase de cuivre plein d'eau bouillante le reste des
rayons qu'on aura cassés en petits morceaux;
après quoi on la fera fondre dans d'autres petits
vases dans lesquels on ne mettra point d'eau, et
on lui donnera telle forme que l'on voudra. S'il
arrive que les nouveaux essaims sortent dans ce
temps-ci à la fin du mois il faudra que le gardien
y ait attentivement l'oeil parce que les jeunes
abeilles, que leur âge rend vagabondes, s'enfuiraient
si on ne les gardait pas à vue. Comme
elles restent à l'entrée de leurs ruches pendant
un ou deux jours lorsqu'elles en veulent sortir,
il faudra se hâter de les recevoir dans de nouvelles
ruches. Ainsi un gardien vigilant les observera
jusqu'à la huitième ou à la neuvième heure
du jour, parce qu'il est assez rare qu'elles s'enfuient
ou qu'elles fassent des émigrations plus
tard, quoiqu'il s'en trouve quelques-unes qui
prennent le parti de s'en aller aussitôt qu'elles
sont sorties de leur ruche. Voici à quels signes on
reconnaît que la désertion est imminente. Elles
feront entendre deux ou trois jours auparavant
un tumulte et un bourdonnement plus considérable
qu'à l'ordinaire. Ainsi, dès que l'observateur
en aura fait la remarque en approchant souvent
son oreille de la ruche, il faudra qu'il redouble
de précaution pour éviter tout accident. Ce sont également les signes précurseurs d'une
bataille. Mais on met fin à la mèlée par quelques
grains de poussière, ou quelques gouttes
d'hydromel que l'on jette sur les combattants la
douceur de cette liqueur étant très efficace pour
ramener la concorde parmi le peuple qui l'a produite.
Puis, lorsque les bataillons seront pacifiés
par ce moyen, et que les abeilles seront suspeudues
à une branche d'arbre, ou quelque part
ailleurs que ce soit, on examinera si elles forment
alors un seul groupe; auquel cas ce sera une
preuve qu'il n'y a qu'un roi parmi elles, ou qu'elles
sont réconciliées, et que la concorde règne
entre elles. Si au contraire le peuple est suspendu
sous la forme de deux ou de plusieurs mamelons,
c'est une preuve qu'elles sont divisées entre elles,
et qu'elles ont autant de rois parmi elles qu'il
y aura de ces espèces de mamelons. On cherchera
par conséquent ces rois dans les groupes
d'abeilles qui paraîtront les plus nombreux, après
avoir frotté à cet effet sa main de mélisse ou d'ache
de marais. Au reste, ces rois sont un peu plus
gros et plus longs, et ont les pattes plus droites
que les autres abeilles. Leurs ailes sont aussi plus
petitrs; leur couleur est belle et luisante, et ils
sont lisses et sans aucun poil, à l'exception d'une
espèce de gros cheveu qui leur sort du ventre, et
dont ils ne se servent néanmoins jamais pour offenser.
Il y en a d'autres qui sont noirs et hérissés.
Il faut les tuer tous, à l'exception du plus
beau d'entre eux, que l'on conservera. Et si celui-
ci vagabonde souvent avec ses essaims, on lui
arrachera les ailes, afin qu'il se fixe dans la ruche,
parce qu'alors aucune abeille ne s'écartera
de lui. Si les essains d'une ruche ne multiplient
point, on pourra y joindre les abeilles de deux ou
trois autres ruches; auquel cas il faudra avoir la
précaution de les y tenir renfermées pendant
trois jours, de les asperger de quelque liqueur douce, de leur donner du miel pour nourriture,
et de ne laisser à la ruche que de petites onvertures
pour que l'air y puisse entrer. Lorsqu'on
voudra repeupler une ruche dévastée par quelque
maladie contagieuse, en y faisant passer d'autres
abeilles, on examinera attentivement dans d'autres
ruches bien peuplées si les cires des rayons,
et surtout leurs extrémités, qui renferment les
petits, ont la marque distinctive à laquelle on reconnaît
qu'il doit en naître un roi; et lorsqu'on
y trouvera cette marque, on coupera le rayon
où elle se rencontrera avec la postérité qu'il renferme,
pour le porter dans la ruche qu'on veut
repeupler. La marque à laquelle on reconnaît qu'il
doit naître un roi d'un rayon, c'est lorsque dans
le nombre des alvéoles qui contiennent des petits,
il s'en trouve une plus grande et plus longue que
les autres, qui a la forme d'un mamelon. Au surplus,
il ne faut transporter les rayons que dans
le temps où les petits, déjà prêts à naître, s'efforcent,
après avoir rongé leurs enveloppes,
d'en dégager leurs têtes; parce que si on les
transférait avant qu'il en fùt temps, ils périraient.
S'il arrive qu'un essaim s'élève subitement
en l'air, on l'effrayera par le bruit qu'on aura
soin de faire avec du cuivre ou avec un petit
vase de terre, et il retournera aussitôt à sa ruche,
à moins qu'il ne se suspende aux feuillages
voisins; auquel cas on l'en tirera avec la main
ou avec une cuiller, pour le mettre dans une
nouvelle ruche frottée avec les herbes accoutumées
et aspergée de miel, laquelle ruche on laissera
sur place; et l'on attendra le soir pour la
ranger parmi les autres.
VIII. On fera encore en ce mois des pavés de plates-formes ainsi que de la brique, de la manière que j'ai indiquée.
IX. Les Grecs assurent que les Égyptiens font les essais suivants pour s'assurer du succès des différentes semences. Ils cultivent dans ce temps-ci un petit espace de terrain pris sur un champ labouré et humide, et y sèment des graines de toutes les espèces de blés et de légumes, sur des planches séparées les unes des autres. Ensuite ils examinent au lever de la Canicule, que les Romains placent au quatorzième jour des calendes d'août, quelles sont celles de ces semences que cette constellation brûlera, et celles auxquelles elle ne portera point de préjudice, pour se garder par la suite de semer les premières, et pour s'en tenir aux autres, parce que cette constellation brûlante pronostique, soit en consumant ces plantes, soit en les épargnant, le succès bon ou mauvais qui les attend l'année suivante.
X. On prend le coeur de la camomille dans le temps que cette herbe est en fleur, avec la précaution d'arracher les feuilles blanches qui en couronnent la fleur, pour ne conserver que la partie dorée de celle-ci; et on en fait infuser la valeur d'une uncia sur une livre d'huile, puis on laisse cette infusion exposée pendant quarante jours au soleil.
XI. Confection de fleur de lambrusque. On cueille du raisin sauvage dans le temps qu'il est en fleur, et qu'il n'y a point de rosée sur terre. On l'étend au soleil, afin que toute son humidité s'évapore, et que sa fleur, étant séchée, se détache plus aisément. Alors on la passe par un petit crible serré, afin que les grains n'en glissent pas à travers, et que la fleur tombe seule en bas. On conserve cette fleur infusée dans du miel; et lorsqu'elle y a été confite pendant trente jours, on l'assaisonne par le même procédé que le vin rosat et avec les mêmes ingrédients.
XII. Composition de Valica. On liera en bottes de l'orge à demi mûre, puis on la fera griller Dans un four, afin qu'elle puisse aisément être moulue. Ensuite on aura soin de mêler une certaine quantité de sel par modius d'orge, en la faisant moudre, et on la conservera après l'avoir préparée ainsi.
XIII. Les mois de juin et de juillet se ressemblent sous le rapport de la durée des heures. A la première et à la onzième heure le gnomon donne vingt-deux pieds d'ombre. A la seconde et à la dixième, il en donne douze. A la troisième et à la neuvième, il en donne huit. A la quatrième et à la huitième, il en donne cinq. A la cinquième et à la septième, il en donne trois. A la sixième, il en donne deux.
JUILLET
I. On bine vers les calendes de juillet les terres qui ont reçu le premier labour au mois d'avril. On achève à présent la moisson du froment dans les pays tempérés, en suivant la méthode que nous avons donnée. Il sera très bon de débarrasser les terrains incultes des arbres et des broussailles dont ils seront couverts, quand la lune sera dans son déclin, en les coupant par les racines et en les brûlant. On charge de terre ce mois-ci, après la moisson, le pied des arbres qui sont plantés au milieu des champs moissonnés, dans la vue de les garantir de la trop grande ardeur du soleil. La journée d'un homme suffit pour en charger vingt des plus grands. Il faut aussi bêcher à présent les jeunes vignes, tant le matin que le soir quand la chaleur est tombée, pulvériser la terre à leurs pieds, et en écarter le gramen. Il sera bon d'extirper la fougère et la lèche ce mois-ci ou avant les jours caniculaires.
II. On sème aussi ce mois-ei la ciboule dans les pays qui sont arrosés et froids, ainsi que le raifort et l'arroche quand on peut les arroser. On sème encore le basilic, la mauve, la poirée, la laitue et les poireaux, qu'il faudra aussi arroser. On sèmera ce mois-ci les navets et les raves dans un lieu arrosé dont la terre soit grasse et ameublie, sans être compacte. Ces sortes de racines se plaisent dans les lieux humides et en pleine campagne. Mais les navets sont meilleurs quand ils viennent dans un terrain sec presque maigre, incliné et sablonneux. La qualité du sol change l'une de ces graines en l'autre. En effet, si l'on sème des raves dans un terrain pendant deux ans, elles s'y changent en navets; comme ceux-ci se changent en raves dans un autre. Ces racines veulent que le terrain où on les sème soit labouré, fumé et remué, ce qui sera également profitable aux grains que l'on y sèmera la même année. Quatre sextarii de raves et cinq de navets suffisent pour ensemencer un jugerum. Si ces racines sont trop pressées, on en arrachera quelques-unes, afin que les autres se fortifient. Pour faire grossir les raves, on les déterrera, et, après avoir arraché toutes leurs feuilles, on en coupera la tige à l'épaisseur d'un demi-doigt; après quoi on les remettra dans des sillons bien labourés en les espaçant de huit doigts; puis on les recouvrira de terre, et on les foulera aux pieds, ce qui les fera grossir.
III. On peut aussi enter en écusson ce mois-ci
de la manière que j'ai enseignée ci-dessus. J'ai
même observé, d'après l'expérience que j'en ai faite,quedes poiriers ou des pommiers qui avaient
été entés à présent dans des pays humides avaient
très bien profité. Il faut aussi cueillir ce mois-ci
les mauvais fruits, dont la quantité excessive
charge les branches des arbres fruitiers tardifs,
comme je l'ai dit ci-dessus, afin que la sève de
ces arbres tourne à la nourriture de fruits meilleurs.
Il m'est arrivé de planter à présent dans
des pays froids et dans un terrain arrosé une
bouture de citronnier; et je me rappelle qu'après
l'avoir animée en l'arrosant tous les jours, j'ai
eu le bonheur de la voir répondre à mes voeux,
tant par sa belle venue que par son rapport. On
peut enter à présent le figuier en bouton et greffer
le citronnier dans les terrains humides. On
peut bêcher au milieu du mois les pieds de palmiers.
Les amandes sont à présent bonnes à être
cueillies dans les pays tempérés.
IV. C'est principalement à présent qu'il faut
faire couvrir les vaches par les taureaux. En effet,
comme elles portent pendant dix mois, elles
se
trouveront dès lors en état de vêler an printemps.
Et d'ailleurs il est certain qu'elles demaudent
ardemment le mâle, quand les engrais du
printemps ont excité le tempérament chez elles.
Columelle assure que quinze vaches peuvent suffire
à un taureau, et qu'il faut avoir soin qu'elles
ne soient pas, par excès d'embonpoint, hors d'état
de concevoir. Lorsque le pays où l'on élève ces
bestiaux est abondant en fourrage on peut faire
couvrir les vaches tous les ans. Mais, lorsque le
fourrage y est rare il ne faut les faire remplir
que de deux années l'une, surtout si l'on est dans
l'habitude de les employer à quelque travail. On
choisira des béliers très blancs et qui aient la laine
douce, pour les faire saillir ce mois-ci. Et la
blancheur de la robe n'est pas la seule qualité qu'il faille rechercher en eux; celle de leur langue
n'est pas moins importaute. En effet, pour
peu que cette partie de leur corps soit obscurcie
par quelques taches, le mélange de couleurs qu'on
y apercevra se transmettra à leurs produits.
Un bélier blanc donne assez souvent uu produit
d'une autre couleur; au lieu que, comme le dit
Columelle, il ne peut jamais venir un agneau
blanc d'un bélier noir. On choisira les béliers
hauts et de grande taille, avec ventre bas et
couvert de laine blanche, la queue très longue
la toison épaisse, le front large, les testicules
gros, et qui soient dans la troisième année de
leur âge; quoiqu'ils puissent saillir fructueusement
jusqu'à l'âge de huit ans. Il faut faire couvrir
les brebis à l'âge de deux ans. Elles peuvent
porter jusqu'à celui de cinq mais elles dépérissent
la septième année. On choisira des brebis
qui soient d'une grande taille, qui aient la toison
longue et très douce, et le ventre bien laineux et
d'une grande capacité. Mais il faut avoir l'attention
de ne point laisser manquer ce bétail de
fourrage, et de le mener paitre loin des buissons,
qui détruiraient sa laine et lui déchireraient la
peau. Il faut faire couvrir les brebis au mois de
juillet, afin que leurs petits soient fortifiés avant
l'hiver. Aristote assure que si on veut leur faire
concevoir une plus grande quantité de mâles que
de femelles, il faut choisir un temps sec et un
jour où le vent du septentrion souffle, pour les
faire couvrir pendant qu'elles paîtront vis-à-vis<
ce vent. Au lieu que si l'on veut avoir plus de
femelles que de mâles, il faut chercher les vents
du midi, pour les faire couvrir pendant qu'elles
paîtront du côté de ce vent. Il faut substituer de
nouveaux agneaux aux brebis mortes ou défectueuses.
On vendra en automne toutes celles qui se trouveront affaiblies, de peur que le froid de
l'hiver ne les emporte, vu leur faiblesse. Il y a
des personnes qui empêchent les béliers de saillir
pendant les deux mois qui précèdent le temps
de leur accouplement, afin que le délai du plaisir
allume de plus en plus en eux le feu de la
passion. D'autres les laissent saillir sans ménagement,
afin d'en avoir des produits pendant
tout le cours de l'année.
V. Les Grecs assurent que si l'on arrache le gramen ce mois-ci quand le soleil sera dans le signe de l'Écrevisse, et que la sixième lune sera dans celui du Capricorne, ses racines ne reprendront point, et qu'il mourra, La même chose arrivera si on l'extirpe avec des houes de cuivre préalablement chauffées au four, et refroidies non pas avec l'eau mais avec du sang de bouc dans lequel on les aura fait tremper.
VI. On fait ce mois-ci du vin de scille de la manière que voici on fait sécher loin du soleil, vers le lever des Canicules, de la scille cueillie dans des pays montagneux ou voisins de la mer. On en jette une livre dans une amphore de vin, après en avoir retranché les parties superflues, et avoir jeté de côté les feuilles dont l'extrémité de cette plante est couverte. D'autres font infuser ces feuilles mêmes dans du vin, en les y plongeant après les avoir suspendues au bout d'un fil, afin de pouvoir les en retirer quarante jours après, sans qu'elles aient trempé dans la lie. Cette espèce de vin combattra la toux, purgera le ventre, divisera la pituite, soulagera de mal la rate, rendra les yeux perçants, et aidera à la digestion.
VII. Composition de l'hydromel. On prendra au commencement des jours caniculaires de l'eau de fontaine propre. Le lendemain, on mettra dans trois sextarii de cette eau un sextarius de miel non écumé; et après avoir partagé ce mélange avec soin dans des vases propres à faire le vin cuit jusqu'à diminution d'un tiers, on le fera agiter continuellement pendant cinq heures par des enfauts impubères, qui remueront les vases à cet effet; après quoi on le laissera exposé à l'air pendant quarante jours et quarante nuits.
VIII. Composition du vinaigre de seille. Après avoir jeté de côté toutes les parties dures d'une scille blanche et crue, on en coupera en petits morceaux le plus tendre du coeur, dont on plongera la valeur d'une livre et six unciae dans douze sextarii de vinaigre très mordant. On bouchera le vase, pour le laisser exposé pendant quarante jours au soleil. Ensuite, après avoir jeté la scille, on passera soigneusement ce vinaigre, et on le survidera dans un vase bien enduit de poix. Autre vinaigre bon pour la digestion et pour la santé On met dans un petit vase huit drachmes de scille et trente sextarii de vinaigre, avec une uncia de poivre et une légère dose de menthe et de cannelle, pour s'en servir quelque temps après.
IX. On fait réduire en poudre un sextarius et demi de graine de moutarde; on mêle avec cette poudre cinq livres de miel, une d'huile d'Espagne, et un sextarius de vinaigre mordant; et quand le tout a été bien broyé, on l'emploie à son usage.
X. Les heures de juillet et de juin sont d'une égale durée. A la première et à la onzième heure, le gnomon donne vingt-deux pieds d'ombre. A la seconde et à la dixième, il en donne douze. A la troisième et à la neuvième, il en donne huit. A la quatrième et à la huitième, il en donne cinq. A la cinquième et à la septième, il en donne trois. A la sixième, il en donne deux.
AOUT.
I. On commence à la fin du mois d'août, vers les calendes de septembre, à labourer les terrains plats, humides et maigres. On presse en ce moment les préparatifs de la vendange dans les pays voisins de la mer. On herse aussi les vignes dans les pays très froids.
