Colisée

Colisée:

Rome n'avait aucun lieu permanent, bâti en dur, pour abriter des combats de gladiateurs ou de bêtes sauvages. Ces manifestations belliqueuses qui étaient inconnues des grecs (peut-être d'origine étrusques) avaient habituellement lieu sur le Forum ou au circus maximus. En 30 avant J.C., Statilius Taurus avait construit un emplacement en bois pour les accueillir sur le Champ de Mars, mais celui-ci fut détruit par l'incendie de 64 après J.C.

Pour pallier ce manque, Vespasien lorsqu'il devint empereur, entreprit de construire un édifice somptueux pour que les jeux de gladiateurs et autres réjouissances sanglantes puissent avoir lieu.

" Le hasard vient de me conduire au spectacle de midi : je m'attendais à des jeux, à des facéties, à quelque délassement qui repose les yeux du sang humain. Loin de là : tous les combats précédents avaient été pure clémence. Cette fois, plus de badinage : c'est l'homicide dans sa crudité. Le corps n'a rien pour se couvrir ; il est tout entier exposé aux coups, et pas un ne porte à faux. La foule préfère cela aux gladiateurs ordinaires et même extraordinaires. Et n'a-t-elle pas raison ? Ni casque ni bouclier qui repousse le fer. À quoi servent ces armures, cette escrime, toutes ces ruses ? À marchander avec la mort. Le matin, c'est aux lions et aux ours qu'on livre des hommes ; à midi, c'est aux spectateurs. " Sénèque, lettre à Lucilius, 7. Traduction J. Baillard, 1914.

Sa construction se fit entre les années 70 et 76 après J.C. et ce fut Titus, en 80 après J.C., qui le dédicaça, à cette occasion, les fêtes durèrent une centaine de jours. Vespasien construisit les deux premiers étages, son fils, Titus, lui adjoignit les deux autres, son autre fils, Domitien, durant son règne, apporta quelques retouches mineures.

Le nom de Colisée ou Colosseum n'apparut pas avant le Moyen Age et pour être plus précis pas avant le XIème siècle, avant il s'appelait tout simplement l'amphithéâtre Flavien. Son nom de Colisée vient d'une statue colossale de l'empereur Néron qui se trouvait à proximité. Lorsqu'à la mort de cet empereur, le Sénat déclara que son souvenir devait être oublié (damnatio memoriae), la tête de la statue fut ôtée et remplacée par celle d'Apollon qui apporte la lumière, elle évoquait, désormais, le soleil. Elle avait trente cinq mètres de haut et c'est l'empereur Hadrien qui la plaça près de l'amphithéâtre.

" Sous la direction de l'architecte Décrianus, il fit déplacer le Colosse de l'endroit où se trouve maintenant le temple de la Ville en le soulevant du sol en position vertical, opération si formidable qu'elle nécessita le concours de 24 éléphants. " Histoire Auguste, Hadrien, XIX, trad. A.Chastagnol, coll.bouquins.

Autre lien avec l'empereur Néron : le monument fut érigé à l'emplacement de la domus aurea, résidence de Néron, qu'il avait fait bâtir à la place de tout un quartier qui avait été rasé pour l'occasion, plus exactement l'amphithéâtre fut construit à l'endroit où se trouvait un lac artificiel devant le palais de Néron.

Ses dimensions étaient impressionnantes. Il avait 57 mètres de haut et 527 mètres de circonférence, il pouvait accueillir entre 50000 et 87000 spectateurs suivants les historiens. Il fallut construire une route d'une largeur de six mètres pour amener les pierres nécessaires à sa construction, elles étaient extraites des carrières de travertin d'Albuae près de Tibur (Tivoli) (tiré du texte de "Les gladiateurs " d'Anne Bernet). Il était en travertin pour sa partie extérieure, en tuf et brique pour l'intérieur. Le dehors était décoré de statues. Il avait quatre étages, chacun d'eux avait une architecture propre. Le premier était d'ordre dorique, le second était ionique, le troisième corinthien et le quatrième était composite. Chacun de ces trois étages était pourvu de statues. Domitien fit orné le quatrième étage de boucliers de bronze. Sur ce même étage était fixé des mâts qui permettait de tendre une toile pour protéger les spectateurs des ardeurs du soleil.

  

Entreprise si formidable qu'il fallait un corps spécial de marins de la flotte de Misène pour le manœuvrer. L'arène par elle-même n'était pas protégée des humeurs du temps.

" Un jour que, pendant l'une de ses fréquentes exhibitions, le peuple l'avait acclamé comme un dieu, s'imaginant que c'était par dérision, il avait enjoint aux soldats de la flotte chargés du fonctionnement des velums pare-soleil de massacrer le peuple romain dans l'amphithéâtre. " Histoire Auguste, Commode, 15, trad.A.Chastagnol, coll. bouquins.

