Dilectus: Recrutement.
Mot venant de delectus , part. pass. De deligo = choisir, levé, recrutée ou deuxième étymologie = delectus – dilectus ,us = choix triage, levée de troupes, recrue ; exemple : dilectu habito : une levée de troupes ayant été faite.
Comme le mot le signifie, il s'agit de lever des recrues pour les légions, tant à la période royale que républicaine ou impériale. Au début de la République , un citoyen romain est aussi un soldat, ce n'est que sous l'Empire qu'il devint professionnel.
Avant la réforme de roi Servius Tullius , tout citoyen était un soldat en puissance en raison de leur petit nombre, il n'y avait pas un choix à faire donc on ne peut parler de dilectus . C'est donc Servius Tullius qui définit un domaine militaire : « La première classe était composée de ceux qui possédaient un cens de cent mille as et au-delà; elle était partagée en quatre-vingts centuries, quarante de jeunes gens et quarante d'hommes plus mûrs. Ceux-ci étaient chargés de garder la ville, ceux-là de faire la guerre au dehors. On leur donna pour armes défensives, le casque, le bouclier, les jambières et la cuirasse, le tout en bronze; et pour armes offensives, la lance et l'épée. À cette première classe, Servius adjoignit deux centuries d'ouvriers, qui servaient sans porter d'armes, et devaient préparer les machines de guerre. La seconde classe comprenait ceux dont le cens était au-dessous de cent mille as, jusqu'à soixante-quinze mille, et se composait de vingt centuries de citoyens, jeunes et vieux. Leurs armes étaient les mêmes que celles de la première classe, si ce n'est que le bouclier était plus long et qu'ils n'avaient pas de cuirasse. Le cens exigé pour la troisième classe était de cinquante mille as : le nombre des centuries, la division des âges, l'équipement de guerre, sauf les jambières, que Servius supprima, tout était le même que pour la seconde classe. Le cens de la quatrième classe était de vingt-cinq mille as, et le nombre des centuries égal à celui de la précédente; mais les armes différaient. La quatrième classe n'avait que la lance et le dard. La cinquième classe, plus nombreuse, se composait de trente centuries : elle était armée de frondes et de pierres, et comprenait aussi les cors et les trompettes, répartis en deux centuries. Le cens de cette classe était de onze mille as. Le reste du menu peuple, dont le cens n'allait pas jusque-là, fut réuni en une seule centurie, exempte du service militaire... Lorsqu'à l'aide de la loi, qui menaçait de prison et de mort ceux qui négligeraient de se faire inscrire, Tullius eut accéléré le dénombrement, il ordonna, par un édit, à tous les citoyens, cavaliers et hommes de pied, de se rendre au Champ de Mars, dès la pointe du jour, chacun dans sa centurie. Là, il rangea les troupes en bataille, et les purifia en immolant à Mars un « suouetaurile ». Ce sacrifice, qui marquait la fin du recensement, s'appelait la clôture du lustre. On dit que le nombre des citoyens inscrits alors fut de quatre-vingt mille. Fabius Pictor, le plus ancien des historiens romains, ajoute que ce nombre ne comprenait que les hommes en état de porter les armes. » Tite Live, I, 43, 44.
Comme on peut le voir et suivant les écrits d'Yvon Garlan dans son livre : « La Guerre dans l'Antiquité », c'est « le degré dequalification politique du citoyen qui détermine son degré de qualification militaire. »
Comme l'a écrit Tite Live, c'est le cens qui servait au recrutement, chaque tribu était tenue de fournir un certain contingent suivant les besoins. Comme le soldat devait s'équiper à ses frais, les plus riches furent les plus protégés par des armes défensives et les plus défavorisés formèrent les troupes légères (vélites) car leur armement tant offensif que défensif était succinct. Cette réforme divisa la vie civile en cinq classes soit 193 centuries et c'est d'elles que furent tirés les nouvelles recrues.
Puis vint Marius qui réforma l'armée dans sa conception tactique et dans sa composition puisque ce fut plus le cens qui détermina qui allait servir, tout le monde fut inclus. On assiste alors à une entrée en force du prolétariat urbain dans l'armée (107 avant J.C.) :
« Pendant ce temps (Marius) , lui-même lève des troupes, non par classes, comme autrefois, mais au hasard des inscriptions, qui amenaient surtout des prolétaires : résultat dû, selon les uns, au nombre insuffisant d'inscrits appartenant aux hautes classes, selon les autres, à l'ambition du consul, dont la gloire et les succès étaient l'oeuvre de ces gens-là. Pour un homme qui veut conquérir le pouvoir, les classes pauvres sont un appui tout indiqué ; rien n'a de prix pour elles, puisqu'elles ne possèdent rien, et tout leur semble honorable, qui leur rapporte quelque chose… » Salluste, guerre de Jugurtha, 86.
Jusqu'alors les recrues appartenaient généralement au monde rural et étaient des gens modestes. Avec Marius, on va assister à la professionnalisation du soldat qui va être fidèle et dévoué à son général dont il fera passer les intérêts avant ceux de l'Etat mais ceci est une autre histoire…
Avec le Haut Empire, le service militaire resta obligatoire en théorie, il était toujours possible de payer un remplaçant mais en fait les volontaires suffisaient à combler les trous des effectifs des légions. En effet, il a été calculé qu'une légion ne devait se renouveler que de 240 hommes par an, qui tous devaient posséder la citoyenneté romaine, soit pour 25 légions (nombre moyen à travers tout l'Empire), 6000 nouveaux soldats, en comptant la marine et les troupes auxiliaires, on arrive à un nombre de 18.000 hommes/an pour tout l'Empire, chose facilement réalisable.
Ce recrutement était confié à quelqu'un d'un rang élevé. Dans les provinces, il était du domaine de compétence du gouverneur. En Italie, cette opération était confiée à un dilectator qui était responsable de la bonne marche de la levée ; en cas de crise importante, elle était supervisé par des personnes qui n'avaient que cette unique préoccupation à gérer, dans la péninsule, ils se nommaient missi ad dilectum , ailleurs legati ad dilectum ou inquisitores.
Sous la République , au mois de mars, sur le Champ de Mars puis au Capitole, tous les citoyens devaient se réunir et les consuls choisissaient ceux dont ils auraient besoin pour leur armée (2 légions par consul)
chaque tribu devant fournir un contingent de soldats, on sélectionnait parmi eux. Un drapeau rouge avait été hissé sur le Capitole indiquant que dans 30 jours aurait lieu un dilectus . Au cours de l'histoire de la République , on vit, quelques fois, ce recrutement troublé par les tribuns de la plèbe qui allèrent jusqu'à demander aux futures recrues de refuser leur incorporation malgré des peines terribles qui frappaient ceux qui repoussaient le résultat d'un dilectus. Cela allait de la simple amende jusqu'à l'esclavage.
Les sélectionnés se voyaient fixer un rendez vous, au jour où le consul avait besoin d'eux, soit aux portes de la Ville soit dans une ville voisine, alors les questeurs devaient retirer du Trésor Public (temple de Saturne) les enseignes qui étaient données aux nouvelles légions. Celui quoi qui ne se rendait pas à cette convocation était traité comme un déserteur et risquait la peine de mort.
Et tout cela disparut dès la fin de la République , temps où l'armée ne fut plus constituée que de volontaires, le militaire ne fut plus attaché qu'à son général et non à l'Etat.