CHEVALIERS

Chevaliers- Classe Equestre = ordo equester

L’origine de cette classe est purement militaire, à sa création, il n’ y avait pas de classe sociale ; il ne s’agissait uniquement que d’une affaire militaire, c’était des Romains qui, au sein de l’armée, à cause de leur richesse, pouvaient entretenir un cheval, ils servaient leur patrie non pas à pieds mais à cheval, ils formaient la cavalerie. Ces equites étaient composés autant de plébéiens  que de patriciens ; c’est seulement en 123  avant J.C., par la lex Sempronia, initiée par Caius Gracchus que l’on commença à parler d’eux comme d’une classe sociales. Avant tout, ils furent des cavaliers au sein de l’armée jusqu’au 2ème siècle  avant J.C.

 

Dans les troupes des premiers temps, avant la réforme de Marius, le soldat devait s’équiper à ses frais. Les riches formaient la cavalerie mais ne l’était pas suffisamment pour tout supporter d’où l’origine du don par l’Etat du « cheval public ». L’Etat prenait à sa charge une grande partie des frais occasionnés par la possession d’un cheval et par son entretien. Léon Homo dans son livre : « Les Institutions Politiques Romaines » pense que les bénéficiaires recevaient une avance forfaitaire de 1000 as pour l’achat de la bête et une indemnité annuelle de 200 as pour son entretien. 

                                                                                      Pour en revenir à leur début, on pense que sous Romulus, ils étaient 300, 100 pris parmi les plus riches dans chacune des trois tribus alors existantes (Ramnes, Tities, Luceres), ils portaient le nom de Celeres et étaient commandés par le tribunus celerum.

CELERES. Les anciens donnèrent ce nom à ceux que nous appelons aujourd'hui chevaliers, de Celer, meurtrier de Rémus, qui, dans le principe, fut mis à leur tête par Romulus ; ils furent, dans l'origine, choisis au nombre de dix par tribu ; ils étaient donc en tout trois cents. FESTUS.

…il était surtout aimé des soldats. Il en avait choisi trois cents, qu'il appelait Célères, pour garder sa personne, et il les conserva toujours, non seulement durant la guerre, mais encore pendant la paix. Tite Live, I, 15.

…il donnait ses audiences assis sur un siège renversé, et entouré de ces jeunes gens qu’on appelait Célères, à cause de leur promptitude à exécuter ses ordres. Plutarque, Romulus, 26.

On a dit d’eux qu’en même temps qu’ils étaient dans l’armée, ils servaient de gardes du corps ou d’escorte à Romulus. Ils étaient divisés en 10 turmes (escadrons) de trente hommes chacun.

                                                                     Puis sous Servius Tullius leur nombre augmenta, ils formèrent 18 centuries, elles furent incorporée dans la première classe du peuple, celle des plus riches, celle qui votait en premier. Jusqu’à la seconde guerre punique, ces cavaliers recevaient une solde trois fois supérieure à celle des troupes à pieds. La complète organisation de ce corps de cavalerie serait du au roi Servius Tullius bien que Cicéron l’attribue à Tarquin l’Ancien.

« Aux premières compagnies équestres Tarquin en ajouta de nouvelles, et le nombre des chevaliers fut alors de douze cents; mais il le doubla après avoir soumis les Èques… » Cicéron, de la République, II, 20.

                                                                     Puis vint la République où ces cavaliers furent organisés définitivement en classe sociale (ordo). Ils devinrent la première classe du pays puisque les sénateurs étaient issus de leur rang. Ils devaient avoir un patrimoine (cens) de 400.000 sesterces depuis le dernier quart du 2ème  avant J.C. Ils se reconnaissaient au port, sur la tunique et/ou sur la toge d’une étroite bande pourpre (angusticlave) et arboraient au doigt un anneau d’or.

« Le titre de chevalier, dû jadis au cheval militaire, est maintenant attribué à un certain cens… »  Pline l’Ancien, XXXIII, 29. Ils représentaient la partie politique de la classe possédante.