II. Si l'on a des terrains plantés en vignes qui soient maigres, et que la condition des ceps ne soit pas meilleure, on y sèmera dans ce mois trois ou quatre modii de lupins par jugerum après quoi on les hersera. Quand ces lupins seront venus, on en couchera la tige sur la terre; c'est un excellent engrais pour la vigne. Tout autre lui est contraire, et vicie la qualité du vin.
III. On épampre à présent dans les pays froids; au lieu qu'il vaut mieux laisser de l'ombre aux grappes dans les pays brûlants et secs afin que l'ardeur du soleil ne les dessèche point; ce qu'on ne pourra néanmoins pratiquer que lorsque le peu d'étendue des vignobles, ou la facilité de trouver des ouvriers, le permettra. On peut aussi arracher la fougère et la lèche ce mois-ci.
IV. Il faut mettre à présent le, feu aux prairies, afin que les tiges des herbes qui montent trop vite soient rapprochées de leurs racines, et que les herbes sèches étant brûlées, il leur en succède de nouvelles avec plus d'abondance.
V. Il faut encore semer à la fin de ce mois des
raves et des navets dans les pays secs, en s'y
prenant comme je l'ai indiqué plus haut. On
sème à la fin de ce mois-ci dans les pays secs les
raiforts destinés à la consommation de l'hiver.
Ces racines ainsi que les raves aiment une terre
grasse, ameublie et labourée longtemps. Elles
craignent le tuf et le gracier, et se plaisent
sous un ciel nébuleux. Il faut les semer sur de
grandes planches qui soient bêchées profondément.
Les meilleures sont celles qui viennent
dans les sables. On les sèmera peu de temps après
la pluie, à moins qu'on ne soit à portée de les
arroser. Dès qu'elles seront semées, on les recouvrira
de terre à l'aide d'un sarcloir léger. Il
en faut deux sextarii ou quatre, suivant la pratique
de quelques personnes, pour ensemencer
un jugerum. On ne leur donnera pas de fumier,
parce qu'il les rendrait spongieuses et il vaudra
mieux les couvrir de paille. Elles deviendront
plus agréables quand elles seront arrosées souvent
avec de l'eau salée. On regarde comme les
femelles celles de ces racines qui sont les moins
acres, qui ont les feuilles les plus larges et les
plus lisses, et dont la verdure est d'un aspect
plus agréable. Ce sera donc la graine de celles-ci
que l'on ramassera. On croit qu'elles grossiront
davantage, lorsqu'on aura arraché toutes
leurs feuilles, en ne leur laissant qu'une simple
tige, et qu'ou les aura souvent couvertes de terre.
Si lorsqu'elles sont trop acres on veut les rendre
plus douces, on en fera infuser la graine
pendant un jour et une nuit dans du miel, ou dans
du vin fait avec du raisin séché au soleil. Au
surplus, il est constant que le raifort est ennemi de la vigne, ainsi que le chou, puisque, dès qu'il
est semé auprès d'elle, cel!e-ci se recule par
l'effet d'une antipathie naturelle. On sèmera
aussi ce mois-ci des panais.
VI. On ente aussi à présent les arbustes en écusson. Presque tout le monde greffe à présent le poirier et le citronnier dans les terrains arrosés.
VII. Les frelons sont à charge ce mois-ci aux ruches; aussi faut-il leur faire la guerre et les détruire. On fera aussi à présenttout ce qu'on aura négligé de faire en juillet.
VIII. Si l'on manque d'eau, il faudra en chercher
à présent. Or voici par quelle méthode on
parvient à en trouver Quand on voudra chercher
de l'eau dans un endroit, on tournera la vue,
avant le lever du soleil, du côté da levant, en
se tenant couché sur le sol tout de son long, le
menton appuyé contre terre. Si l'on voit alors s'élever
une vapeur légèrement nébuleuse, et qui se
résout, on remarquera bien l'endroit où paraitra
ce phénomène, en guidant son observation à
l'aide de quelque souche ou de quelque arbre du
voisinage; car cette observation est l'indice constant
d'une source cachée. Mais on observera aussi
la nature du terrain, afin de pouvoir juger de la
quantité d'eau plus ou moins grande qui pourra
s'y trouver. La craie ne donnera que des veines
maigres, et d'une eau peu agréable. Dans le sable
on ne trouve que des filets d'une eau également
peu potable, fortement chargée, et enfoncée
sous le sol à des profondeurs considérables.
La terre noire ne donnera qu'une très petite quantité
d'eau, qui filtrera goutte à goutte, et qui ne
sera que le résultat des pluies et de l'humidité de
l'hiver; mais cette eau sera d'un goût excellent.
Le gravier donnera des veines médiocres et incertaines,
mais leurs eaux l'emporteront sur toutes les autres par leur goût agréable. Le sable ferme
ainsi que le gravier et les couches de charbon,
donneront des veines certaines et qui seront inépuisables.
Il s'en trouvera de bonnes, et qui seront
abondantes dans les roches rouges. Mais il
faut prendre garde que les eaux que l'on aura
trouvées ne s'échappent par les pores de la
terre. Les eaux sont abondantes fraîches et salubres
au pied des montagnes, ainsi que dans les
cailloutages; au lieu qu'elles sont saumâtres,
lourdes tièdes et désagréables au goût dans les
pays plats. Et quand elles s'y trouvent d'un goût
excellent, c'est une preuve qu'elles proviennent
originairement d'une montagne. Au surplus, elles
peuvent acquérir,même en pleine campagne,
la douceur des eaux qui prennent leur source dans les montagnes, pour peu qu'elles soient cachées
sous des arbrisseaux qui les couvrent de leur ombre.
Voici d'autres indications propres à guider
dans la recherche des sources cachées, auxquelles
on pourra avoir confiance toutes les fois qu'il
n'y aura point de mares d'eau dans l'endroit,
qu'il n'y aura pas d'eau stagnante ou d'écoulement
habituel c'est la présence du jonc ordinaire,
du saule des forêts, de l'aune, du poivrier
sauvage, du roseau, du lierre, et des autres plantes
qui se plaisent dans l'eau. On creusera donc
l'endroit où se trouveront les indications que
nous venons de donner, jusqu'à cinq pieds de
profondeur, sur une largeur de trois pieds; et
quand le soleil sera prêt à se coucher, on mettra
dans cette fosse un vase de cuivre ou de
plomb propre et graissé par dedans, dont l'ouverture
sera tournée vers le fond de la fosse.
Ensuite on étendra, en l'appuyant sur les bords
de la fosse, une claie tissue de baguettes et de
branchages et l'on recouvrira le tout de terre.
Si, lorsqu'on viendra à ouvrir la fosse le lendemain, on trouve que le vase sue par dedans, ou
que l'eau en dégoutte, il n'y a point de doute que
cet endroit ne renferme de l'eau. De même si l'on
met dans cette fosse un vase de terre sec et non
passé au feu, et qu'on le recouvre de la même
manière, on le trouvera le lendemain dissous
par l'humidité dont il aura été imprégné, lorsqu'il
y aura une veine d'eau dans le voisinage.
Un flocon de laine mis également dans une fosse,
et recouvert de même indique aussi la présence
de l'eau en abondance, s'il en exprime quand on
vient le presser le lendemain. Un endroit renfermera
encore de l'eau toutes les fois qu'on aura
mis dans une fosse, en la recouvrant, une lampe
allumée et pleine d'huile, et qu'on la trouvera
éteinte le lendemain, quoiqu'il y reste encore de
l'huile. De même, si l'on fait du feu quelque part,
et si, lorsque la terre sera échauffée, elle répand
une fumée humide et nébuleuse autre
preuve de l'évidence de l'eau. Une fois ces indices
reconnus, et leur certitude bien constatée, on
creusera un puits pour chercher la source de
l'eau; ou, s'il y a plusieurs sources, on les réunira
en une seule. Il faut chercher les eaux particulièrement
au pied des montagnes et du côté
du nord, parce qu'elles y sont plus abondantes et
meilleures que partout ailleurs.
IX. Mais il faut examiner s'il n'y a point de danger
pour les ouvriers qui travaillent à creuser les
puits, parce que le sol dégage souvent des miasmes
de soufre, d'alun et de bitume, dont le
mélange empeste l'air, remplit les narines des
ouvriers, qui n'échappent au danger de suffoquer
que par une prompte fuite. En conséquence,
avant d'atteindre le fond de l'excavation on y
déposera une lampe allumée. Si cette lampe ne
s'éteint pas, c'est une preuve qu'il n'y aura aucun danger à craindre. Mais si elle s'éteint, il faut s'abstenir de pousser plus loin la fouille, car
là réside un méphitisme mortel. Si néanmoins on
ne peut pas trouver d'eau ailleurs, on crensera
des puits auprès de cet endroit, tant de droite que
de gauche, jusqu'à ce qu'on soit parvenu au niveau
de l'eau; et l'on pratiquera dans l'intérieur
de ces puits des soupiraux ouverts de côté et d'autre
en forme de narines, et par lesquels l'exhalaison
funeste s'évaporera; après quoi on soutiendra
les parois des puits à l'aide d'une maçonnerie.
Au reste, il faut que la largeur d'un puits
soit de huit pieds en tout sens, sur lesquels la
maçonnerie en prendra deux. Cette maçonnerie
sera soutenue d'espace en espace avec des barres
de bois, et construite en tufou en moellon. Quand
l'eau est limoneuse, on la corrige en y jetant
du sel. Si, lorsqu'on creuse un puits, la terre, trop
meuble de sa nature, vient, à s'ébouler, ou que
l'eau vienne à la délayer, on la contiendra de
tous côtés à l'aide de planches appuyées verticalement
contre elle, et soutenues avec des barres
mises en travers, pour empêcher qu'un éboulernent
n'ensevelisse les travailleurs.
X. Voici la manière de faire l'essai d'une eau qu'on aura nouvellement trouvée On en versera dans un vase de cuivre bien poli, et, si elle n'y laisse point de tache, c'est une preuve qu'elle est bonne. Elle est également bonne, lorsque, après avoir été bouillie dans un petit vase de cuivre, elle n'y dépose ni sable ni limon, lorsque les légumes y cuisent promptement, lorsque ni mousse ni impureté d'aucune sorte n'en altère la limpidité. Au surplus, quand les puits sont creusés sur une hauteur, on pourra en faire jaillir l'eau par en bas comme celle d'une fontaine, en perçant les terres jusqu'à son lit, si la configuration du terrain inférieur n'y apporte aucun empêchement.
XI. Quand il s'agit de conduire l'eau d'un lieu à un autre, on a recours à un canal construit en
maçonnerie, ou à des tuyaux de plomb, ou à des
canaux de bois, ou enfin à des tuyaux de terre
cuite. Si on la conduit dans un canal construit
en maçonnerie, il faut que ce canal soit bien solide,
afin qu'elle ne s'échappe point à travers les
joints des pierres qui entrent dans sa construction.
La largeur de ce canal sera proportionnée
à la quantité d'eau que l'on y fera couler. Si ce
canal doit traverser dans sa route un terrain plat,
on lui donnera, en le construisant, une pente insensible
d'un pied et demi sur soixante ou cent
pieds de longueur, afin de procurer à l'eau un
écoulement suffisant. S'il doit rencontrer une
montagne sur sa route, il faudra diriger l'eau et
la détourner vers les côtés de cette montagne,
ou lui ouvrir à travers le mont un passage à son
niveau au moyen d'un aqueduc. Mais s'il se trouve
une vallée sur son chemin, on élèvera des piliers
ou des arcs jusqu'à la hauteur de la pente que
doit suivre l'eau, ou bien on la laissera tomber au
fond de la vallée en la renfermant dans des tuyaux
de plomb, pour la faire remonter ensuite quand
elle l'aura traversée. Lorsqu'on conduira l'eau
dans des tuyaux de terre cuite, méthode qui est
la plus salutaire et la plus avantageuse de toutes,
on donnera à ces tuyaux une épaisseur de deux
doigts, en les rétrécissant par un de leurs côtés,
afin qu'ils puissent s'emboîter l'un dans l'autre
de la longueur d'un palmus, et on en garnira
les joints avec de la chaux vive pétrie à l'huile.
Mais avant d'introduire dans ces tuyaux l'eau
qu'on veut y faire couler, on y fera passer de
la cendre chaude mêlée d'un peu d'eau, pour
souder les défectuosités qui peuvent se rencontrer
dans ces tuyaux. La pire de toutes les méthodes
consiste à conduire l'eau dans des tuyaux de
plomb. Elle rend en effet l'eau dangereuse à boire, parce que le plomb, à force d'être frotté,
décharge de la céruse, qni est une matière nuisible
au corps humain. C'est à l'art à construire les
réservoirs de façon à ce que le plus petit filet
d'eau procure une abondante réserve.
XII. Voici la quantité de plomb qui doit entrer dans la fabrication des tuyaux. Il en faut douze cents livres pour une feuille de cent doigts de largeur sur une longueur de dix pieds; neuf cent soixante pour une feuille de quatre-vingts doigts six cents pour une feuille de cinquante doigts quatre cent quatre-vingts pour une feuille de quarante doigts; trois cent soixante pour une feuille de trente doigts deux cent quarante pour une feuille de vingt doigts, et quatre-vingt-seize pour une feuille de huit doigts.
XIII. Manière de confire le verjus dans du miel. Versez deux sextarii de miel bien broyé sur six de jus de raisin à demi vert, et laissez ce mélange se cuire au soleil pendant quarante jours.
XIV. Il n'y a point de différences, quant à la marche du soleil, entre le mois d'août et celui de mai. A la première et à la onzième heure, le gnomon donne vingt-trois pieds d'ombre. A la seconde et la dixième, il eu donne treize. A la troisième et à la neuvième, il en donne neuf. A ia quatrième et à la huitième, il en donne six. A la cinquième et à la septième, il en donne quatre. A la sixième, il en donne trois
SEPTEMBRE.
I. On labourera pour la troisième fois au mois de septembre les terrains gras, ainsi qne ceux qui sont dans l'habitude de conserver longtemps l'humidité et l'on s'y prendra même plus tôt quand l'année aura été humide. On bine et l'on ensemence à présent les terrains humides, plats et maigres, auxquels nous avons dit qu'il fallait donner le premier labour au mois d'août. Il faut labourer à présent pour la première fois les coteaux maigres, et les ensemencer aussitôt après, vers l'équinoxe. On fumera à présent les terres, mais on aura soin de resserrer les tas de fumier les uns auprès des autres sur les collines; au lieu qu'on les espacera davantage dans les plaines. Si l'on fait cette opération au déclin de la lune, ce sera le moyen d'empêcher les herbes d'y croître. Columelle assure que vingt-quatre carpenta de fumier suffisent pour fumer un jugerum de terre, et qu'il n'en faut que dix-huit en terrain plat. Au surplus, il faudra avoir soin de n'éparpiller en un jour que la quantité de fumier qu'on pourra recouvrir de terre le même jour par le labour, de peur que ce fumier, venant à se dessécher, ne perde sa vertu. On peut encore fumer en quelque temps de l'hiver que ce soit mais lorsque quelque raison aura empêché de le faire dans un temps convenable, on y remédiera soit en répandant sur les terres, avant de les ensemencer, du fumier pulvérisé de la manière dont on y répand la graine, soit en y jetant à la main du crottin de chèvres, qu'on incorporera ensuite avec la terre à l'aide des sarcloirs. Il n'est pas à propos de fumer beaucoup à la fois, et il vaut mieux le faire modérément et plus souvent. Une terre aqueuse demande plus de fumier qu'une terre sèche. Si cependant l'on n'est pas riche en grais, ce sera une excellente méthode de répandre, en guise de fumier, sur les terres sablonneuses, de la craie ou de l'argile, comme de semer du sable sur les terres argileuses ou trop compactes. Outre que cette méthode est favorable aux moissons, elle rend encore les vignes très belles, d'autant qu'en donnant du fumier à celles-ci, on altère souvent la qualité du vin.
II. On sèmera ce mois-ci vers l'équinoxe, quand le temps sera au beau fixe, le froment ainsi que le blé adoreum dans les terrains marécageux, ou maigres, ou froids, ou ombragés, afin que les racines de ces blés puissent prendre quelque consistance avant l'hiver.
III. La terre rend souvent une humidité amère qui fait périr les blés. Il faut répandre sur les endroits où cela arrivera de la fiente de pigeon ou des feuilles de cyprès, et les labourer en même temps, afin que ce genre de fumier s'amalgame avec la terre. Mais le meilleur remède est de détourner cette humidité pernicieuse au moyen d'une saignée qui la portera ailleurs. On ensemencera un jugerum d'une terre médiocre avec cinq modii de froment, et la même quantité de blé adoreum. Il n'en faut que quatre pour une terre grasse. On assure que ces semences viendront à bien, lorsqu'on aura recouvert d'une peau d'hyène le modius dont se servent les semeurs, et qu'on aura laissé le grain pendant quelque temps dans ce semoir. Comme il arrive assez souvent que certains animaux qui vivent sous terre font périr les blés en les coupant par la racine, il sera également bon, pour prévenir cet accident, de faire tremper les grains une nuit, avant de les semer dans du jus de l'herbe appelée sedum (joubarbe), mêlé avec de l'eau, comme d'exprimer du jus de concombre sauvage, ou de faire infuser dans de l'eau la racine broyée de cette plante, pour y tremper ensuite les grains que l'on aura à semer. Il ya des personnes qui, dès qu'elles voient leurs moissons attaquées de cet accident, versent sur les sillons et sur les charrues, sans attendre que le mal ait fait de plus grands progrès, du marc d'huile sans sel, ou de l'eau dont nous venons de faire mention.
