Insula :
Pour un Romain, une insula est une habitation qui est louée mais ce mot à différentes significations. La première qui peut expliquer toutes les autres est « ile », quelque chose qui est délimitée par des rues, isolée par celles-ci comme peut l’être un ilot au milieu de l’eau, puis on va trouver la notion de « parcelles » ; tout cela va se joindre pour signifier » immeuble collectif ». Au moment où ce type d’habitation apparut, soit vers le II ° siècle avant J.C. , IV° siècle avant J.C. selon J.Carccopino, une loi obligeait les propriétaires à laisser un espace libre autour de la construction pour l’écoulement des eaux de pluie puis cette loi tomba en désuétude avec l’apparition de l’impluvium qui permettait à ces eaux de s’écouler dans une citerne à l’intérieur de l’immeuble.
...Image trouvée sur le site : ICI
Le mot d’insula pour désigner des habitations ne fut employé dans les textes antiques qu’au I° siècle après J.C.
Mais quels étaient les aspects d’un tel immeuble ?
D’après les historiens et les archéologues, ce genre d’habitations ressemblait à nos modernes H.L.M. comme l’Insula Felicles qui pouvait s’apparenter à un gratte ciel ou encore à certains immeubles que l’on trouve à Rome dans les quartiers populaires. Elle a une largeur de façade comprise entre 6 et 12 mètres. Elle était étroite et haute.
--- Au milieu de l’image (site d’A. Caron)
Généralement le rez de chaussée a deux ouvertures, l’une va vers les boutiques, l’autre aboutit à un escalier en pierres qui dessert les deux premiers étages, les suivants ou le suivant ne sont atteignables que par ce même escalier qui se poursuit en bois ou par une échelle que le propriétaire pouvait retirer en cas de non paiement du loyer.
Sous la République, des constructeurs donnent dans la démesure : certains immeubles vont atteindre 7 étages ou 21 mètres de haut alors qu’habituellement, ces maisons ne dépassent pas 3 étages.
…un taureau était monté de lui-même à un troisième étage, d'où il s'était ensuite précipité, effrayé par les cris des habitants de la maison… Tite Live, XXI, 62.
Les empereurs durent intervenir, Auguste va fixer une hauteur maximale de 70 pieds (20,71 mètres), avec Trajan, elle sera réduite à 60 pieds (17,71 mètres). Pourquoi une telle dimension ? Parce qu’on manque de place à Rome, les nouvelles constructions sont rares et il faut loger les 1,2 millions d’habitants qui s’entassaient en ce début d’Empire dans même pas 2000 hectares. Plus l’immeuble va être haut plus on va caser des locataires
Comme à notre époque, le maitre mot était « rentabilité ». Les Insulae étaient construites à moindre coup, les fondations n’étaient pas suffisamment profondes, les murs étaient très minces, non construits en briques mais en opus reticulum qui était très agréable à la vue mais sans solidité.
Deux de mes boutiques ont croulé; les autres sont remplies de lézardes. Les locataires et même les rats ont délogé. On appellerait cela un malheur : pour moi, ce n'est pas même une contrariété. … D'ailleurs le projet de reconstruction que me conseille Vestorius, et qu'il a conçu, me rendra cet accident profitable. Il y a ici grand monde, et on parle de plus grand monde encore… Cicéron, A Atticus, 14, 9.
Les immeubles s’écroulaient donc très souvent. Selon Plutarque, Crassus aurait réuni près de 500 esclaves, tant architectes que mâcon, grâce à leur labeur, il se mit à racheter les habitations proches de celles qui s’étaient écroulées, il les retapait, leur propriétaires les cédant à bas prix de peur de les voir elles à leur tour s’écrouler, fragilisées par le sort survenu à leurs voisines.