Ils étaient choisis par les censeurs qui désignaient ceux qui devaient recevoir le « cheval public » et tous les 5 ans, ils devaient se réunir au Forum pour être passer en revue ; théoriquement ces vérificateur de l’ordre moral pouvaient remettre en cause l’appartenance à cette élite des enfants des chevaliers, en pratique, ils ne le faisaient quasiment jamais et l’on vit ainsi naître une nouvelle noblesse. Les censeurs les examinaient pour s’assurer qu’ils étaient toujours dignes de leur equus publicus (cheval public). C’est ainsi qu’un jour Pompée se présenta avec son cheval (il était issu d’une famille équestre).

« C’est l’usage à Rome pour les chevaliers, quand ils ont servi pendant la durée légale, d’amener chacun son cheval au Forum devant les deux magistrats qu’on appelle censeurs. Quand ils ont énuméré les chefs et les généralissimes sous les ordres desquels ils servaient, et justifié de leurs campagnes, on les congédie, non sans les avoir, selon leur conduite, honorés ou marqués d’infamie. Ce jour-là, précisément, les censeurs Gellius et Lentulus siégeaient revêtus de leurs insignes, et le défilé des chevaliers à examiner se poursuivait, quand on vit Pompée descendre sur le Forum dans tout l’appareil de sa dignité, mais conduisant lui-même son cheval à la main. Quand il fut près des censeurs et qu’on put le voir, il fit écarter ses licteurs et amena le cheval devant l’estrade. Le peuple émerveillé gardait un profond silence à cette vue, qui pénétra les deux magistrats de respect et de joie. Le censeur le plus âgé lui posa ensuite cette question : « Je te demande, Pompée le Grand, si tu as bien fait toutes les campagnes requises par la loi. » Pompée répondit à haute voix : « Je les ai toutes faites, et toutes sous mon propre commandement. » Cette déclaration souleva l’enthousiasme du peuple, dont on ne pouvait arrêter les clameurs joyeuses. Mais les censeurs se levèrent et reconduisirent Pompée chez lui, à la grande joie des citoyens, qui suivaient en battant des mains. »  Plutarque, Pompée, 22.

Ils reprenaient la monture de ceux qu’ils désignaient comme infâmes ou indignes de servir l’Etat.

« À Rome, dès l'entrée en charge des nouveaux tribuns du peuple, L. Métellus, l'un d'eux, cita devant le peuple P. Furius et M. Atilius, les deux censeurs. (3) L'année précédente, quoiqu'il fût questeur, ils lui avaient ôté son cheval, l'avaient chassé de sa tribu, et mis au rang des contribuables, parce qu'il avait formé à Cannes le complot d'abandonner l'Italie. » Tite Live, XXIV, 43.

« En faisant la revue des chevaliers, les censeurs privèrent Scipion l'Asiatique de son cheval. »  Tite Live, XXXIX, 44.

Il y avait une liste d’attente pour pouvoir au remplacement d’un equites renvoyé de sa caste.

Le jour où l’on honorait les Dioscures (les dieux Castor et Pollux), ils défilaient, montés sur le « cheval public » ; ceux qui étaient âgés de plus de 35 ans étaient dispensés de cette chevauché.

« Il passa souvent en revue les chevaliers, et rétablit leur marche solennelle au Capitole, qui était tombée en désuétude depuis longtemps; mais il ne souffrit pas que, pendant cette marche, un accusateur pût, comme autrefois, faire descendre un chevalier de son cheval. Il permit à ceux qui étaient vieux ou mutilés d'envoyer leur cheval à leur rang, et de venir répondre à pied, si on les citait. Bientôt aussi ceux qui avaient plus de trente-cinq ans obtinrent la faveur de vendre leur cheval, s'ils ne voulaient pas le garder. » Suétone, Auguste, 38.

---> Dioscures (Dioscuri).

Auguste remit au goût du jour cette parade du 15 juillet (ides) (tranvectio equitum) tombée en désuétude ; marchait à leur tête, le prince de la jeunesse qui étaient deux à cette époque (Caius et Lucius, petits fils de l’empereur).