IV. On sème à présent dans les terrains maigres l'orge cantherinum. Il en faut cinq modii par jugerum. On laissera reposer les terres qui auront porté cette espèce de grain, à moins qu'on n'aime mieux les fumer.
V. On sème à présentou un peu plustôt les lupins en quelque terre que ce soit, ne fût-elle pas même labourée. Il sera à propos qu'ils soient semés avant que les froids commencent. Ils ne réussissent point dans les terres limoneuses, et craignent l'argile; ils se plaisent au contraire dans les terres maigres, ainsi que dans les terres rouges. Il en faut dix modii pour ensemencer un jugerum
VI. On sèmera les pois à la fin de ce mois. Ils aiment une terre légère et qui ne soit point compacte, un pays chaud et humide. Il suffira d'en semer trois ou quatre modii par jugerum.
VII. On sème à présent le sésame dans un terrain friable, ou dans des sables gras, ou dans des terres rapportées. Il en faudra semer quatre sextarii ou six par jugerum. On labourera pour la première fois à la fin de ce mois les terres où l'on voudra semer de la luzerne.
VlIl. C'est à présent que l'on fait le premier ensemencement de la vesce et du fenugrec, quand on les destine à servir de fourrage. Sept modii de graine tant de vesce que de fenugrec seront suffisants pour un jugerum. On sème aussi les herbages que l'on doit couper avant leur maturité, dans un terrain auquel on aura fait produire toutes les années sans se reposer, et que l'ou aura fumé; auquel cas il faudra y semer dix modii d'orge cantherinum, par jugerum, et le faire vers l'équinoxe, afin que ce grain se trouve fortifié avant l'hiver. Si on veut le faire paître souvent par les bestiaux, il pourra suffire à leur pâture jusqu'au mois de mai; au lieu que si l'on veut en retirer du grain il ne faudra le leur laisser paître que jusqu'aux calendes de mars, et, passé ce temps, leur en interdire la pâture.
IX. On sème vers les ides de ce mois ci des lupins, pour fertiliser les terres maigres et, dès qu'ils sont venus, on les verse en terre afin qu'ils y soient coupés par le soc de la charrue, et qu'ils y pourrissent.
X. On peut faire à présent de nouvelles prairies,
si on le juge à propos. Lorsqu'on aura le
choix du terrain, on préférera pour cette destination,
soit un terrain gras où la rosée séjourne,
uni ou légèrement incliné, soit une vallée dont
la position soit telle, que l'eau ne soit pas dans
le cas d'y tomber par une chute précipitée ni d'y
rester stagnante. On peut encore mettre en prairies
un terrain meuble et maigre, pourvu qu'on
ait soin de l'arroser. On arrachera donc, pour
dégager ce terrain, tout ce qui pourra l'embarrasser,
tant les herbes hautes et dures que les arbrisseaux
dont il sera couvert. Ensuite, lorsqu'il
aura été souvent remué et ameubli par des labours
multipliés, on en ramassera, les pierres, et on en
pulvérisera toutes les mottes; après quoi on le
fumera avec du fumier récent, dans le temps que
la lune croîtra. On aura le plus grand soin d'en
écarter les bêtes de somme, surtout quand il fera
humide, de peur qu'en imprimant leurs pas sur
le sol, elles ne le rendent inégal en différents endroits.
Mais lorsque de vieux prés seront couverts
de mousse, il faudra les gratter, et répandre de la graine de foin dans les parties qui en
auront été grattées. On y répandra encore souvent
de la cendre, qui est un excellent préservatif
de la mousse. Si une portion de prairies est
devenue stérile par moisissure, négligence ou vétusté,
on la labourera et on l'aplanira de nouveau.
En général, il faudra labourer souvent les
prés stériles. On pourra aussi semer des raves
dans les prairies nouvelles et quand on les aura
recueillies, on achèvera les opérations que nous
venons de détailler, pour y semer ensuite de la
graine de foin en la mêlant toutefois avec de la
vesce. Il ne faudra point arroser ces semences
avant qu'elles aient consolidé le sol en croissant,
de peur que l'eau venant à couler sur une terre
peu solide, n'en enlève la superficie.
XI. Il faut faire la vendange ce mois-ci dans les pays chauds et voisins de la mer, et se préparer à la faire dans les pays froids. On reconnaît que le temps est venu de faire la vendange, lorsqu'en exprimant les pepins renfermés dans les grains de raisin, il s'en trouve de gris ou tout à fait noirs, ce qui est le signe de la maturité du fruit. Voici la quantité de poix qu'on emploiera pour l'apprêt des futailles il en faudra douze livres pour enduire les futailles de deux cents congii de contenance, et moins à proportion pour celles d'une plus petite contenance.Ceux qui veulent raftiner mêlent une livre d'excellente cire sur dix livres de poix ce mélange est bon pour procurer de l'odeur et de la saveur au vin, parce que la douceur de la cire tempère la poix, et l'empêche de s'écailler pendant les froids. Il faut cependant goûter la poix pour s'assurer de sa douceur, parce qu'il arrive souvent que son amertume gâte le vin.
XII. On récolte à présent dans quelques cantons le panis et le millet. On sèmera dans ce temps-ci les haricots que l'on destine pour la table. On apprête à présent les perches nécessaires pour la chasse aux hibous, ainsi que les autres parties de l'appareil. Le temps de cette chasse est vers les calendes d'octobre.
XIII. On sème à présent le pavot dans les pays secs et chauds. On peut aussi le semer avec d'autres herbes potagères. On prétend qu'il vient mieux dans les terrains sur lesquels on a brûlé des baguettes et des sarments. C'est dans ce temps qu'il y a le plus d'avantage à semer les choux, afin de les transférer en pieds au commencement de novembre, et de pouvoir les récolter en feuilles pendant l'hiver, et en cimes au printemps. II faudra labourer au pastinum ce mois-ci à trois pieds de profondeur, les planches des jardins, que l'on doit ensemencer pendant le printemps, et les fumer au déclin de la lune. On sèmera le thym à la fin de ce mois. Il viendra mieux quand il sera planté en pied que lorsqu'il aura été semé en graine, quoiqu'il puisse aussi venir de cette dernière façon. Il aime les terrains exposés au soleil, maigres et voisins de la mer. On sèmera l'origan dans ce temps, vers l'équinoxe. Il demande à être fumé et arrosé jusqu'à ce qu'il ait pris une certaine consistance. Il se plaît dans les lieux sauvages et au milieu des rochers. On sème à la même époque le câprier. Cette plante serpente au loin et son suc nuit aux terres. C'est pourquoi, pour l'empêcher de s'étendre trop, on la sèmera dans un terrain sec et maigre, que l'on environnera d'un fossé, ou d'une muraille construite avec de la boue. Le câprier fait de lui-même la guerre aux herbes. II fleurit en été, et se dessèche vers le coucher des Pléiades. Il est à propos de semer la nielle à la fin de ce mois ci. On sèmera ce mois-ci le cresson alenois et l'aneth dans les pays tempérés ainsi que les pays chauds; les raiforts, dans les pays secs; les panais et le cerfeuil, vers les calendes d'octobre; les laitues, la poirée, la coriandre, les raves et les navets, dans les premiers jours du mois.
XIV. On sèmera au mois de septembre vers les calendes d'octobre ou au mois de février, les pêches-noix, soit en rejetons, soit en noyaux. L'enfance de cet arbre exige des soins minutieux. On arrachera un rejeton de l'arbre avec ses racines, et on l'enduira de fiente de boue; puis on l'enterrera en grande partie dans un sol gras et labouré, en le posant sur des coquilles et de l'algue marine. D'autres mettent en automne, dans une terre grasse et soigneusement passée au crible, les noyaux de ce fruit séchés au soleil, en les joignant trois par trois et l'on prétend que les germes de ces noyaux se réunissent entre eux pour na former qu'un seul arbuste, dont il faut aider la croissance en l'arrosant souvent, et en grattant légèrement avec la bêche le sol qui le porte, pour lui donner de la vigueur dans le temps de sa jeunesse. On transfère ensuite au bout d'un an, ou un peu plus tard, la plante qui est résultée de ces semences moyennant quoi elle donne des fruits plus doux qu'ils n'auraient été sans cette attention. Les rejetons de cet arbre profitent à merveille, lorsqu'ils sont greffés sur le cognassier à la fin du mois de janvier ou au mois de février. On les greffe aussi sur toutes les espèces de pommiers, sur les poiriers, sur les pruniers, et sur l'épine sauvage. Il est mieux de les greffer en fente sur le tronc que sous l'écorce. On couvre l'arbre, quandil est ainsi greffé, d'un panier ou d'un vase de terre cuite, que l'on remplit de terre labourée et mêlée de fumier, presque jusqu'à l'extrémité supérieure de la greffe. Les soins que j'ai dit être profitables aux pommiers, le sont aussi aux pêches-noix. On conservera ces fruits en les ensevelissant dans du millet, ou en les renfermant dans de petites cruches enduites de poix et bouchées.
XV. On fera aussi ce mois-ci des pavés pour les plates-formes,ainsi que de la brique, de la manière que j'ai décrite au mois de mai.
XVI. Composition du sirop de mûres. On fera bouillir tant soit peu du jus de mûres sauvages; après quoi on mêlera deux tiers de ce jus avec un tiers de miel, et l'on fera bouillir ce mélange jusqu'à ce qu'il ait acquis l'épaisseur du miel.
XVII. Quand on voudra garder du raisin, on cueillera des grappes bien saines, dont les grains ne soient ni fermes jusqu'à la verdeur, ni amollis jusqu'à l'excès de maturité. Il les faut transparents à la lumière et élastiquesau toucher. S'il se trouve dans ces grappes des grains corrompus ou défectueux, on les coupera. On rejettera aussi ceux dont la verdeur insurmontable aura résisté sans s'adoucir aux caresses du soleil d'été. Ensuite on coupera la queue de ces grappes, et, après les avoir trempées dans de la poix bouillante, on les suspendra dans un endroit sec frais, obscur, et impénétrable à la lumière.
XVIII. Il faut épamprer sur les côtés, trente jours avant la vendange, les ceps dont le fruit pourrira par trop d'humidité, et ne leur laisser que les feuilles dont ils seront garnis par en haut. Elles serviront à garantir leur cime de la trop grande ardeur du soleil.
XIX. Les jours de septembre et d'avril se ressemblent entre eux par rapport à l'égalité des heures. A la première et à la onzième heure, le gnomon donne vingt-quatre pieds d'ombre. A la seconde et à la dixième, il en donne quatorze. A la troisième et à la neuvième, il en donne dix. A la quatrième et à la huitième, il en donne sept. A la cinquième et à la septième, il en donne cinq. A la sixième, il en donne quatre.
OCTOBRE.
I. On sèmera le blé adoreum ainsi que le froment,
au mois d'octobre. Le temps préfix pour
semer ces grains est depuis le dix des calendes
de novembre jusqu'au six des ides de décembre,
pour les contrées tempérées. C'est aussi le temps
de charrier et d'étendrele fumier dans les champs.
On sèmera encore ce mois l'orge appelée cantherinum. Ce grain se sème en terrain maigre et
sec, ou dans une terre très-grasse. En effet, il a
la propriété de faire maigrir les guérets. Or cette
vertu malfaisante sera surmontée par une terre
grasse, ou bien elle ne pourra faire grand mal à
une terre que sa maigreur met déjà hors d'état
de rapporter autre chose. Il faut donc fumer le
champ quand on le sème à cette époque. On sèmera
aussi à présent fers, les lupins les pois et
le sésame, comme je l'ai dit. Le sésame se sème,
ainsi que le haricot, jusqu'aux ides d'octobre,
pourvu que ce soit dans une terre grasse, et qui
rapporte tous les ans sans se reposer. Un jugerum en demande quatre modii.
II. On sèmera la graine de lin ce mois, si on le juge à propos quoiqu'il vaille mieux renoncer à cette plante, qui épuise les forces de la terre. Si on veut néanmoins en avoir, on en sèmera huit modii par jugerum, dans un terrain très gras et médiocrement humide. Il y a des personnes qui en sèment une plus grande quantité dans un terrain maigre, et qui obtiennent un lin plus fin par eette méthode.
III. C'est à présent le temps favorable pour faire la vendange; c'est aussi celui d'observer quels sont les ceps les plus féconds, et de les marquer de façon à les reconnaître afin de pouvoir choisir sur ces ceps des sarments propres à être mis en terre. Columelle soutient qu'on ne peut pas s'assurer de la fécondité d'un cep en une année mais qu'il en faut quatre pour y parvenir; et que ce n'est qu'après ce nombre d'années écoulées que l'on connaît, à ne s'y point méprendre, la bonté d'un rejeton.
IV. Il est très à propos de planter des vignes à la fin de ce mois-ci dans les contrées à température chaude et sèche, à terres légères et meubles à coteaux abrupts et dégarnis. J'ai traité cette matière tout au long dans le mois de février. C'est à présent le meilleur temps pour faire, dans les terrains secs, chauds, maigres, peu fertiles sablonneux et exposés au soleil, toutes les opérations que nous avons détaillées précédemment par rapport aux façons des terres au pastinum à la plantation les vignes, à leur taille, à la manière de les previguer et de les réparer, et à la formation des plants d'arbres mariés aux vignes, afin que les pluies d'hiver rendent ces opérations profitables, en dépit de la maigreur de ces sortes de terres; ce qui ne pourra manquer d'arriver, parce que !es plantes y trouveront de l'humidité quand elles seront altérées, et qu'elles y seront à l'abri d'être brûlées, ne pouvant être ni sciées par les glaçons ni ensevelies sous eux attendu que les frimas sont chose inconnue en ces régions.
V. Il faut déchausser après les ides d'octobre toute la jeune vigne dans les vignobles plantés, soit au pastinum, soit par voie de fosses et tranchées, à l'effet de couper les racines superflues qu'elles auront jetées pendant l'été. En effet, si ces dernières venaient à se fortifier, elles finiraient par faire périr les racines les plus profondes; de sorte que la vigne resterait comme suspendue sur la superficie du sol, et se trouverait exposée par là au froid comme à la chaleur. Il ne faut pas cependant couper ces petites racines jusqu'auprès du tronc, de peur qu'il n'en sorte une plus grande quantité de la plaie, ou que cette plaie qui s'attaque au corps même de la vigne, ne la rende dans les premiers temps trop sensible à l'impression du froid qui suivra cette opération. On leur couservera donc en les coupant une longueur de doigt, après quoi on laissera les vignes à découvert, si l'hiver est doux dans le pays au lieu que, s'il est rude, on aura soin de les recouvrir avant les ides de décembre; et même, s'il est excessivement froid, on répandra à l'approchede l'hiver un peu de fiente de pigeon au pied des jeunes vignes; ce que Columelle veut que l'on pratique pendant cinq années entières, pour obvier aux trop grands froids.
VI. C'est à présent le meilleur temps pour provigner dans les climats dont j'ai'parlé, parce que toute la sève se porte aux racines, se trouvant débarrassée du soin de donner des branches à fruit.
VII. Il y a des personnes qui sont dans l'usage de greffer ce mois-ci les vignes ainsi que les arbres dans les pays trés chauds.
VIII. On formera aussi à présent, dans les pays chauds et les localités exposées au soleil, des plants d'oliviers de la manière que nous avons donnée dans le mois de février, et en observant l'arrangement que nous avons prescrit. On plantera également dans le même temps et dans les mêmes pays des pépinières d'oliviers, et l'on procédera aux soins de toute nature qu'exige la culture de cetarbre. On confira aussi les olives blanches de la manière que nous donnerons par la suite. Il faut déchausser à présent les oliviers dans les provinces sèches et chaudes, afin que leurs pieds puissent être humectes par l'eau qui tombera de leur tête. Columelle ordonne d'arracher tous les rejetons de ces arbres. Pour moi, il me semble qu'il faut toujours laisser quelques jets robustes, dont on puisse faire choix pour remplacer la mère quand elle sera vieillie, ou que l'on puisse transférer de bouture, lorsque après avoir été bien élevés, à l'aide de la terre qu'on aura entassée auprès d'eux, ils auront acquis des racines en propre, et qu'on pourra se procurer par leur secours des plants d'oliviers, sans avoir pris la peine d'en former des pépinières. Il faut, si le cas échoit, fumer à présent dans les pays très froids les oliviers, qui ne doivent cependant l'être que de trois en trois ans. Six livres de crottin de chèvre ou un modius de cendre suffiront pour chaque arbre. On ne cessera cependant pas de ratisser la mousse de ces arbres. On les taillera aussi quand ils auront passé l'âge de huit ans, suivant Columelle. Pour moi, je pense qu'il faut en couper chaque année les branches sèches, ainsi que celles qui ne produisent rien pour avoir été trop faibles dans leur principe. Si un olivier ne rapporte point de fruit, quoiqu'il se porte bien on le percera avec une tarière gauloise, de façon que le trou que l'on y fera pénètre jusqu'à la moelle, et on y enfoncera avec effort une bouture informe d'olivier sauvage qui remplisse exactement le trou; après quoi on déchaussera l'arbre, et on l'arrosera avec du marc d'huile sans sel, ou de l'urine gardée. En effet, aucune stérilité ne résiste à ce genre de fécondation; mais il ne faut pas attendre pour greffer l'arbre que le vice ait disparu. On nettoiera ce mois-ci les fossés et les ruisseaux.