Les insulae sont construites autour d’une cours intérieure et pour les plus petites autour d’un puits d’aération. Celles bâties après l’incendie de 64 après J.C. étaient de meilleures qualité que celles de la République, Néron avait édicté de nouveaux règlements pour la construction, il avait aussi fixé un impôt sur les loyers en imposant les locataires qui devaient verser à l’Etat une somme équivalent à un an de loyer.
Dans certaines d’entre elles, le propriétaire va profiter du moindre espace, il va louer même les sous-sols, les caves et il va multiplier les étages. Pour qu’elles puissent être plus nombreuses, les pièces voient leur surface réduites. De tels immeubles pouvaient atteindre quatre ou cinq étages auxquels devaient s’ajouter, construit en matériaux légers et fragiles, des toits en terrasse et des jardins, sortes d’espaces verts suspendus.
Il y avait deux sortes d’Insulae, celles avec boutiques au rez de chaussée (tabernae) et d’autres, beaucoup moins nombreuses, sans. Les appartements étaient directement à l’entrée, les ouvertures se trouvaient à deux mètres de hauteur au moins pour préserver l’intimité des locataires. Les boutiques étaient généralement protégées de la pluie ou du soleil par un portique.
Il voulut que les maisons publiques et les maisons privées eussent des portiques par devant, et que du haut de leurs plates-formes on pût éteindre les incendies. Suétone, Néron, 16.
Ces boutiques, en plus d’être des lieux de vente, pouvaient être une habitation pour l’artisan ou le commerçant qui l’occupait. Il est évident que tout cela se passait dans des conditions d’hygiène déplorables.
Les étages les plus riches étaient généralement les deux premiers. Plus on montait haut, plus on était confronté à la pauvreté, passé le deuxième, les appartements étaient petits donc nombreux. Le dernier était occupé par des mansardes (pergolae) où se réfugiaient les locataires les plus pauvres ; autrement les deux premiers recevaient des balcons. Il devait y avoir un concierge car les archéologues ont retrouvé une petite pièce située sous l’escalier principal.
Il n’y avait pas de tout à l’égout, le locataire devait porter ses détritus sur un tas de fumier voisin, le plus souvent, la fenêtre en faisait office. Sauf au rez de chaussée, les latrines semblent avoir été sur le palier. Chaque immeuble avait une conduite d’eau mais en l’absence de canalisation, on est forcé de penser qu’elle ne pouvait s’élever dans les étages, les locataires devait aller à la fontaine du plus proche carrefour ; n’oublions pas que recevoir l’eau chez soi était un privilège que seul l’empereur pouvait octroyer. En l’absence de cheminée, le chauffage ne pouvait se faire que par l’intermédiaire de brasero ainsi que pour la cuisine, avec tous les risques d’incendie ou d’intoxication que cela comportait. Les départs de feux étaient très nombreux, l’incendie et l’écroulement étaient les deux dangers principaux de la vie quotidienne du locataire. Pour combattre le feu, une loi les obligea à garder une grande quantité d’eau chez eux. Les fenêtres n’avaient pas de vitres, matériau qui était connu à cette époque mais qui était trop cher. La température extérieure était filtrée par des volets de bois, des toiles que l’on tendait en travers de ces ouvertures (2 mètres sur 1,3 de large), grandes dimensions telles que les archéologues ont pu le constater sur des Insulae de Pompéi et d’Herculanum.
Pour continuer et terminer de décrire l’agencement des Insulae, il reste à dire qu’il en existait sans boutiques au rez de chaussée ainsi qu’il a déjà été dit, le locataire de ces lieux devait avoir une aisance confortable car la demeure ressemblait beaucoup plus à une domus qu’à une Insula, d’ailleurs les Anciens employaient ce terme pour en parler et non pas appartement.
Peut-on voir dans le fait que le Romain vivait une grande partie de la journée hors de chez lui les conséquences de l’inconfort de son habitation ? Quoique soit la réponse, il n’en demeure pas moins que c’est une des causes mais il y en a d’autres.