« …car il avait fait entrer dans la famille des Césars Caius et Lucius, fils d'Agrippa,  qui, même avant d'avoir quitté la robe de l'enfance, furent nommés princes de la jeunesse… »  Tacite, Annales, 1, 3.

Au temps de l’Empire, ce sont les chevaliers ou plutôt les plus jeunes d’entre eux qui élisaient ce prince de la jeunesse.

Ce jour là, ils défilaient la tête ceinte de branches d’oliviers portant un vêtement spécial (trabea, qui était une toge ornée de raies de couleur pourpre) sur lequel se voyaient toutes leurs décorations. Selon Tite Live, cette procession annuelle daterait de 304  avant J.C. « C'est le même, (Fabius Maximus) dit-on, qui institua, pour l'ordre équestre, la cavalcade des ides de Quinctilis. » IX, 46.  mais selon Denys d’Halicarnasse, elle aurait lieu en mémoire de la bataille du lac Régille (en 499  avant J.C., bataille qui vit s’opposer Romains et Latins, ces derniers conduits par Tarquin le Superbe, chassé de son royaume et qui essayait de le reconquérir.) : « En souvenir de l’extraordinaire apparition de ces dieux, plusieurs monuments à Rome ont été érigés, pas seulement le temple de Castor et Pollux , édifié sur le Forum, à l’endroit où ils firent s’abreuver leurs montures et la fontaine adjacente portant leur nom. Ce jour est considéré comme sacré, de coûteux sacrifices sont offerts par le peuple au mois de juillet, aux ides de ce mois, jour où du avoir lieu cette victoire. Mais par-dessus tout, il y a cette procession qui se fait après le principal sacrifice par ceux qui ont le cheval public, ils sont rangés par tribus et par centuries, défilant sur leur monture comme s’ils venaient de la bataille, la tête couronnée de branches d’olivier, parés d’une robe pourpre aux raies écarlates qui se nomme « trabae ». VI, 13.

                                                                     Officiellement, ils n’avaient aucun poids politique, la seule petite percée qu’ils eurent sous la République leur fut donnée par Caius Gracchus qui les appela pour siéger comme jurés

« A la même époque, sur l'initiative de Cotta, le pouvoir judiciaire que Caïus Gracchus avait arraché au Sénat pour le donner aux chevaliers et que Sylla avait enlevé à ceux-ci pour le rendre au Sénat, fut partagé également entre les deux ordres. Othon Roscius fit une loi qui rendit aux chevaliers leurs places dans le théâtre. »  Velleius Paterculus, II, 32.

 à la place des sénateurs qui étaient considérés comme trop laxistes, en particulier envers les anciens gouverneurs de province, accusés de diverses malversations durant leur mandat. Sylla rendit leur prérogative aux sénateurs mais bientôt, sous le consulat de Pompée, une loi de Lucius Aurelius Cotta redonna aux chevaliers la fonction de jurés. En 17  avant J.C., par une réforme d’Auguste, ils furent répartis en 4 décuries de 1000 membres chacune.

Dans les derniers temps de la République, il devait rendre leur « cheval public » en rentrant au Sénat ce qui montre bien qu’un sénateur avant d’entreprendre une carrière politique appartenait à l’ordre équestre. A la même époque, après Sylla, on peut les chiffrer à 20.000.

Leur ordre se composait d’hommes d’argent comme de grands propriétaires terriens. Mais on les connaît beaucoup plus comme des affairistes, la terre étant l’apanage des sénateurs. 