IX. Les Grecs ordonnent de transvaser le mout qui aura commencé à bouillir, lorsque le raisin dont il aura été exprimé aura trop souffert de la pluie, Entraînée par sa pesanteur spécifique, l'eau se précipitera au fond du vase nouveau; et le vin, dégagé de ce mélange hétérogène, se conservera mieux.
X. On fera à présent l'huile verte, de la manière qui suit. On cueillera les olives les plus nouvelles, lorsqu'elles seront tournées et si on a mis quelques jours à les cueillir, on les étendra, de peur qu'elles ne s'échauffent. On séparera du tas celles qui pourront se trouver pourries ou desséchées et lorsqu'on en aura amassé la quantité que le pressoir en peut contenir, on les saupoudrera de sel égrugé ou en grains, ce qui vaut encore mieux, à raison de trois modiï de sel sur dix d'olives; puis on les moudra d'abord après quoi on les mettra avec leur sel dans des paniers, et on les y laissera pendant toute la nuit, afin qu'elles en contractent le goût; on les livrera ensuite au pressoir le lendemain matin, et l'on en obtiendra une huile salée du meilleur goût. Il faudra sans contredit laver avant tout à l'eau chaude les canaux à travers lesquels l'huile coulera, ainsi que tous les réservoirs dans lesquels elle se rendra, afin qu'ils ne conservent point l'odeur de relent que leur aura laissée l'huile de l'année précédente. On n'approchera pas non plus le feu de l'huile, de peur que la fumée n'en corrompe le goût. Dans les pays secs et chauds, c'est à la fin de ce mois que l'on cueille les baies de laurier pour en faire de l'huile.
XI. Il faut semer au mois d'octobre la chicorée
que l'on voudra consommer en hiver. Cette plante
aime l'humidité et les terres meubles. Elle monte
très haut dans les terrains sablonneux, salés et
voisins de la mer. On lui préparera des planches
aplaties, de peur que ses racines ne viennent à
se découvrir, au cas que la terre s'éboule. Quand
elle aura quatre feuilles, on la transplantera dans
un terrain fumé. On plante à présent les artichauts
en pied. On coupe avec le fer l'extrémité de leurs
racines en les mettant en terre, et on trempe ces
racines dans du fumier. On en met deux ou trois
pieds ensemble dans des fosses profondes d'un
pied, qu'on éloigne de trois pieds l'une de l'autre,
pour que le plant croisse mieux. On répand souvent
sur ces plantes de la cendre et du fumier, à
l'approche de l'hiver, dans les temps secs. On sèmera
la moutarde ce mois-ci. Cette plante se plait
dans une terre qui a été labourée, et, si faire se
peut, rapportée, quoiqu'elle vienne également
bien partout. Il faut la sarcler assidûment, afin
qu'elle soit toujours couverte de poussière ce qui
contribuera à l'échauffer, quoiqu'elle n'en aime
pas moins l'humidité. On laissera dans l'endroit
même où on l'aura semée la moutarde dont on
se proposera de cueillir la graine; au lieu qu'on
fera renfler, en la transférant, celle qu'on destinera
à être mangée. La vieille graine de moutarde
n'est bonne ni pour l'ensemencement ni pour la
table. On est sûr qu'elle est nouvelle, lorsque étant
cassée entre les dents elle paraît verte à l'intérieur
au lieu que si elle paraît blanche, c'est une preuve
qu'elle est vieille. Il faut semer la mauve ce mois-ci, parce que la venue de l'hiver l'empêcherait
de prendre accroissement. Cette plante se plait
dans les terrains gras et humides; elle aime le
fumier. On la transfère en pied quand elle commence
à avoir quatre ou cinq feuilles. Le plant
en prend mieux quand il est jeune. En effet, si on
la transférait quand elle est déjà grande, elle
languirait. Elle a meilleur goût quand elle n'a
pas été transplantée. Au reste, pour l'empêcher
de monter trop promptement en tige, on cache
au milieu de cette plante des mottes de terre légères
ou de petits cailloux. Il faut la semer clair.
Elle aime être sarclée assidument. Il faut la débarrasser des
herbes qui l'environnent, sans ébranler
ses racines. Elle pommera, si on noue ses racines
lorsqu'on la transplantera. On sèmera aussi
à présent l'aneth dans les climats tempérés et
chauds. On seme encore ce mois-ci les ciboules,
la menthe, le panais, le thym et l'origan, de même
que la câpre au commencement du mois. Ou sèmera
également la poirée dans les terrains secs,
ainsi que le grand raifort ou bien on transplantera
ce dernier d'une terre inculte (car c'est un
véritable raifort sauvage) dans un terrain cultivé,
afin qu'il s'y améliore. Il faudra transférer à présent
le poireau qui aura été semé au printemps,
afin que sa tête grossisse. Il n'est pas douteux
qu'il ne faille sarcler assidumeut les poireaux,
et les soulever, en les saisissant comme avec des
liens, afin qu'à mesure que leur tête prendra de
l'accroissement, elle remplisse le vide que cette
opération aura laissé sous leurs racines. On sèmera
aussi à présent le basilic. On prétend qu'il
viendra plus tôt dans ce temps-ci, quand il aura
été trempé légèrement dans du vinaigre, avant
d'être semé.
XII. Celui qui veut travailler pour les siècles à venir peut s'occuper de la plantation des palmiers;
auquel cas il lui faudra mettre en terre
ce mois-ei des noyaux fraîchement extraits de
dattes qui ne soient pas trop anciennes, mais
fraîches et pleines, et mêler de la cendre avec la
terre dans laquelle il les déposera. Si l'on en veut
faire venir de plant, il faut s'y prendre dès avril
et mai. Cet arbre se plalt dans les terrains exposés
au soleil et à la chaleur. Il faut l'entretenir
d'eau pour le faire croître. Il demande une terre
meuble ou du sable, quoiqu'il veuille aussi avoir,
soit autour de lui, soit sous lui, de la terre grasse
au moment qu'on le plante en pied. On le transplante
au bout d'un an ou deux, au mois de juin
ou au commencement de juillet. On le bêchera
assidûment au pied, pour faciliter les fréquents
arrosements qu'il faudra lui donner, et qui lui
feront braver les chaleurs de l'été. L'eau salée
à un certain degré lui est salutaire c'est pourquoi
il faudra en imprégner de sel à cet effet,
quand on n'en aura pas qui soient naturellement
salées. Si cet arbre vient à se mal porter, on le
déchaussera, et on l'arrosera avec de la lie de vin
vieux ou bien on coupera l'excédant de chevelu
de ses racines; ou enfin on y enfoncera un
coin de bois de saule, en les mettant à jour à
cet effet. Au surplus, il est constant que tout
endroit où il croît naturellement des palmiers
n'est bon pour presque aucune sorte de fruits.
On plante les pistaches en automne au mois
d'octobre, soit en rejetons, soit en amandes,
quoiqu'il soit encore mieux de mettre en terre
les pistaches elles-mêmes, tant le mâle que la
femelle, en les accouplant. On appelle pistache
mâle celle dont l'écorce renferme des noyaux
qui ressemblent à des testicules allonges. Veut-on
raffiner sur la culture de cette plante ? on se
procurera de petits verres percés, qu'on remplira de
terre fumée, et dans lesquels on mettra trois
pistaches ensemble, afin que toutes les trois
donnent à la fois un germe; après quoi, lorsque
la plante qui résultera de ces germes aura pris
des forces, il sera pins facile de la transplanter,
ce qu'il faudra faire an mois de février. Le pistachier
aime les terrains chauds, pourvu qu'ils
soient humectés; aussi faut-il l'arroser et le
mettre au soleil. On le greffe sur térébinthe au
mois de février ou de mars, quoique d'autres
assurent qu'on peut le greffer sur amandier. Le
cerisier aime les climats froids, ainsi que ceux
que leur position rend humides. Il profite peu
dans les contrées tempérées, et ne peut venir en
climat chaud. Il se plaît dans les contrées montagneuses
ou sur les collines. Il faudra transplanter
au mois d'octobre ou de novembre des pieds
de cerisiers sauvages que l'on greffera au commencement
de janvier, quand ils auront pris
en terre. On peut aussi former des pépinières de cerisiers, en mettant en terre, dans les mêmes
mois, des cerises qui y prendront avec la plus
grande facilité. L'expérience m'a montré combien
il est aisé de faire venir cet arbre, puisque
je puis certifier que j'ai vu monter en arbres des
baguettes de cerisiers que j'avais enfoncées en
terre dans des vignobles, pour y servir de soutiens
aux ceps. On peut encore semer les cerises
au mois de janvier. Il sera mieux de greffer le
cerisier au mois de novembre, ou, s'il est nécessaire,
à la fin de janvier. Il y a même des auteurs
qui ont dit qu'il fallait le greffer en octobre.
Martialis prescrit de greffer les cerisiers
en fente dans le tronc de l'arbre; mais je me suis
toujours bien trouvé de les,avoir greffés entre
l'écorce et le bois. Ceux qui les grefferont en fente
dans le tronc de l'arbre, comme le veut Martialis,
auront soin d'ôter tout le duvet dont il sera environné, parce que cet auteur prouve que
ce duvet nuirait aux greffes, si on le laissait. Il
faut observer, à l'égard des cerisiers et de tous
les autres arbres qui portent de la gomme, de ne
les greffer que dans le temps où ils n'ont point
encore de gomme, ou quand elle a cessé de couler.
On greffe le cerisier sur lui-même sur le
prunier, sur le platane, et, selon quelques auteurs,
sur le peuplier. Il aime des fosses profondes,
des espacements larges, des fouilles fréquentes,
il faudra en retrancher les branches
pourries et sèches, ou celles qui seront trop serrées
les unes auprès des autres, afin de les éclaircir.
Il n'aime pas le fumier, qui le fait effectivement
dégénérer. Voici la manière dont Martialis
dit qu'il faut s'y prendre pour faire venir
des cerises sans noyaux. On coupera un jeune
arbre à deux pieds de terre et on le fendra jusqu'à
la racine; ensuite on aura soin de ratisser
avec un fer la moelle des deux parties, et aussitôt
après on les resserrera l'une auprès l'autre avec
des liens; enfin on enduira de fumier tant la partie
supérieure de l'arbre que les joints qui seront
sur les côtés. Au bout d'un an, alors que la cicatrice
sera consolidée,on greffera cet arbre avec des
rejetons qui n'aient pas encore rapporté de fruits,
et il en viendra, si l'on en croit cet auteur, des
cerises qui n'auront point de noyaux. Si un cerisier
vient à pourrir par suite de l'humidité qu'il
renfermera dans son tronc, on y fera un trou par
lequel elle puisse s'écouler. S'il est tourmenté
par les fourmis, il faudra verser dessus du jus de
pourpier coupé par moitié avec du vinaigre, ou
en frotter le tronc avec de la lie de vin pendant
la floraison de l'arbre. S'il se trouve accablé par
la chaleur de la canicule, on fera verser sur ses
racines, après le coucher du soleil, trois sextarii d'eau dont chacun sera puisé dans une fontaine différente, en évitant de lui administrer ce remède
quand la lune paraîtra ou bien on entortillera
son tronc avec de la jusquiame tordue en
forme de couronne, ou enfin on étendra à son
pied un lit de la même herbe. Il n'y a pas d'autre
façon de conserver les cerises, que de les faire
sécher au soleil jusqu'à ce qu'elles soient ridées.
Il y a des personnes qui plantent au mois d'octobre
les pommiers dans les contrées chaudes et
sèches, qui mettent en terre dans des pépinières,
vers les calendes de novembre, les coins,
ainsi que les cormes ou les amandes, et qui y
sèment de la graine de pin. Il faut confire les
fruits ce mois-ci, et les conserver à mesure qu'ils
mûriront, de la manière que l'on trouvera expliquée
sous les titres qui concernent chacun
d'eux.
XIII. On châtrera aussi les ruches ce mois-ci, de la façon que nous avons donnée. Il faut cependant faire attention à la quantité de miel qui s'y trouvera, afin de n'en pas laisser, dans le cas où il y en aura abondamment; d'en laisser la moitié pour subvenir à la disette de l'hiver dans le cas où il n'y en aura qu'une quantité médiocre et de n'en point ôter du tout dans le cas où les alvéoles paraîtront en manquer. Nous avons déjà donné plus haut la façon de faire le miel ainsi que celle de faire la cire.
XIV. Pour ne rien omettre de ce que j'ai trouvé
dans les livres que j'ai lus, je vais faire connaître
les pratiques imaginées par les Grecs par
rapport à la façon de frelater le vin. Voici les
distinctions qu'ils établissent entre les différentes
espèces de vins, et les divers effets qu'ils prétendent
en résulter. Ils soutiennent qu'un vin doux
est lourd; qu'un vin blanc et tant soit peu salé
est bon pour la vessie; qu'un vin qui flatte par sa
couleur de safran est digestif; qu'un vin blanc et astringent est propre aux estomacs relâchés;
que le vin d'outre-mer rend pâle, et diminue la
masse du sang que le raisin noir donne du vin
fort que le raisin rouge en donne d'agréableau
goût; et que le raisin blanc en donne communément
de médiocre. Il y a des peuples grecs qui,
pour frelater le vin, y ajoutent du moût cuit jusqu'à
diminution de moitié ou des deux tiers.
D'autres ordonnent de puiser un an d'avance,
dans un endroit où la mer soit pure et calme, de
l'eau propre, pour la mettre en réserve; et ils
prétendent que la nature de cette eau est telle,
que ce temps suffit pour lui faire perdre son goût
salé ou son amertume et son odeur, de façon
qu'elle s'adoucit en veillissant. En conséquence
ils en mèlent une quatre-vingtième partie avec
le moût, en y joignant une cinquantième partie
de gypse; ils remuent fortement ce mélange au
bout de trois jours, et garantissent que cette
opération fait gagner au vin non-seulement de
l'âge, mais encore une couleur brillante. Au surplus,
il faut remuer le vin et le soigner tous les
neuf jours, ou au moins tous les onze jours,
parce qu'en y regardant souvent on sera en état
déjuger s'il faut le vendre ou le garder II en
est qui jettent dans une futaille trois unciae de
résine sèche broyée, qu'ils remuent ensuite avec
soin, et veulent persuader qu'on peut donner aux
vins une vertu diurétique par cette méthode.
Voici la manière dont ils ont prescrit de soigner le moût, quand les pluies fréquentes l'ont trop délayé,
défaut dont on pourra s'assurer en le goùtant.
Ils ordonnent de le faire cuire en entier,
jusqu'à évapora!ion du vingtième. Ils prétendent
même qu'il sera encore mieux d'y ajouter une
centième partie de gypse. Mais les Lacédémoniens
le font cuire jusqu'à diminution d'un cinquième, et ne le boivent que lorsqu'il est à sa
quatrième feuille. Pour adoucir un vin dur, ils
prescrivent de mettre dans un petit vase de vin
deux cyathi de fleur de farine d'orge, pétrie avec
du vin, et de l'y laisser l'espace d'une heure.Il
y a des personnes qui y mêlent de la lie de vin
doux d'autres y ajoutent un peu de réglisse sèche,
et ne boivent le vin qu'après l'y avoir fait
incorporer en remuant longtemps les vases. Ils
disent aussi que lorsqu'on jette dans un tonneau
des baies sèches de myrte sauvage, cueillies sur
des montagnes,après les avoir pilées, le vin contracte
une excellente odeur en peu de jours, pour
peu qu'on le laisse reposer pendant dix jours,
et qu'on le passe avant de le boire. On amassera
aussi des fleurs de vignes mariées à des arbres,
que l'on fera sécher à l'ombre, et, après les avoir
bien pilées et criblées, on les conservera dans un
vase propre, pour en mettre, quand on le jugera
à propos, la valeur de la mesure appelée par les
Syriens chaenica sur trois tonneaux de vin.