Domitien termina sa décoration et fonda le ludus magnus (école de gladiateurs). Cet endroit était relié au Colisée par des souterrains ce qui évitait un défilé de gladiateurs (pompa), soigneusement gardés, dans les rues de la Ville et d'éventuelles évasions. On a aussi des indications de petits arrangements faits par Nerva et Trajan.

--->  Derrière le Colisée, on voit le " ludus magnus ". Maquette de A. Caron.

Le plancher était fait de bois recouvert d'une épaisse coche de sable, il prit souvent feu. Il recouvrait le sous-sol où étaient entreposé les machineries qui, grâce à un ingénieux système de contrepoids, faisaient surgir du néant de somptueux décors. Et c'est sous Trajan qu'il fut aménagé pour recevoir des animaux. Il disposait de 80 entrées ou sorties, toutes numérotées, à l'exception de 4, plus grandes, qui étaient réservées à l'empereur et à sa suite. Elles étaient toutes conçues de façon à ce que l'édifice puisse se vider en cinq minutes. Celle du nord menait directement à la loge impériale.

La partie réservée aux spectateurs (cavea) était surélevée de quatre mètres au dessus de l'arène. Ils étaient protégés des bêtes sauvages, lors des chasses (venationes), par une espèce de barrière, derrière elle, il y avait un étroit passage pavé de marbre. Les vingt premières rangées étaient en marbre et réservées aux sénateurs qui avaient leur nom gravé sur les sièges. A la mort de l'un, son nom était gratté pour faire place à celui de son successeur. Plus haut étaient les places gardées pour les corporations (du moins le semble-t-il, suivant les historiens). Au sommet existait 5000 places, debout, pour les éléments de la société les plus défavorisés (la vue n'était pas fameuse).

Des parfums étaient pulvérisés sur la foule pour masquer la puanteur dégagée par le sang et les défécations des animaux. Les combats de gladiateurs avaient lieu généralement en fin d'après-midi, le matin était consacré à des scènes de chasse aux bêtes sauvages (venationes), le midi, alors que beaucoup de monde était parti déjeuner, on pouvait assister à des exécution de condamnés.

" Le hasard vient de me conduire au spectacle de midi : je m'attendais à des jeux, à des facéties, à quelque délassement qui repose les yeux du sang humain. Loin de là : tous les combats précédents avaient été pure clémence. Cette fois, plus de badinage : c'est l'homicide dans sa crudité. Le corps n'a rien pour se couvrir ; il est tout entier exposé aux coups, et pas un ne porte à faux. La foule préfère cela aux gladiateurs ordinaires et même extraordinaires. Et n'a-t-elle pas raison ? Ni casque ni bouclier qui repousse le fer. À quoi servent ces armures, cette escrime, toutes ces ruses ? À marchander avec la mort. Le matin, c'est aux lions et aux ours qu'on livre des hommes ; à midi, c'est aux spectateurs. On met aux prises ceux qui ont tué avec d'autres qui les tueront, et tout vainqueur est réservé pour une nouvelle boucherie. L'issue de la lutte est la mort ; le fer et le feu font la besogne. Cela, pour occuper les intermèdes. " Mais cet homme-ci a commis un vol ! - Eh bien, il mérite le gibet. - C'est un assassin ! - Tout assassin doit subir la peine du talion. Mais toi qu'as-tu fait, malheureux, qui te condamne à un tel spectacle ? "

Sénèque, lettre à Lucillius, VII.

Domitien mis à la mode des combats nocturnes et des affrontements de femmes.

" Les chasses aux bêtes sauvages et les combats de gladiateurs avaient lieu la nuit, aux flambeaux ; et l'on vit se mesurer dans l'arène non seulement des hommes, mais aussi des femmes. " Suétone, Domitien, IV.

 

Il fut incendié en 217 et en 250 après J.C., il fut restauré à la suite de tremblements de terre et après avoir été touché par la foudre (Histoire Auguste, vie d'Elagabal + vie d'Alexandre Sévère, 24.)

Le dernier spectacle qui y fut donné le fut par la volonté d'Eutaricus Cilia, gendre de Théodoric, au début du 6ème siècle. Il fut définitivement fermé en 523 après J.C. Bien que, considérablement endommagé par deux tremblements de terre par la suite, il resta debout et durant les XIIème et XIIIème siècles, les familles Frangipani et Anibaldi se battirent pour sa possession car il était devenu un palais forteresse. A la renaissance italienne et dans les années suivantes, il servit de carrière ; mais le 18ème siècle vit commencer sa restauration qui continua les siècles suivants.

Un denier mot sur les chrétiens : au Moyen Age, aucun lien n'était fait entre les martyrs et l'amphithéâtre Flavien, il fallut attendre le 17ème siècle avec le pape Pie V pour qu'une légende naisse racontant qu'ils furent jeter en pâture aux bêtes.

Orientation bibliographique :

Le livre d'Anne Bernet " Les Gladiateurs " est essentiel à la compréhension du monde de la gladiature de Rome.

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