                                                                     Sous l’Empire, ils devinrent de parfaits fonctionnaires et occupèrent des fonctions que ne pouvaient exercer les sénateurs qui ne devaient avoir que des revenus provenant de la terre. C’est ainsi qu’ils devinrent publicains (collecteurs d’impôts), banquiers, marchands, commerçants, etc…

Leur carrière au service de l’Etat devait obligatoirement commencer par un service militaire, organisé officiellement par Claude qui mit en place trois années (tres militiae) où ils étaient tribuns angusticlaves dans les légions, officiers de troupes auxiliaires ou commandant d’une aile de cavalerie ; puis au sortir de l’armée, ils devenaient procurateurs financiers, fiscaux, gouverneurs de provinces procuratoriennes. Le sommet de leur carrière étant la préfecture des vigiles, celle de l’annone, celle d’Egypte et le couronnement : celle du prétoire, ce préfet va se mêler de tout, il va avoir une influence de plus en plus marquée. Ils vont donc constituer une caste de fonctionnaires et suivant leur charge, ils vont toucher un salaire annuel qui leur donner une appellation : on nommait ainsi sexagenari ceux qui percevaient 60.000 sesterces, centenarii pour 100.000 sesterces, ducenarii pour 200.000 sesterces et trecenarii pour 300.000sesterces. A partir de la fin du 2ème siècle après J.C., ils vont se parer de titres ronflants ; ils vont être egrigius vir avec le règne d’Hadrien, puis perfectissimi viri et eminentissimus vir pour la préfecture du prétoire. Avec l’Empereur Hadrien qui fit beaucoup pour eux, ils vont se rapprocher encore du pouvoir en prenant des places jusqu’alors détenues par les affranchis impériaux. Jusqu’alors, ils n’avaient que peu de privilèges comme, sous Auguste, d’avoir des places réservées, au théâtre comme au cirque, dans les 14 premiers rangs juste derrière les sénateurs.

Sous Tibère, l’ordre fut purgé de certaines personnes indésirables qui avaient pu s’y infiltrer.

« Un décret fixa le droit de porter l'anneau, sous le consulat de C. Asinius Pollion et de C. Antistius Vetus, l'an de Rome 775. Chose étrange, ce fut un incident presque futile qui donna lieu à ce changement : C. Sulpiciius Galba, un jeune homme qui cherchait à se faire un nom auprès du prince en poursuivant les tenanciers de tavernes, vint se plaindre au Sénat, disant que les délin­quants échappaient d'ordinaire à la condamnation grâce à leur anneau ; sur quoi il fut statué que nul n'au­rait le droit de porter l'anneau si lui-même, son père et son aïeul paternel n'étaient pas de condition libre, s'il ne possédait quatre cent mille sesterces de bien, et s'il n'était pas, aux termes de la loi Julia sur les théâtres, admis à s'asseoir dans les quatorze premières rangées de sièges…et qu'on voit de toutes parts des gens ne faire qu'un saut de l'esclavage à l'anneau d'or... » Pline l’Ancien, Histoire Naturelle, XXXIII, 8.

   

De plus en plus, surtout au cours du IIIème siècle après J.C., la prépondérance des chevaliers va s’accentuer au détriment des sénateurs. L’ordre équestre va même accueillir en son sein d’anciens centurions qui en avaient terminé avec la carrière des armes ; les empereurs vont donner une certaine somme d’argent pour permettre à ces soldats d’atteindre le « cens » nécessaire et demandé pour être chevaliers. Il y a donc une grosse différence de fortune entre les equites, par exemple sous les Antonins, on peut dire qu’il n’y avait que 550 d’entre eux qui formaient une élite ; rapprochons ce chiffre au 20.000 de la fin de la République et pensons qu’à travers le temps, il ne fit que s’accroître.

    

Il ne faut pas oublié les provinces, de nombreux chevaliers faisaient partie des dirigeants (décurions) des villes de l’Empire, en Italie comme ailleurs. Pour corriger l’importance donnée à la classe équestre sur la classe sénatoriale, on vit au Bas Empire les chevaliers perdrent peu à peu de leur importance, un exemple frappant en est donné à l’époque de Constantin où le préfet du prétoire, charge jusqu’alors réservée à un chevalier, est confiée à quelqu’un de la classe sénatoriale. Les chevaliers ou les sénateurs, peut importe à cette époque, seule les capacités de chacun sont prises en compte par l’empereur, le maître mot en la matière est : possibilités et/ou capacité.

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