On bouchera ensuite ces tonneaux, et on ne les
ouvrira que le sixième ou le septième jour suivant
pour son usage. On prétend que l'on peut
rendre du vin agréable à boire, en y plongeant
une quantité suffisante de fenouil ou de sarriette,
et en remuant le tout; ou en mettant dans un
vase deux amandes de pignons grillées et enveloppées
dans un linge, pourvu que l'on bouche
ensuite le vase et que l'on ne boive ce vin qu'au
bout de cinq jours. On prétend encore que l'on
peut donner à du vin nouveau la qualité des vins
vieux, en concassant et en broyant ensemble
telle quantité que l'on jugera suffisante d'amandes
amères, d'absinthe, de gomme de prunelier
portant fruit, et de fenugrec, pour en mettre
dans ce vin la valeur d'un cyathus par amphore, et que c'est le moyen d'en faire du vin de
première qualité. Si l'on craint que ce vin n'ait quelque vice, on mêlera du miel dans cette composition avec de l'aloès, de la myrrhe et du marc
d'huile de safran; le tout broyé par parties égales et réduit en poudre, pour en mettre la valeur
d'un cyathus par amphore de vin que l'on voudra frelater. Veut-on que le vin de l'année paraisse vieux? on broie et l'on crible une uncia de
mélilot, trois de réglisse et de nard celtique,
et deux d'aloès hépatique et l'on met six cuillerées de cette composition sur cinquante sextarii de vin renfermé dans un vase que l'on expose à
la fumée. On assure qu'on peut faire changer du
vin rouge de couleur de la manière suivante On
jette dans ce vin de la farine de fèves, ou l'on
introduit, dans une bouteille qui en est pleine,
trois blancs d'oeuf qu'on remue longtemps et le
vin se trouve blanc le lendemain. Si on y jetait de
la farine de pois d'Afrique, il pourrait changer de
couleur dans le jour même. On dit aussi que la vigne
a cette propriété, que si l'on réduit en cendre
des ceps qui produisent du raisin blanc ou de
ceux qui en produisent de rouge, et qu'on mette
cette cendre dans le vin, il prendra la couleur du
raisin dont la vigne aura donné cette cendre
de façon qu'il deviendra rouge avec la cendre
de la vigne qui porte du raisin rouge, et blanc
avec celle de la vigne qui en porte de blanc;
pourvu qu'on ait l'attention de mettre sur une futaille
de dix amphores la valeur d'un modius
de cendre de sarment brûlé, et qu'après avoir
laissé cette cendre pendant trois jours dans le vin,
on le tienne couvert et bouché; et, en effet, on le
trouvera au bout de quarante jours blanc ou
rouge, selon la couleur qu'on aura jugé à propos
de lui donner. On assure encore que l'on peut donner de la force à du vin faible en suivant la
méthode que voici : on y mettra soit des feuilles,
soit des racines ou de jeunes tiges d'althaea c'est-à-dire, de guimauve ordinaire, après les
avoir fait bouillir. On y pourra encore mettre du
gypse, ou deux cotulae de pois chiches, ou trois
noix de cyprès, ou une poignée de feuilles de
buis, ou de la graine d'ache de marais, ou de la
cendre de sarments que l'action du feu aura dépouillée
de toute partie ligneuse, et réduite à l'état
de poudre impalpable. On assure aussi qu'un
vin âpre deviendra clair et excellent en un jour,
lorsqu'on aura broyé ensemble, dans une petite
quantité de vin, dix grains de poivre et vingt pistaches,
pour les mettre dans six sextarii de ce
vin. En effet, si après avoir remué longtemps ce
mélange on le laisse reposer, et qu'on passe ensuite
le vin, on pourra le boire sur-le-champ. On
dit également que du vin trouble ne tardera pas
à s'éclaircir, si l'on y met sept pignons sur un
sextarius de liquide, et qu'on le remue longtemps.
En effet, dès qu'ou l'aura laissé reposer quelque
temps, il deviendra clair, et sera potable après
avoir été passé. On dit encore et l'on prétend
même que c'est un secret qui a été montré aux
habitants de la Crète par l'oracle d'Apollon
Pythien que le vin deviendra blanc, et qu'il
contractera un goût de vin vieux, si l'un y jette
les drogues suivantes, après les avoir broyées
ensemble et les avoir réduites en poudre très-fine,
en les secouant à l'aide d'un crible ces drogues
sont quatre unciae de jonc odorant et autant d'aloès
hépatique, une uncia d'exeellent mastic, et
autant de casse et de poivre, une semi-uncia de
spica-nard, et une uncia tant d'excellente myrrhe
que d'encens mâle qui ne soit pas rance. Ces drogues
mises dans le moût,on le fera bouillir; et après qu'il aura bouilli on l'écumera, et l'on jettera
de côté tous les pépins de raisin qui auront
surnagé en bouillonnant. Ensuite on mettra, sur
dix amphores de vin, trois sextarii italiques
de gypse broyé et criblé, après avoir cependant
transvasé la quatrième partie du vin que l'on
voudra frelater, de façon que l'on n'ajoutera ce
gypse que dans le vin qui restera; après quoi on
agitera fortement la futaille, pendant deux jours,
avec un roseau vert et garni de ses racines. Le
troisième jour, on fera couler bien doucement
dans dix amphores de vin la valeur de quatre
cuillerées de la poudre dont nous venons de parler,
et l'on remettra par-dessus la quatrième partie
de ce vin qui avait été transvasée, comme
nous l'avons dit ci-dessus, pour remplir la futaille,
que l'on aura soin de remuer encore longtemps,
afin que toute la masse du moût soit imprégnée
de la vertu de ces drogues. Ensuite on
couvrira la futaille, et on la bouchera, en y laissant
néanmoins une petite ouverturequi servira
à donner de l'air au vin pendant qu'il bouillira.
Enfin, au bout de quarante jours on bouchera
cette ouverture après quoi on pourra boire de
ce vin quand on le jugera à propos. Une chose
qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est d'avoir l'attention,
toutes les fois que le vin aura besoin d'être
remué, qù'ille soit par la main d'un enfant
impubère, ou d'une personne chaste. Il ne faudra
pas non plus couvrir l'enduit avec lequel on aura
bouché une futaille avec du gypse, mais avec
de la cendre de sarments. On donne encore une
méthode pour faire du vin qui préservera des
maladies contagieuses, et qui sera bon pour l'estomac.
Cette méthode consiste à mettre dans
une metreta d'excellent moût, avant qu'il bouille,
huit unciae d'absinthe broyée que l'on enveloppe dans an linge; on fait ensuite retirer cette
absinthe du vin au bout de quarante jours, et
on transvase le vin dans de petites bouteilles pour
le boire. Ceux qui sont dans l'usage de frelater le
vin avec du gypse le font à présent, lorsque le
moût écume et qu'il a jeté son premier bouillon.
Au reste, quand le vin est naturellement
trop doux et d'un goût aqueux, il suffit d'y
mettre deux sextarii de gypse sur cent congii de vin. Quand il est ferme de sa nature, on peut
se contenter de la moitié de cette dose pour pareille
mesure de vin.
XV. On fera à présent du vin rosat sans roses, de la manière suivante: on descend dans un vase de moût, avant qu'il commence à bouillir, des feuilles de citronnier vertes, enfermées dans un panier de palmier; puis on bouche le vase, et, après y avoir ajouté du miel, au bout de quarante jours on s'en sert en guise de vin rosat, quand on le juge à propos.
XVI. On fait ce mois-ci des vins avec tous les fruits dont nous avons parlé en leur lieu.
XVII. Composition du vin miellé. On prend
la quantité que l'on juge à propos de moût proveuant
de belles vignes et de bon cru, vingt jours
après sa sortie de la cuve, et l'on y mêle un cinquième
de miel excellent et non écume, après
l'avoir fortement broyé jusqu'à ce qu'il soit blanchi
puis on l'agite fortement avec un roseau
garni de ses racines, durant quarante ou mieux
cinquante jours de suite; et cela, après l'avoir
couvert d'un linge propre, à travers lequel il
puisse prendre l'air quand il viendra à bouillir.
Au bout des cinquante jours on enlèvera avec la
main, après l'avoir lavée, tout ce que l'ébullition
aura rejeté à la surface puis on le mettra dans un
vase que l'on bouchera bien avec du gypse, et il se conserveratrès vieux. Il sera cependant mieux p
de le survider au printemps suivant dans de
plus petits vases enduits de poix, que l'on couvrira après les avoir bien bouchés avec du gypse
afin de les mettre au frais soit dans un caveau souterrain dans du sable de rivière, ou de les enfoncer en partie sous le sable au fond d'une rivière,
Ce vin ne se gâtera jamais, à quelque vieillesse qu'il
parvienne, pourvu qu'il ait été fait avec soin.
XVIII. On fera à présent le defrutum, le caraenum et la sapa. Tous ces vins se font également avec du moût, mais la façon n'est pas la même; de là différence de noms et de propriétés ainsi le defrutum qui tire son nom du mot defervere, est censé fait, lorsque le moût a été fortement écumé jusqu'à ce qu'il soit épaissi; le caraenum, lorsqu'il est réduit aux deux tiers; et la sapa, lorsqu'il est réduit à un tiers. Ce dernier sera cependant meilleur quand on l'aura fait cuire avec des coings, sur un feu de bois de figuier.
XIX. On fera à présent, avant la vendange, le passum (vin de raisin séché au soleil ), qu'on a partout en Afrique, le secret de rendre si moelleux et si agréable, et qui, employé en guise de miel pour confire, devient un préservatif contre les vents. On cueillera donc une très grande quantité de grappes de raisin, que l'on fera sécher au soleil; et, après les avoir renfermées dans de petits paniers de jonc à claires voies, on commencera par les fouetter vigoureusement avec des verges. Ensuite, lorsque tous les grains seront amollis par les coups, on soumettra le panier à l'action du pressoir. Le jus qui s'en exprimera sera le passum qu'on renfermera dans un petit vase pour le conserver comme du miel.
XX. Manière de faire le cotignac.Après avoir pelé des coings murs, on les coupe en petits morceaux très minces, en jetant de côté les parties dures qui se trouvent dans l'intérieur de ce fruit. Ensuite on les fait bouillir dans du miel, jusqu'à ce que cette composition soit réduite à moitié, en les saupoudrant de poivre fin pendant qu'ils cuisent. Autre manière: on mêle ensemble deux sextarii de jus de coings, un et demi de vinaigre et deux de miel puis on fait bouillir tout ce mélange jusqu'à ce qu'il devienne aussi dense que du miel pur après quoi on y fait mêler deux unciae de poivre broyé et de gingembre.
XXI. Manière de conserver du levain pour faire des gâteaux au vin doux. On fait une pâte avec du froment nouveau bien épluché, que l'on arrose avec du moût de première pression, en mettant une lagena de moût sur un modius de farine. Ensuite on fait sécher cette pâte au soleil, après quoi on l'arrose encore de la même façon, et on la fait sécher de même. Quand on a répété cette opération jusqu'à trois fois, on fait avec cette pâte de très petits pains de même forme que les gâteaux, et, après les avoir fait sécher au soleil, on les serre dans des vases de terre cuite bien nets, que l'on enduit de plâtre. On s'en sert au lieu de levain, dans la saison où l' ou veut faire des gâteaux au vin doux.
XX II. Manière de faire du raisin sec à la facon des Grecs. On tordra sur le cep même les grappes du raisin qui paraîtra le meilleur, le plus doux et le plus transparent, et on les y laissera sécher d'elles-mêmes; ensuite, lorsqu'on les aura cueillies, on les suspendra à l'ombre; puis on les attachera plusieurs ensemble pour les mettre dans des vases, où on les posera sur des pampres frais sans aucune humidité, et où on les foulera avec la maiu quand les vases seront pleins, on recouvrira encore le raisin de pampres qui ne soient pas moins frais que les premiers; puis on couvrira ces vases, et on les mettra dans un lieu sec, mais frais, où la fumée ne puisse pénétrer.
XX III. Laprojection de l'ombre en octobre est
égale à celle de mars.
A la première et à la onzième heure, le gnomon
donne vingt-cinq pieds d'ombre.
A la seconde et à la dixième, il en donne
quinze.
A la troisième et à la neuvième, il en donne
douze.
A la quatrième et à la huitième il en donne
huit.
A la cinquième et à la septième, il en donne
six.
A la sixième, il en donne cinq.
---- Cérès, déesse de l'agriculture
NOVEMBRE.
I. On sème au mois de novembre le froment et le blé c'est même le véritable temps des semailles et de l'ensemencement annuel. Il faut cinq modii, tant de l'un que de l'autre grain, pour ensemencer un jugerum. Il sera également temps à présent de semer l'orge. On sème les fèves au commencent de ce mois. Elles demandent un terrain qui soit très gras ou fumé ou une vallée ferlilisée par les eaux des hauteurs voisines. On commence par jeter les fèves sur terre, ensuite on donne un premier labour; après quoi on les pare en sillons. Il faut les herser sans ménagement, afin qu'elles puissent être couvertes de terre le plus possible. Il y a des personnes qui prétendent que lorsqu'on sème des fèves dans les terrains froids, il ne faut pas en briser les mottes, afin que les germes de ces semences puissent être protégés contre le froid, en se tenant à l'abri sous ces mottes pendant les gelées. Si les semailles de cette nature de grains font peu de tort à la terre, au moins ne la fertilisent-elles point, comme le veut l'opinion commune. Aussi Columelle prétend-il qu'une terre qui sera restée en jachère l'année précédente sera plus convenable au blé que celle dont on aura récolté une moisson de fèves. Il faut six modii de fèves par jugerum quand la terre est grasse, et une plus grande quantité quand elle est médiocre. Elles réussissent très bien dans un terrain compacte, et ne peuvent s'accommoder d'un sol maigre ni d'un ciel nébuleux. Il faut surtout avoir soin de les semer au quinzièmejour de la lune pourvu que cette planète ne soit pas encore frappée des rayons du soleil. C'est pour cela que quelques personnes prétendent qu'il vaut mieux choisir à cet effet le quatorzième jour de la lune. Les Grecs assurent qu'il ne croîtra point d'herbes nuisibles aux fèves, lorsque celles-ci auront été trempées dans du sang de chapon avant d'être semées; qu'elles pousseront plus tôt quand on les aura fait macérer dans l'eau un jour avant de les semer; et qu'enfin, si on les arrose d'une solution de nitre, elles cuiront aisément. On fait à présent les premiers ensemencements de lentilles de la manière qui a été donnée au mois de février. On pourra aussi semer de la graine de lin dans tout le courant dr celui-ci.
II. C'est surtout au commencement de ce mois que l'on peut former de nouveaux prés, de la façon qui a déjà été expliquée. Il faudra aussi planter des vignes, pendant toute sa durée, dans les terrains chauds et secs, ou exposés au soleil. Il sera encore à propos de les provigner, comme de bûcher la terre au pied des jeunes ceps, et de les recouvrir de terre, ainsi que les plants d'arbres dans les pays froids, tant à présent qu'avant les ides. On sévrera à présent les marcottes des ceps, c'est-à-dire, les arceaux que forment les provins; ce qu'on ne doit faire que trois ans après qu'ils auront été couchés en terre.
III. C'est à présent et dans les temps postérieurs à celui-ci qu'on déchaussera, pour les saturer de fumier, les vieilles vignes attachées à des jougs, ou soutenues sur des treilles, quand leur tronc sera robuste et sain; qu'on les taillera de près, en les rognant avec le tranchant d'un fer aigu, à la distance de trois ou quatre pieds de terre, dans la partie où leur écorce sera la plus verte, en les excitant à venir par des fouilles fréquentes parce qu'il sortira d'ordinaire un germe de cette plaie, ainsi que l'assure Columelle et qu'à l'approche du printemps elles jetteront du bois, qui pourra servir à réparer les vieux ceps.
IV. On fait à présent la taille d'automne tant des vignes que des arbres, surtout dans les provinces où la douceur de la température y invite. On taille aussi les plants d'oliviers, et on récolte les olives dont on doit faire la première huile, lorsqu'elles commencent à tourner. En effet, quand elles sont absolument noires, elles perdent en qualité, mais en revanche le rendement augmente. La taille des oliviers ainsi que celle des autres arbres sera fructueuse, pourvu que la méthode du pays n'y soit pas contraire, lorsqu'on en coupera les cimes, et qu'on leur fera jeter des rameaux qui s'étendront sur les côtés de l'arbre, lesquels côtés seront eux-mêmes inclinés vers la terre. Si l'on habite au contraire un pays qui ne soit ni fréquenté ni cultivé, il faudra d'abord faire en sorte que le tronc de l'arbre soit entièrement dépouillé de ses branches à la portée des animaux de façon que ceux-ci ne puissent point lui nuire, et qu'on n'ait à soigner que des arbres qui soient déjà à l'abri de toute injure par leur seule élévation.
V. On forme aussi à présent des plants d'oliviers dans les terrains chauds et dans les contrées sèches,de la manière qui a été détaillée au mois de février. Ces arbres aiment à être plantés dans les lieux élevés, pour être à l'abri de l'humidité de même qu'ils se plaisent à être ratissés assidument, à être engraissés avec un fumier abondant, et à être doucement agités par des veuts qui les fertilisent. On appliquera aussi ce mois-ci aux oliviers stériles les remèdes que nous avons prescrits ci-dessus. Rien n'empêche de faire à présent des paniers, des pieux et des échalas. C'est aussi le temps propice pour faire l'huile de laurier dans les climats tempérés.
VI. Il est à propos de semer l'ail ce mois ci, ainsi que l'oignon de Cypre, principalement dans des terres blanches, bêchées et labourées, pourvu qu'elles ne soient pas fumées. On tracera donc sur des planches des sillons, dans la partie la plus élevée desquels on mettra ces semences, en les séparant de quatre doigts l'une de l'autre, et sans les enfoncer trop en terre. Ou les sarclera souvent, afin qu'elles croissent davantage. Si on veut que l'ail donne une forte tête, on le foulera aux pieds quand sa tige commencera à monter, et dès lors la séve refluera vers les gousses de cette plante. On prétend que l'ail sera sans mauvaise odeur quand on l'aura semé dans le temps où la lune est cachée sous la terre, pourvu qu'on Ic cueille dans le même temps. On le conservera, soit en l'ensevelissant dans de la paille, soit en le suspendant à la fumée. On peut aussi semer à présent la ciboule de même qu'on peut planter des pieds d'artichauts, et semer le grand raifort et l'origan.
VII. On choisira ce mois-ci dans les pays
chauds, et le mois de janvier dans les autres,
pour mettre en terre des noyaux de pêche dans
des planches façonnées au pastinum en les éloignant
de deux pieds l'un de l'autre, afin que
lorsque les plantes qu'ifs donneront auront pris
quelque croissance, elles puissent être transférées.
Mais on aura soin d'en tourner la pointe par
en bas lorsqu'on les mettra en terre, et de ne
pas les enfoncer à plus de deux ou trois doigts
de profondeur. Il y a des personnes qui commencent
par faire sécher les noyaux quelques
jours avant de les mettre en terre, et qui les gardent
ensuite dans des paniers qu'elle sremplissent
d'une terre bien pulvérisée, mêlée de cendre. Pour
moi, j'en ai souvent gardé, sans aucune précaution,
jusqu'au temps où je les ai mis en terre.
Les pêchers réussissent, à la vérité, dans quelque
endroit qu'ils soient plantés; mais ils rapportent
davantage et durent plus longtemps quand
ils rencontrent un climat chaud et un sol sablonneux
et humide; au lieu qu'ils périssent dans les
pays froids, surtout lorsque ces pays sont sujets
aux vents, à moins qu'on ne mette quelque corps
étranger devant eux pour les abriter. Tant que
les germes de ces arbres seront tendres, on les
bêchera souvent, pour les débarrasser des herbes
qui croissent autour. On pourra très bien les
transférer en pieds dans une petite fosse, quand
ils auront deux ans. Il ne faut pas alors les éloigner
beaucoup les uns des autres, afin qu'ils se
protègent mutuellement contre l'ardeur du soleil.
On les déchaussera pendant l'automne, et on les
fumera avec leurs propres feuilles. Il faut tailler
le pécher en automne, mais on n'en retranchera
que les baguettes qui seront sèches et pourries
parce que si on lui coupait quelque partie verte il se dessécherait.Quand cet arbre sera malade,
on l'arrosera avec de la lie de vieux vin coupée
avec de l'eau. Les Grecs assurent qu'il viendra
des pêches sur lesquelles on remarquera des caractères
gravés, lorsqu'on aura couvert de terre
des noyaux, et que sept jours après, quand ils auront commencé
à s'entr'ouvrir, on les aura ouverts
pour en ôter l'amande, et écrire telle chose qu'on
aura jugé à propos avec du cinabre; pourvu
qu'avant de remettre ces amandes en terre, on
les ait recouvertes de leur enveloppe, en l'assujettissant
de façon qu'elle ne puisse se séparer. Les
différentes espèces de pêches sont les pêches fermes,
les pêches précoces de Perse, et celles d'Arménie.
Si l'ardeur du soleil vient à dessécher un
pécher, on entassera souvent de la terre auprès
de son tronc, on l'arrosera le soir pour le soulager,
et l'on interposera quelque obstacle à l'intensité
des rayons. Il est encore bon de suspendre
à ses branches une peau de serpent. Pour préserver
un pêcher de la bruine, il faut lui donner
à présent du fumier, ou de la lie de vin coupée
avec de l'eau ou du bouillon de fèves, qui vaut
encore mieux.S'il est tourmenté par les vers, on
les fera mourir, soit avec de la cendre détrempée
de lie d'huile, soit avec de l'urine de boeuf coupée
avec un tiers de vinaigre. Si le fruit de cet arbre
est sujet à tomber, on enfoncera un coin de lentisque
ou de térébinthe, soit dans sa racine qu'on
découvrira à cet effet, soit dans son tronc; à
moins qu'on n'aime mieux percer l'arbre par le
milieu, pour y enfoncerensuite un pieu de saule.
Si l'arbre donne des fruits qui soient ridés ou
pourris, on en coupera l'écorce vers le bas du
tronc, et, après qu'il en sera sorti une certaine
quantité d'humidité, on recouvrira la plaie avec
de l'argile, ou avec un lut dans lequel il entrera
de la paille. Un pêcher donnera de gros fruits si
on l'arrose, dans le temps qu'il sera en fleur,
pendant trois jours, avec trois sextarii de lait de chèvre. Quand un pécher a des défauts, il est
bon d'y attacher du genêt d'Espagne, ou d'en
suspendre à ses branches. On greffera le pècher
au mois de janvier ou de février dans les pays
froids, et au mois de novembre dans les pays
chauds. On le greffera particulièrement auprès de
terre, et l'on emploiera en greffes les scions les
plus forts qui seront poussés au pied de l'arbre,
parce que ses cimes ne prendraient point, ou que
si elles prenaient, elles ne pourraient pas durer
longtemps. On le greffera sur lui-même, sur l'amandier
et sur le prunier. Mais les pêchers d'Arménie
ainsi que les précoces prennent mieux sur
les pruniers; de même que ceux qui donnent des
pèches fermes prennent mieux sur les amandiers,
et y parviennent à un âge avancé. On peut greffer
en écusson le pêcher au mois d'avril ou de
mai dans les pays chauds. On le greffe de cette
manière en Italie à la fin de l'un et de l'autre de
ces mois, ou au mois de juin; c'est ce qu'on appelle
emplastrare. Cette greffe se fait sur le tronc
même que l'on a soin de couper auparavant par
en haut, et auquel on applique plusieurs boutons,
suivant la méthode que nous avons donnée.
Cet arbre donne des fruits rouges quand il
a été greffe en fente sur le platane. On conserve
les pêches fermes en les faisant confire dans de
la saumure et de l'oxymel ou en les suspendant
pour les faire sécher au soleil comme des figues,
après en avoir ôté les noyaux. J'ai encore vu
confire dans du miel des pêches fermes dont on
avait ôté les noyaux, et elles avaient un goût
agréable. On les conserve encore fort bien en
leur bouchant l'ombilic avec une goutte de poix
chaude, et en les faisant ensuite nager dans du
vin cuit jusqu'à diminution des deux tiers, dont
on remplit un vase que l'on ferme hermétiquement.
On croit que le piu est favorable à toutes
les plantes qui croissent sous son ombre. On sème les pignons au mois d'octobre ou de novembre
dans les contrées chaudes et sèches, et au mois
de février ou de mars dans celles qui sont froides
et humides. Cet arbre aime les terrains maigres,
et ordinairement ceux qui sont voisins de la mer.
C'est sur les montagnes et au milieu des rochers
qu'il atteint son plus grand développement. Le
vent et l'humidité lui sont favorables; mais en quelque
endroit qu'on veuille le planter, soit sur des
montagnes, soit partout ailleurs, on lui destinera
des terres qui ne puissent pas convenir à d'autres
arbres. Ainsi, après avoir labouré ces terrains
avec attention, on les nettoiera, et l'on y
sèmera les pignons comme on sème le blé, en
prenant soin de les recouvrir de terre avec un léger
sarcloir, parce qu'ils ne doivent pas être enfoncés
en terre de plus d'un palmus. Dans son
enfance il faut le garantir des bestiaux, de peur
qu'ils ne le foulent aux pieds dans le temps qu'il
est encore faible. Il profitera très bien quand on
aura trempé les pignons dans de l'eau trois jours
avant de les semer. Quelques personnes prétendent
que le fruit de cet arbre s'adoucit quand il a
été transplanté mais voici les soins qu'elles emploient.
Elles commencent par enfoncer, dans de
petits verres remplis de terre et de fumier, une
grande quantité de pignons; et lorsque ces pignons
sont venus, elle sne conservent que le plus fort, et
retirent tous les autres. Quand celui-ci a pris un
accroissement convenable, elles le transfèrent en
pied à l'âge de trois ans, sans le retirer du verre,
qu'elles brisent ensuite, pour donner aux racines
la liberté de s'étendre dans la fosse où l'arbrisseau
est planté. Elles mêlent d'ailleurs avec la
terre de cette fosse du crottin de cavale, en faisant
des couches tant de terre que de crottin qui
s'élèvent alternativement les unes sur les autres.
Il faut cependant avoir soin que la racine de cet
arbre, qui est unique, et dont la direction est droite, puisse être transférée saine et entière
d'une extrémité à l'autre. La taille avance les
jeunes pins (ainsi que je l'ai éprouvé moi-même)
au point que la rapidité de leur croissance en est
double. On peut aussi laisser les pignons sur l'arbre
jusqu'à présent pour les cueillir plus mûrs,
quoiqu'il faille néanmoins les cueillir avant qu'ils
ne s'ouvrent. Les amandes ne s'en peuvent pas
conserver à moins qu'elles ne soient pelées. Cependant
il y a des personnes qui assurent qu'on
peut les garder, en les mettant avec leurs coques
dans des vases neufs de terre cuite, remplis de
terre. Si l'on plante en automne des noyaux de
prunes, il faudra les enfouir à la profondeur de
deux palmi, au mois de novembre, dans un terrain
bien meuble et bien retourné. On les met
aussi en terre au mois de février. Mais il faut
alors les faire tremper pendant trois jours dans
de l'eau de lessive, pour les contraindre de germer
promptement. On plante encore les pruniers
en rejetons tirés du tronc de l'arbre à la fin du
mois de janvier ou vers les ides de février, en
enduisant de fumier leurs racines. Ils se plaisent
dans un terrain fertile et humide, et réussissent
mieux sous un climat chaud, quoiqu'ils puissent
supporter les climats froids. Si on les aide avec
du fumier dans les terrains pierreux et pleins de
gravier; où ils n'auraient, sans ce secours, que des
fruits sujets à tomber et à être piqués des vers,
ils se corrigeront de ce vice. Il faudra arracher
les rejetons qui sortent de leurs racines, à l'exception
des plus droits, que l'on conservera pour les
planter. Lorsqu'un prunier est languissant, il
faut répandre sur ses racines du marc d'huile
avec de l'eau ou de l'urine de boeuf pure, ou de
vieille urine. humaine coupée avec deux tiers
d'eau, ou enfin des cendres prises au four, et surtout des cendres de sarment. Si ses fruits sont
sujets à tomber, on enfoncera dans sa racine,
que l'on percera à cet effet avec une tarière, une
cheville de bois d'olivier sauvage. En le frottant
avec de la terre rouge et de la poix liquide,
on fera mourir les vers et les fourmis qui le tourmentent
mais la friction doit être ménagée de
façon à ne pas entamer l'arbre, autrement le remède
serait pire que le mal. Des arrosemeuts fréquents
et des fouilles assidues l'aideront à croître.
On greffe le prunier à la fin de mars ou an
mois de janvier, avant qu'il commence à jeter sa
gomme. Il est mieux de le greffer en fente sur
le tronc que sous l'écorce. On l'ente sur lui-même,
et il reçoit la greffe du pêcher, ou de l'amandier,
ou du pommier, quoique ce dernier le fasse dégénérer
et le rende petit. On sèche les prunes au
soleil, en les disposant sur des claies dans un endroit
sec ce sont là les prunes que l'on appelle
Damascena. D'autres plongent des prunes nouvellement
cueillies dans de l'eau de mer ou dans
de la saumure bouillante, et après les en avoir
retirées, ils les font sécher dans un four échauffé,
ou au soleil. Les châtaigniers se sèment tant en
plant qui vient de lui-même qu'en graine. Mais
quand on les a semés en plant, ils sont si maladifs,
que l'on est souvent dans le cas de douter
pendant deux ans s'ils vivront ou non. Il faut
donc semer les châtaignes elles-mêmes, c'est-à-dire
la graine du châtaignier, aux mois de novembre
et de décembre ainsi qu'au mois de février.
Pour semence, il faut choisir les plus nouvelles,
les plus grosses et les plus mûres. Rien de plus
facile en novembre; c'est l'époque où ce fruit
donne. Mais si l'on veut semer les châtaignes en
février, voici ce qu'il faudra faire pour les conserver
jusque-là on les fera sécher en les étendant à l'ombre; après quoi on les transportera
dans un lieu étroit et sec, où on les mettra par
tas, en les couvrant toutes exactement de sable
de rivière.Au bout de trente jours, on les retirera
du sable pour les faire tremper dans de l'eau
fraîche. Alors celles qui seront saines iront au
fond, et toutes celles qui seront défectueuses surnageront. On enfoncera de même dans le sable
celles qu'on aura déjà éprouvées, et on les éprouvera encore de la même façon au bout de trente
autres jours. Quand ou aura répété cette opération par trois fois jusqu'au commencement du
printemps, il faudra semer celles qui se seront
maintenues en bon état. Il y a des personnes qui
les conservent dans de petits vases qu'elles remplissent
également de sable. Les châtaigniers aimeut
un sol meuble et friable, mais non pas aréneux.
Ils viennent dans le sable, pourvuqu'il soit
humide. La terre noire leur convient, de même
que le charbon et le tuf, quand il est pulvérisé
avec soin. Ils viennent difficilement dans une
terre compacte, ainsi que dans la terre rouge, et
point dans l'argile ni dans le gravier. Ils aiment
les pays froids, mais ils ne refusent pas les climats
tempérés quand ils sont humides. Ils se plaisent
sur les coteaux
ombragés, et principalement dans ceux qui
sont exposés au nord. Il faudra façonner au pastimim,
à la profondeur d'un pied et demi ou de
deux pieds, le terrain que l'on destinera à cet arbuste,
soit en donnant cette façon à toute l'étendue
du terrain, soit du moins en y traçant avec
la charrue des sillons qui seront dirigés parallèlement
entre eux, ou qui se croiseront en différents
sens. Lorsque ce terrain sera saturé de fumier
et bien dissous, on y mettra les châtaignes,
sans les enfoncer au delà d'un dodrans de pied,
en observant de planter un piquet auprès de ehacune, afin de reconnaître l'endroit où elles seront.
Il faudra en mettre trois ou cinq à la fois dans
le même trou, en éloignant tous ces petits tas
l'un de l'autre de quatre pied. Ceux qui voudront
transplanter les châtaigniers en pieds attendront
nécessairement qu'ils aient deux ans. Au
reste la châtaignerai esera garnie de rigoles qui
serviront à l'écoulement des eaux, de peur que,
si elles venaient à y séjourner, le limon qu'elles
y déposeraient ne fit périr le germe des châtaignes.
On pourra, si on le veut, propager les
châtaigniers à l'aide des rejetons inférieurs qui
sortent de leurs racines. Il faut bêcher assidument
les nouveaux plants de châtaigniers. Ces
arbres profitent davantage quand ils sont aidés
par la taille aux mois de mars et de septembre.
On greffe le châtaignier (ainsi que je l'ai
éprouvé moi-même) sous son écorce, au mois de
mars ou au mois d'avril quoiqu'il réponde également à
nos soins quandil est greffé sur le tronc.
On peut aussi le greffer en écusson. On le greffe
sur lui-même et sur le saule. Mais quand il est
greffé sur le saule, son fruit est plus tardif et d'un
goût plus âpre. On conserve les châtaignes soit
en les disposant sur des claies, ou en les enfonçant
dans du sable, de façon qu'elles ne se touchent
point mutuellement, soit en les enfermant
dans de petits vases neufs de terre cuite, et en
les ensevelissant sous terre dans un lieu sec, soit
en les serrant dans des coffres faits avec des baguettes
de hêtre et enduits de lut, de façon qu'ils
n'aient aucune ouverture, soit enfin en les couvrant
de paille d'orge très menue, ou en les enfermant
dans des mannequins faits avecdes herbes
de marais et dont le tissu soit très serré.
On plante ce mois-ci, dans des terrains chauds
et sous un climat sec, des pieds de poiriers sauvages
que l'on greffe par la suite, ainsi que des pieds de pommiers ou de grenadiers, de coignassiers,
de citronniers, de néfliers, de figuiers, de
cormiers et de caroubiers. On plante aussi des
pieds de cerisiers sauvages que l'on greffe ensuite,
et des boutures de mûriers. Enfin on sème des
amandes et des noix dans des pépinières, suivant
la méthode que nous avons donnée.
VIII. Les abeilles font du miel au commencement de ce mois-ci avec des fleurs de tamarin et d'autres plantes sauvages; mais il ne faut pas leur enlever ce miel, qui est leur provision d'hiver. Il faut purger les ruches des immondices dans le courant du même mois, parce qu'il n'est pas à propos de les remuer ni de les ouvrir de tout l'hiver. Mais on choisira, pour faire ces opérations, un jour où il fasse soleil et qui soit chaud, et on nettoiera toutes les parties intérieures de la ruche où la main ne pourra pas atteindre, en employant de préférence à cette opération des plumes de grands oiseaux, qui aient de la roider ou quelque autre instrument analogue. On bouchera ensuite, avec de la boue et de la fiente de boeuf mêlées ensemble, toutes les fentes qui paraîtront à l'extérieur des ruches; et on pratiquera au-dessus des espèces de portiques avec du genêt ou d'autres matières propres à les couvrir, afin qu'elles puissent être à l'abri du froid et des mauvais temps.
IX. Il faudra tailler à présent de près, dans les terrains chauds et exposés au soleil, les vignes qui, dépourvues de fruits, mais exubérantes en feuilles, compensent la disette des uns par le luxe des autres. Cette taille se fera dans les terrains froids au mois de février. Si ce vice ne se corrige pas, il faudra, après les avoir bêchées, entasser à leur pied du sable de rivière ou de la cendre. Quelques personnes insèrent des pierres entre les sinuosités de leurs racines.
X. Quand la vigne aura été stérile, les Grecs prescrivent de la soigner aux mêmes temps, de la manière qui suit. On introduit une pierre dans son tronc, après l'avoir fendu, et l'on répand autour d'elle quatre cotulae d'urine humaine gardée, de façon que cet arrosement pénètre jusqu'à ses racines. Ensuite on y ajoute du fumier mêlé de terre, et l'on retourneen entier le sol autour de ses racines.
XI. Quoique février soit le mois des rosiers,on peut cependant en planter en novembre dans les terrains chauds, exposés au soleil et voisins de la mer. Si l'on manque de plant, et qu'on veuille se procurer beaucoup de rosiers avec le peu qu'on en aura, il faudra couper des rejetons de quatre doigts garnis de leurs boutons avec leurs noeuds, les coucher en terre comme des provins, et les aider à venir avec du fumier et des arrosements. Quand ils auront plus d'un an, on les transférera dans un autre endroit, où ils seront espacés d'un pied. C'est ainsi qu'on remplira de rosiers le terrain que l'on destinera à ce genre de culture.
XII. Les Grecs assurent que pour conserver du raisin sur le cep même jusqu'au commencement du printemps, il faudrait faire auprès de ce cep, quand il est chargé de fruits,une fosse de trois pieds de profondeur et de deux pieds de largeur, dans un lieu ombragé, et y étendre du sable dans lequel on fichera des roseaux; après quoi on entortillera avec soin ces roseaux avec des sarments chargés de fruits qu'on y attachera, sans endommager les grappes, et de façon qu'elles ne touchent pas au fond de la fosse; puis on recouvrira le tout, afin que la pluie n'y puisse pas pénétrer. Ils prescrivent encore, lorsque l'on veut conserver longtemps des grappes sur un cep ou des fruits sur un arbre, de les laisser suspendus à leurs branches en les renfermant dans de petits vases de terre cuite percés par le bas et bien fermés par en haut, quoique cette méthode soit assez inutile par rapport aux fruits, puisqu'on les conserve aussi très longtemps en les couvrant de gypse.
XIII. C'est dans ce mois-ci que naissent les
premiers agneaux. Dès qu'un agneau sera né,
on l'approchera du pis de sa mère, en observant
néanmoins de tirer auparavant à celle-ci avec la
main un peu de lait, parce que les premières gouttes,
qui sont d'une nature trop épaisse, et que les
bergers appellent colostrum, incommoderaient l'agneau,
si l'on n'en débarrassait pas la mère. On
commencera par enfermer les nouveau-nés avec
leurs mères pendant deux jours; après quoi on
se contentera de les retenir dans des clos obscurs
et chauds, de façon qu'ils soient séparés des
brebis, quand on enverra celles-ci aux pâturages.
Il suffira de permettre aux agneaux de téter leur
mère le matin avant la sortie et le soir au retour de
la pâture. On les nourrira dans l'étable, jusqu'à
ce qu'ils aient pris de la force, avec du son ou de
la luzerne, qu'on mettra devant eux, ou avec de
la farine d'orge, si l'on en a une grande provision
et on leur continuera ce genre de nourriture
jusqu'à l'âge où ils sont capables de suivre la mère
au pâturage. Les pâturages qui conviennent aux
brebis sont ceux qui croissent dans les jachères
ou dans les prairies sèches. Ceux des marais leur
sont funestes, et ceux des forêts sont pernicieux
pour leur laine. Au reste, il faut provoquer leur
appétit en saupoudrant souvent de sel leur pâture,
et en en mêlant à leur breuvage. Pour nourriture
d'hiver, si l'on manque de foin, on leur donnera
de la paille ou de la vesce, ou, ce qu'on se procure
plus aisément, des feuilles d'orme ou de frêne que
l'on aura gardées à cet effet. Pendant l'été
les brebis paîtront au commencement de la journée,
moment où l'herbe attendrie par la rosée est
le plus savoureuse.A la quatrième heure du jour,
temps où il fera chaud, on leur fera boire de
l'eau puisée dans une rivière pure, ou tirée d'un
puits ou d'une fontaine. Une vallée ou un arbre
touffu les garantiront de l'ardeur du soleil au
milieu du jour. Lorsque ensuite la chaleur commence
à s'adoucir, et que les premières gouttes
de la rosée du soir auront mouillé la terre, on
conduira de nouveau le troupeau aux pâturages.
Mais lorsqu'on mènera paître les brebis pendant
les jours caniculaires, et même dans tout le courant
de l'été, il faudra avoir soin que leur tête
soit toujours tournée du côté opposé au soleil.
Elles ne doivent point aller paître en hiver, ni au
printemps avant que le givre soit fondu, parce
que l'herbe couverte de frimas occasionne des
maladies à ce bétail. Il suffira aussi de les mener
boire une seule fois par jour dans ces deux saisons.
Les Grecs,comme les Asiatiques ou les Tarentins,
sont dans l'usage de nourrir leurs brebis plutôt à
l'étable qu'aux champs, et de former le sol de
l'étable de planches percées à jour, afin que l'humidité
ait un écoulement.L'habitation du bétail en
devient plus salubre, et leur toison, supérieure à
celle des autres brebis, reste intacte. Il faudra
frotter les brebis à trois reprises différentes dans
le courant de l'année avec de l'huile et du vin
par un jour de soleil, et après qu'elles auront été
lavées. Pour chasser les serpents qui se glissent
parfois sous la crèche, on y brûlera souvent
du cèdre, ou du galbanum, ou des cheveux de
femmes, ou de la corne de cerf. Il faut faire saillir
à présent les boucs, afin que leurs petits puissent
être élevés au commencement du printemps. Mais il faut choisir,pour cette opération, des boucs qui
aient deux petites verrues qui leur pendent sous
les mâchoires, le corps grand, les jambes épaisses,
le chignon court et plein, les oreilles courbées
et lourdes, la tête petite, le poil lisse, épais
et long. Ces animaux sont propres à la propagation
même avant d'avoir atteint l'âge d'un an;
mais ils ne vont pas au delà de six ans. Il faut
choisir des chèvres dont le corps soit semblable
a celui des boucs, et qui aient le pis développé.
On ne renfermera pas cependant, dans le même
enclos, une aussi grande quantité de chèvres que
de brebis, et on aura soin qu'il n'y ait ni boue
ni fumier dans cet enclos. Outre le lait, dont on
ne laissera pas manquer les chevreaux il faudra
encore leur donner souvent du lierre et des cimes
d'arbousier et de lentisque. Les chèvres peuvent
très bien nourrir leurs petits à trois ans. On vendra
ceux dont les mères seront plus jeunes, et on
ne gardera pas celles-ci au delà de huit ans, parce
que ce bétail devient stérile en avançant en âge.
XIV. Il faut s'occuper dans ce temps-ci du soin de ramasser et serrer le gland. Ce soin peut facilement être confié aux femmes et aux enfants, ainsi que celui de ramasser les fruits tombés.
XV. Il faut couper à présent le bois de construction,
quand la lune sera dans son déclin.
Mais, avant de mettre bas un arbre, il faudra le
laisser quelque temps sur pied, après avoir entaillé
le tronc jusqu'à la moelle, afin que s'il
reste de la sève dans ses vaisseaux, elle s'écoule
par cette plaie. Voici les arbres qui sont les plus
utiles le sapin, que l'on appelle gallica, est
léger et ferme, et il dure éternellement lorsqu' iil
est travaillé et employé à sec. L'utilité du larix
est inappréciable. Si l'on soutient les tuiles d'un
bâtiment avec des lattes faites de ce bois, tant sur
la face qu'aux extrémités des toits, on n'aura
pas à craindre les incendies, parce que ce bois
ne s'enflamme ni ne se carbonise. Le chêne est
de durée quand il soutient des ouvrages de terre;
on en fait encore des pieux qui sont aussi de résistance.
L'aesculus est un bois propre à la construction,
et bon pour faire des éehalas. Le châtaignier
dure très longtemps, et sa solidité est
admirable, soit qu'on l'emploie dans les champs,
soit qu'on l'emploie pour les toits et pour les autres
ouvrages de l'intérieur. Il n'a d'autre défaut
que son poids. Le hêtre est bon à être employé
à sec l'humidité le pourrit. Les deux
espèces de peupliers, le saule et le tilleul sont
des bois de sculpture. L'aune ne saurait entrer
dans la construction, mais on ne peut s'en passer
pour les pilotis. L'orme et le frêne se roidissent
en séchant; verts, on peut les courber pour en
faire des chevrons. Le charme est de bon usage.
Le cyprès est excellent. Le pin ne dure pas, s'il
n'est employé il sec. J'ai vu employer le procédé
que voici, en Sardaigne, contre son altération trop
rapide. On submergeait entièrement, dans une
mare, des poutres faites avec ce bois, pendant
une année entière, avant de les mettre en oeuvre,
ou bien on les enfonçait dans le sable sur le bord
de la mer, de façon que le flux pùt baigner le
sable dont elles étaient couvertes, dans son retour
alternatif après le retlux. Le cèdre est durable, à
moins que l'humidité ne l'atteigne. Tous les arbres
coupés du côté du midi sont les meilleurs. Ceux
qui sont coupés du côtédu nord sont, à la vérité,
les plus hauts, mais ils se gâtent aisément.
XVI. On transplantera ce mois ci les arbres à haute tige plantés dans les terrains secs, chauds et exposés au soleil, après avoir rogné leurs branches, sans endommager leurs racines; et on les aidera par la suite à venir, en les fumant beaucoup et en les arrosant.
XVII. Voici les préceptes qu'ont donnés les Grecs pour la confection de l'huile Il faut ceuillir en un jour autant d'olives qu'on en pourra pressurer la nuit suivante. La meule doit être légèrement suspendue pour extraire la première huile, parce que si elle brisait les noyaux ceux-ci corrompraient l'huile. Aussi la première huile doit être faite avec la seule pulpe du fruit. Il faut aussi que les paniers soient confectionnés avec des baguettes de saule, parce qu'on prétend que le bois de cet arbre est favorable à l'huile. La meilleure huile sera celle qui coulera d'elle-même. Ils ordonnent ensuite de mêler du sel et du nitre avec l'huile nouvelle, afin que ce mélange la dispose à s'épaissir après quoi, lorsqu'elle aura déposé sa lie on la transvidera pure, au bout de trente jours, dans des vases de verre. La seconde huile se fait de la même manière que la première, mais il faut briser les olives avec une meule plus forte.
XVIII. Les Grecs assurent qu'on fait une première huile qui ressemble à celle de Liburnie, en mêlant dans d'excellente huile verte de l'aunée sèche, des feuilles de laurier, et du souchet le tout broyé ensemble et passé par un crible fin avec du sel grillé et égrugé, et en remuant longtemps ce mélange, pour se servir de cette huile lorsqu'elle sera reposée, au bout de trois jours ou un peu plus tard.
XIX. Si l'huile est troub1e, ils prescrivent d'y jeter du sel grillé pendant qu'il est encore chaud, et de la couvrir avec soin; moyennant quoi elle s'épure en peu de temps.
XX. Si l'huile a quelque mauvaise odeur, ils ordonnent
de battre des olives vertes sans noyaux,
et d'en mettre deux chaenicae dans une metreta d'huile. Si l'on n'a pas d'olives, il faut battre
de la même manière des tiges d'olivier très tendres.
Quelques personnes mêlent des olives avec
ces tiges, en y ajoutant même du sel. Elles enveloppent
ces matières dans un linge, et les suspendent
ainsi dans le vase d'huile. Ensuite elles
les retirent au bout de trois jours, et transvasent
l'huile. D'autres y mettent de vieille brique
torréfiée. La plupart y plongent de petits pains
d'orge enveloppés dans un linge clair, en les
changeant de temps en temps pour leur en substituer
de nouveaux; et, après avoir répété cette
opération deux ou trois fois, ils y mettent du
sel; puis ils transvasent l'huile, et la laissent reposer
pendant quelques jours. S'il arrive par
hasard que quelque animal soit tombé dans
l'huile, et qu'il l'ait corrompue en pourrissant,
les Grecs ordonnent de suspendre une poignée
de coriandre dans la metreta d'huile et de l'y
laisser quelques jours. Si l'infection ne diminue
pas, il faut changer la coriandre, jusqu'à ce
qu'on soit venu à bout de corriger ce vice. Mais
il sera très à propos de survider t'huile au bout
de six jours dans des vases propres, qui n'en
vaudront que mieux s'ils ont contenu du vinaigre.
Il y a des personnes qui mêlent de la graine
de fenugrec, sèche, et broyée dans l'huile, ou
qui y font éteindre souvent des charbons de bois
d'olivier enflammés. Si l'huile sent l'aigre, ils
ordonnent d'y plonger la partie acide des grappes
de raisin,
après l'avoir pilée et réduite en pâte.
XXI. Les Grecs assurent qu'on peut corriger l'huile rance de la manière suivante. On jette dans cette huile de la cire blanche fondue dans de l'huile propre et excellente, tandis qu'ellc est encore liquide,et ensuite on y ajoute du sel grillé pendant qu'il est chaud; puis on la couvre et on l'enduit de gypse; moyennant quoi l'huile se purge, et change de goût et d'odeur. Au reste, il faut conserver les huiles de toutes les espèces dans des caveaux pratiqués sous terre. Telle est la nature de cette liqueur, que le soleil ou le feu l'épurent ainsi que l'eau bouillante quand elle est mêlée avec elle dans le même vase.
XXII. On confira aussi les olives ce mois-ci.
On s'y prend de différentes façons. Voici la manière
de faire des olives qui nagent dans un jus:
on étend sur des claies des olives et du pouliot
alternativement par couches,et l'on verse, entre
chaque couche, du miel, du vinaigre, et un peu
de sel. On étend encore les olives sur des tiges de
fenouil, d'aneth ou de lentisque, en mettant dessous
de petites branches d'olivier; on verse
par-dessus une hemina de sel avec de la saumure,
et l'on multiplie ces couches jusqu'à ce que le
vase en soit rempli. Autre manière de les confire
on fera macérer dans de la saumure des olives de
choix; quarante jours après on jettera toute la
saumure; après quoi on mettra dans le vase deux
tiers de vin cuit jusqu'à diminution de moitié, et
un tiers de vinaigre, avec de la menthe hachée
par petits morceaux; puis on remplira le vase
d'olives, de façon que la liqueur, que l'on y aura
versée en quantité suffisante les surmonte. Autre
manière on laisse, pendant une nuit entière, exposées
à la vapeur d'un bain, des olives cueillies
à la main, et étendues sur une planche ou sur
une claie; ensuite, après les avoir retirées le
matin, on les saupoudre de sel broyé, et on en fait
usage. Mais on ne pourra pas garder les olives
ainsi préparées plus de huit jours. Autre manière: on commence par mettre dans de la saumure des
olives saines; quarante jours après on les en retire,
et on les coupe avec un roseau tranchant
puis on verse dessus deux tiers de vin cuit jusqu'à
diminution des deux tiers, et un tiers de vinaigre,
quand on veut qu'elles soient douces ou
deux tiers de vinaigre et un tiers de vin pareil
quand on veut qu'elles soient plus aigres. Autre
manière : après avoir mêlé ensemble un sextarius de vin fait avec du raisin séché au soleil
plein les deux mains de cendre bien criblée, un
semi-sicilicus de vin vieux, et une petite quantité
de feuilles de cyprès, on verse tout ce mélange
sur les olives, que l'on foule, et que l'on sature de
cette composition, de manière à ce qu'une espèce
de croûte se forme sur chaque couche
d'olives, dont le vase doit être rempli à comble.
Autre manière On ramasse des olives tombées à
terre, et racornies au point de se couvrir de
rides; on les étend au soleil, après les avoir saupoudrées
de sel, et on les y laisse jusqu'à ce
qu'elles soient séchées ensuite on dispose plusieurs
couches de laurier et d'olives alternativement,
en commençant par la couche de laurier;
après quoi on fait jeter deux ou trois bouillons à
du vin cuit jusqu'à diminution de moitié, qu'on
a mis sur le feu à cet effet avec une petite botte
de sarriette:; et lorsque ce vin est tiédi, on enverse
sur les olives qu'on a arrangées par couches,
en y mêlant un peu de sel. Enfin, après
avoir jeté dans le vase une botte d'origan, on
verse dessus tout le reste de ce jus. Autre manière:
on confit des olives aussitôt après qu'elles ont
été cueillies sur l'arbre, on les arrange par
couches, entre chacune desquelles on étend de la
rue et du persil en remplissant les vides, qui
se trouvent entre les couches de sel égrugé, avec du
cumin, dont on Ies saupoudre, puis on verse par-dessus du miel et du vinaigre; après quoi
on y ajoute tant soit peu d'huile excellente. Autre
manière: on cueille des olives noires sur
l'arbre; après les avoir arrangées, on les arrose
de saumure; ensuite on met dans une marmite
deux sixièmes de miel un sixième de vin, et une
moitié de vin cuit jusqu'à diminution de moitié
et l'on fait bouillir le tout ensemble; après quoi
on retire la marmite du feu, on la secoue, et on
y ajoute du vinaigre; et lorsque ce jus est refroidi,
on étend sur les olives des rejetons d'origan,
et on le verse tout entier dessus. Autre
manière: on verse de l'eau pendant trois jours
sur des olives cueillies à la main avec leurs
queues, ensuite on les fait tremper dans de la
saumure, et, après les en avoir retirées au bout
de sept jours, on les met dans un vase avec une
dose égale de vin doux et de vinaigre; et lorsque
le vase est rempli, on le couvre, en y laissant
quelque ouverture pour lui donner de l'air.
XXIII. Les heures du jour sont d'une égale durée dans les mois de novembre et de février. A la première et à la onzième, le gnomon donne vingt-sept pieds d'ombre. A la seconde et à la dixième, il en donne dix-sept. A la troisième et à la neuvième, il en donne treize. A la quatrième et à la huitième, il en donne dix. A la cinquième et à la septième, il en donne huit. A la sixième, il en donne sept.
DÉCEMBRE.
I. On sème au mois de décembre les blés, le froment, l'adoreum et l'orge, quoiqu'il soit déjà tard pour ce dernier grain. On peut encore semer les fèves vers la septimmtium (fête des sept monts); car on aurait tort de le faire après le solstice d'hiver. On pourra aussi semer la graine de lin ce mois-ci jusqu'au sept des ides de décembre.
II. On commencera à présent, pourvu que ce ne soit pas avant les ides, à façonner la terre au pastinum pour y planter des vignes de la manière que nous avons exposée ci-dessus. II sera encore à propos de couper le bois ce mois-ci. On fabriquera aussi des pieux, des paniers et des échalas. On fera encore, dans les pays froids, de l'huile de laurier. On brisera les baies de myrte et de lentisque, pour en extraire l'huilc; et l'on fera infuser de nouveau du myrte dans le vin de la façon que nous avons donnée précédemment.
III. Il faut semer la laitue dans ce temps-ci, afin de la transplanter au mois de février. On pourra aussi semer dès à présent l'ail, l'oignon de Cypre, la ciboule, la moutarde et l'origan, suivant la méthode et de la manière que nous avons données précédemment.
IV. Les hypomélides sont (ainsi que Martialis l'assure) des fruits semblables à la corme, qui viennent sur un arbre de moyenne hauteur, dont la fleur est blanchâtre. Ces fruits ont quelque douceur, et un arrière-goût piquant. On les sème au mois de décembre, en mettant leurs noyaux dans de petits vases. Maison les transplante au mois de février, temps où ils ont acquis une certaine force, et où ils sont de la grosseur du pouce, pour les planter dans une très petite fosse, creusée sur un terrain rendu bien meuble, dans laquelle on met beaucoup de fumier. II faut protéger cet arbre contre les vents, dont le souffle dessécherait bientôt ses racines. Il s'accommode de quelque sol que ce soit. Il aime les climats chauds, exposés nu soleil et voisins de la mer; souvent même il se plaît au milieu des rochers. Il craint les climats froids. On ne peut pas le greffer, et il vit peu de temps. On conserve ses fruits dans de petites cruches enduites de poix, ou dans de la sciure de peuplier, ou dans des pots de terre pleins de marc, et placés parmi des grappes de raisin.
V. On s'occupe en ce temps de plonger, pour les confire, dans de la moutarde détrempée avec du vinaigre (suivant l'usage), des raves coupées en petits morceaux et légèrement cuites, après les avoir bien fait sécher pendant toute une journée, pour qu'il n'y reste aucune humidité. Quand on en aura rempli des vases, on les bouchera, et on n'en tirera pour son usage qu'après y avoir goûté au bout de quelques jours. On pourra aussi faire la même chose aux mois de janvier et de novembre.
VI. Ceux qui auront l'avantage de la proximité de la mer feront aussi confire à présent, dans du sel, de la chair de hérisson de mer, quand l'accroissement de la lune favorisera cette opération parce que c'est le temps où cette planète fait grossir les membres de tous les êtres vivants que la mer renferme dans son sein, poissons et coquillages. Au reste, cette opération se fait de la manière accoutumée. Elle se pratique également bien pendant tout, l'hiver. On fait aussi des jambons, et on sale du lard non seulement ce mois-ci, mais dans le courant de tous les mois d'hiver dans lesquels le froid est rigoureux. Il faudra tendre dans ce temps-ci des piéges au milieu des bois taillis et des plants d'arbustes féconds en baies, pour y prendre des grives et d'autres oiseaux. Cette chasse dure jusqu'au mois de mars.
VII. Le mois de décembre ressemble, pour la durée des heures, à celui de janvier par des raisons contraires, puisque les jours de l'un de ces mois croissent dans la même proportion que ceux de l'autre décroissent. A la première et à la onzième heure, le gnomon donne vingt-neuf pieds d'ombre. A la seconde et à la dixième, il en donne dix neuf. A la troisième et à la neuvième, il en donue quinze. A la quatrième et à la huitième, il en donne douze. A la cinquième et à la septième, il en donne dix. A la sixième, il en donne neuf.
AU TRÈS DOCTE PASIPHILUS.
Recevez, comme un nouveau gage de l'affection que je vous ai vouée, ce poème relatif à l'art de la greffe. Cette addition à mon premier envoi est une façon de payer l'intérêt de mon retard. Si vons avez attendu plus longtemps que vous ne le désiriez ces volumes relatifs aux travaux agricoles n'en accusez que la lenteur du copiste; c'est un défaut pour lequel je me montre toujours assez indulgent. Connaissant par expérience les manoeuvres de ceux qui nous servent, j'aime mieux attendre, afin de pouvoir compter sur de meilleure besogne. Je ne sais si j'ai cela de commun avec les autres maîtres, mais je remarque que le caractère des esclaves est de donner toujours dans les extrêmes. Tant il est vrai que dans cette condition les meilleurs penchants se dénaturent, et qu'il n'est pas de qualité qui ne puisse y devenir défaut. Une nature prompte chez eux est toujours près du mal. La paresse du moins a l'allure de la bonhomie, Plus on incline à l'indolence, et moins on est propre au crime. Du reste, mon hésitation à vous offrir cet ouvrage est celle d'un bon serviteur. J'ignore à la vérité si votre esprit se sent porté vers ces minuties, mais votre attentian va les grandir et les élever au niveau de votre attente. Aussi, pour peu que vous pensiez avantageusement de ces bagatelles je n'hésiterai pas à y mettre moi-même le plus grand prix. Le curieux, en contemplant une médaille, ne tient pas compte de la poussière qui la couvre; il ne voit que l'effigie, portrait en raccourci de quelque grand personnage d'autrefois.
DES GREFFES.
Pasiphilus, type de l'amitié, dépositaire, à si
juste titre, de tous les secrets de mon âme, vous
louez, vous prisez et vous chérissez ces quatorze
petits livres sur l'agriculture; oeuvre vulgaire, anti-
poétique s'il en fut, affrauchie de tout rhythme,
qui n'emprunte rien de la source d'Hippocrène,
et n'a pour tout mérite que sa simplicité rustique.
Mais la rusticité même vous plaira chez un
ami. Ma présomption est accrue de cette confiance,
et j'ose offrir aujourd'hui ce petit poème à
votre approbation. Au reste, le but de ma muse
n'a rien que de louable, puisqu'elle se propose
de traiter d'une opération rustique, que l'on peut
regarder comme urbaine, qui consiste à joindre ensemble des arbres heureux, par nn mariage devant
douer leur progéniture des avantages de
tous deux à revêtir un arbre incorporé à un autre
d'un ombrage qui lui soit analogue à ennoblir
le résultatde cette union par un double feuillage;
enfin à réunir des sucs agréables par l'effet d'une
alliance charmante, et à confondre deux saveurs
dans un même fruit. J'enseignerai donc quels sont
les arbres qui donnent l'hospitalité à d'autres à
quels arbres ils la donnent, et comment ceux-ci
vont parer leur front d'une chevelure adoptive.
Le modérateur du ciel, qui fait errer les étoiles
brillantes, qui a affermi la terre sur ses fondements,
et qui donne l'écoulement aux eaux de
la mer, aurait pu revêtir lui-même les branches
des arbres de différentes espèces de fleurs, et orner
une forêt chargée de fruits d'un feuillage varié.
Mais, daignant donner à nos travaux l'occasion
de se signaler en cette partie, il a voulu que
l'art formât une seconde nature. Je ne crois pas
que l'entreprise de ma muse soit sans fruit, ni
que ce petit ouvrage manque absolument de grâce
et d'utilité. On voit bien la curiosité humaine
allier l'ardente cavale à l'âne paresseux, bien qu'il
ne sorte de cette alliance qu'une progéniture rétive
et stérile, un rejeton inhabile à transmettre
à d'autres la vie qu'il a reçue. Pourquoi un arbre
infructueuxne serait-il pas fécondé par le moyen
d'un autre germe, en retour de l'hospitalité qu'il
lui a donnée? Pourquoi ne deviendrait-il pas
plus brillant en partageant les honneurs d'une
fleur étrangère? J'entre en matière, en me conformant
dans mon travail à tous les écrits des agriculteurs qui m'ont précédé, et aux paroles
consacrées par les anciens.
Dans l'origine, l'active industrie inventé bien
des sortes de greffes, et a voulu qu'une main habile
les mît en oeuvre. En effet, les méthodes suivantes
apprennent à tout arbre paré de feuilles
étrangères à porter les fruits qu'on lui confie;
ou l'on enfonce de nouveaux germes entre son
écorce, que l'on en sépare à cet effet; ou on le
fend à l'extrémité supérieure de son tronc, pour
recevoir ces germes; ou enfin on adapte les yeux
verdissants d'un bouton étranger et humide à l'un
de ses bourgeons, qui resserre le premier dans
son sein humide de sève.
La branche à fruit de l'arbuste de Bacchus
l'Échionien est la première à qui l'on ait appris
à se marier, afin que la grappe de raisin fût gonflée
par un vin étranger. Les membres féconds
de la vigne sont entrelacés de bourgeons entortillés autour
d'elle; et, dès qu'elle est adulte, elle
nourrit ceux de l'espèce qu'elle a reçue entre ses
bras de sorte qu'un pampre doux couvre de son
ombre un pied de vigne dont le feuillage est
d'une autre nature que le sien, et que celte plante
se courbe sous le poids du dieu replet.
Les rameaux de l'arbre de Pallas embellissent
les chênes des forêts, et la superbe olive ennoblit
des fruits sauvageons. L'olivier sauvage, tout
stérile qu'il est, féconde celui dont nous recueillons
les olives grasses, et lui apprend à donner
des fruits qu'il ne saurait produire lui-même.
Le poirier au germe blanc prête sans jalousie
ses fleurs de couleur de neige, et s'unit amoureusement
à un bois différent du sien. Tantôt
il arrache les armes cruelles de ses soeurs épineuses, et apprend aux poiriers indomptés à déposer
leurs traits tantôt il produit des pommes
dont la rondeur se termine en une pointe insensible,
et fait fléchir les rameaux du frêne en le
revêtant de nouveaux honneurs. Il apprend
en outre à Phyllis à porter des fruits plus doux
et d'un plus gros volume, et prête ses membres
à la peau dure dont elle est couverte. Il dote les
pruneliers stériles, ainsi que l'orme sauvage qui
ne produit aucuns fruits, et les force à chérir
un honneur qui leur était inconnu. Ses branches,
entées sur le cognassier, changent la nature de
celui-ci, et, son odeur se confondant avec celle
de ce dernier, il lui fait procréer des fruits
charmants. Il dépouille les fruits du châtaignier
de l'écorce piquante qui les enveloppe, et change
le poids dont ils sont chargés en un fardeau plus
doux. Il dépouille le néflier menaçant de son
appareil de guerre, étouffant ses mauvais desseins
sous une écorce paisible. Ses germes, dit-on
s'unissent aux branches de l'arbre de Libye,
et, fécondés par lui, peuvent jouir d'un éclat
empourpré.
Le grenadier, qui dédaigne pour son fruit
l'importation d'un goût nouveau, et pour ses
rameaux une parure empruntée, augmente de
lui-même le nombre de boutons en changeant de
semence, et se plaît à être peint d'une rougeur
qui a de l'affinité avec ses teintes propres.
Le pommier, enté sur de plus hautes branches
que les siennes, continue de croitre, et change à
l'amiable le poirier qu'on lui a associé. Il s'exhorte
lui même à laisser dans les forêts ses moeurs
sauvages, et se plait à porter un fruit plus distingué.
Il rend lisses les pruneliers garnis d'épines, ainsi que les chênes armés de piquants, et
les revêt en croissant d'une belle chevelure. Il
sait gonfler d'un sue agréable la petite corme,
et faire descendre le fruit de l'arbre qui la donne
à la portée des mains qui le désirent. Il se plait
à changer de nom sur les souches du saule, et à
répandre ses fleurs sur des forets agréables aux
Nymphes. Il apprend au platane, cet arbre
sympathique de Bacchus, à rougir, chargé d'un
fruit nouveau. Le pêcher admire son feuillage,
auquel il n'était point accoutumé et la ehevelure
du peuplier porte ses dons éblouissants par
leur blancheur. La nèfle lui obéit et, changeant
ses entrailles pierreuses, elle grossit et rougit en
se remplissant d'une liqueur blanche. Au lieu
des pieux lourds et des armes grossières qu'ils
fournissaient auparavant, les châtaigniers donnent
de nouveaux fruits, qui leur font honneur
par leur couleur jaune.
Le pêcher charge lui-même ses branches d'un
meilleur germe, et associe sa nature au prunier.
Il couvre d'ombres légères le tronc de Phyllis, et
apprend à devenir lui-même plus fort par cette
transmigration.
Quoique l'arbre qui produit des coings jaunes se prête à donner l'hospitalité à toutes sortes
de fruits il ne se confie à aucun autre arbre
pour la recevoir. Il est fier, et méprise l'écorc
d'un bois étranger, convaincu qu'il n'y a point
d'arbre qui puisse ajouter quelque chose à ses
avantages particuliers. Mais, offrant à ses propres
branches des lits qu'elles connaissent, il se contente
d'ennoblir un bien qui lui appartient.
Le dur néflier, rival du poirier sauvage se greffe sur des pommiers dont on rebute le fruit,
et se trouve en sûreté quand son germe y est
reçu, parce que de doubles armes le rendent
alors plus redoutable qu'auparavant; de sorte
que son bois cruel épouvante les mains avides.
Les branches du citronnier souffrent aussi
qu'on leur prête les enfants élevés par le mûrier
sous son écorce pleine, et changent les piquants
dont les poiriers sont ordinairement armés pour
nourrir les fruits odoriférants de ceux-ci d'un
sue flatteur.
Les pruniers ajoutent à leurs propres membres
d'heureux germes, et portent des présents
fertiles dans un corps analogue au leur. Lorsqu'on
les force d'habiter dans le châtaignier, ils
désarment à la vérité son fruit, mais ils arment
ses bras.
Les caroubiersaccoutument leurs fruits à s'amollir
avec le secours d'un suc vert, et nourrissent
tous les autres fruits dans leur sein.
Le figuier détermine les mûres à quitter leur
couleur noire, et fait la loi aux branches dont il
s'est emparé. Il s'admire aussi lui-même lorsqu'un
suc mieux nourri le fait grossir, et se réjouit
de voir ses fruits excéder leur grosseur ordinaire.
Le noble platane cher aux amis de la
table, dont la chevelure se prête avec amour
aux entrelacements de la vigne, le platane ouvre
aussi les bras au figuier, qui trouve un abri désiré
sous son écorce nourrissante, et remplit en
croissant le sein qui l'a adopté,
Le figuier entretient en outre un commerce réciproque
avec la mûre, et prodigue sa substance
au germe qu'elle lui offre à nourrir. Le frêne prête aussi ses membres à cette soeur avide; et,
se voyant alors baigné de sang, il redoute ses
nouveaux enfants. Le hêtre géant reçoit aussi la
teinture du mûrier. La châtaigne hérissée, ce
fruit à l'enveloppe dure et piquante, apprend
de lui à devenir noire comme de la poix, et, nourrie
de ce suc nouveau, voit s'augmenter son volume.
Le térébinthe, dont l'odeur est si agréable,
obéit au mûrier, et produit alors des fruits dont
le mérite est double.
Le cormier a l'avantage d'augmenter, en se
renouvelant de lui-même la beauté de son fruit,
l'arbre se courbe alors sous le noble effort de
ce surcroît de production. Cet arbre dépouille
de leurs piquants les membres durs de l'épine,
et cache les armes de cette plante sous de douces
écorces. Il se plaît à unir le coing doré
avec son propre fruit, et chérit des présents d'une
couleur étrangère.
Les cerisiers se greffent sur le laurier, et le
fruit qu'ils le contraignent de donner teint d'une
pudeur adoptive les joues de cette vierge. Il force
les platanes ombragés ainsi que le prunier hérissé,
à revêtir sa luisante écorce. Et le peuplier
s'ennoblit d'une adoption qui nuance d'un rouge
flatteur la blancheur de ses rameaux.
Phyllis, cachée entre l'écorce d'un prunier
fendu en couvre les membres parfumés de fleur précoces, et change les fruits du pécher en y
ajoutant une enveloppe, et en leur apprenant à
prendre une couverture dure qui leur sert de
peau. Elle arrondit sous une moindre forme le
fruit du caroubier lorsqu'il se gonfle, et enrichit
d'une belle odeur les feuilles sauvages de cet arbre.
Elle dépouille la châtaigne de son enveloppe
cruelle, et force l'arbre à admirer la peau lisse
de son fruit.
Les pistaches se glissent entre les branches
de l'amandier, et le moindre fruit devient alors
le plus recherché. Le térébinthe aussi leur offre
son ombre paternelle, et les ennoblit par son
adoption.
Les membres élevés du châtaignier fécondent
le saule des rivières, et prennent de la force lorsqu'ils
sont abreuvés d'une grande quantité d'eau.
Le vaste noyer s'empare sous son ombre des
feuilles de l'arbousier,et rapporte des fruits qui
sont en sûreté sous leur double écorce.
On a essayé d'antres procédés, qu'une expérience
habile pourra perfectioner avec le temps.
Mais pour un poëte qui n'est habitué qu'à retourner
la terre, c'est déjà beaucoup d'avoir
énoncé ceux-ci en vers même médiocres. Lisez-les
ces vers, fabriqués parmi les instruments du labourage.
Ils sont rudes, mais d'une rudesse que
tempère l'utilité de leur objet.
FIN DE L'OUVRAGE